(leora) we grew up at midnight

we grew up at midnight

◊ ◊ ◊

Février 1914. Un soupir quitte les labres de l’homme. Le voile obscur de la confédération sorcière tombe sur Londres. Capitale suspendue dans l’horreur du coup d’état. Despotisme imposé par celui dont il a un jour partagé la couche. Frisson qui lui parcourt l’échine. Ainsi, le bulgare se fait roi des britanniques. Réalité onirique, la sentence est sans appel, brutale, tout comme l’a été le départ de Gellert Grindelwald de l’existence d’Albus Dumbledore. Souffrance lancinante qui ne tarit pas avec les années. Le temps s’étiole et ne lui apporte aucune satisfaction. Amertume insolente du coeur brisé. Abandonné au magenmagot et au meurtre infâme de sa propre soeur, Ariana. Chaque nuit depuis six ans, il ferme les paupières sur le monde criblé de regrets. La gorge nouée, il jette une dernière oeillade au parchemin reçu des mains de l’ancien ministre Shacklebolt. Invité à rejoindre l’empire nippon, 大日本帝国, au profit d’une alliance asiatique, Dumbledore agite le tremble, emplissant sa valise à la hâte comme il l’a fait des centaines de fois auparavant. Cette fois-ci semble pourtant différente. Une révérence, un au revoir à la mère patrie assiégée par l’Orphée de ses nuits. Il replace une mèche de ses cheveux ébènes derrière son oreille et lance un regard attristé à Fumsec, approchant de son perchoir et lui faisant signe de se poser sur son avant-bras. L’oiseau fidèle est un héritage reçu de son père, le seul qu’Albus a exigé garder, léguant le reste de la propriété de son enfance à son frère cadet dont les finances se font plus rares. Le légilimens fait valser la cage cuivrée du phénix d’un coup de baguette lorsqu’une présence se fait sentir derrière lui. Volatile sur la manche, la silhouette du sorcier traverse l'appartement dans la précipitation. Le briseur de sort ouvre la porte avant même que les doigts de la jeune femme ne puissent se poser sur le bois. “Leora.” souffle-t-il, lui adressant un sourire sincère qui s’évanouit rapidement. Il dépose un baiser fraternel sur sa joue avant de lui laisser la créature et de s’engouffrer à nouveau dans la bâtisse. Familiarité habituelle entre eux, ils sont après tout cousins et la cadette des Dumbledore est pour lui l’égale d’une soeur. “C’est urgent ? Je suis sur le départ.” Albus rassemble une dizaine de grimoires abstraits sur les sortilèges et la démonologie japonaise, étudiés quelques heures auparavant, et les place à leur tour dans sa fidèle malle en cuir avant de s’asseoir brusquement sur son divan de velour, intimant la sylphide à le rejoindre. “Que puis-je faire pour toi, mon serpent ?” Le surnom ne l’a pas quittée depuis son intégration à Poudlard. Mordant sa lippe inférieure par nervosité, il plonge son regard ambre dans ses agates, attendant sa réponse.

(c) oxymort

le vent.
le froid.
brûlant.

le tympan. crachant dans les oreilles. le coeur. hurlant dans la poitrine. le feu. claquant les joues fines. au pas de course. les talons vermeils claquant le sol de plus belle. la cadence élevée. personne pour l’arrêter. personne pour la rattraper. le papier serré contre la poitrine, les doigts presque blancs, incolores à force de s’y cramponner. une seule destination. une seule personne dont elle a envie de croiser le regard. d’entre la voix. juste lui. comme but. comme fin. des mois. des années. à attendre. à y croire. et enfin. enfin. la réalisation. l’intronisation. plus personne pour taire sa bouche. pour condamner ses lèvres. crier le mot victoire à s’en écorcher les lippes. invicible. plus peur de le dire. plus peur d’y croire. personne pour balayer ses idées. personne pour la dissuader. puisqu’il s’agissait, enfin d’une réalité. et plus d’un rêve.

