as the night descends (genesis)

Première réunion officielle de l'Ordre qui prend fin. Roisin est dans une torpeur étrange, où elle a la curieuse impression d'avoir rencontré des individus auxquels elle pourrait facilement s'assimiler – mais qui, en dehors de l'Ordre, se dispersent aux quatre coins du monde sorcier. Tous si étranges, si différents, et qui se dressent pourtant sous le même étendard. Malgré l'allégresse qu'elle ressent, Roisin se sent tendue. Sur ses gardes, et prête à bondir. Sentiment d'insécurité qui n'en finit pas de grandir, et de guider ses moindres instincts. Ses prunelles dardent chaque individu présent autour de cette table – dont les visages brûlent dorénavant ses rétines. N'en oublier aucun. Parce que, si la née-moldue voudrait tant pouvoir offrir aveuglément sa confiance à tous ceux qui partagent ses idéaux, elle en est toutefois incapable. Parlons d'une prudence aiguë, ou de simple bon sens. Parlons de ce qu'elle voudrait, mais ne peut pas faire. Parlons de sa survie.

Du coin de l'oeil, elle lorgne Genesis Shafiq – rare beauté qui, la née-moldue le suppose, arpente les couloirs du Ministère régulièrement. Il lui est étrange d'assimiler les employés de cette Institution, placée directement sous le joug de Grindelwald, aux préceptes de l'Ordre. Distance qui se fait, et préjugé qu'elle peine à réprimer. She has been nice enough so far. Son ton était agréable, et sa curiosité palpable ; requête directe qui a été adressée à Roisin, essayant de se remémorer tout ce qu'elle a pu entendre à propos des radios et de leur fonctionnement. Ses connaissances en la matière sont basiques – encore surprise d'être celle qui doit les exprimer à l'assemblée, tant elle serait bien incapable d'en décortiquer une pour expliquer l'utilité de chaque pièce. Tandis qu'un à un, les sorciers se lèvent et prennent congé du groupe, la née-moldue se redresse et agrippe sa radio à deux mains.

Roisin s'approche de Genesis, et prend place sur l'un des sièges qui l'entoure. Mains encombrées par la radio qu'elle pose sur la longue table en bois, le fantôme d'un petit sourire étirant ses lèvres rosées. Elle arque un sourcil, et présente l'instrument à la jeune femme, dardant ses prunelles claires dans celles, plus sombres, de sa vis-à-vis. « C'est très amusant, tu vas voir. » Profiter des petits riens avant de retourner au bercail, masque d'emprunt qu'elle devra se parer de nouveau. Bonne aux mille facettes, qui embrasse une seconde identité parce que la première, bien qu'asséchée, semble être trop lourde à porter. « Tu appuies sur ce bouton pour allumer la radio. » Son index se dirige vers le petit renforcement noir. Aussitôt, l'atmosphère s'électrise, et se farde d'une réception mal aiguisée. « Le bruit que l'on entend, ça signifie qu'aucune fréquence de station de radio n'est alignée sur notre signal, pour le moment du moins. Si tu veux en trouver une, tu dois tourner ce bouton-là – » Roisin agrippe la plus grosse des deux touches et la tourne aléatoirement, déclenchant une avalanche de bruits hasardeux, avant de passer l'index sur les fréquences qui marque le cercle de blanc. Elle tend la paume vers la radio et invite silencieusement Genesis à s'amuser avec. Le meilleur apprentissage passe encore par la pratique.

« On vous donnera la fréquence sur laquelle on diffusera les messages de l'Ordre, évidemment. » La rassure Roisin en posant son coude sur la table, paume prenant son menton en coupe. « Mais c'est tout, vraiment – aussi simple que bonjour. » Mot qu'elle prend soin de dire en français, d'une prononciation toutefois chevrotante et charcutée par son accent irlandais.

Tapes amicales dans le dos, clins d’oeil espiègles ou poignées de main polies. Tous se disent au revoir, à bientôt et quittent la salle sur demande. En solitaire ou accompagné. D’un ami, d’un collègue ou d’un parent. La promesse de se poser dans le bar du coin pour s’enivrer de quelques verres de whisky pur feu, avec ou sans glaçon. Un remontant bien mérité en préparation pour la bataille. Une de plus et certainement pas la dernière. Ce qui ne manque pas de susciter l’inquiétude de Genesis. Elle se contente de leur indiquer la sortie, dédales de couloirs. Véritable labyrinthe, avant de porter son attention sur la sorcière qui a accepté de rester un peu plus tard cette nuit. Âme prévenante qui s’apprête à lui expliquer le fonctionnement de l’outil maintes fois mentionné au cours de l’assemblée. Sourire sur les lippes de l’orientale, témoignage de sa reconnaissance.

