we seemed like a good idea, arcturus.

Arcturus & Hestia

avril 1914, manoir lestrange.

La nuit est pleine, noire. Les portes s’ouvrent sur Hestia, suffocante, abandonnant la lumière pour s’enfoncer dans la pénombre salvatrice du somptueux jardin. Ses talons martèlent le sol marbré dans un silence assourdissant. Elle déguerpit, s’éloignant autant qu’elle le peut des bruits de verres qui s’entrechoquent, trinquent à la merveilleuse nouvelle, des rires et discussions animées de la soirée. Oui, Hestia se dérobe lâchement au supplice. Le calme de l’extérieur détonne avec l’effervescence des invités de la famille Lestrange. Elle inspire profondément une bouffée d'air frais, accueillant le froid glacial dans ses poumons. Cette réception aurait du être réjouissante pour la benjamine, après tout, tous ces sorciers s’étaient réunis pour célébrer son trentième anniversaire. Au lieu de cela, elle se sent tout bonnement ridicule. Honteuse d’avoir été aussi naïve. Phineas lui avait souvent fait cette remarque au fil des années, face à une Roisin au sourire penaud, qui ne pipait mot. Ils le savaient depuis le début.

Inspire.

Hestia avait l'impression que ceux qu'elle tenait le plus en estime dans ce monde, ceux en qui elle avait le plus confiance, l'avaient trahi sans aucun ménagement. Roisin Whelan et Phineas Malfoy, qui l'eût cru ?

Expire.

Elle s’affale lourdement sur le rebord de la fontaine. Son regard émeraude contemple l’eau sombre où se reflète le ciel étoilé. Hestia essaie de compter chaque astre au scintillement trouble, comme pour mettre de l'ordre dans les pensées qui l’assaillent. En vain. Seul le ruissellement parvient à calmer les battements de son coeur. Du moins, jusqu’à ce qu’une voix - qu’elle ne reconnaît que trop bien - ne s’élève.

Hestia sursaute.

Arcturus Black.

Et il la félicite, qui plus est.

Sa respiration se coupe l’espace d’un fugace instant. Le rythme du myocarde s'accélère, à nouveau. Une chaleur que la sorcière n’avait plus ressenti depuis des années s’empare d'elle, en même temps que tous ses membres se crispent. Sa voix lui a fait l'effet d'une douche froide. Arcturus. Elle l’avait aperçu de nombreuses fois aux soirées élitistes organisées par les sorciers au sang-pur, bien sûr, mais jamais ô combien jamais, ils ne s’étaient adressés la parole. Elle l'avait toujours fui, redoutant son regard noir, cette haine incompréhensible qu’il avait pu manifester lors de leurs derniers instants, annonciateur de conflits à venir.

Hestia se redresse, se lève maladroitement du rebord de la fontaine, ne sachant comment se tenir. C’est tellement gênant. Devoir lui parler lui donne la nausée, tant cela l'oppresse. Elle fixe un point derrière Arcturus, redoutant le moment où elle croiserait ses yeux verts. C'est trop, trop en si peu de temps. « Bonjour….Bonsoir. » se rattrape-t-elle gauchement, d’un ton monocorde. Que répondre à ces félicitations ? Félicitations pour quoi, au juste ? Oh, le mariage. Sur le moment, l'apparition du jeune Black lui avait presque fait oublier que Phineas et elle étaient officiellement fiancés depuis à peine quelques minutes. « Hm. » Elle se racle la gorge. Le silence est pesant. Sa timidité prend le dessus et la fige, elle perd ses moyens. Hestia se maudit de ces fameux moments où elle ne sait que dire, quoi faire. « Je - merci. » réussit-elle à bredouiller, en lissant inutilement les pans de sa robe d'un geste absent. Voilà donc tout ce qu'elle trouve à dire à celui qui, jadis, fut l'amour de sa vie ? Celui qui, jadis, la consumait de tout son être ?

CODAGE PAR AMATIS

comes and goes in waves.

this one's for the lonely, the one's that seek and find only to be let down time after time. this one's for the torn down the experts at the fall, come on friends get up now you're not alone at all. ••• @hestia lestrange

La fuite d'Hestia. Evénement qui parle de lui-même, tandis qu'Arcturus se délecte d'une longue gorgée de champagne. L'esprit ne pétille pas. Cœur en berne, il assiste poliment, et silencieusement, à l'annonce des fiançailles de la jeune Lestrange à l'un des héritiers Malfoy. Union tant attendue par l'une et l'autre familles, que le Black considère d'un œil mauvais. Rien, pourtant, ne vient froisser son visage si suffisant, orgueil que personne ne songerait à transpercer.

