even when i look away i am still looking (roisin)

Pendues au ciel, ne restait que le désastre de ces célestes lueurs en chute permanente loin des effets de cette gravité écrasant leurs enfants foulant la terre de leurs pas. A même l’étoffe de la sorgue, brillant de ces flammes sans feu, elles se faisaient bonnes étoiles, guides au gré des marées. Elles voguaient à la dérive, bateau sans voile, existant à jamais dans les yeux de ceux capables de les contempler. Les talons claquaient nonchalamment le pavé de ces ruelles sombres, l’homme épaulant avec insolence sa cape imbibée de l’encre obscure d’un ciel nocturne qu’il contemplait, songeur. Peu importait où le Malfoy se rendait, ce qui le lacérait en dedans, ce dernier ne manquait jamais d’arborer ses peintures de guerre. L’éclat de son atour une lame qu’il s’entêtait à policer jusqu’à la folie, l’envers des sutures une vision d’extase pour ceux capables de trouver la faute dans l’habit. Ceux capables de frôler du bout des doigts les coutures si soigneusement camouflées sous le vernis. Marin sans mer, égaré au gré de ces marées d’écume, le blond s’échoua à même le Chaudron Baveur un sourire trop plein d’aisance à même ses lippes voracement étirées.
Phineas n’avait jamais été le genre d’individu à aimer sa solitude. Toujours pressé dans l’ombre de son aîné, entouré de ses plus proches amies, ce dernier fuyait les landes arides de ce néant peuplant sa trachée. Fuyait le poids de ces silences qu’il ne pouvait assumer. Installé dans un coin de l’édifice, deux verres pleins lui faisant face, il savait les travers de ses habitudes. Savait en quelle mesure les yeux s’attardaient sur sa chevelure une fois le bruit arraché à ses lippes fendues. Savait ne pouvoir être laissé seul avec ses pensées quand bien même il ne s’agissait que d’attendre la Whelan à peine plus d’un instant. L’homme était doté d’une finesse extravagante, déjà adolescent le Malfoy savait que dire aux demoiselles prêtes à tout pour s’arracher les miettes de son attention. Il savait comment leur arracher rires et soupirs, faire naître en leurs bustes plaisir et larmes. Comment leur offrir l’attention qu’elles attendaient quand bien même il ne s’agissait que d’un moyen de tromper l’ennuie pour lui. La tache devenue un art pour le garçon devenu homme. Pour celui qui, jouissant de la grâce du temps, n’avait rien perdu de son physique d’éphèbe.
La serveuse reposant gracieusement dans la poigne de sa main, Phineas se perdait au détour de ses mots. Tous ces mots qu’il prononçait pour que jamais ne vienne le silence, que jamais ne s’invite l’absence. Toutefois, peu importait à quel point ses moeurs étaient légères, il était trois femmes en sa vie qu’il ne duperait jamais. Trois sylphides pour lesquelles il laissait tout tomber sans une once de regrets. Même la plus aisée des proies. “J’attends quelqu’un, mais...” Ses prunelles s’arrêtant sur la silhouette de Roisin, ses traits se détendirent tandis qu’apparaissait à même son faciès les germes d’une douceur autrement absente. Se contentant de contempler son amie, il ne manqua pas la lueur éclairant les prunelles de la sorcière alors qu’elle le découvrait, les germes d’une irritation amusée balayant celle-ci une fois qu’elle découvrait l’inconsciente piégée dans les filets de son ami. Roisin s’asseyait et Phineas arborait un sourire en coin, haussant un sourcil, tandis qu’il lançait entre eux. “Quoi? C’est elle qui a insisté pour me tenir compagnie en t’attendant.” Phineas savait le danger de son comportement inconscient. À flirter avec l’abysse, il était inéluctable que le néant finisse par flirter avec sa carne. Que les langues se délient et qu’un jour s’élèvent murmures consternés et bruits de couloir. En attendant, gouvernant d’une main de fer son existence, le blond ne se souciait de ces risques, pleinement conscient qu’il maîtrisait parfaitement son image. Peut-être trop parfois. “Si tu ne m’avais pas sauvagement fait attendre, je ne me serais jamais retrouvé dans pareille situation!” Les mots étaient tranchants quand pourtant la voix était rieuse. Ils savaient, tous les deux, les travers du jeune homme. D’un regard langoureux s’attardant à même le visage d’une serveuse, un sourire éclatant adressé à une inconnue, il était irrécupérable. Pourtant, il ne cesserait jamais de s’en défendre et pourquoi pas de divertir Roisin par la même occasion. Pourquoi pas se divertir lui-même de ce qu'il ne pouvait éviter