you are
the
kindest thing

son poing qui s’affaisse d’un geste lourd sur la porte. longtemps qu’elle n’est pas venue. comme ci elle attendait désormais son invitation. parce qu’elle avait grandit. parce qu’elle ne pouvait plus s’accrocher à lui comme elle le faisait, avant, enfant, pour garder la tête hors de l’eau, pour ne pas sombrer. s’attacher à ses idéaux, les mots si bien choisis sortant de sa bouche. tout grâce à lui. tout à cause de lui. et maintenant il fallait qu’elle s’en détache, d’une manière ou d’une autre. pour grandir. vieillir. devenir quelqu’un. mais pas encore. tout du moins pas aujourd’hui. pas l’envie. pas encore. non. et la porte s’ouvre dessinant les traits familier, la haute stature, et elle se retint de ne pas se glisser dans ses bras, comme autrefois. le baiser qui frôle sa joue et lui arrache un sourire, alors qu’elle se retrouve avec l’oiseau sur le bras, quelque peu mal à l’aise - les animaux qu’elle n’a pas vraiment en amour, où tout du moins pas l’habitude de savoir y faire. mais elle ne dit rien. parce qu’elle fera toujours ce qu’il lui demande. bon petit soldat.

that
happened
to me

» déjà ?

les sourcils qui se froncent à sa remarque. partir encore. s’échapper de nouveau. mais pourquoi maintenant. pourquoi aujourd’hui. alors qu’il y a tant à dire, tant à fêter. et ses yeux noirs qui observent les allés retours d’albus, alors que les mots restent encore bloqués dans sa gorge. trop émue, surement. peine à croire. et elle s’empresse de le rejoindre, manquant de réagir à ce surnom qui lui colle encore à la peau, qui lui va presque trop bien encore, alors qu’elle s’assoit avec délicatesse près de lui, lui redonnant l’oiseau.

even if
that
is not

» tu ne peux pas partir maintenant albus.

le journal entre les doigts qu’elle lève, précieux trésor, preuve de sa réussite. de leur réussite.

» ça y est.

et les yeux qui brillent. le coeur qui hurle. qui crie. de joie. de bonheur. l’impression d’enfin toucher à ce rêve façonné depuis ses plus jeunes années. et les souvenirs qui remontent. elle encore jeune, surprotégée. et albus. et gellert. et tout cela. tout qui fait enfin sens. enfin.

how our
tale
is told

we grew up at midnight

@leora dumbledore

◊ ◊ ◊

Les lippes d’Albus Dumbledore s’étirent en un sourire bienveillant avant de s’évanouir dans le néant. L’enfant serpente dans l'appartement de son cousin célibataire, qui ne l’est peut-être plus pour très longtemps au vu des nombreuses lettres échangées avec un certain Nicolas Flamel. Conquête asiatique dont il garde un souvenir tendre et sensuel, à l’image du français qui fait battre à nouveau son coeur qu’il pensait à jamais figé dans la pierre. Un secret qu’il se garde encore de partager avec les Dumbledore, n’oubliant pas les conséquences assassines de sa dernière relation. Le regard fuyard, il balaye la cachotterie de ses pensées et plonge dans la malle, annonçant son voyage à la sorcière aux traits encore juvéniles. Déjà ? L’intonation de la belle Leora attire son attention. Orbes qui dérivent en sa direction. La sirène a ce pouvoir sur lui, et ce depuis le jour de sa naissance. Cousine aux airs de soeurs qu’il aurait épousée s’il n’avait pas voulu son bonheur. Tu ne peux pas partir maintenant Albus. Le briseur de sorts darde ses agates dans l’ambre de ses yeux. Le derme encore basané par l’astre indien, et le voilà qui repart. Elle est pourtant habituée à ses expéditions internationales. Il récupère Fumsec d’un bras et s'assoit près de la sylphide, posant une main sur son épaule avec une délicatesse toute masculine. “J’ai accepté un voyage nippon, mon serpent. Il faut que je quitte le pays dans deux heures.” annonce directe. Il connaît son appréciation du nouveau ministre, et élude la question avec habileté.

Ca y est. La brune extrait un journal de son dessous de bras et brandit sous son nez.

