royal flush (w/la loge)

Juin se meurt,
Juillet jubile.
L'été forte chaleur, adieu la laine, bonjour les petits jupes. Qu'importe la saison, qu'importe le jour, le casino toujours, vibre la nuit. Les machines avalent les mornilles, les noises, les galions et n'en recrachent que trop rarement pour les joueurs. Les tables  sont pleines à craquer, les dés volent et les cartes sont battues à la sauvage. Croupiers par-ci, croupiers par-là et pendant ce temps, l'alcool coule à foison. Les vices d'un monde en pleine révolution.
Samedi soir, premier samedi de chaque mois.

Samedi soir, minuit, heure du crime,
La loge vous attend, mesdames.
Devant la tapisserie, merci de caresser lady dragonne.

Bien à vous,
Edelgard.

Déjà la chouette effraie a pris son envol, des jours, des lunes auparavant pour délivrer cinq lettres manuscrites, le même message énigmatique, à quatre femmes aux allures si différentes, aux parfums uniques, des beautés froides, des reines venus de tous les horizons, qu'importe le nom, qu'importe le sang ! Seul compte ce qu'elles peuvent apporter à la loge, l'échange équivalent.
Edelgard presse le pas, ce soir, elle ne trônera pas à son habituel place au bar, discutant avec son prince, elle ne restera pas non plus seule dans ses quartiers, ce soir, elle jouera carte sur table, c'est le moins que l'on puisse dire, en effet. La belle descend les marches après avoir indiqué à son homme de main de ne laisser entrer que quatre autres femmes par ici. Le couloir est dense, silencieux et voici qu'elle arrive devant une épaisse tapisserie représentant le triomphe d'Arthur ! celui qui sera couronné roi réussissant le miracle de sortir l'épée de la pierre sacrée. A droite se dresse un buste représentant la tête d'une dragonne, oui c'est une femelle, c'est ainsi que l'a décidé la belle et tandis caresse subtilement le haut du crâne de la statue, la tapisserie comme par magie s'enroule sur elle-même, dévoilant une porte secrète, déclic, le verrou cède et la belle entre.
La loge.
Pièce circulaire cachée dans l'antre du casino. Divers tableaux ornent le mur dont l'un d'eux se plaît à dévisager la tenancière. « Inutile de me regarder comme ça, Yvonne. » le tableau se contente de se retourner après avoir haussé les épaules. Fin de la discussion, Edelgard laisse tomber son châle, elle qui ce soir porte un classique pantalon noir, talons rouge sang, chemise masculine dont les boutons sont attachés  jusqu'à l'entrée des seins, de quoi laisser admirer ses quelques atouts. Chaque chose est à sa place, les chaises, les fauteuils sont disposés ici et là. D'un coup de baguette, la sorcière ouvre le buffet, sort plusieurs verres et plusieurs bouteilles, il y en a pour tous les goûts, à n'en point douter. La table ronge au centre s'habille d'un velours bleu nuit, les cartes sont posées et maintenant. Oui, maintenant, on s'assoit, on fume et on attend.

Douze coups.
Minuit sonne l'heure et Edelgard bat les cartes, s'amuse à les tordre dans ses mains experte. Après tout, que serait la gérante du casino si elle ne savait pas manier les cartes aussi bien que ses croupiers ? La risée, la honte, hors de question ! Clope entre les lèvres, déjà, le grincement de la porte se fait entendre, elles arrivent. Les jetons, blanc, noir et vert, sont disposés sur la table, trois petites tourelles colorées.
« Par ici mesdames. » sourire sur le coin des lèvres, cartes encore dans les mains, verre de gin à sa gauche. « J'espère que vous avez dévalisées les coffres de vos chers époux. Ce soir, nous allons parier et parier gros. » d'un geste sec, elle retourne les cartes, des mains expertes, reprend sa cigarette entre ses doigts libres, expire une bouffée dans les airs.
« Le poker est à l'honneur ce soir. » quinte, brelan, carré, full, soyez chanceuses ou user du bluff, sinon, vous finirez fauchée ou pire.

