interrogatoire — groupe 30. kieran goyle + icarus goyle

La salle est austère, même pour lui ; le manque de goût certain. L’intention est louable. Avec son plafond haut, son obscurité pesante, on semble être au milieu de nulle part, et il imagine sans peine les interrogés se sentir mal à l’aise. Parce qu’il est là le problème : il vient à peine d’arriver qu’il a déjà envie de dégager, claustrophobie tout juste découverte battant contre son crâne. Neuf heures treize. Seulement. La journée n’en finit pas, et il n’est même pas là depuis une heure. N’a pas bien compris pourquoi il lui revenait, à lui, d’interroger qui que ce soit. Bien plus intéressé par les punitions que par l’ennuyeuse et laborieuse recherche de coupables (tous, tous ils le sont tous), il s’est contenté d’espérer que son prisonnier rechigne à répondre à ses questions. Au moins, ça rythmerait un entretien qu’il imagine déjà insupportablement long.
C’était l’espoir, avant qu’il ne lise le nom sur le dossier, en tout cas.
Icarus Goyle. Les lèvres se retroussent sur les gencives, et on grogne un peu. Le Patriarche lui avait bien dit de le surveiller, ça tombe bien, mais à quel point pourrait-il l’amocher ? Est-ce que malmener son traître de parrain risquerait de le mettre en porte-à-faux lors des réunions de famille ?
Il ne sait pas, et c’est ennuyeux.

Assis sur la table gardée à l’ombre, puisque les idiots n’ont mis qu’une chaise, il feuillette sans trop d’intérêt les pages qui parlent de son oncle. Rien d’intéressant. Rien qu’il ne sache pas. Les secrets sont soigneusement gardés, ‘faut croire. Pourtant il sait, il l’a lu partout sur les visages de la famille dysfonctionnelle, que l’homme a quelque chose à cacher.
Neuf heures quinze. Enfin. Particulièrement ponctuel (il faut dire que les escortes n’apprécient que peu qu’on leur fasse perdre leur temps), Icarus pénètre dans la pièce. Sans bouger de sa table, Kieran lui adresse un sourire aussi éclatant que carnassier. “Iollan.” La voix claque, empreinte du mépris qu’on lui a inculqué à l’égard de ceux qui se sont détournés d’eux, et il désigne d’un geste la chaise qui lui est réservée. “Fais comme chez toi,” ajoute-t-il après un instant, “mets-toi à l'aise surtout.”  On pourrait croire qu’il lui semble étrange d’interroger non seulement son aîné, mais aussi et surtout son supérieur hiérarchique dans l’arbre familial. On aurait tort.

@icarus goyle

L'astre se fait aveuglant en cette journée d'été, dichotomie assassine qui vous perce l’âme. Icarus prend une profonde inspiration, tachant de garder son calme. L'Afrique du sud lui semble lointaine lorsqu'il pénètre le Ministère britannique. A croire qu'il n'y retournera jamais, tout comme il pensait ne jamais revoir Londres avant ce jour. “Icarus Goyle, sang pur.” Souffle-t-il. “J’ai rendez-vous à neuf heures quinze.” Le médicomage dépose sa baguette avec une certaine appréhension, et s'enfonce dans la plèbe le visage fermé. Pourtant, chacun de ses mouvements est traître d’une douceur infinie. Une qualité qu’on ne connait pas aux Goyle et qui dénote malgré elle. Il se tient debout durant plusieurs minutes et un aigle appelle enfin son nom, lui intimant de le suivre. Pénétrant une pièce froide et obscure, il toise son vis-à-vis non sans surprise. Iollan. Le prénom haï quitte les lèvres de son filleul et neveu avec une véhémence toute particulière. Départ qu’on ne lui pardonne pas. Lui-même ne peut le justifier, si ce n’est auprès de son frère aîné. “Kieran. Les grands esprits se rencontrent.” dit-il en s’éclaircissant la voix. S’il est nerveux, son ton se fait bienveillant. Son cadet demeure son sang, un lien filial qu’il aimerait rétablir pour apprendre à le connaître, bien que ce ne soit pas exactement le lieu pour. Fais comme chez toi, mets-toi à l'aise surtout. Le trentenaire désigne une chaise sur laquelle il prend place. Malaise immédiat, l’irlandais ignore quoi attendre de cet entretien. Une aubaine qu’il se fasse en-dehors de la pleine lune. Il pose un coude sur la table et lève le menton en direction du sorcier en position de domination par rapport à lui. Étrange situation qui ne présage rien de parfaitement rassurant. “Ta*.” Son accent claque dans l’éther. “Tu vas rester debout toute la journée ? Deux chaises auraient été les bienvenues. Le ministère a bien changé.” Note l'oncle d'une voix suave et réconfortante. L'interrogatoire peut commencer.

*Ta signifie merci, une formule britannique utilisée en Irlande.