interrogatoire — groupe 05. amos gaunt + persephone wardwell + lydia sinclair (tw)

tw sur tout le sujet : mention de torture, violence, sang


Ils n’ont pas oublié de l’appeler.
Pas étonnée, mais quelque peu déçue — les mensonges qu’elle se raconte finiront sans nul doute par la rendre absolument délirante, un jour ou l’autre.

La surprise arrive quelques fractions de seconde plus tard, quand l’amie qu’elle vient de retrouver est sommée de rejoindre la même pièce qu’elle. La colère de Lydia, vibrante quelques instants avant qu’on les alpague, l’inquiète. Pour elle-même avant tout, évidemment, mais aussi pour la Sinclair. Si Persephone espère pouvoir s’en sortir d’un sourire imbécile, elle doute que l’autre soit capable d’en faire de même. D’un regard, elle tente de lui insuffler le peu de bravoure qu’elle possède. L’effort doit être inutile : ses réserves sont maigres, et tendent habituellement plus à murmurer un courage, fuyons qu’un quelconque encouragement combattant.
Le trajet jusqu’à la salle d’interrogatoire est court et s’effectue pour sa part dans un calme maîtrisé, le bruit de leurs pas résonnant dans sa poitrine. Vague nausée.  
Où est l’attentat révolutionnaire quand on en a besoin ?

À l’intérieur l’obscurité, seulement perturbée par un rayon de lumière s’abattant sur deux chaises qui semblent prêtes à s’écrouler sur elles-mêmes. Charmant. Une silhouette les attends, stature large et imposante par tout ce qu’elle représente. De plastique est le sourire qu’elle plaque immédiatement sur son visage tandis que le corps se plie aux exigences qu’elle croit deviner ; retombent les épaules, se courbe l’échine. Aucune fibre de rébellion par ici, circulez, il n’y a rien à voir. La porte claque derrière elles, étouffant sans effacer totalement le bruit des rondes des Aigles, à l’extérieur. Les contours de la salle se précisent, les traits du visage qui leur font face aussi. Amos Gaunt. Malgré son aide (parcimonieuse et opportuniste, soit) au Fol’Opium, elle ne pense pas que ça soit une bonne nouvelle pour elle. Trop proche de son quotidien, trop au fait de ses pratiques.
Peut-être a-t-il vu. La colère sous la surface dorée, l’oiseau qui cherche à s’échapper de la cage.
Ses muscles tremblent d’effort lorsqu’elle pénètre dans la lumière, les tripes hurlant pour qu’elle s’en retourne à l’ombre. Mais on lui a demandé de s’asseoir, alors le pantin s’assied sobrement. Les mains rassemblées sur les genoux serrés, le menton ni trop haut ni trop bas, elle piétine méthodiquement toute pensée déviante et choisit de garder un silence prudent : une née-moldue bien éduquée ne parle pas sans qu'on lui ait demandé de le faire, n'est-ce pas ?
Et que Lydia en fasse de même, par Merlin.  

L'obscurité, d'abord.
Iris qui peinent à s’accommoder à la noirceur de l'environnement, qui semblent pourtant brûler face à la lumière qui fait contraste au centre de la pièce. Il lui faudra quelques secondes avant de clairement déchiffrer la silhouette qui les attend à quelques mètres de leurs corps frêles et asservis. Un homme, une carrure imposante qui n'en aurait que faire qu'elles soient deux contre lui. Il n'y a donc aucun moyen de fuir cet instant, cernées à la merci de ce regard qui aurait pu lui brûler la chair s'il en avait eu la possibilité. Elle suit les pas de Perséphone, Lydia, se fait docile lorsque les onyx s'animent d'une rage interdite. Mais jamais elle ne se laisse perdre le contrôle (ce serait trop dangereux, il suffirait d'une seconde pour que le masque soit retiré), et s'assoit sans ne jamais croiser les prunelles de cet homme qui lui fait face. A côté d'elle, Perséphone se fait poupée aux fils dorés, pantin des sangs-pur, moldue bien élevée. Elle aussi, serait-elle prête à exploser ? S'agit-il de la même haine qui s'écoule dans leurs veines qu'on haï tant, là où le cruor maculé n'en finit plus de perler ? Ou agit-elle seulement comme cela car on le lui a demandé ? Pantin d'argent, proie élégante.

Elle aimerait croire qu'elles possèdent les mêmes envies, les mêmes convictions de liberté. Elle n'en doute pas, au fond, car elle la connait cette fille, cette amie dont les chemins se pourtant sont séparés bien trop tôt, sans qu'elle n'ait cependant cherché à la retenir. Elle lui aurait demandé comment ça allait si on lui avait laissé plus de temps, mais les prénoms ont raisonné sans le leur accorder. Et les corps ont suivi la danse sans ne jamais se rebeller.

C'est qu'elle a tenté, Lydia, de se défaire de cette emprise du règne pur, en vain. Elle n'a fait que s'y enfoncer d'avantage, renforçant sa rage et son désir de liberté. Et dans cette pièce où le silence se fait maître, elle n'ose pas le défier. Non par peur, mais par méfiance. Les lippes jamais ne s'ouvrent, pas même pour un soupir, mais les iris se risquent à remonter vers ceux de l'interrogateur qui n'a toujours pas parlé. Elle analyse, cherche des réponses là où seule la folie existe. Car elle le comprend, cet homme n'inspire que la haine. Envers elle, envers les siens.

Et elle se demande, un court instant, si cette journée ne scellera pas son entière destinée.

Ce ne sont plus des certitudes mais d’absolues conceptions ; les engeances sont en route et avalent en leurs gueules les premières victimes au sang souillé. Les longs corridors dévorent les pas des pauvres hères dont les espoirs se liquéfient à chaque mètre gagné. Demeure ce jeune homme à la mine rembrunie dont la jeunesse se tâche de l’insalubre et du crime ; Amos a le regard impatient. Il n’a guère le désir d’être ici, se persuade que le ministère se fourvoie. Non pas en la piètre destinée des nés-moldus mais en l’appréciation de son temps qu’on lui arrache alors et qui lui est si précieux. Amos a l’égotisme cristallisé par la haine, marche volontiers dans le sillage de Grindelwald mais désavoue ces interrogatoires imposés. N’ont-ils pas d’autres larbins à leur solde ? De plus, les conditions l’ennuient. La conjoncture est trop propre, l’inquisition mesurée. Ainsi las, il interpelle une jeune femme écumant les lieux. Sa bouche restorse se tord en un sourire angélique comme il argue avec la politesse forcée :  « Mademoiselle, auriez-vous l’amabilité de m’apporter une tasse de thé ? » La demande est incongrue, jamais désintéressée. La concernée marque la perplexité, pantoise. Mais le minois ravissant semble amène ; la jeune femme opine du chef. Le questionne : « Comment aimez-vous votre boisson ? » « Je les aime chaudes. » Clin d’oeil appuyé, timbre suave et séducteur. Il l’interpelle encore : « Avec du sucre, je vous prie. »  Le détail n’en est pas un. Amos abhorre le thé. Voyez-vous arriver le loup ?

