natsukashii / (lydabel)

Sa baguette était dans sa main : on aurait presque pu la penser un couteau entre les phalanges prêtes à se saccager les veines, Lydia, mais il n'y avait que ce cercle obscur qui emprisonnait sa liberté qu'elle visait, ce matin là. Et c'était bien plus que de l'exemption dont lui privait la marque, car la magie s'était faite si faible depuis qu'on lui avait apposé, si bien que la baguette ne ressemblait plus qu'à un bout de bois sans intérêt dans sa paume abîmée à force de trop la serrer. Et elle n'en pouvait plus, il fallait qu'elle s'en débarrasse, comme une pulsion sauvage de liberté qui lui avait enserré les veines. Elle en était donc là, la gamine, prête à user de ses dernières ressources pour se débarrasser du sceau.

La douleur fut instantanée.

Comme un éclair qui lui aurait traversé le corps, elle comprenait enfin l'effet de la magie noire sur un être humain. Et peut-être bien que les cris avaient brisé le ciel, elle ne s'en souviendrait pas Lydia, mais rapidement les dernières forces ont fini par quitter cette silhouette chétive alors que le vermeil s'écoulait déjà de son bras victime de ses sorts. Qu'avait donc elle fait ? Rien, si ce n'est sceller son destin tout en prononçant un enchantement prohibé. Rien, si ce n'est se heurter le cœur et le blesser bien plus qu'il ne l'était déjà. Rien. Elle n'avait rien fait, Lydia. Si ce n'est se trahir elle même, s’enterrer sous terre. Et il était trop tard pour regretter les gestes, parce que la marque avait déjà été attaquée par ses sorts bequilleux et jamais assez puissants

Il était déjà trop tard.
Il n'y avait plus que le noir.

Puis la douleur, une fois encore, celle-ci même qui la réveilla du malaise passager dans un cri de souffrance ; il ne lui fallut pas longtemps avant de remarquer la présence d'Abelforth à ses côtés. Mais l'esprit était encore bien trop confus, presque endormit, si bien qu'elle aurait pu se risquer à sombrer de nouveau pour ne pas affronter les conséquences de son acte désespéré. N'était-elle pas déjà morte ? Non pas encore. (Pas encore). Et il lui fallut quelques minutes de plus avant de reprendre partiellement conscience,  tout juste assez pour que le regard se porte sur son avant bras saccagé. Le cercle noir qui transparaissait au delà de la chair abîmée et du sang frais était resté intact : et au final, tout cela n'aura servit à rien si ce n'est gâcher ce qu'on lui avait offert. Une liberté ; elle n'en aura plus. « Je voulais juste être libre, Abel. » Et elle aurait voulu que la voix ne se brise pas, mais il y avait comme un je ne sais quoi qui semblait s'être détruit ; peut-être comprenait elle enfin que, cette fois, il n'y aurait personne pour la sauver. « Ils vont venir, n'est-ce pas ? » Et sur ces mots, elle a enfin prit le temps de regarder cet homme qui l'a délivré d'une servitude certaine. Abelforth. Et comment aurait-elle fait sans lui quand le corps du père a été décimé dans l'arène et qu'il n'y avait plus personne pour veiller sur le sien ? Et comment ferait-elle, maintenant que ses iris trahissaient pour lui une réalité qu'il n'osait dire tout haut ? Celle qui dévoilait qu'ils étaient en chemin. Qu'ils arrivaient pour la prendre. Et que personne, ni elle ni lui ne pourraient les en empêcher. « Ne les laisse pas me prendre, tu l'as promis à mon père, tu peux pas m'abandonner. » Il n'y avait aucune détresse dans sa voix, seulement la colère de s'imaginer qu'il n’essayerait pas la protéger. Et peut-être aussi qu'elle essayait ici de jouer avec ses sentiments. Qui serait-il pour l'abandonner, alors qu'on lui avait fait promettre de la protéger d'un monde injuste et meurtrier ? Et elle est égoïste, Lydia, penserait presque que le monde est déterminé à la sauver. Mais ce jour là, il n'y avait plus personne. Plus depuis sa mort, elle était seule. Elle le sera toujours.

Il ne la sauvera pas.

