cold world / rite de passage.

cold world / rite de passage
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Elle court. Gorge brûlante, poumons enflammés, et les jambes qui menacent de se scier à tout instant. Elle ne croit pas pouvoir courir encore longtemps, Selene. Les cheveux pâles retombés de sa coiffure, retombant autour de son visage couvert par une mince couche de sueur, la robe déchirée à la manche gauche, et la peur, froide et cruelle, partout dans le regard. Ça creuse, ça fait mal. Elle ne peut pas s'arrêter de courir, même si ça ne sert à rien. Ils sont partout autour, au-dessus d'elle, derrière elle, déjà en elle.

Encore une fois, elle est allée là où elle n'aurait pas dû. L'ambition qui a eu raison d'elle, raison de fantasmes déjà perdus. Elle aurait dû savoir que ça ne se terminerait pas très bien, mais elle était prête à tout, pour redorer le sang qui coule dans ses veines. Les Gaunt méritent mieux que la malédiction, que le chaos, que la poussière et le vide. Ils méritent mieux que tout ce bordel, mieux que la mort et la folie qui viennent tous les écorcher, un à un, comme des petits soldats destinés à une mort certaine. Elle avait voulu éviter ça, Selene. Et en le faisant, elle avait provoqué sa propre chute. Le sang avait éclaboussé sa robe, et à présent elle ne méritait rien d'autre qu'être oubliée, et s'oublier elle-même.

Elle s'arrête. Se recroqueville dans un coin, les genoux contre le corps, l'air d'une gamine apeurée. Il fait froid. Elle en tremble, Selene. La buée qui s'échappe en spirale de ses lèvres, qui colore la nuit sombre. Le souffle qui ne veut pas s'arrêter, qui contracte sa poitrine, qui lui fait perdre les pédales. Ils sont là. Ils sont là. Elle devrait courir à nouveau. Essayer de leur échapper, même si elle sait que c'est impossible. Y'a que le désespoir qui s'installe, lourd et profond, dans ses pensées. La conscience déjà dégoulinante du sang qu'elle a fait couler. Des trahisons qu'elle a commis. De la douleur qu'elle a imposé. Langue de vipère, le reptile qui s'est enroulé autour des gorges. Regarde tout ce que tu as semé. Elle ne sait même pas ce que les Détraqueurs auront à lui prendre.
Y'a pas de beauté.
Pas de bonheur.
Pas de sourire.

Elle sanglote, Selene. Corps secoué, désarroi profond. Mais elle ne peut pas s'arrêter, sinon elle va crever. Ou tout comme, disons-le. Le fameux baiser, pour lui enlever une âme déjà brisée et noircie.
Es-tu même certaine d'en posséder une ?

Rire nerveux.
Elle se relève maladroitement, mais ses quelques maigres pas s'arrêtent net devant la silhouette qui se dresse devant elle. Cape noire. Mains squelettiques. Et cette bouche, béante et cruelle, qui aspire déjà les pâles effluves de bonheur qui restent.

Elle se sent tomber, Selene.
Les larmes qui glissent sur ses joues froides.
C'est terminé.