Il a pris place dans la pièce lugubre. Le diaphragme qui se gonfle à peine, le coeur absent, la sollicitude fauchée. C’est d’un geste las qu’il invite les deux jeunes femmes à prendre place face à lui ; il reconnaît Perséphone qu’il côtoie régulièrement malgré lui. La nuit tous les chats sont gris, et les putes aussi. Il supporte la présence des sangs souillés parce qu’elles sont favorables à son business ; là où les crevards affluent, la came s'écoule. Il ignore néanmoins l’identité de sa comparse d’infortune ; jette alors un bref coup d’oeil à ses fiches de renseignement, toujours mutique. Puis sans un mot, ôte la cuillère de la tasse qu’il n’a guère touché. La pose soigneusement sur la table. Dans ce silence sacerdoce, le cliquetis métallique est assourdissant. « Parlons peu, parlons bien. » Pause volontaire. Amos destitue un briquet de sa poche, le pose près du couvert dans un parallélisme parfait. Il relève vers elles ses yeux de suie, sait que de ces lippes carmin ne glissera nulle honnêteté. Mais soit. « Percy. » Le jeune homme sourit, voilà qui est terrifiant. « Avec tous les hommes que tu couches dans ton lit, il y en a bien quelques uns qui t’ont légué de savoureux secrets. Comme, disons... » Réflexion factice, les yeux roulent brièvement vers le plafond. « … l'identité des personnes qui se cachent derrière cette fameuse radio pirate ? Peut-être même que tu en fais toi-même partie. » Le regard coule à sa voisine, cadenasse sa pupille. « Qu’en penses-tu, Lydia ? Persephone a-t-elle une assez jolie voix pour chanter les hymnes de la résistance sur... » Accio FM. Sa langue fourche, c’est volontaire. Ses doigts claquent dans le vide, interrogeant ce qu’il sait déjà. « Le nom m’échappe, mes excuses. » Sourire radieux ; c’est qu’on lui donnerait volontiers le monde et sa gueule d’ange se chargerait de le darder avec jouissance comme il le défigurerait au couteau.

Spoiler:

Cling contre la table. Le son résonne, la mâchoire se crispe, les ongles s’enfoncent un instant dans la paume de sa main. Il essaie probablement de les intimider. Cela fonctionne. Cuillère, puis briquet. Curieux, ses yeux clairs s’y posent, tentent d’en découvrir la signification. Quand une hypothèse se forme, elle détourne la tête, incapable de retenir un frisson. Ignorance is bliss.

Il l’appelle par son surnom, comme il l’aurait fait dans l’un des couloirs où se croisent putes, malfrats et clients. Elle retient à grande peine l’envie de le corriger. L’interrogatoire n’est finalement pas le plus grand danger : le problème, c’est les détails. Les petits riens. Le regard qui flanche, les mains qui tremblent, les griffes qu’elle oublie de rentrer. Le salaud le sait pertinemment. Percy, et il lui sourit. Percy, parfaite poupée malléable, étire les lèvres à son tour.
“Sauf votre respect, et comme cela ne vous a bien sûr pas échappé, les hommes ne me paient pas pour ma conversation.” Un rire, de ceux qu’elle offre au quotidien à Neptune Lockhart : sans saveur et idiot. “Mais même s’ils le faisaient, je ne suis Dieu merci certainement pas payée pour écouter.” L’expression moldue est glissée avec légèreté, enrobée de miel. Presque impertinente, mais pas encore tout à fait, Persephone danse au bord du précipice. Se risque à hausser les épaules, l’air désolé. “Je regrette donc de ne pouvoir vous offrir aucune information au sujet de cette…” Moue incertaine. “Radio.” Albus et son regard confus en prononçant le mot pour ce qui semblait être la première fois, la faisant rire tandis qu’elle se lançait dans de longues explications. La réunion de l’Ordre en présentant le fonctionnement, une dizaine de sorciers hochant la tête à l’unisson.
Rossignol sur le bout de la langue. Qu’elle mord.  

C’est à Lydia qu’il demande de la défendre (ou, bien plus probable, de la condamner), faisant mine de buter sur le nom pirate. La technique est intelligente, ce qui l'agace encore davantage. Les yeux toujours posés sur Amos, elle s'oblige à ne pas regarder à sa gauche. Les failles sont plus difficiles à camoufler lorsqu'on les aperçoit sur le visage d'autrui, et son amie connaissait toutes les siennes. Heureux est le déni, en effet.

@lydia sinclair @amos gaunt

Elle ne tressaille pas quand l'argent frappe la table ; c'est que le bruit aurait pu sembler inaudible, cuillère posée si délicatement sur la surface qu'elle aurait pu en louper l'action, Lydia, si ses yeux n'en avaient pas été témoin. Pourtant il y a cette violence qui anime ses mouvements, si subtile que même elle aurait pu ne pas la discerner ; mais Lydia, la violence, elle la connait sous toutes ses formes, alors quand le briquet vient à son tour se poser sur la table, d'un parallélisme presque parfait avec la cuillère précédemment dévoilée, elle a comprit, la colombe, qu'il y a bien trop de vices qui animent les onyx du garçon. Et la voix, et le visage qui s'anime d'un sourire qui terrifierait même les cieux. Qui est-il ? Que veut-il ? Bien plus que les informations qu'on lui a demandé de récolter, elle s'en doute Lydia, mais elle ne laisse pourtant rien paraître quand les premières questions sont prononcées. Elle écoute. Elle ne cille pas. Pas même lorsque le regard se fond dans le sien, pas même lorsque Persephone se risque à lui répondre, l'âme peut-être assassine et insolente face à cet homme qu'elle semble connaitre.

Elle pourrait s'en sortir en la dénonçant (mais de quoi, exactement ?). Elle ne sait rien, Lydia, le voilà le problème. Car cette radio, elle n'en a été témoin que de rares fois, apparue lorsque le corps a été enlevé par les Aigles après sa tentative de briser sa marque. L'espoir que lui offre le canal insonore aux tympans sorciers est inaccessible. Lointain. Elle n'a aucun moyen de les rejoindre. Mais peut-être, il est possible que Persephone s'y soit rallié. Égoïsme qui ronge les veines, il suffirait de quelques mots pour la faire se noyer afin de sauver sa propre peau, quitte à trahir cette amie qui s'est égaré de sa vie. Ne la traiteraient-ils pas mieux en la voyant si docile ? Non. Il n'y a rien à faire, elle resterait à jamais inférieure à leurs yeux. « Je ne doute pas qu'elle ait une jolie voix, mais assez pour apparaître sur cette dite radio ? Peu semblable. » Insolence baignée dans un calme presque parfait. Elle ne se laisse pas avoir, prunelles qui déconcertent par leur franchise et indifférence. Elle aurait pu s'arrêter ici, Lydia, mais la langue n'en a pas fini. Pas encore « Avec tout le respect que je vous dois, je ne détiens aucune information. » Et elle ne ment pas. Elle ne sait pas. Elle ne veut pas savoir. Et elle se mue une nouvelle fois dans le silence, avant que la prochaine question ne fasse rage. Elle ne doit pas flancher. Elle ne doit pas s'emporter (sa survie entière en dépend).

Seule la plume mutilant froidement le papier s’agite magiquement à ses côtés. Inepties bienséantes. Amos le sent ; ces entrevues ne sont polies que par l’envie du Ministère d’asseoir ses nouvelles directives, l’inquisition sorcière n’est pas encore en marche. Les questions sont inutiles, puisque les réponses faussées. Etonnant, comme elles sont faussement dociles. A cracher leurs fadaises avec des airs de cruche ignorant tout, trop bien travaillés. Persephone, surtout. A la moindre anicroche, elle arrondit quelque peu la bouche, faussement bêtasse. L’air de murmurer “ah ça je l’ignore, j’y connais rien”. Au final, ce n’est pas compliqué, d’être conne.

« Fascinant. » Amos l’ignore mais il a sifflé son commentaire de sa langue reptilienne. Ton faussement débonnaire. Le regard qui se verrouille sur Perséphone et jamais ne cille. Il le sait, qu’elle n’est pas stupide. Mais tout contre son crâne s’agitent mille tergiversations qu’il n’eut jamais pour elle. Dans ce silence assourdissant, Amos finit par se pencher quelque peu puis murmure. C’est volontaire. A moins qu’elles ne se penchent à leur tour, elles ne peuvent entendre ce que ce timbre suave a à leur confesser.  « Voici donc le secret de ton succès. Prétendre être stupide. Sourire bêtement au client, même le plus dégénéré. Et ils reviennent. Mais c’est drôle, pas vrai ?  » Il se redresse, jamais ne cille. « Cette lueur de sexe crasse qu’ils ont dans le regard. T’as envie des les claquer. T’as ça en horreur, mais tu donnes tout. Et puis tu restes. » La pupille de la vipère plonge dans le regard de miel de Persephone. Il y fouille comme chez lui, ne se gêne guère pour en arracher le moindre battement de cils qu’il estimerait suspect. « Pourquoi tu restes ? »

Silence inquisiteur. Il peut sentir les corps lutter contre leurs inerties.