Colère.
Il était en colère contre la gamine qui ne savait que suivre ses instincts là où il essayait de lui enseigner la raison. Jamais elle ne le consultait, jamais elle n’acceptait de lui ouvrir un peu son cœur, son esprit. En colère parce que malgré tout le réconfort et la bienveillance qu’il essayait de lui apporter, elle le fuyait, le rejetait, n’acceptait pas cette main qu’il lui tendait. Et malgré ça, il sentait comme ce lien inébranlable qui le rattachait à la jeune femme, celui de la loyauté, de l’honneur, le besoin d’aider son prochain, de défendre la veuve et l’orphelin.

« Je voulais juste être libre, Abel. » Un souffle, un murmure. Que pouvait-il répondre à ça ? Il se calma et baissa le regard, résigné. Non, il ne pouvait pas lui en vouloir. Il ne pouvoir pas lui en vouloir de refuser cette pression qu’on lui imposait, de s’opposer à cette condition humiliante apposée dans le creux de son poignet. Il ne pouvait pas lui reprocher l’insoumission, la méfiance, la haine, la colère. Face à toute cette injustice, il n’était personne pour l’empêcher d’agir, pour la blâmer de vouloir se délier de ses chaînes brûlantes, assoiffée de vengeance. « Excuse-moi. » L’aveu était poignant, et alors qu’il avait enfin réussi à stopper l’hémorragie, il lâcha son petit corps frêle, trop maigre, trop pâle, et s’assit à côté d’elle, un instant.

Il ne savait pas s’ils allaient venir. Certainement. Et il était trop tard pour s’enfuir. Lydia était trop faible pour risquer un transplanage. Personne ne leur viendrait en aide. Face à sa propre impuissance, Abelforth se prit la tête entre les mains. Au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher de penser que s’ils en étaient là, c’était par sa faute. Que si elle n’avait pas poussé sa magie dans ses retranchements, il ne serait pas en train d’essayer de la sauver, encore une fois. Sachant très bien que, la raison brouillée par l’émotion, sa rage s’orientait vers la mauvaise personne. Ils étaient l’origine de tous ces tourments. De tous ces démons qui hantaient Lydia, et qu’il aurait tant aimé comprendre, apprivoiser, pour la guider sur un chemin plus lumineux, là où lui-même, des années auparavant, on lui avait montré la voie de la rédemption.

« Ne les laisse pas me prendre, tu l'as promis à mon père, tu peux pas m'abandonner. » Il la regarda dans les yeux, broyant le bouchon de la fiole qu’il avait vidé sur l’avant-bras de la née-moldu. Rares étaient les moments où Abelforth sentait ses émotions prendre le dessus sur la personnalité calme et distinguée que tout le monde lui connaissait. Il allait perdre le contrôle, et regretter aussitôt son courroux abattu. « Et alors quoi, Lydia ? Des Aigles vont certainement débarquer d’une minute à l’autre, pour venir te chercher, pour te punir. Parce qu’ils te puniront, ne comprends-tu pas pourquoi je cherche à te protéger du monde extérieur ? ll n’est que pourriture et cruauté. Tu n’as pas ta place dans leur monde. » Les paroles étaient crues, mais débordante de vérité. Peut-être l’avait-il justement trop éloignée de cette réalité qui répandait la misère, dehors. Peut-être avait-il trop cherché à lui offrir un paradis au milieu des carcasses et de la puanteur, peut-être avait-il trop cherché à préserver sa triste beauté dans ce monde de laideurs. Aujourd’hui, ils payaient tous les deux le prix de ce paquet d’erreurs. « Tu les as appelés, ils ne manqueront pas de répandre leur poison. » Il lui accablait la responsabilité, sans vraiment réfléchir. Peut-être pour la faire réagir, un peu. Il était trop tard, de toute façon.

Si seulement elle l’avait écouté, si seulement elle l’avait vu comme une ressource, un ami, un allié. Il secoua la tête, paniqué par ce qui pouvait désormais lui arriver. Son sort n’était plus entre ses mains, elle avait redistribué les cartes, et elle le savait très bien. Son égoïsme le blessait. « Ne suis-je réellement rien de plus à tes yeux qu’une baguette pour te défendre ? » Là où lui avait vu la fille de son ami, l’humaine derrière ces airs de bêtes sauvages, la détresse derrière cette langue de vipère. « Que suis-je censé faire désormais ? Combattre pour te sauver, fuir, abandonner toutes ces autres personnes qui attendent également de l’aide ici ? » Elle avait déjà été sauvée, chacun son tour. Depuis deux mois, il agissait dans l’ombre, offrant son aide à nés-moldu et hybrides aux âmes en perdition, les escortant jusqu’à la forêt des Lovegood où ils pouvaient bénéficier de soins grâce à Huojin, et être en sécurité. Pouvait-il réellement se permettre de griller sa couverture, et abandonner tous ces autres malheureux à leur funeste sort, pour éviter d’autres souffrances à Lydia ?
 