Un soupir lourd de signification s’échappe de ses lèvres. Albus lève les yeux au ciel et desserre leur étreinte. Qu'espère-t-elle seulement de lui ? N’a-t-il pas assez souffert ? La gorge soudainement nouée, il se lève de son mètre quatre vingt dix, et pose le volatile hérité de Perceval dans sa cage avec l’impression de s’y rendre avec lui. Myocarde brisé par l’homme dont il partage encore le sang. Lui, dieu façonné par ses propres dextres qui règne maintenant sur un pays qu’il ne reconnaît pas et dont il ne veut plus entendre. “C’est une plaisanterie.” crache-t-il soudainement, visiblement irrité. “Leora Dumbledore…” Il se mord nerveusement le labre. “Dis-moi que tu n’es pas venue jusqu’ici pour me parler de mon ex.” Le lion masse ses tempes et secoue ses boucles noires. Il agite le tremble et Fumsec se retrouve immobile derrière les barreaux cuivrés. “Si tu veux mon autorisation pour aller trainer dans ses jupes au ministère, tu ne l’as pas.” Le regard froid comme l’hiver, ses mots sont durs, choisis avec soin. Non, le grand Albus Dumbledore ne s’est toujours pas remis de sa rupture.

(c) oxymort

this is
the
crisis

ça a toujours été comme ça. lui et personne d’autre. sans trop savoir comment. sans trop savoir pourquoi. comme un lien inexplicable, indestructible. les liens du sang avant tout. et lui comme père, frère, guide, mentor. rien pour la détourner de la route qu’il a toujours tenté de tracer pour elle. rien pour l’empêcher de lui suivre. rien ni personne. sauf peut-être lui. le prince bulgare. symbole d’un espoir, d’un rêve et désormais d’une réalité. nouvelle. incertaine, d’une certaine manière. mais délicieuse. délectable. l’annonce du voyage qui traverse les lippes d’albus, et le coeur qui se sert, le coeur qui vacille. encore. seulement réunis pour de courts instants, quelques volatiles semaines, courant d’air au milieu d’années bien trop longues à son goût désormais. toujours plus loin. hors d’atteinte. son monde qui lui file entre les doigts, l’abandonnant tristement au sol anglais et sa grisaille légendaire. un petit soupire qu’elle ne peux réprimer lorsqu’il mentionne les deux pauvres heures qui leur reste ensemble. mais elle se retient de faire une remarque. d’exprimer sa déception. sa tristesse latente.

i knew
had to
come

et un autre soupir.
et les prunelles au ciel.
désaccord.

et ça la perturbe. et ça lui fait mal. peut-être espérait-elle une effusion de joie. les étreintes. la liesse. la victoire, d’une certaine manière. mais à croire que le centre de sa vie reste toujours une énigme après toutes ses années passées à le suivre. imprévisible. comme toujours. comme tout le temps. et ses prunelles ne le quittent plus, alors que ses bras se croisent sur sa poitrine. et il prononce son prénom, suivit du nom. l’agacement total. la certitude d’une erreur, de quelque chose qu’elle n’aurait surement pas du dire, prononcer. et le feu qui l’anime qui boue, magma incandescent au fond de ses tripes, manquant de remonter à la surface. longtemps, bien longtemps qu’elle n’a pas craché son venin sur lui. qu’elle n’a ne serait-ce que répondu négativement à un de ses mots, une de ses positions. dis-moi que tu n’es pas venue jusqu’ici pour me parler de mon ex. la langue qui claque contre le palais. les yeux qui roulent vers le ciel.

» tout ne tourne pas toujours autour de toi, albus.

risqué. risqué de se dresser contre lui, alors qu’elle se lève à son tour du canapé, allant se placer devant la fenêtre de l’appartement presque vide.

» je n’ai pas besoin de ton autorisation.

et le serpent qui se rebiffe. qui cherche à planter ses crocs. et le venin qui sort, crachat de mots qu’elle regrettera dans quelques heures, dans quelques jours. comme à chaque fois. mais elle ne peut. s’en empêcher. faire marche arrière.

» je n’ai pas besoin que tes affaires de coeur dictent ma conduite.

destroying
the balance

l’envie de partir. de rattraper son journal et claquer la porte. elle espérait vraiment qu’il comprenne. mais surtout qu’il l’accompagne. qu’ils les rejoignent. mais tout qui s’écroule, en un instant, en une phrase. et leora qui peine à comprendre. qui peine à accepter. que tout n’aille pas dans son sens. que la réalité diffère, encore une fois. sa voix qui se fait plus sèche, qui détonne avec son calme et sa chaleur habituelle, quand elle est près de son cousin, quand les étreintes se font douces et les instants précieux.