N'y a-t-il donc rien à sauver chez lui ? En un claquement de doigts, il décide que non – absolument rien. Pas ce soir, pas maintenant. Alors que le venin accumulé des années durant lui revient en pleine gueule, fébrile sous le joug de cette situation qu'il n'a pas été capable de supporter – et qui a laissé au sein de son cœur une blessure qu'il n'a jamais songé à panser. Peut-être est-ce là le nœud du problème auquel il a toujours essayé de se dérober. La plaie est béante, et saigne encore. C'est ainsi que l'amour se farde de colère. C'est alors que les sentiments deviennent chagrins.

Arcturus est passé par toutes les étapes du deuil – génuflexion mortelle face à l'éternelle catastrophe que ses décisions avaient provoquée. Il a la verve assassine qui secoue sa langue, et la vie en dérision ; alors pourquoi ne pas s'octroyer un plaisir nocturne ? Si la bienséance lui interdit implicitement que de galoper derrière une jeune femme, Arcturus décide de faire fi de ce code. Sans un mot, Black s'élance à la suite d'Hestia, quittant la belle demeure pour rejoindre les jardins dans lesquels la belle a pris le parti de se réfugier. Il sait que l'attention dont elle fait les frais ce soir-là ne doit pas lui plaire – elle qui aime la solitude, le silence. Tous les regards sont braqués sur sa silhouette joliment gainée de soie noire, accablée par les sourires et les mots qui lui sont ainsi donnés. Coeurs désaccordés, les souvenirs restent – survivent. Persistent et signent malgré les nombreux efforts d'Arcturus, à essayer de les oublier. Entreprise vouée à l'échec, probablement par l'intensité de ses sentiments d'antan. Fantômes qu'il ne peut réprimer, mais avec lesquels il est cependant susceptible de jouer.

La nuit est claire, fraîche. Il s'y engouffre avec plaisir, après avoir passé de longues heures auprès de la cheminée, conversant avec des sorciers qui ont exclamé leur ravissement à l'annonce des fiançailles. Pauvres idiots. Flûte toujours glissée entre ses doigts, Arcturus se rapproche de la jeune femme, démarche altière qui ne suggère aucune attaque. Affalée sur le rebord de la fontaine, elle semble reprendre son souffle.

Esquissant un sourire narquois, semblable à un rictus amusé, Arcturus se fait entendre. « Tu dois être ravie. Toutes mes félicitations, à toi et au très heureux élu. »

Le visage du sorcier ne se froisse qu’à peine lorsqu’Hestia se relève, dépliant son long corps élégamment gainé de soie noire. D’une beauté à couper le souffle - mais les apparences sont trompeuses et s’il s’est fait berner autrefois, Arcturus ne ressent à sa vue que rancœur, et interrogations qui aujourd’hui ont trouvé leur réponse. Petite catin. Elle a joué, la sorcière, elle a abattu ses cartes et lui a arraché tout son bon sens. Les années n’ont pas eu raison de sa colère sourde, ni du venin qu’il s’apprête à cracher. « Je pensais que tu allais être plus enthousiaste, Lestrange. » Il siffle une gorgée de champagne, éternellement détestable dans sa prestance. « N’es-tu pas satisfaite de rendre votre union officielle ? Personne ne t’en voudra si tu te fais engrosser avant le mariage...tant que l’enfant a les cheveux blonds, évidemment. » And good fucking luck for that.

Et, par Merlin, que ça fait du bien – de la pousser dans ses derniers retranchements. De la secouer. A l'abris des regards, il peut enfin se permettre d'être ce démon qui s'affole sous l'épiderme. Que pourrait-elle faire, de toute façon ? Elle n'a jamais été capable de se redresser, de se défendre seule, garce qui se cache dans l'ombre des hommes qui s'évertuent à la protéger. Faiblesse dans laquelle Arcturus s'infiltre. Ce soir, juste pour le plaisir de la voir s'effondrer. Ce soir, uniquement.

(c) sweet poison