« Je ne doute pas qu'elle ait une jolie voix, mais assez pour apparaître sur cette dite radio ? Peu semblable. » L’accusée peut souffler ; Amos enfin détourne son regard. Vrille sur son autre cible. Elle, a la langue nerveuse. Difficilement docile, en dépit d’un langage lustré. Il ignore s’il peut croire en ses inepties mais il sait que sa défiance jamais ne ploie.

D’un soupir il s’adosse. Amos est las. Son ennui ne suppose rien de bon. Et d’un geste brusque, rabat la plume animée contre la table. « Vous entendez ? » Silence. Ici, partout, contre les murs. Mutisme des abysses. « Pas un cri, pas un sortilège, pas une agitation. Parce qu’ici personne n’est dupe. » Inutile de creuser son laïus ; elles savent de quoi il parle. Peu importent les questions, les réponses seront toujours propres, édulcorées, brodées de petits ou gros mensonges. Seuls les plus imbéciles joueront aux rebelles et se débattront. Hélas et contrairement à ce qu’ils aiment à croire les nés-moldus ne sont pas stupides. « Je vous propose donc un jeu. De vous à moi, je me suis bien plus amusé à l’enterrement de ma première épouse qu’à mener cette entrevue inutile. » Sourire radieux comme il agrippe son cahier et sa plume. Jambes croisées faisant office de support, Amos semble y dessiner un cercle. Il revit. Et tout autour de ce cercle, y note des sortilèges. Endoloris. L’exercice l’enthousiasme. Incarcerem « A chacune de vos réponses, je décide soit d’exagérer quelque peu » Falsifier. « mes annotations. Soit... » C’est qu’il s’applique, le bougre. Diffindo. « ...de jouer à la roulette magique. » Lucky you, il se sent d’humeur généreuse.  « Vous connaissez, non ? » Serpensortia. L’un de ses préférés. Il aime les attaques au venin. « Même les sang-de-bourbe connaissent, on y jouait tous, à Poudlard. Mais c’était plus … » Avada Kedavra « Enfantin. » Sourire radieux, sourire dément. Il pose sa feuille sur la table, y place sereinement la cuillère au centre. Le regard happe la pupille de Lydia, s’oriente vers une question moins fermée, plume à la main : « Que penses-tu de la résistance menée à l’encontre de la politique de Grindelwald ? »

Le jeu de la roulette sorcière

Vautour en approche, l’oeil entraîné sur ses proies, pour l’instant affamé d’âme plus que de chaire. Sans doute aurait-elle préféré que ce soit l’inverse. La voix siffle, éructe des syllabes qu'elle ne comprend pas, sans qu'elle ait le temps de s'y attarder. Bien trop proche, il piétine le masque et c’est tout juste si elle ne tressaille pas. La peur est remplacée, un instant, par l’irritation orgueilleuse de celle qui se croit bien souvent plus intelligente que ses assaillants. “Mais c’est drôle, pas vrai ?” Elle ne répond pas, l’air impassible. Au fond des prunelles claires qu’elle darde vers lui, cependant, une lueur de malice : évidemment.
La silhouette s’éloigne, elle respire un peu mieux (aurait dû lui bondir dessus et arracher le sourire arrogant à coup de griffes). Pas bien vaillante, toutefois, quand ses cibles ne lui tournent pas le dos. “Pourquoi tu restes ?” Les traits se froissent, la tête se penche légèrement sur le côté. “Je ne comprends pas la question,” répond-elle, ses grands yeux écarquillés. Bavasse la cruche, gagne du temps. Sa main gauche, vierge de tout tatouage expérimental, se lève, s’entortille autour d’une mèche de cheveux (pour éviter que les doigts nerveux ne tirent sur la manche du vêtement jusqu’à le déformer, évident signe de stress qu’elle a toujours eu du mal à camoufler). Elle hésite. Qu’offrir au Gaunt pour qu’il soit satisfait ? Fables grandiloquentes ou sincérité prudente, os à ronger à lancer à ses pieds. “Mieux vaut être pute que morte, non ?” Malgré le ton hasardeux, presque désolé, le rictus est cynique, cette fois-ci, loin des minauderies précédentes. Privée de la possibilité de servir une famille après ses deux tentatives de fuite, Gabriel Potter avait voulu lui imposer l’arène, avant qu’elle ne le persuade de l’envoyer au bordel. L’alternative aurait été trop risquée : quelques soient les scénarios imaginés, le jeu des probabilités n’avait jamais penché en sa faveur. Sacrifice du corps en échange de sa vie, elle referait le même choix. “Si j’en ai la chance, je préférerai bien évidemment me mettre au service d’une famille noble,” ajoute-t-elle. Et, ici encore, du troc : un peu de vrai pour garder à l’ombre les réels secrets, un peu de faux pour préserver les restes d’illusion.

L’attention de l’autre se détourne, s’égare vers Lydia, ne s’y attarde pas ; las, apparemment, déjà. “De vous à moi, je me suis bien plus amusé à l’enterrement de ma première épouse qu’à mener cette entrevue inutile.” La bouche tremble, dévoile presque son propre amusement — le rire face à la crasse, Persephone et les horreurs lancées d’un ton léger. Futilité ne reste pas bien longtemps, de toute façon, effacée par la suite de son explication. Falsification ou punition, pick your poison. Refusant toujours de se tourner vers son amie, elle continue à le fixer tandis qu’il prend note, dépose la feuille puis la cuillère par-dessus. La question qu’il pose ensuite ne lui est pas adressée. Réconfort enrobé de culpabilité, quand elle se fait la réflexion qu’au moins elle n’est pas en danger imminent.

@lydia sinclair @amos gaunt

« Mieux vaut être pute que morte, non ? » Où étaient-elles passées, ces gamines aux rires presque trop candides dans les couloirs de Poudlard, les bras liés, presque persuadés de ne jamais se quitter ? Et qui sont-elles, désormais ? Catin de la nuit, esclave du jour. Elles ne sont plus personne, la voilà la tragédie. Et une nouvelle fois, elle serait tentée de la confronter, de lier ses iris aux siens et de comprendre. Comprendre ce qu'il s'est passé toutes ces années. Mais elle ne fait que déglutir difficilement alors que les paroles continuent de s'écouler. Niaiserie dans chacun des mots, les yeux montent jusqu'au ciel un instant où il ne la regarde pas. Lui aussi, comprend-il son jeu ? Ou est-elle la seule à s'en apercevoir ?  C'est qu'elle la connait, Persephone. Si bien. Trop bien. Un seul regard suffirait à la démasquer. Mais ça n'arrivera jamais, et rapidement, l'attention s'échappe d'elle.

C'est au tour de l'homme de parler. Le sourire est carnassier sur ses lèvres sublimes. Il est beau, Amos ; d'une beauté dangereuse, presque sinistre qui anime un visage tiré par la jubilation du pouvoir qu'il détient sur ces poupées sans destin. Les lettres gravent le papier, incantations qui rongent dès lors veines ; c'est que Lydia, elle en connait leurs syllabes par cœur. Magie noire échappée de la baguette des le plus jeune âge, sortilèges de l'interdit expérimentés sur des bêtes sans défenses. Sur elle, aussi, bras marqué par la noirceur de l'enchantement pour se débarrasser d'une marque qui ne l'aura pourtant jamais quitté. Mais, elle n'a pas peur. Elle serait même presque tentée de sourire, la gamine, lippes qui ne se rompent pourtant jamais, impassibilité qui ne quitte pas les traits. Pathétique.