» et, sans vouloir te manquer de respect, c’est toi qui rampait à ses pieds, il y a encore quelques années.

i'd
kept

et la pièce qu’elle traverse.
et la main sur la porte.

au revoir, albus.

we grew up at midnight

@leora dumbledore

◊ ◊ ◊

Il y a toujours eu ce lien invisible entre eux. Un lien fort, qui inonde le coeur et les pensées. Albus veille sur Leora depuis sa naissance. Lui, parrain juvénile. Une présence réconfortante sur laquelle elle peut toujours compter. Une pression, aussi, car la barre est haute sous le joug du lion. À leurs premiers mots échangés il l’a élevée, l’érigeant en Persephone sur le monde qui s’offre à elle. Le myocarde bat en partie pour elle, notamment suite aux événements de ces dernières années. La perte d’Ariana encore fermement jalonnée dans son esprit, le briseur de sort s’est accroché à la jeune femme. Peur irrationnelle qui le tient à ses pieds comme un frère protecteur, l’étouffant parfois de son affection débordante. Il n’y en a que pour elle. Elle, Minerva et Newt, qui demeurent les êtres qui lui sont les plus chers. Famille recomposée sans qui le colosse serait tombé il y a plus de six ans. Rupture difficile dont il ne s’est pas encore remis. Tout ne tourne pas toujours autour de toi, Albus. Je n’ai pas besoin de ton autorisation. Je n’ai pas besoin que tes affaires de coeur dictent ma conduite. Les mots atteignent le britannique dans une furie moribonde. Elle se dresse ainsi contre celui qui se jetterait au feu pour elle. “Je ne te permets pas.” répond-t-il avec une fermeté glaçante. Et, sans vouloir te manquer de respect, c’est toi qui rampait à ses pieds, il y a encore quelques années.

Ses agates observent le serpent se lever près de lui. La mort dans l'âme, Albus rétorque : “C’est vrai, tout ne tourne pas autour de moi. Ariana est morte par sa faute. Elle était ma petite-soeur, et ta cousine. Notre sang.” Il expire profondément. “Il ne s’est même pas excusé.” dit-il sèchement. “Il m’a abandonné, disparaissant du jour au lendemain, et vous vous attendez à ce que je rampe jusqu’à lui ?” Brisée par le chagrin, sa voix se fait brusquement plus douce. Secouant ses boucles brunes, il reprend son souffle avant de poursuivre. Il lui court après et lui tend la main pour l’inviter à rester. “Je l’ai aimé, Leo. J’ai même mêlé mon sang au sien, une promesse qui n’a de toute évidence eu aucune importance pour lui. Mon propre frère ne me parle plus... Je suis las de cette situation. L’homme qui a piétiné mon coeur marche maintenant sur notre nation. Donne-moi seulement une bonne raison de ne pas quitter le pays aujourd'hui ?" Il essuie une larme traitre qui perle sur sa joue. “Je refuse qu'il te manipule comme il l'a fait avec moi.”

Il ne reste après tout que deux heures.

(c) oxymort

i am
fighting
my losses

il aurait du s’agir d’un jour de liesse. d’un jour d’extase. pas forcément au grand jour. mais au moins pour eux. dans l’intimité de cet appartement. entre le bois et les plumes. entre le rêve et la réalité. mais les minutes passent. les minutes coulent. et tout se mélange. tout se brise. rien comme elle l’avait prévu. rien comme elle l’aurait voulu. juste les prunelles inquisitrices d’albus tournées vers elles. juste les mots qui tranchent et qui blessent. et ça abîme encore la carcasse. et ça brise encore les épaules. une fois de plus. une fois encore. et les mots qui quittent sa bouche, venin qui se déverse dans la pièce, peut-être parce que le pouvoir nouveau lui monte à la tête, peut-être parce que la jeune fille devient femme. désir de s’affirmer. d’enfer se contrôler. et pourtant les mots qu’elle regrette déjà, alors que ses yeux divaguent sur la rue passante qui se dessine quelques étages plus bas, le vert des robes de sorciers hypnotisant, presque perturbant.

ariana.
est morte.
par sa faute.