Il s'agissait de bien plus que de la colère désormais. C'est une rage amère qui fait bouillir le cœur, qui dicte chacune de ses paroles, qui la rend encore plus égoïste, qui s'impose comme instinct de survie. Elle se pensait souveraine d'un monde qu'elle n'a jamais contrôlé, Lydia, un peu instable, un peu idéaliste. Elle se pensait à l'abris des horreurs, des péchés, de la souffrance à ses côtés, parce que le corps n'était pas asservit et que la magie était encore à sa portée. Et puis tout s'est écroulé quand le père a péri, et une seconde fois quand la marque a été apposée. La réalité a frappé l'esprit bien trop fort pour que l'inconscience ne la rattrape pas. Elle est sauvage Lydia. Elle a laissé la rage la guider, faire perler l'ichor sans même pouvoir se libérer. Elle a laissé les syllabes s'écraser contre la langue et faire s'effondrer le monde sous ses pieds. Elle n'a ménagé aucun cœur ; ni le sien, ni celui qui lui fait face. Et maintenant que les mots ont été prononcés, la colère gronde. Comme un ouragan sans couleur, il s'abat sur leurs âmes et ils n'en contrôlent pas même la portée. Et les paroles font rage. Sont sauvages.

« Tu les as appelés, ils ne manqueront pas de répandre leur poison. » Et cette vérité, aussi poignante qu'elle soit, elle la connait déjà, Lydia. Mais là où il a tord, Abeltorth, c'est que le poison, il est déjà dans les veines. Le poison, c'est ce sang qui s'y écoule et qui lui a causé déjà bien des souffrances. Ce matin, il repeint de sol de sa couleur vermeille, tache l'âme et marque l'épiderme. Tout ça parce qu'elle a refusé d’accepter la sentence qui s'est abattue sur son corps, et qu'il ne s'agissait que de s'en libérer. De masquer que le sang vaut bien plus que du cruor maculé ; mais la marque qui a persisté sur l'avant bras ne trompe pas. Elle ne vaut rien, Lydia. Et pourtant, elle semblait signifier quelque chose à ses yeux. Mais lui aussi, elle l'a perdu.  

« Ne suis-je réellement rien de plus à tes yeux qu’une baguette pour te défendre ? » Il lui expose ici une réalité qui semble pourtant erronée aujourd'hui. Il l'était. Les premiers jours, les premières semaines. Il n'était rien de plus qu'un bouclier sur qui se reposer, une couverture pour se protéger de démons qui se seraient arrachés son corps s'il n'avait pas été là. Elle a passé sa rage contre cet homme parce que personne d'autre n'était là pour l'écouter. Il avait été un ami, un protecteur quand il n'y avait plus que le silence et la solitude à ses côtés. Il avait été un père quand le sien s'est effacé dans l'oubli. C'est maintenant qu'elle le comprend. « Non. » La voix se brise, enfin. C'est la première fois qu'il témoigne de ses larmes, Abelforth, parce qu'elles n'ont jamais coulé devant lui, pas même lorsque le père est mort et que lui, il a été le premier à la soutenir. Lydia ne pleure pas. Jamais. Elle laisse la rage bouillir pour que la tristesse ne vienne pas entacher le cœur. Pourtant les perles cristallines viennent marquer les joues et les nacrer d'opaline comme pour témoigner d'une césure dans le myocarde. « Je suis désolée. » Elle prononce les mots comme pour s'en convaincre elle même, comme une mélodie qui pourrait changer l'avenir. Il n'y a plus d'avenir. Il a été brisé dès l'instant où le sort a tranché l'épiderme, où le sceau a été scellé. Et ses mots ne peuvent rien faire contre la lucidité de la situation, il n'y a pas d'espoir pour cet enfant du désespoir. Et que pouvaient-ils faire ? Que ferait-elle ? Ne serait-ce pas plus simple d'en finir dès maintenant, tant que l'esprit est encore assez endormi pour que la souffrance n'accompagne pas la mort ? Non. Elle ne mourrait pas. Pour lui. Pour ce père dont la promesse réside au milieu des étoiles.  Elle n'a pas d'autre choix que de survivre un peu plus longtemps avant que la chute ne s'impose à elle sans qu'elle ne puisse s'en délivrer. « Ne fais rien, je m'en sortirais. »

Comme je l'ai toujours fait.