« - J’espère que tu ne m’en veux pas, débute-t-elle d’une voix douce. Tu avais peut-être d’autres projets pour ta soirée.  »

Un regard intrigué en direction de Roisin qui se lève et saisit la radio de ses deux mains. Et, Genesis ne peut s’empêcher de penser, qu’avec tant de précautions, cet objet est certainement très fragile. Une question qui s’évanouit sur le bout de ses lèvres avant même de voir le jour. Il est évident que la Shafiq s’occupera de cette précieuse boîte avec le plus grand des soins. Celle qui l’informera quant au sort de ses semblables. Qu’il est étrange d’imaginer qu’une si petite chose puisse préserver l’inestimable vie de ses complices.

« - C'est très amusant, tu vas voir. »

Elle acquiesce d’un signe de tête, prenant le parti de s’en remettre à son jugement expert. Attentive, elle écoute ses indications, suit, du regard, ses doigts fins donner vie à la curieuse machine.  Boîte de pandore. Elle fronce les sourcils, Genesis. Léger mouvement de recul en percevant ces désagréables grésillements fredonner dans ses oreilles. Grimace qui tire les traits de son visage basané.

« - Il ne va pas être aisé de vous comprendre avec ce bourdonnement incessant, chuchote-elle en s’appuyant contre le dossier de son siège. Presque à l’image d’une élève rebelle qui jetterait l’éponge un peu trop tôt.
- Le bruit que l'on entend, ça signifie qu'aucune fréquence de station de radio n'est alignée sur notre signal, pour le moment du moins, la rassure aussitôt Roisin. Si tu veux en trouver une, tu dois tourner ce bouton-là – » 

Après avoir joint la parole au geste, la sorcière invite Genesis à faire ses gammes. Et, si elle avait donné l’impression d’abandonner quelques minutes plus tôt, la réalité est qu’elle a la ténacité dans le sang. À son tour, donc, d’expérimenter, tournant minutieusement les touches dans le sens des aiguilles d’une montre, puis son contraire. L’espoir résolu de découvrir une fréquence on ne peut plus mélodieuse.

« - On vous donnera la fréquence sur laquelle on diffusera les messages de l'Ordre, évidemment. Des propos qui la tranquillisent un instant. Trouver un signal sera probablement moins complexe qu’une recherche à l’aveugle. Mais c'est tout, vraiment – aussi simple que bonjour. 
- Sabah alkhyr, lui confie-t-elle d’un ton amusé, dans ma langue maternelle.  Une précision, un geste amical envers la blonde. Mais, peu à peu, les pensées se bousculent dans sa tête. Brouillard dans son esprit qui s’épaissit pianissimo. Roisin, si je comprends bien, n’importe qui pourrait trouver cette fréquence. En cherchant un peu, j’entends. Sourcil arqué et l’orage dans le regard. Ils pourraient la trouver.  »

Elle pense à Albus, Minerva, Newt et à tous les autres. Elle pense à Roisin. Vent de panique dans sa voix.

« - Tu feras attention, n’est-ce pas ? À eux, à toi. »

Sabah alkhyr. Roisin acquiesce, et ses lèvres forment les mots que Genesis vient de lui souffler. Entraînement rocambolesque, car la voix mélodieuse de sa vis-à-vis ne se retrouve guère dans son accent irlandais qui écorche ces quelques syllabes. Puis, le ton de son interlocutrice l'alarme. Relevant son regard clair vers celui, plus sombre, de Genesis, Roisin ne sait quoi faire. Ou quoi dire. L'idée lui a traversé l'esprit, mais Shafiq est plus brave qu'elle ne l'est – elle, au moins, met des mots sur ce qu'elle ressent. Elle attrape ses pensées au vol, et les lui présente, au lieu de les enterrer. En désespoir de cause, la née-moldue glisse une mèche de ses cheveux derrière son oreille, et esquisse un sourire qui se veut rassurant.