et la vieille blessure qui se ravive. et c’est comme ci c’est elle qui mourrait à chaque fois que ce nom est prononcé, à chaque fois que l’agencement de ces lettres résonnent dans la pièce. et c’est comme ci le sang coulait de son propre corps, revivant toujours le moment où la nouvelle est venu se loger dans le creux de ses oreilles, alors que les larmes dévalaient la pente de ses joues, pour ne plus jamais s’arrêter, des jours durant. et c’est toujours aussi vif. toujours aussi dur. et il suffit que ce prénom résonne dans la bouche d’albus pour qu’elle se calme. pour qu’elle ne cesse. un peu. doucement. surement. la voix du brun qui se brise. et la carapace de leora qui s’effrite avec. il aurait toujours raison d’elle. il aurait toujours cette emprise, ce pouvoir sur elle. pour toujours dépendante de lui. de son humeur. de son bonheur.

trauma
and everything
bringing ache

» je sais.

mots qu’elle murmure, qui partent dans un souffle, dans un sursaut. elle se mord la lèvre, alors qu’il continue, l’épieu qui se plante toujours dans le coeur, et tout qui se mélange dans sa tête. elle a chaud. je l’ai aimé. le sentiment qu’elle a toujours autant de mal à comprendre, et qui pourtant, lové dans la bouche de son parrain, semble presque tangible, perceptible.

donne-moi seulement une bonne raison de ne pas quitter le pays aujourd'hui ? elle aurait aimé lui répondre. lui donner des raisons. elle sait qu’il ne restera pas pour elle. il sait qu’elle a déjà essayé, déjà supplié, l’eau creusant les pomettes, les genoux à même le sol. mais albus est incontrôlable. animal sauvage. à jamais en cavale. alors elle ne parle pas. et elle s’approche simplement de lui, alors qu’il larme perle de sa joue. le pouce qui vient la balayer d’une caresse, alors que le corps de la belle s’entoure autour de celui du pheonix, la tête posée contre sa poitrine.

because
i don't
want

» je sais albus.

et les derniers mots du mentor qui suffisent à l’abattre. à l’achever. je refuse qu'il te manipule comme il l'a fait avec moi. l’impression d’être de nouveau considérée comme un enfant. comme une poupée de chiffon. l’envie de le repousser, de l’envoyer valser, pour de nouveau crier, tenter de s’exprimer. mais elle sait que cela ne servirait à rien. que cela n’apporterait rien. elle lève doucement les yeux vers lui, le gardant contre elle. proche. à portée.

» mais comprends. comprends ce que cela représente. pour moi. enfin. enfin tout me semble possible. tout me semble vrai.

les doigts qui se mêlent aux boucles brunes. la colère qui parait presque se rendormir, se calmer.

to look
in the mirror
and see

» il est mon guide. comme toi. et pour une fois je l’écouterai lui, plutôt que toi.

et elle se recule, lentement. juste pour lui faire face. juste pour le regarder, une dernière fois. elle sait que rien ne serait plus pareil, après cela. après cette discussion. après son départ. sa décision est prise. depuis toujours. et même albus n’y changera rien. décider seule pour une fois. persuadée qu’elle fait le bon choix.

» et j’aurais beau te dire que j’ai besoin de toi, pour ne pas me faire avoir, pour ne pas me tromper, pour t’avoir près de moi et me conseiller, je sais que tu partira. tu pars toujours. quoi qu’il en soit.

a tragedy
staring
back

Sheltered in our own worlds
We’d watch the rain right through
We grew up at midnight
We were only kids then