Abel était dur, trop dur peut-être. Mais l'égoïsme et l'irresponsabilité de Lydia le mettaient hors de lui ; elle se mettait en danger, et au-delà de ça, elle le mettait en danger. Il s'en voulait de ne pas être à la hauteur. Pour l'apaiser, pour la protéger. Il avait échoué. Bientôt, des Aigles viendraient toquer à sa porte, ou peut-être la défonceraient-ils. Ils l'emporteraient. Ils le savaient tous les deux. Un regard suffit.

La déception. Blessé. Ce n'était pas le moment, et pourtant, il l'était, blessé, déçu. Ce n'était vraiment pas le moment de demander des comptes, et pourtant, y avait-il une issue ? Lydia était encore si faible. Il ne savait même pas si elle survivrait à l'arrivée des sbires de Grindelwald. Ils la puniraient certainement, à coups de Doloris ou pire encore. Alors, l'aveu passa la barrière des lèvres de la gamine. Non. Non, il n'était pas juste un bouclier pour elle. Non, il n'était pas juste une baguette pour la protéger. Non, il n'était pas juste un pantin dont elle se servait, dans son péché. Il était plus que ça. Et elle était désolée. Les yeux embués, Abel sentit la colère s'estomper. Pour laisser place, entièrement et terriblement, à la peur. A la détresse. De toute évidence, ils n'avaient aucune issue. Elle n'avait aucune issue. Lui pouvait mentir, courber l'échine, comme il le faisait si bien depuis toujours. Un soupçon de honte lui fit tourner le regard.

« Ne fais rien, je m'en sortirais. » Il resta silencieux un instant. Que pouvait-il faire, de toute façon ? Fuir ? Il lui avait lui-même dit. Fuir, c'était abandonner toutes ces personnes qui avaient besoin de lui. Fuir, c'était abdiquer, c'était abandonner, c'était accepter. Trop longtemps, il avait accepté ces doctrines imposées, ne levant pas le petit doigt face à l'injustice. Il avait aujourd'hui le pouvoir de sauver des vies ; mais pas celle de Lydia. Peut-être un retour de karma. Peut-être le destin qui lui rappelait que personne n'était intouchable, dans cette guerre. Qu'ils n'épargneraient personne. Il secoua la tête, appuya ses paumes contre ses tempes. Il pouvait très clairement imaginer ce qui attendait la japonaise, et cette idée le rendait fou. Il avait échoué.

Etait-ce réellement pour le sort de Lydia qu'il s'inquiétait ?
Ou pour cette promesse rompue, non honorée ?

Soudain, des pas lourds dans le couloir. On montait les escaliers. Ils arrivaient. Abel croisa le regard de Lydia. Comment allait-elle réagir ? S’entêter, se rebeller ? D'un regard, il lui intima de rester calme. Peut-être seraient-ils plus cléments si elle ne se débattait pas. « Je ne sais pas ce qu'ils te feront. Si personne ne veut de toi, ils te jetteront à l'arène. » Jouer franc-jeu avec elle. Première règle qu'il avait appris aux côtés de la Sinclair. Elle n'avait jamais été très sensible à la pitié ; Abelforth ne pouvait que la comprendre. Il ne lui apprenait rien ; elle savait ce qui l'attendait. « Tu dois survivre. » Si sa voix se faisait plus discrète, ses pupilles témoignaient de toute l'intensité de ses paroles. Elle devait se battre. Lutter, comme elle savait le faire. Il savait qu'elle en était capable, il savait qu'elle avait la ressource en elle, même privée de sa magie. Sa ténacité était son plus grand atout. « Je viendrais te chercher. » Nouvelle promesse. Réussirait-il à la tenir, cette fois-ci ?

On ne toqua pas à la porte, comme il l'avait prédit. (Il faudrait en payer une nouvelle.)
Son cœur s'accéléra alors qu'il entendait deux, peut-être trois voix différentes, dans la pièce juxtaposant celle dans laquelle ils se trouvaient. Dernier regard envers la brune. Elle devait comprendre qu'il ne pouvait pas prendre le risque. Pas cette fois-ci. Pas encore.