Mais le sourire se casse, apaisement qui se tord un rictus mal assuré. Elle, plus que quiconque, connait les doutes. L'effroi, surtout, qui s'infiltre dans les nombreuses failles qui fardent les meilleurs plans. Genesis a cette personnalité que Roisin se sent capable de comprendre, et d'apprécier. Intonation superbe qui lui donne l'impression d'être cajolée – la née-moldue se focalise toutefois sur ses mots, plutôt que leur forme. Elle perçoit une panique qui s'épaissit. Ainsi, elle se fait entendre. Sourire, plus sain, plus honnête, qui courbe ses lippes.

« En cherchant longtemps, oui, je suppose que.. silence, Roisin ne veut pas que Genesis perde le sommeil à propos d'éventualités. ..mais j'en doute, Gen, vraiment. » Ses prunelles épousent l'objet moldu, si commun dans de nombreuses maisonnées environnantes. Combien d'individus tendent l'oreille afin de capturer la mélodie qui s'y échappe, à ce moment précis ? « Qui plus est... ça en vaut le coup, non ? » Demande qui s'affaisse en un murmure, étranglé par la gorge qui se serre douloureusement. Ses ongles tapent la table boisée, en une cadence douce et lente. Coeur en berne, elle serre le poing. « Ecoute – je.. je ne pense pas que ce plan soit dénué du moindre danger. Mais, lorsque tu y penses, nous prenons déjà des risques à tous nous rencontrer. » Elle humecte rapidement sa lèvre inférieure du bout de la langue, et plisse les paupières. Essaie d'imaginer Genesis – dont la carrière bat son plein, elle qui a encore tout à perdre. « C'est pour ça qu'on utilise un nom de code, aye. Il n'y aura aucun problème. » Assure-t-elle, forte d'une tenacité propre aux condamnés à mort.

Roisin n'a plus rien à perdre – sa ligne de mire est considérablement réduite. Elle en est consciente, et Genesis l'est aussi très probablement. La née-moldue hausse les épaules, d'un optimisme frôlant son paroxysme. Optimisme vain, à bien des égards. Optimisme encastré par le frémissement dans la voix de Genesis, angoisse qu'elle ne cherche pas à dissimuler – et Roisin lui en est reconnaissante.

« Je vais faire attention à tout le monde. Ne t'en fais pas. » Ses yeux fixent le vide un bref instant, puis dardent le visage délicat de Genesis de leur éclat compatissant. « Et c'est plutôt à toi que l'on devrait dire ça... tu travailles au Ministère, n'est-ce pas ? Ca doit être...compliqué d'y passer tes journées. » Autour d'eux, les gens continuent à s'agiter. Certains partent, certains restent. Chaque visage gravé dans leur mémoire. « Je suis désolée. » For everything, really. Elle aurait voulu que ce combat ne concerne pas toute une société. Elle aurait voulu que Genesis Shafiq vaque tranquillement à ses occupations au cœur de son bureau, sans prêter attention aux autres. Elle a une croix dans le dos, à présent.

Parce que la mort occupe une grande partie de ses pensées. Qui sera le premier à flancher ? Qui sera le deuxième ? Réflexions incessantes qui vont et viennent. Quand elle fait la vaisselle, et sert le thé. Quand elle frotte de l'eau glacée sur ses joues le matin venu.

« Je suis désolée, parce que je ne suis pas certaine qu'on s'en sortira tous intacts. » Nouveau murmure. Elle ne veut pas que quelqu'un d'autre l'entende, et s'engage dans leur conversation. Roisin déglutit difficilement. A son tour, elle essaie d'être brave, et d'exprimer ce vers quoi son obsession tend. Le doute. Et si elle n'a plus rien à perdre - damn, à les voir tous assis autour de la table quelques minutes plus tôt, peut-être s'est-elle méprise sur la question. For the best.

La mélodie de ses éclats de rire laisse bien vite place à une inquiétude grandissante. Celle qu’elle ne peut contenir très longtemps. Malgré ses efforts. Sa lèvre inférieure qu’elle mordille anxieusement. Enfant apeurée par le noir. Ténèbres visqueuses d’une guerre qui gronde férocement. Au loin. Mais, qui se rapproche dangereusement, à l’instar d’une ombre menaçante. Les pertes seront nombreuses, elle le sait. Pourtant, il demeure cet infime espoir. Folie douce. Qu’ils s’en sortent tous indemnes. Cette nuit, peut-être. Et, demain. Un jour après l’autre, auquel on se raccroche, comme à une balançoire dont on ne veut pas tomber. Les doigts qui s’enroulent autour des cordes qui maintiennent la sellette et les ongles qui s’enfoncent dans les paumes, se raccrochent à la vie, un semblant d’équilibre. Une mèche de cheveux qu’elle replace derrière son oreille, un sourire timide qui se dessine sur ses lippes, avant de s’évanouir aussitôt. Celui qui sonne trop faux. Alors, elle regrette, Genesis. D’avoir formulé ses doutes à voix haute. Elle n’avait pas besoin de cela, ils n’avaient pas besoin de cela. Juste des paroles bienveillantes et des accolades encourageantes.

