Correspondance de Drusilla Potter

Avril 1913

Marraine ma reine,

J'imagine que la nouvelle de mon rapatriement précipité et de mon opération à Sainte-Mangouste t'es parvenue. Les médicomages estiment que mon état est stable.

J'ignore si tu es déjà venue me voir.

Si tel est le cas, je te prie d'accepter toutes mes excuses car je n'en garde aucun souvenir. Mon seul repère temporel est le jour (les jours ?) où cette guérisseuse affublée d'une affreuse moustache s'occupe de moi. Brave fille, simplement dotée d'une pilosité qui lui confère une légère ressemblance avec un phoque. Je ne sais pas quand Matkah* me rend visite, et je suis bien en peine de mesurer le temps qui s'écoule. D'autant que cela m'est complètement égal.

Si tu n'es pas venue, ne viens pas ! Je suis criblé de sortilèges de rétablissement et de pansements (plus pour m'immobiliser que par véritable efficacité je suppose). Il y a une bouillie infâme sur le flanc gauche de mon corps mais tout est sensé se réparer sous l'effet de la magie.

J'ai tout le temps envie de pleurer Margot. Je ne me souviens même pas d'un enterrement.


Avoir de tes nouvelles me mettrait du baume au coeur.

Ton filleul préféré, ou les 9/10ème de ce qu'il en reste

* femelle phoque dans le conte de Rudyard Kipling "phoque blanc"

My dear,
Si jamais tu cherches ta nuisette noire en dentelle, sache que tu l'as oublié (volontairement ? je me pose la question, je sais que rien n'est jamais fait au hasard avec une femme de ton envergure) chez moi. Elle t'attend bien sagement en ma compagnie. Le parfum qui s'en dégage est subtile et délicat, la maison de parfum choisie te correspond parfaitement.

Tendrement,
Edelgard.