Car oui, c'était de son sort qu'il s'inquiétait. Attaché malgré lui à ce petit bout de femme, ce petit bout de quelque chose qu'ils avaient construit, non sans mal, ensemble. Ce petit bout de quelque chose qui n'était rien d'autre que de la confiance.

@Lydia Sinclair

Son geste avait été égoïste, et ce n'est que maintenant qu'elle s'en aperçoit. Car elle n'avait pensé qu'à elle seule, qu'à cette liberté qui ne sera jamais sienne sans prendre en compte les conséquences qui l'accompagneront. Mais elle ne veut pas, Lydia, qu'Abel soit la victime de dommages collatéraux qu'elle aura causé. Alors, elle ne se débattra pas. Elle ne criera même pas quand ils l'arracheront de ce sol gelé couvert de son sang, elle ne fera qu'accepter la sentence, car c'est uniquement de sa faute si elle s'abat, aujourd'hui.

Mais Abelfoth est déterminé à vouloir la sortir de là, quand le moment sera venu. Elle le comprend avant même que les mots ne soient prononcés, car le regard parle pour lui. Je te sauverais, qu'il semble lui dire, et Lydia, elle se permet d'y croire. Car il n'y a plus que ça qu'elle puisse faire : y croire et espérer qu'il y ait encore un brin d'espoir. Alors, avant que les pas ne se fassent plus vifs et certains, elle se surprend à prendre sa main dans la sienne avec les quelques dernières forces qui lui restent. Elle ne la serrera pas, elle n'y arrivera pas ; mais ce simple geste en lui-même indique qu'elle croit en lui. Qu'elle a besoin de lui. « Ok. » Dernier mot qu'elle prononcera avant qu'Abel ne se relève et que les Aigles ne dévalent dans la pièce. Ils l'immobilisèrent aussitôt, alors même qu'elle n'avait déjà plus la force de bouger. La douleur qui parcourt le corps une et cette peur qui ne la quittera plus jamais, désormais. Elle ne pense à rien, elle accepte la fatalité, sans savoir encore ce qui l'attendra quand elle le quittera. Les iris se croisèrent peut-être pour ce qui est la dernière fois ; un regard remplit de souffrance et de solitude, un regard remplit de toutes les excuses qu'elle n'aura jamais eu le temps de lui dire, un regard brisé.

Et elle perdra de nouveau conscience peu de temps après.
Et quand elle se réveillera, il ne sera plus là.


@abelforth Dumbledore

La porte s'enfonça et en un rien de temps, trois ou quatre Aigles se trouvaient dans la chambre de la gamine, surplombant les deux sorciers de toute leur suprématie. Abelforth renfrogna sa colère, encore choqué, blessé, déçu du comportement de Lydia, mais également terriblement désolé et résigné. Désolé de ne pas avoir été à la hauteur, désolé de ne pas avoir su gagner sa confiance, ni lui avoir prouvé qu'elle pouvait lui la donner. Désolé de ne pas avoir été le père qu'il lui fallait.

On la brusqua, l'obligea à se relever et encore une fois, il n'avait que ses pensées pour encaisser. Il savait quel sort attendait la petite asiatique. Elle serait jetée dans la gueule du loup ou de l'arène ; et honnêtement, il ne savait pas ce qu'il valait mieux. Mais c'était une survivante, une battante. Elle s'en sortirait, comme elle le disait si bien. Et il voulait y croire, désespéramment, ne parvenant cependant pas à cacher cette faille d'inquiétude dans le vide de son regard.

On l'emmenait et il ne pouvait strictement rien y faire, hormis ployer le genou, encore et toujours. Regarder ses proches se faire arracher, agresser, arrêter, tuer, un à un. Le père, maintenant la fille. Qu'est-ce qu'on leur voulait ? Qu'avaient-ils fait de mal ? Face à cette injustice, poings et mâchoires serrés, une seule pensée maintenait son corps et son esprit immobiles : la lutte. Il devait penser à la lutte, et à sa couverture. S'il voulait sauver Lydia, sauver tous les autres malheureux, sauver son frère, sauver Minerva, il devait continuer à lutter, et à rester caché, tranquille, ne pas faire de vagues ou de bruits.

Et ce regard qu'il adressait à la petite alors qu'on la faisait violemment sortir de l'appartement.
Ce regard qui voulait dire "bats-toi, gamine".
Je viendrais te chercher. Promesse qui résonnait dans ce lien qu'ils avaient indéniablement tissé.
Je viendrais te chercher.

- rp terminé / @Lydia Sinclair -