« Que penses-tu de la résistance menée à l’encontre de la politique de Grindelwald ? » Nouvelle question qui lui est adressée, elle ne répond pas tout de suite, tente simplement de sonder les prunelles à la recherche d'une quelconque faille. Il n'y en a pas. Aucune. Seulement le néant. « Je n'ai pas d'opinion. » Menteuse. Mais qu'elle dise la vérité ou non ne changera rien à son sort, elle sent déjà la plume s'agiter pour marquer de toutes autres lettres que celles prononcées à l'instant. Falsification. Il menace, il jubile. Il n'arrête pas. Et les onyx se détachent enfin des siens pour s'attarder sur le couvert d'argent au centre de cette feuille marquée des syllabes interdites.« Allez-y, tournez la cuillère, vous n'attendez que ça. » A-t-elle le choix ? Elle ne l'a plus depuis longtemps. Elle ne l'a jamais eu. Et quand bien même si elle mourrait aujourd'hui ?

Et quand bien même.
Elle a décidé que ce serait un choix bien plus qu'une fatalité.

@persephone wardwell @amos gaunt

tw : sang, violence

Résultat du lancer de dé:

Résistances à leurs lippes, babillages inutiles. Il n’a pas tiqué aux allusions morbides de Persephone. Sans doute est-il trop méticuleux dans son ouvrage, probablement demeure-t-il assez dérangé pour imaginer sa Yulia encore bien vivante contre son crâne. Etrange, comme Amos a l’attitude sereine, presque détachée de ces monceaux d’insolence se fracassant sous leurs langues. En dépit de son inclémence patentée, cette propension au sadisme, l’héritier Gaunt ne pouvait résolument guère s’attendre à une effusion de larmes ni de suppliques. Il le sait ; seule la torture fait courber les échines, seule la mort soulage les plus courageux. « Je n'ai pas d'opinion. » Evidemment. Amos lève un sourcil, gratte le papier de sa plume volubile : 'Lydia Sinclair ; personnalité contestataire, sympathie pour les rebelles, à surveiller'. Cette manière qu’il a de croiser les jambes, carnet à hauteur de son regard de suie, n’est pas tant involontaire ; il dérobe à la vue des deux jeunes femmes toute annotation qu’il s’évertue à falsifier. Menu plaisir de les plonger soit dans l’expectative, soit dans l’angoisse. « Allez-y, tournez la cuillère, vous n'attendez que ça. » « Oh. » Et de feindre la surprise lorsqu’il lève la pupille sur la frondeuse. Comme il est exaspérant. « Ce n’était pas véritablement dans mon intention, mais si tu insistes. » Sourire lorsqu’il ôte sa baguette de la poche intérieure de son veston. Râclement de gorge, mise en scène démente afin de susciter l’anxiété de l’attente.

La baguette se lève, prompte à faire tourner l’objet de leur destinée.

« J’ai omis de préciser. » L’enfoiré s’amuse, c’est évident. La pupille roule dangereusement sur Persephone. « A chaque fois que l’une d’entre vous donne une mauvaise réponse, c’est sa comparse qui recevra sa punition. » Un signe et il ordonne à Persephone de se lever. BAM BAM BAM Les coeurs chavirent. Certains d’appréhension, d’autres peut-être d’effroi, le dernier d’amusement. La cuillère tourne sous l’impulsion d’un sort, semble ne plus en finir. Puis c’est un Diffindo qui se révèle. « Très bon sort de découpe, je l’ai justement utilisé la semaine dernière pour trancher un rôti coriace. » Tout de même, l'introduction demeure complaisante. Va-t-il cibler la gorge pour le spectaculaire, le dos pour la magnanimité, y mettra-t-il toute sa haine ou sera-t-il plus clément ? Amos à son tour se lève, tourne autour de la victime. Il l’a toujours considérée comme plaisante à regarder sans pour autant se l’avouer. Eviter le visage lui semble donc une élégante décision.

« Diffindo ! »

Lancer de dés du forum:

(Edit de la réponse, suite au lancer)

L'hémoglobine a jailli, entachant son faciès de dément, imbibant les vêtements de la jeune femme. Amos plisse le nez de fausse compassion puis susurre : « Montre un peu ? Ca ne doit pas être très beau à voir. » Lueur perverse dans le regard, le monstre finit par retourner s'asseoir. Pupille féroce vissée sur Persephone. « Reprenons. Crois-tu au régime de Grindelwald Percy ? Après-tout, tu as été sauvée de l'arène, il me semble. »

Lydia l’inconscience, Lydia l’outrage et Lydia la fureur. Lydia incapable de fermer sa grande gueule. Dix ans plus tôt, à serrer le poignet frêle entre ses doigts pour l’empêcher de rentrer dans le tas. Dix ans plus tôt, à lui expliquer son plan pour se venger pendant que l’autre lui rétorquait qu’elles n’avaient pas le temps de s’organiser. Haine brûlante contre colère froide, Lydia charge et Persephone calcule. La dynamique ne semble pas avoir changé, malheureusement : aujourd’hui, Lydia la rage a encore une fois montré les crocs bien trop vite. Abrutie.

Elle ne ramasserait pas les pots cassés cette fois-ci. Hors de question.
C’est ce que son amie verrait dans ses yeux, si elle se retournait vers elle. Et c’est ce qu’elle aurait fini par faire, l’oeil brillant de reproches, si elle n’avait pas compris que les morceaux d’âme éparpillés seraient les siens. Et Lydia n’avait jamais été douée pour réparer quoique ce soit.

Le rire qui s’échappe de ses lèvres est cynique, le regard qu’elle vrille sur le bourreau froid. “Intelligent,” commente-t-elle d’une voix détachée — ne pense pas à ce qui va arriver. Intelligent, oui, contrairement aux orgueilleux caprices de sa voisine. Amos lui fait signe de se lever, alors elle se lève. Les ongles s’enfoncent dans la paume, le menton se redresse. Inutile, à présent, de prétendre la soumission ; c’est piétinée que Persephone se révèle, la stature droite et la moue amère. Il lui tourne autour, éternel rapace, et elle essaie de réprimer un frisson d’anticipation. Dans une autre vie, elle lui aurait peut-être bondi dessus, toutes griffes dehors, proie terrifiée et incontrôlable. Elle aurait peut-être même réussi à faire atterrir un coup avant d’être remise à sa place.

“Diffindo !”

Elle aurait voulu rester digne mais les genoux ploient sous le choc. Elle aurait voulu rester silencieuse mais ne parvient pas à retenir un son étranglé. Passée entre les mailles du filet, comme d’habitude, ces derniers mois. Tandis que certaines filles se rebellaient, elle jouait l’innocence, exagérait l’effroi et se détournait quand elles se mettaient à hurler. Sa chance a fini par tourner. Si elle y croyait, elle accuserait le karma, mais elle n’y croit pas et la seule coupable se trouve à ses côtés. Bourreau ne fait qu’exécuter, se conformer au rôle qu’il a choisi d’endosser. L’amie, elle, a échoué.
Dans son dos, liquide chaud ruisselle. Elle déglutit, se crispe quand elle se redresse et que l’air frôle les plaies ouvertes. Ne retourne pas s’asseoir : il n’a rien demandé (et elle répugne à bouger).

Quand il reprend la parole, elle commence par l’ignorer. Sa pudeur a été enterrée il y a bien longtemps ; elle n’en aurait pas grand-chose à faire qu’il décide de venir vérifier par lui-même mais ne va certainement pas l’aider. “Crois-tu au régime de Grindelwald Percy ? Après-tout, tu as été sauvée de l'arène, il me semble.” Elle rit. “Si je crois au régime de Grindelwald ?” Sauvée de l’arène, dit-il, quand c’est elle qui a dû convaincre, supplier, manipuler et argumenter. Idiot. À deux doigts de lui dire qu’elle n’a pas à croire pour qu’il soit, puis ravale finalement les stratégies éculées et lui offre à la place un sourire éclatant. “Demandez donc à Lydia.” Abelforth comme une promesse, pour la prochaine fois.