Spoiler:

La coquetterie. N’était-ce pas la plus fine des consolations pour une femme ? Ce soir, elle n’avait plus l’air d’une misérable, ce soir, Sevda était reine d’amour et de beauté. Sa longue et flamboyante chevelure rousse était relevée en un élégant chignon, d’où s’échappaient de douces mèches entourant son visage. Une paire de solitaires ornait ses oreilles et la russe s’était maquillée avec goût, tout en préservant une certaine discrétion. Parée d’une robe fourreau d’un bleu sombre, d’une paire d’escarpins aux tons neutres et d’une pochette assortie, la Dzhafarova resplendissait d’élégance et n’était plus l’objet de Lukian Fabregas. Sentiment de puissance et de féminité éphémère retrouvé, grâce à son fidèle allié. Que ferais-je sans ta loyauté, mon farouche Byron ? Son ancien assistant et ami avait eu la générosité de lui dénicher ses merveilles et de la transformer en Cendrillon le temps d’une nuit. Vêtue de la sorte, Sevda se réconciliait avec son ancien moi, mettait de côté la misère au profit de l’opulence et du jeu. Elle avait promis à Edelgard de redresser son port et de redevenir cette noble russe qu’on estimait tant, qu’importe les dires. La vétérimage avait scellé un pacte et devait s’y tenir.

Une promesse se devait d’être respectée. Sevda appartenait à cette catégorie d’individus qui n’avaient qu’une parole et qui honoraient leur propos avec distinction. Bien entendu, elle avait hésité avant d’accepter la requête d’Edelgard Umbridge. Reposer les pieds au casino lui avait semblé improbable, avec les malheurs qui lui tombaient sur la tête et sa condition de paria. La propriétaire du Golden Dragon lui avait envoyé une lettre après avoir appris qu’elle était parvenue à obtenir sa liberté en sortant victorieuse de l’arène. Sevda ne l’avait jamais répondu à cette lettre, ne souhaitant pas embarrasser son amie de sa présence, sans oublier que Naiara était membre de la Loge et qu’elle ne se voyait plus fréquenter la cubaine. Le problème était qu’elle s’était soumise à un serment inviolable plusieurs années plus tôt, alors que la Loge prenait vie. Longtemps, elle avait animé leurs soirées par ses incroyables récits, contant ses aventures et faisant découvrir le monde à ces dames qui partageaient sa vie au casino. Elle n’était pas la plus douée aux jeux, ni la plus friande, mais avait brillé par sa malice, sa bonne humeur et ses connaissances. Alors, il était hors de question pour Edel de voir la Dzhafarova éteindre cette lumière qui illuminait son sillage. Il n’était pas seulement question de serment inviolable, entre elles.

Ce soir, Sevda Dzhafarova entendait rugir, lionheart.
Ses pas foulèrent le sol du Golden Dragon, démarche preste et légère récupérée, hazel eyes in the place. Regards de ces messieurs ne quittant pas ce nuage de feu que Sevda était à elle seule, cependant intouchable était-elle. Un frôlement de leur part et Byron les décimerait, tous.
L’antre de la Loge l’accueillait à présent à bras ouverts, espace familier à qui son fessier avait tant manqué. La banquette de velours ne réclamait que la russe et après des mois d’absence, voilà que la sylphide réapparaissait, survivante miraculée et chanceuse.
Installée entre Edelgard et Drusilla, la sorcière avait refusé de s’asseoir près de Naiara avant même d’être revenue. Inutile de guerroyer devant ces dames, bien que cela s’annonçait… délicat.
« Le poker est à l’honneur ce soir. » annonça Edelgard avec solennité et chaleur. Sevda grimaça : ce n’était pas son soir. Skarithra jeta son venin acéré à la face de Drusilla et pour la première fois de la soirée, la voix paisible de la Dzhafarova se fit entendre. « Allons, mesdames. N’oubliez-vous donc pas que c’est moi qui devrait le plus craindre, comme l'exige la tradition autour de cette table ? » lança-t-elle, les yeux rieurs. Edelgard avait eu raison sur bien des points, notamment sur le fait que son retour lui ferait oublier ses péripéties. Son regard virevolta avec allégresse vers l’alpha du casino. « Nous te laissons le plaisir d'ouvrir cette partie, reine-croupière. »