Au moment où Roisin pénètre dans l'antre du Chaudron Baveur, le froid qui lui brûle les joues commence à se dissiper sous le joug de la chaleur moite qui règne dans le pub. L'odeur de bière lui picote les narines, réminiscences d'un temps où boire une pinte semblait être un acte aussi innocent que d'avaler une bouchée d'hostie. L'Irlande dans la peau, et l'alcoolisme notoire en étendard ; stéréotype dont elle n'a guère conscience, ayant été malgré elle sevrée par son changement de vie. Pourtant, voir les coudes se soulever, coude pointé vers le plafond et gosier renversé, et entendre les rires s'entrechoquer, lui serre la gorge sous l'impact d'une myriade de souvenirs joyeux, bien que flous. Une jovialité romanesque qu'elle chérit avec une énergie démesurée ; autant que la silhouette de Phineas Malfoy, dont les doigts semblent être curieusement occupés par l'attrait d'une serveuse. Esquissant un sourire en coin qu'elle ne prend même plus la peine de réprimer, Roisin défait son écharpe et enlève le long manteau dans lequel elle s'était enveloppé, laissant à son acolyte le temps de terminer ses méfaits. En profite également pour perdre son regard parmi la plèbe, à laquelle elle a l'impression d'appartenir encore, cependant consciente que son temps parmi eux est révolu. Ils n'ont qu'à jeter un œil au tatouage ornant son poignet, témoin de sa soumission, pour le comprendre.

Tandis qu'elle se glisse aux côtés de Phineas, déposant sur le dossier de sa chaise son attirail hivernal, Roisin salue silencieusement la serveuse qui s'empresse de s'échapper, non sans mal. Accueillie par la mauvaise foi de son ami, teintée d'un humour qu'elle apprécie et qui la fait rouler des yeux, la jeune femme observe la silhouette de la muse. « Je suis certaine que tu te serais retrouvé dans cette situation, même si j'avais été là. » Commentaire marquant de simplicité, mais d'une vérité commune qui les poursuit depuis l'adolescence. Comme une compréhension sous-jacente que Roisin n'a jamais cherché à questionner. A quoi bon ? That's why we love him, I suppose. Non – à vrai dire, elle en est sûre. « Invite-la à boire un verre avec nous après son service, si ça te démange. » Paupières qui se plissent, et espoir qu'il lui réponde par la négative.

« Hestia compte nous rejoindre ? » s'enquiert Roisin en portant son attention sur le menu, dressant le profil de quelques boissons. Puis remarque le verre plein qui lui fait face, habitude bien trop connue de son camarade. Elle esquisse un sourire aimable. « Tu m'invites, bien évidemment. » souffle-t-elle – taquine, sans trop l'être. Se disant que la fortune des Malfoy peut contribuer à épancher sa soif – à la réflexion, elle le mérite amplement après avoir passé de longues heures au chevet de Laserian. Secret qu'elle est obligée de passer sous licence, pacte scellant ses lèvres et la condamnant à mort si jamais elle évoque le sujet de la lycanthropie du Malfoy. Roisin se perd toutefois dans les mensonges et les dissimulations. Mentir à Phineas la blesse, surtout puisqu'il s'agit de son aîné. « Tu vas bien ? Tu as l'air...étrange, Phin. » ou peut-être ne voit-elle sur les traits de son fasciés pâle qu'une projection de sa propre culpabilité. Elle ne parvient pas forcément à mettre le doigt sur ce qui la tracasse ; sans qu'elle ne s'entête, Roisin se sent toutefois la mort dans l'âme.

Peut-être sait-il pour Laserian.
Peut-être a-t-il compris sa traîtrise.

But I sincerely hope not.

Aussitôt, les rouages se mettent en route et Roisin imagine mille et une explications. Toutes semblent justifier un tel secret, mais aucune ne pourrait suffisamment témoigner de ses fautes qu'elle ne parvient pas à endosser pleinement. Evidemment, il va penser que j'ai entraîné Hestia là-dedans. Absorbée par la contemplation de son amitié qui semble prendre un tournant hors du commun, Roisin boit une gorgée de bière, noyant ses craintes dans l'amertume de la boisson. Battant des cils, innocence esquisse dont elle souhaite se vêtir jusqu'à la mort. Mais dans les tréfonds de ses non-dits, la née-moldue sait que la vérité lui alourdit le cœur.