Ce ne sera pas elle qui subira l'horreur du sort, ce ne sera pas elle à qui la peau sera tranché. Ce ne sera pas elle, et pourtant, c'est la seule à avoir parlé. Mais qu'est-il arrivé à cette fille qui a apprit à parler seulement quand il le faut : jamais trop mais toujours assez ? Elle n'a pas su contrôler sa langue, Lydia, peut-être pensant détenir les cartes en main. Mais elles sont vides de tout pouvoir. Elle ne possède rien. Pas même de l'espoir. Et le corps de cette amie (l'est-elle encore ?) se mouve au centre de la pièce. L'homme a la baguette en main, le sort ne va pas tarder.

« Diffindo ! »

Je suis désolée. Elle ne le dira pas. Elle ne l'a jamais dit, pas même lorsque l'amitié s'est rompue (jamais totalement, cependant : lettres échangées quand le corps se perdait encore sur les pavés japonais), mais les non-dits sont trop nombreux et la rancœur, elle, n'a fait que s'accentuer. Parce qu'elle est comme ça, Perséphone, elle évite de confrontation quand Lydia fonce dans le tas, et les mots ne sortent pas toujours, très rarement, quand l’impétueuse en a besoin. Et surement qu'il aurait fallu qu'elles en parlent avant que les chemins ne se soient réellement séparés, avant que Lydia n'ait fui les rues Londoniennes à la recherche d'origines qu'elle n'aura jamais trouvé. Et peut-être bien que c'est la fierté, aussi, qui a parlé, parce qu'elle a prit peur, Lydia, quand elle a comprit que les sentiments de Perséphone avaient évolué, alors que les siens ne reflétaient rien de plus que de l’amitié. Elle ne sait jamais excusé, et encore aujourd'hui elle en est incapable. Gamine indomptable, indomptée, égoïste et pleine de lâcheté. Elle n'a pas changé. Elle ne changera pas, et c'est surement même encore pire qu'avant. La vérité,  c'est qu'elle est brisée et que le cœur est incapable de compassion. Sauf pour elle.
Pour elle, le myocarde pleure de nouveau. Silencieusement cependant, alors que les yeux ne font que se fermer pour échapper à l'horreur. Éclats de douleur qui éclatent, corps abîmé qui s'effondre au sol. Elle ne peut que se l'imaginer, le vermeil qui vient épouser les vêtements, les nuances écarlates qu'elle ne connait que trop bien, qui marquent et souillent un épiderme cristallin. Je suis désolée. Et pourtant, je suis soulagée que ce ne soit pas moi, l'effondrée.

Il faudra un certain temps avant que sa silhouette retrouve de nouveau la chaise ; odeur âpre qui envahit les narines, elle se contrôle pour ne rien laisser paraître alors que le sang se fait toujours plus présent. Une nouvelle question ; elle ne lui est pas adressée.  « Demandez donc à Lydia. » Et elle l'entend sourire à travers les mots, vengeance d'un sort qui aurait du lui être porté. Elle soupire dans un rire discret, marqué par l’exaspération d'une situation qu'elle ne contrôle pas. Et ça commence a bouillir, lentement, alors qu'elle n'a pas d'autre choix que de garder son calme. Ce serait si simple de se trahir, qu'une mèche onyx ne vire à un rouge plus vif que le rubis, ou encore que les prunelles ne s'animent de nuances arc-en-ciel. Ce serait si simple, mais tellement dangereux. « La question ne m'était pas adressée, Perséphone. » La langue appuie sur chaque syllabes, mais elles lui sont presque nouvelles ; car il n'y a que Percy qu'elle connait. Percy la naïve, Percy la fragile. Percy la faux-cul. Parce qu'elle n'est-rien de l'image qu'elle tente de se donner.  Lydia, elle la connait la vraie Perséphone. Celle qui ne se cache pas derrière des faux-airs de poupée de porcelaine, celle qui n'a pas de scrupule à trahir quand il le faut. Et peut-être bien qu'elle vivra à son tour ce qu'elle a témoigné tant de fois. Couteau dans le dos quand on ne s'y attend pas ; c'est bien ça, qui les différencie. Car Lydia, elle n'a pas peur de le planter par l'avant, droit dans le cœur, coup sanglant.

TW : torture

Sous la lumière brutale de l’unique faisceau taraudant la pièce, la table se met à trembler. Le jeu qui se trame sous son regard de dément fait éclater en lambeaux son masque prétendument affable ; Amos a les nerfs qui se retournent, la tête qui se fend. Son allégresse macabre a laissé place à la furie comme il frappe avec trop de virulence son poing sur la table. « FERMEZ VOS GUEULES ! » Un visage féroce, une voix désincarnée se délogeant de ses lèvres ; son attitude changeante est effrayante. Et de sa langue limoneuse, une pupille dardant Lydia, Amos amorce les menaces et se lève alors : « Ne me faites pas regretter ma largesse. » Il sent naître dans son âme une indicible rage, provoquée par les insolences, les mines détachées, la lassitude de la tâche. Il n’en faut que peu, pour faire rugir les insanités violentes du jeune Gaunt, héritier des aliénations mentales et des monstruosités. D’un geste le bourreau se saisit de la cuillère ; mouvement véloce, presque précipité, il enfouit l’outil dans sa poche. C’est ainsi animé d’une détermination cruelle qu’Amos contourne le bureau et vient à la rencontre de Persephone toujours debout, statufiée par la douleur mais cet air altier, digne. C’est derrière elle qu'il se glisse, serpent à la vicissitude marquée sur son front, puis il jappe : « Déshabille-toi. » Elle refuse, il réitère. Hausse à nouveau la voix, effrayant dans son immonde pugnacité : « DESHABILLE-TOI ! » Silence inanimé, refus de s’abandonner au bourreau. Furibond, ce sont ses longs cheveux qu’il empoigne comme il la ramène à lui. Lui dévorerait le cou de ses dents carnassières, tant il a le diable en lui. Puis susurre tout contre son oreille : « Tu ne résisteras pas longtemps, catin. Je sucerai ton âme jusqu’à la lie. » Promesses mortifères alors qu'il la jette à terre. Et, comme ce dos gracile s’offre à lui, trop drapé d’étoffes à son goût, Amos use de magie afin d’en découper le tissu ; d’un autre diffindo le textile craque. Parachève son oeuvre de ses mains comme il déchire le reste du tissage imbibé d’un sang liquoreux.

Le dos à présent nu révèle ses séquelles ; plaies béantes zébrant la peau d’opale.

Le tortionnaire la relève, la ramène à lui de sa poigne virulente. Son regard roule vers Lydia, et de sa pupille glacée qui n’accepte de sa part qu’une immobilité parfaite, l’interpelle alors : « On reste polie et on répond à la demoiselle. » Le timbre a repris sa suave tonalité. Mauvais présage. Amos, d’un geste brusque, plante dans cette chair offerte le manche de la cuillère. Fouille la barbaque, ratisse ses gémissements de douleur. « Crois-tu au régime de Grindelwald, Lydia ? » Un sourire, la cuillère chine encore. Mains souillées de sang à l’instar du dos meurtri. « Je sens que toi aussi, tu as des choses à cacher. » La bête s’est éveillée, pourvu qu’un petit rien ne l’endorme à nouveau.