@leora dumbledore

◊ ◊ ◊

Mais comprends. Comprends ce que cela représente. Pour moi. Enfin. Enfin tout me semble possible. Tout me semble vrai. S’il se garde de tout commentaire, il savait que ce jour arriverait, tôt ou tard. L’enfant devenue femme forme ses propres idées. Elle s’anime de désirs et chimères qui divergent des siens. Dans son égoïsme, Albus aurait aimé la garder pour lui. Enfermée dans un carcan de douceur, sous la protection de celui devenu patriarche des Dumbledore malgré lui… Pourtant, il n’est pas dupe. Le briseur de sort sait qu’il ne peut rien contre l’ambition du serpent. Il connaît bien la trépidation qui fait battre son coeur. Il l’a sentie avant elle, l’ayant lui-même initiée avec Gellert. Instigateur de peine perdue, il soupire à la vue de l’article sous leurs yeux. Le rêve devient réalité mais il n’y a plus sa place. Chassé du jardin d’Eden, le duel assassin ne s’efface pas de son esprit. Jeunesse émiettée dans les flammes. Violentée par la perte d’une soeur. Par la peine d’un amant et plus encore. Il est mon guide. Comme toi. Et pour une fois je l’écouterai lui, plutôt que toi. Il baisse le regard et observe silencieusement la sirène s’adresser à lui, envoutante. Les prunelles traduisent une tristesse infinie. Ainsi, ils ont gardé contact. “Il a repris contact avec toi ? Quand cela ? C… Comment… Comment va-t-il ?” Souffle-t-il, interdit. Sa voix grave se brise sous l’émotion. Jalousie sous-jacent qu’il ne peut avouer. S’il cesse de parler, il aimerait tout savoir. Tout entendre. Il lui manque plus qu’il ne le laisse entendre. Et j’aurais beau te dire que j’ai besoin de toi, pour ne pas me faire avoir, pour ne pas me tromper, pour t’avoir près de moi et me conseiller, je sais que tu partira. Tu pars toujours. quoi qu’il en soit. Les mots de Leora le touchent au plus profond de son âme, mais le jeu ne l’amadoue pas. Culpabilité rejetée à l’enfant capricieuse. Elle le blesse, la corde est sensible depuis la disparition d’Ariana. “Tes mots me peinent, Leora.” Cri du myocarde en sa direction. Il marque une pause et approche d’elle, la prenant par la main et l’intimant à s’asseoir près de lui. “Je reviens toujours. Et je suis là, maintenant. Pour toi. Tu es tout ce qu'il me reste.” dit-il en posant sa tête contre son front, dans une complicité fraternelle. Aveu difficile. Puis, soudain, il se détache d’elle. : “Je reconnais ce rêve, tout comme toi… Tu nous as vus le construire, lui et moi. Ceci dit je n’ai plus rien à faire au ministère. Mon serpent, j’ai été renvoyé hier. S’il voulait de moi, il serait ici.” Il glisse une mèche de cheveux derrière son oreille. “Il n’est jamais revenu.”

(c) oxymort

i am
the
monster

» oui.

juste un mot. un mot pour confirmer le questionnement de celui qu’elle considère plus comme un père qu’un cousin. oui. avec elle plutôt que lui. à croire que gellert se doutait déjà de la réticence d’albus. à croire qu’il savait possible cette trahison, comme elle se plaira à lui nommer, lorsqu’elle rapportera tout cela au mage noir. parce que c’est comme ça qu’elle le voit. la trahison d’une vie de grandeur promise depuis la plus tendre enfance. et dont il ne veut plus. dont il ne veut pas. et elle ne répond pas plus, laissant le clou du spectacle pour plus tard, alors qu’elle énonce son choix, alors qu’elle avoue son allégeance à grindelwald. lui. depuis toujours. et albus est le premier à l’entendre. et c’est comme un poids qui se détache de sa poitrine, alors que son corps reste collé à celui de son tendre cousin.

that
you
have

elle sait. elle sait qu’elle a eu l’impudence de le dire. l’imprudence aussi. voir albus s’échapper, glisser sous ses doigts pour ne jamais revenir. cela devait être si simple. cela devait être si beau. mais les temps changent. l’eau glisse sous les ponts. et la marée a emporté ce qu’il restait de son rêve d’enfants, des belles promesses qu’on se fait dans la chaleur d’un soir d’été. et plus rien. plus rien que du vent. et peut-être est-ce la folie de ses vingt-et-un ans, de l’aube de cette jeunesse assoiffée de pouvoir qui la pousse à faire se choix, alors que le détenteur de ses espoirs échappent à son étreinte, ne laissant que le froid et la dureté d’une réalité nouvelle et dure à avaler.

»la peine est partagée, albus.

ce n’est même pas une confrontation. ce n’est même pas une de ces formes d’irrévérence et d’obstination dont elle est friande. juste un aveux. juste une réalité qu’elle lui souffle au visage, les bras las d’avoir tenté se glissant dans les poches de sa robe bleutée, alors que leurs front se frôlent, se rejoignent, comme avant. et elle préfère ne pas écouter les mots qui pourraient la faire flancher, qui pourraient la faire douter. non. il en a le pouvoir. toujours tout pour lui. depuis longtemps. trop longtemps. voler de ses propres ailes. trouver son propre but.