« - En cherchant longtemps, oui, je suppose que.. Sa voix qui se brise, avant de reprendre après un bref silence. Mais j'en doute, Gen, vraiment. Acquiescement d’un signe de tête et étirement à la commissure de ses lèvres qui se veut rassurant. Qui plus est... ça en vaut le coup, non ?
- Bien sûr, Roisin, répond-elle aussitôt dans un élan de douceur. Bien sûr que ça en vaut la peine. Sa main qu’elle pose sur celle de l’Irlandaise en discernant le déchirement dans sa voix, geste amical. Aussitôt répondu par des doigts qui pianotent sur la table et un poing qui se serre. 

- Ecoute – je.. je ne pense pas que ce plan soit dénué du moindre danger. Mais, lorsque tu y penses, nous prenons déjà des risques à tous nous rencontrer. C'est pour ça qu'on utilise un nom de code, aye. Il n'y aura aucun problème, lui assure-t-elle d’un voix forte.
- 
Je te prie de m’excuser, je ne voulais pas donner l’impression de remettre en cause la mission. »

Et, Roisin qui tente de la rassurer, une fois de plus. Je vais faire attention à tout le monde. La silhouette de la Shafiq qui se détend peu à peu. Les épaules qui se relâchent, les muscles de la mâchoire qui se décrispent et les traits du visage qui retrouvent leur délicatesse habituelle.

« - Et c'est plutôt à toi que l'on devrait dire ça... Tu travailles au Ministère, n'est-ce pas ? Ça doit être… Compliqué d'y passer tes journées.
- Hm ? L’une de ses bagues en or qu’elle tourne nerveusement entre ses doigts, quelque peu déconcertée par la question. Il est rare que l’on éprouve ou exprime de la compassion à son égard. Avocate impitoyable. Celle qui défend les sbires de Grindelwald, pour mieux leur soutirer quelques uns des précieux renseignements qui finiront, un jour ou l’autre, par se retourner contre eux. Oui. Département de la Justice Magique, précise-t-elle en haussant légèrement des épaules. J’imagine que compliqué est le terme approprié. À vrai dire, j’aimerais pouvoir utiliser mes compétences à des fins plus nobles, lui avoue-t-elle sans oser s’attarder sur le sujet. Et, bien rapidement, les excuses. Celles auxquelles elle ne s’attendait pas. Effusion de sincérité.
- Je suis désolée.

- Désolée ?, se contente-elle de répéter en fronçant les sourcils.
- 
Je suis désolée, parce que je ne suis pas certaine qu'on s'en sortira tous intacts. Le silence qui retombe et les doigts fins de Genesis qui massent ses tempes. Sans doute aurait-il était préférable de garder ses appréhensions pour elle. Plutôt que de les partager si ouvertement. Négligeant, ainsi, la sensibilité de Roisin.
- Je regrette d’avoir douté de vous, débute-elle d’un accent paisible. J’ai omis un détail important en te faisant part de mes craintes. Elle marque une pause. Sourire au coin de la bouche et lueur clémente dans ses prunelles émeraudes. Vous êtes tous de brillants sorciers. »

Elle se relève, délaisse momentanément sa chaise pour sortir deux verres en cristal d’un buffet poussiéreux. Vestiges d’un court séjour en Turquie. Ceux qui avaient tapé dans l’oeil de sa mère, Inès, lors d’une ballade entres les allées étroites du Grand Bazar d’Istanbul. Coup de coeur de courte durée, visiblement.  

« - N’en parlons plus, veux-tu ?, lui demande-t-elle en farfouillant dans le placard. Une vieille bouteille de gin qu’elle parvient à extraire parmi les bibelots, l’air triomphant. Pas de raison que les hommes soient les seuls à passer une soirée agréable, qu’en dis-tu ? La liqueur qu’elle déverse dans un verre, puis l’autre. Parle-moi de toi. Est-ce que… Est-ce que ta librairie te manque ? »