tw : torture

Persephone, dans la bouche de Lydia, comme l’était plus tôt Percy dans celle d’Amos, ressemble à s’y méprendre à une insulte. L’attaque est tout autant frontale que lâche : l’autre avait souvent manié l’alliance du lion et du reptile avec brio, quand elle n’avait jamais été que serpent. Sans se retourner, elle siffle, “je doute que tu —” En face le masque craque. L’explosion est impressionnante mais le regard ne cille pas. De ses grands yeux curieux, elle observe le monstre qui se dévoile, se demande si l’affabilité précédemment portée est fruit du même travail acharné que l’est sa propre bêtise surjouée. Fascination remplace douleur, l’apaise ; l’esprit plus fort que le corps, de ces mois passés à se rêver en dehors de la chambre qui l’enfermait. Oeil vide et souffle court, la peau marquée par toutes les mains qui l’avaient empoignée, Persephone vivait à dix kilomètres de sa carcasse malmenée. Aujourd’hui c’est dans la tête de l’autre qu’elle essaie de se projeter. Elle en oublie la peine et la rage, met de côté la trahison de celle qu’elle considérait fut un temps comme extension d’elle-même pour se focaliser sur le spectacle grotesque. Pas longtemps.
Déjà, il est derrière elle, l’enjoint à se déshabiller. L’injonction lui donne envie de rire mais elle se retient, plus pour éviter de réveiller la douleur que par peur de sa réaction — pour ça, il est déjà trop tard. Dix minutes auparavant, elle l’aurait fait. Battant des cils, l’ingénue se serait déshabillée comme elle l’a fait des dizaines de fois, ravalant l’amertume et se jouant de la faiblesse inhérente à ceux qui lui demandaient, impérieux, de se soumettre. Trop tard pour ça aussi, toutefois. La résistance prend de nombreuses formes, et de l’idiote elle passe à l’orgueilleuse tant qu’il en est encore temps, les pieds vissés au sol et la tête droite. Un autre masque, ou un réel fragment de son identité morcelée, peut-être, elle ne sait plus.
Il insiste, éclate de fureur. Le ton est effrayant, frustré, et elle en retire une immonde satisfaction. Stratège oublie les principes qu’elle a pourtant appris par coeur : s’il est impossible d’éviter les coups, les atténuer. Plutôt convaincue, de toute façon, que rien n’adoucit la bête. Alors tant pis.

La main saisit ses boucles brunes, tire. La tête renversée en arrière, le cou dévoilé, elle laisse échapper un gémissement de douleur. Il menace contre son oreille, elle frissonne. A tout juste le temps de redresser ses avant-bras pour ne pas tomber face contre terre. L’effort déchire davantage le dos balafré et elle sent les larmes lui monter aux yeux ; quand un autre sort l’atteint, elle ne retient pas un sanglot. En lambeaux la robe, en lambeaux la peau pâle où se dessinent les tatouages d’Aletheia. Voulant se relever, ses paumes se plaquent sur le sol, mais il ne lui en laisse pas le temps, la redressant sans ménagement. Elle titube, manque de s’y accrocher pour garder l’équilibre, se stabilise d’elle-même. Sillons de larmes sur son visage devenu pâle, qu’elle essaie de balayer d’un revers du poignet. “On reste polie et on répond à la demoiselle.” Le regard se pose sur Lydia, une seconde qui lui en paraît cent, avant qu’Amos ne se serve finalement de l'ustensile qu’elle avait choisi d’ignorer. Ses paupières se ferment, et elle ne goûte plus que l’arôme salé des larmes puis celui, âcre, du sang, ses dents férocement enfoncées dans sa lèvre inférieure pour taire la douleur. Cela ne fonctionne qu’à moitié. Il continue à parler mais elle n’entend plus que les battements effrénés de son coeur, ne sent plus que son estomac qui se retourne, son dos qui hurle.
L’esprit, affolé, cherche un coin dans lequel se retrancher. Ne trouve rien.

Un cri.
Et un deuxième qui fend les cieux d'un éclat coléreux. Le visage se déforme un instant de rage, réelle figure qui s'offre enfin à elles. Le voilà, le vrai Amos. Le voilà, le tyran. Celui qui n'en a que faire des bonnes manières ; il ne vit qu'au travers de sa rage pour leur race, poupées moldues dont il détient les fils entre ses doigts maculés. Il ne se retient pas, parce qu'un nouveau sort s'abat sur Perséphone. Et le tissus se déchire tout en même temps que la chair, épiderme cristallin qui se s'éreinte au même titre que les mots. Mais il n'en a pas fini. Jamais. Parce que dans la torture perpétuelle, il ne fait que la percuter encore plus, cuillère d'argent empoignée entre ses phalanges tortionnaires : le manche s'enfonce dans les blessures béantes sans hésitation. Et elle le croise, ce regard emplit de douleur, de déception aussi, surement, d'être probablement la cause du martyr qui ne se stoppe pas (comme si c'était ses doigts à elle qui causaient toute la douleur et le mal-être de Perséphone). Et pour la première fois, elle perd son sang-froid, Lydia. « Arrêtez ! » Parce que ça lui fait mal, à elle aussi. Et si ça n'avait pas été Perséphone devant elle, peut-être qu'elle n'aurait rien dit. Elle aurait observé les pleurs et les cris sans un mot, pour ne pas de trahir. Pour ne pas se risquer à subir à son tour la torture d'Amos. Mais elle n'y arrive pas devant elle, et l'égoïsme semble se refréner légèrement. Le coeur parle bien plus que l'esprit. Et la peur, elle, rugit bien plus fort qu'elle ne l'a jamais fait.

« Tout le monde y croit, personne n'a le choix. » Elle contourne la question, une fois de plus. Car y croire, ça lui semble impossible, mais en être victime, elle l'est depuis le premier jour de la prise de pouvoir de Grindelwald. Père envoyé dans arène initiale, la première de toute. Corps décimé d'un unique sort ; les derniers mots résonnent encore contre les tympans, promesse scellée avant de fouler le sol qui aura accueilli ses derniers pas. Lydia est l'écopée de dommages collatéraux, gamine devenue orpheline pour la deuxième fois. Comment survivre ? Elle ne l'a pourtant jamais aussi bien fait que depuis qu'elle est seule ; instinct de survie qui fait rage depuis ce jour là. La voilà, la promesse : elle doit vivre, plus que tout et à travers le temps. Elle doit vivre. Et rien, personne, ni même Amos ne pourra lui en empêcher. Lydia, elle vivra.

« Tout le monde y croit, personne n'a le choix. » Le bourreau se fend d’un sourire retors sous l’aveu précipité de la jeune femme. D’un geste indélicat, volonté sordide de molester encore, Amos ôte l’instrument de torture de cette chair meurtrie non sans rudesse. Sa pupille folle s’est nichée tout contre le faciès de Lydia. Revers de la main essuyant ses lèvres, peinturlurant sa gueule d’ange de sang vermeil.  « C’est bien. » La bête opine du chef d’un timbre qui l’encourage et l’infantilise. « On y vient. » Amos se redresse, laisse choir à ses pieds ce corps meurtri. Las, pourtant si beau même tuméfié et souffreteux. Puis de son air impérieux reprend place près de la table branlante, mutisme cinglant en bord de lippe. Le tortionnaire marque volontiers le silence, peut entendre les respirations qui s’entrechoquent, la haine tacite roulant sous leurs langues. C’est d’un sourire qu’il se saisit de sa tasse de thé comme il la porte à ses lèvres, son regard de suie scellé sur Lydia. « Dites-moi si je me trompe, mais vous vous connaissez toutes les deux, pas vrai ? Je sens comme un peu de tension dans l’air. » L’amusement nauséabond pointe à la lippe, laquelle se froisse soudain à la première gorgée de son breuvage. « Hmm… Trop chaud. » Froissement d’étoffes et râle digne attirent son attention ; Amos braque son regard sur Persephone, ne tarde guère à s’avancer vers elle. Et de farder son visage comme sa voix de ces grands éclats galants, un peu de compassion factice dans le timbre et de fausse inquiétude à ses fossettes. « Percy darling, laisse-moi nettoyer tout ça... » L’homme s’avance dangereusement de la pauvresse, ouvre la conversation avec Lydia. Intonation poisseuse, de celle qui s’épanche usuellement sur la pluie et le beau temps. « On a toujours le choix, Lydia. Vivre ou survivre. Coopérer ou mourir. Thé ou café… Percy, baisse un peu la tête sans quoi je n’y arriverai pas. » D’un geste délicat, Amos dégage la longue chevelure de ce dos mutilé, presse très légèrement au passage la tête de la jeune fille vers l’avant. Verse le contenu de sa tasse sur la chair puis laisse ruisseler l’eau bien trop chaude pour la carne meurtrie. « Aïe. Ca pique un peu non ? » Exécrable bourreau.