» il m’a donné ça, pour toi.

les doigts touchent le précieux parchemin glissé dans la poche, pour venir l’offrir aux yeux d’albus. l’invitation. envoyée par gellert en addition de la sienne. le passe-droit alors qu’il lui annonce son renvoi d’une ministère, et que son coeur rate un battement. seule dans la fosse aux lions. sans l’impérissable protecteur pour veiller sur elle.

» il te veux. près de lui, ce soir là. il me l’a dit.

created

Sheltered in our own worlds
We’d watch the rain right through
We grew up at midnight
We were only kids then

@leora dumbledore

◊ ◊ ◊

La peine est partagée, Albus. Le manque de compassion est criant, mais l’irrévérence de Leora ne le surprend pas. S’il se prive de commentaire, la sorcière lui rappelle un autre, tout aussi impétueux. Tout aussi aveuglé par sa soif d’ambition et peu avenant. Un monstre d'égoïsme, personnage machiavélien qu’il était lui-même avant de connaître le désespoir, le vrai. Partie trop tot, le corps sans vie d’Ariana lui entache encore les mains. Un souvenir que Leora ne partage pas, et qu’il ne lui souhaite en rien. Il écoute le pantin déblatérer des propos qui le blessent autant qu’ils l’interpellent. Le fantasme est profondément ancrée à‌ même son crâne. Simulacre auquel il refuse de prendre part. Plus maintenant. Plus sans lui. Son autre. Lui qui était autrefois sa moitié, son tout. Il ne reste rien si ce n’est le médaillon qu’il a rangé au fond d’un tiroir. Sa fierté brisée n’est rien à côté de la peine de coeur dont il peine encore à se débarrasser. Les sorbets citrons et les bras de Minerva n’auront pas suffit à lui faire oublier la désertion et la douleur. Le grand amour, qu’il disait. Gellert s’est emparé de sa naïveté pour la piétiner, lui portant un coup fatal dont il ne se relèvera pas. Ils avaient tout, et puis, un jour Dumbledore l’a perdu.

Il m’a donné ça, pour toi, siffle-t-elle. L’oeil du gallois s’assombrit. Les babines tremblantes, il tient le parchemin entre ses doigts fins, lisant l’invitation, incrédule. Un soupir amer retentit dans la pièce. Le veut-il, véritablement ? Il n’a pas même pris la peine de se déplacer. Une aberration. “Ah, il te l’a donné à toi ?” Répète-t-il sèchement, éternellement froissé par l’absence du mage noir. Contrarié, son regard de glace se pose sur le volatile qui le rejoint. Fumsec joint son bec au visage du brun, consolation qui lui arrache un sourire distrait durant quelques secondes avant que le rictus ne meurt à nouveau à l'écoute de la jeune femme. Il te veux. Près de lui, ce soir là. Il me l’a dit, conclut-elle. La dague s’enfonce dans sa poitrine, profonde et lancinante. Il serre la mâchoire et passe une main inattentive sur le plumage rougeoyant du phénix. Le myocarde éraflé, il se sait aussi mortifié à l’idée de se retrouver face à face avec lui. “C’est donc ton rôle auprès de lui ? Pigeon voyageur ?” Crache-t-il alors. “Qu’il vienne me le dire lui-même. A moins que sa baguette l'obnubile et l'empeche retrouver sa marionnette.” Les mots lui échappent comme des poignards. Puis, observant la nymphe attristée, ses iris se font plus doux. Presque paternel. “N’oublie pas qui est ta famille. Contrairement à lui, les Dumbledore n'agiront jamais avec toi par intérêt.” Vérité criante de sa part. L’héritier des Dumbledore a offert leur liberté aux membres de leur dynastie depuis longtemps déjà. Pour le meilleur et peut-être pour le pire. Il pose ses phalanges sur les siennes. “Je t’aime, mon serpent. La manipulation du monde n’y changera rien.” Fumsec bat des ailes et il attrape sa malle.

(c) oxymort