Il a la pupille qui s’accroche à Lydia. Fière dans sa stature, il le sait. L’a senti. L’observe à la dérobée, sourire en bord de lippe comme il imprime dans sa pupille ses moindres battements de cils quant aux sévices subis par Persephone. « Vous êtes qui l’une pour l’autre ? Amantes ? Amies ? .... Ennemies peut-être ? J’en doute. » Bref sourire, immonde dans sa vicissitude. Il interpelle soudain Persephone d’un ton enjoué, comme détaché de la réalité : « Toute propre et virginale. » Lueur amusée dans la pupille comme il regagne sa place. Ne cille jamais lorsqu’il darde Lydia avec férocité. « Un nom, un seul, et je vous laisse partir. C’est tout ce que je veux, rien de plus. » Amos écarte les mains dans une position christique. Son regard les embrasse alors toutes les deux. « Je vous conseille, l’une comme l’autre, de coopérer. Sans quoi je devrai me fâcher très fort sur l’une d’entre vous. » Promesses mortifères sifflées à ses lèvres menaçantes. Et de saluer Persephone d'un clin d'oeil prétendument charmeur, infâme dans son serment.

Le corps (est-ce seulement encore le sien ?) est soudainement lâché et ses jambes lâchent. Ses genoux heurtent le pavé, la jolie robe ensanglantée prend la poussière. La vision est trouble, la nausée prête à la submerger. Retombant légèrement en arrière, fesses posées sur les talons, le buste penche sur le côté, soutenu d’une paume ancrée au sol. On essuie encore les larmes qui ont coulé, fier réflexe qu’elle sait être aussi inutile que ridicule. Le répit est une nouvelle fois de courte durée : déjà le bourreau se rapproche d’elle, drapé de bienveillance crasse. Hébétée, trop pour réagir à temps, elle sent ses cheveux être dégagé de son dos, sa tête être poussée délicatement.
Le mouvement est instinctif mais punitif. Son dos se courbe, son corps bascule vers l’avant et ses mains se posent puis avancent à terre ; y enfonceraient les ongles les doigts les poignets si ça lui permettait d’échapper au thé chaud. Rampe vermine. Elle n’échappe ni à la sensation de brûlure, ni à la douleur irradiante provoquée par son déplacement précipité. Cette fois-ci pourtant, le sanglot est muet, étouffé par une gorge trop serrée. Debout, hurle aussitôt l’esprit orgueilleux ; couchée rétorque l’instinct de survie fatigué. L’effort lui semble presque insurmontable lorsqu’elle bouge à nouveau pour se remettre dans la position qu’elle avait quittée quelques instants plus tôt.

“Toute propre et virginale.” Qu’il s’étouffe dans son sarcasme. Un clin d’oeil à son encontre. Aurait-elle été dans un meilleur état, aurait sans doute offert une miette d’elle-même et gloussé qu’elle n’était pas intéressée. Pour l’heure, elle se contente de lui adresser un regard fardé de mépris. Loin est le temps des jeux et des masques interchangeables.
Il a demandé une identité, quelque chose à noter sur ses jolis papiers. Promet liberté en échange, ment sûrement, mais il demande et il y a toujours la possibilité de l’honnêteté alors Persephone est prête à donner. Le premier nom est synonyme de trahison. Abelforth Dumbledore, assis sur une chaise à la regarder, les sourcils froncés. “On peut te cacher”, avait-il murmuré après s’être assuré que personne n’était là pour les écouter. Résistant discret, non affilié à l’Ordre, de ce qu’elle en savait, acceptable dommage collatéral. Lorsque la langue était encore acérée, c’était à lui qu’elle avait pensé ; que Lydia, elle aussi, danse aux pieds du monstre. Désolée Albus, tant pis. Tant pis tant pis tant pis. Elle tente de redresser les épaules affaissées, gémit et grimace. Ravale au passage le prénom maudit tandis que ses yeux se perdent sur les cheveux de jais de son ancienne amie. Imagine la peine la rage et la douleur, le lien peut-être à jamais rompu. Paupières papillonnent, la tête légère, à deux doigts d’abandonner la partie. “Gabriel Potter,” le nom écorche les lèvres ensanglantées. Potter le chasseur, la violence dans la main qui agrippe. Potter qui ploie sous les arguments, Potter maniant le crayon en la regardant. Premier bourreau, première offense. Première vengeance. “Il m’a aidée à échapper à l’arène.” Et elle ne ment. Même. Pas. La voix est faible mais assurée ; crime contre le régime d’aider les rats dans son genre, Gabriel malfrat voulu craché mais à peine chuchoté. Le regard méfiant suit les mouvements du prédateur, finit par croiser le sien. S’y accroche, parce que c’est tout ce qu’elle peut faire pour garder la conscience éveillée. Qu'il les laisse partir.

Les gouttes s'écrasent sur le carrelage, vacarme qui fend les tympans ; ce ne sont même pas les cris étouffés de Perséphone qui, au final, font le plus de mal. Non. C'est ce regard de douleur mêlé à une rage silencieuse qui frappe le coeur, car elle ne l'a rencontré que peu de fois. Perséphone, elle ne montre pas. Elle agit dans un mutisme sonore et sentimental, joue la carte d'un sourire faux et corrompu plutôt que d'affronter avec des onyx froids ou coléreux. C'est Lydia, la furie. L’égoïste qui n'a pas peur de foncer dans le tas. Mais voilà que les rôles s'inversent ; Lydia ne bouge pas, ne bouge plus alors que Perséphone ne se fait plus entièrement docile, se relève malgré la douleur. Malgré la torture perpétuelle qui ne s'arrête pas. Et peut-être bien qu'elle est fière, quelque part, de ne pas abandonner, elle qui lui a toujours reproché de ne jamais réellement s'affirmer, de n'agir que dans l'ombre, d'être lâche, quelque part (alors que s'il y en a bien une parmi les deux, il s'agit indéniablement de Lydia). Elle est fière de ne pas la voir renoncer. Mais Amos parle de nouveau. De nouvelles règles. De nouvelles demandes. Non, de nouveaux ordres. « Un nom, un seul, et je vous laisse partir. C’est tout ce que je veux, rien de plus. » Et un seul lui vient à l'esprit. Abelforth. Et probablement que le même s'inscrit dans celui de Perséphone. Car elle sait qu'ils se sont rencontrés, c'est même elle qui l'a envoyé à sa rencontre. Supplication qui fend les prunelles de ne pas le dénoncer. Elle ne peut pas. Elle n'a pas le droit. Et elle se ferait égoïste pour n'importe qui d'autre, Lydia, mais pas lui. Jamais lui. « Gabriel Potter. » Soulagement silencieux qu'elle ne dévoile pas, la trahison est scellée, mais peu importe. Elle s'en fiche, Lydia, elle ne cherche qu'à s'en sortir.

Mais ce n'est pas fini, pas tout de suite. C'est impossible.

«  Et maintenant ? » Léger eclat railleur qu'elle ne contient pas, pourtant presque inaudible car elle sait que la fin n'a pas encore sonné. Ce serait trop simple pour elle, trop facile de s'en tirer ainsi. Sans aucune blessure sur la conscience (car si les marques sanglantes sur le corps de Perséphone marquent l'esprit, elles ne l'entaille pas, car elle sait, Lydia, que la voisine s'en remettra.) « Perséphone vous a donné un nom, vous en avez demandé un seul. » Un unique. Elle n'a donc pas à trahir, elle aussi. Mais trahir qui ? Abelforth ou Albus, il n'y a pas d'autre nom qu'elle connaisse. Car Lydia ne sait pas. Elle ne peut qu'imaginer, parce que le phœnix n'a jamais atteint son âme à elle ; il aurait pu si elle leur avait laissé plus de temps. Mais la folie de liberté a été trop grande et elle a fauté, la poupée. Elle a enterré elle même le peu d’exemption qu'elle chérissait tant. Idiote. N'arrêtera-t-elle donc jamais de la jouer ? Il n'y a plus que ça à faire, désormais, car ce sont les plus intelligents d'entre eux qu'ils recherchent, les plus dangereux. Ceux à traquer, à envoyer dans l'arène. A décimer, encore et toujours. Il n'y aura jamais de fin.

Jamais.

“Gabriel Potter,” Il faut avoir subi la meurtrissure de la chair et les contusions dans l’âme pour s’accrocher à ses monceaux de vie par désespoir. Le nom estampe ses lèvres sèches, arrache un frisson de jouissance à l’échine du bourreau. Ce n’est pas tant le patronyme invoqué qui le réjouit sinon la flatterie d’avoir ainsi mené à bien sa tâche, car si Amos a  l'arrogance démesurée sa défiance l'est tout autant. Il n’ignore pas que l’aveu peut s’avérer fallacieux comme véridique mais c’est pourtant d’un rire convulsif et glaçant que le tortionnaire accueille cette confidence. Son hilarité de dément lézarde les murs, éclate le silence mortifère de la cellule. Franche rigolade. « Potter ? » D’une main essuyant la larme à l’oeil, l’abdomen encore endolori de trop d’amusement, Amos finit par consigner le nom dans son rapport. « Oh, Percy... » Sa tête se meut très légèrement en demi-signe d’approbation sous le bruit saisissant de la plume griffant le papier. « J’espère seulement pour toi que ton mensonge est vrai. Le Ministère n’hésitera pas à mener son enquête. Ni même n'hésitera... » La plume véhémente anote “Persephone Wardwell” auprès des allégations. « ...à corriger les pauvres âmes qui se sont égarées en chemin. »  Amos ignore tout, pourtant ; si ce qu’elle avance est véridique ou si elle se bat pour survivre. Le monstre a seulement l’ébaudissement lugubre.

«  Et maintenant ? » Un soupir meurt sur les lèvres du bourreau sous l’interrogation discrète de celle qu’il considère à présent comme une rabat-joie. Le regard noir vrille sur Lydia, étonnamment dépouillé de haine, il se strie néanmoins d’une dureté implacable. « Perséphone vous a donné un nom, vous en avez demandé un seul. » « Cela s’appelle ‘paraphraser’ ma chère, le savais-tu ? » Le sifflement mesquin s’apparente à une raillerie ; le jeune homme la darde de sa condescendance crasse comme il s’adosse à sa chaise, moue de réflexion factice sur le visage. Les secondes - ou bien sont-ce des minutes - alors paraissent interminables. Elles s’enchevêtrent dans son silence rompu par quelques grincements d’un bois usé ou de respirations brèves. Enfin, Amos daigne enfin cracher sa sentence glissée dans un sourire torve :  « Je me sens d’humeur généreuse, vous pouvez partir. Je ne vais tout de même pas faire du temps supplémentaire, rendez-vous compte que je ne suis pas même payé pour ça. » Ne subsiste de généreux dans son approbation rien de plus que sa finasserie. Le tortionnaire n’ignore pas qu’une promesse non tenue, qu’elle ait frappé les lèvres d’un homme honnête ou d’un homme vil, désamorce le processus de torture et fausse les résultats. Il pourra s’acharner sur elles, de souffrance morale ou physique, elles ne sauraient que cracher des inepties.

Soudain son injonction se perd dans les premiers raclements de chaises : « Lydia, une minute. » Les géhennes et les souffles se suspendent à ses lèvres. « J’ai l’immonde sentiment que l’interrogatoire n’a pas été des plus équitables et je dois avouer que j’ai l’âme profondément justicière. » Les fadaises sont déployées d’une main posée sur le coeur et c’est d’un regard amusé qu’il l’invite à ne pas se lever. Timbre encrassé d’un amusement sinistre, Amos réitère derechef d'une moue impatiente : « Nous allons remédier à cela de suite. » D’une main posant franchement l’ustensile souillé sur le papier, l’autre invoquant le mouvement circulaire. L’outil infernal tourne sans discontinuation puis ralentit peu à peu sa course ; avada kedavra, incarerem, lucky you. Diffindo « Encore ? » Les yeux roulent au plafond d’une moue dépitée. Le bourreau est un gamin à qui l'injustice aurait cassé son jouet. « Puisqu’il en est ainsi... » L’homme se lève d’une attitude presque lasse, usée de déception. Puis braquant sa baguette sur Lydia clame son assaut : « Endoloris. » Le timbre suave et posé tranche avec le supplice déchirant invoqué. Ne brillent en ses pupilles que la flamme appétente pour les tourments lorsqu’il toise Lydia se tordre de douleur, rictus alors délogé de ses lippes, faciès stoïque et froid.

La baguette est levée, le vacarme s’est tu. Amos s’avance ainsi vers la porte, quelques notes enjouées sifflées à ses lèvres. Puis la cellule s’ouvre sur la lumière froide des couloirs et c’est d’un timbre assuré qu’il interpelle deux Aigles écumant les recoins. Son visage barbouillé d’hémoglobine questionne à peine les employés dont les sourcils s’arquent très légèrement. Invités à pénétrer les lieux afin de se saisir des suppliciées, c’est d’une mine charmante qu’Amos les interrompt comme ils s’apprêtent à s’emparer de Persephone. « Non, seulement l’autre. Je n’en ai pas terminé avec elle. » Ils opinent du chef sans grande interpellation morale comme ils se saisissent de Lydia, se fichant bien du sort insignifiant de la né-moldue laissée seule entre les mains d’un dérangé.

Le soudain silence est assourdissant, tord les boyaux et chavire le coeur. Amos a pris place de nouveau face à Persephone, sourire d’ange à sa gueule de dément comme il la fixe sans ciller. « Ah quelle journée, pas vrai ? Et dire que nous ne sommes que le matin. » La main se tend afin de se saisir de la tasse vide ; de l’autre la baguette somme un aguamenti emplissant le récipient. « Je n’avais pas prévu que nous nous retrouvions en tête à tête mais je dois t’avouer que tu m’as subjugué. » Le regard vrille sur la mine fatiguée mais fière de la jeune femme, remarque cette lueur dégoûtée dans l’alcôve de la pupille. Il rit brièvement. « Oh mais détends-toi Percy, je ne vais pas te demander d’écarter les cuisses. Je ne fais pas ce genre de saletés avec les nés-moldues, c’est dégoûtant. » Un frisson rompu d’aversion le parcourt comme il porte l’eau fraîche à ses lèvres, regard inexorablement figé sur le minois de la jeune femme probablement dubitative quant à sa présence requise.

Il les laisseraient partir.
Presque trop facilement. Presque injustement, aussi, tant le corps est resté indemne face aux tourments de cette baguette irréductible alors que la silhouette de Perséphone manquerait de peu de se fendre devant des prunelles inflexibles. Mais il ne faudra pas longtemps avant que la voix ne s'élève de nouveau alors qu'elle entreprend de se lever. Evidemment. C'était limpide. Elle serait presque amenée à en sourire tant son sadisme ne la surprend plus, homme aux lubies bien trop importantes, elle ne transcrit pourtant aucune émotion, Lydia. Et elle attend qu'il tourne de lui même la cuillère d'argent au centre du papier encré des sorts prohibés. Diffindo. Un simple retour de circonstances, aurait-on pu penser. Et elle attend, Lydia, que le mot soit prononcé, que le corps soit déchiré par les éclats de magie qui viendront fendre l'épiderme d'une obscurité qu'on invente plus. Mais il n'arrivera jamais. Non, ce sont d'autres syllabes qui brisent ses lèvres sublimes, elle les connait si bien, la gamine, pour avoir joué avec tant de fois. Fascination pour la magie noire, elle ne s'est pourtant jamais risqué à les diriger vers un corps humain. Et ce matin, c'est le sien qui subit. « Endoloris. » La silhouette se tord instantanément de douleur, retrouve les dalles froides de la pièce d'une violence qu'on ne peut ignorer. Mais elle ne se sent même pas tomber, Lydia, l'esprit occupé ailleurs, dans le supplice qui anime chaque cellule de son corps. Ça ne durera jamais plus que quelques secondes qui semblent pourtant s'étendre sur une éternité. Et les cris de douleur ont eu le temps de pourfendre le silence qui s'était installé les quelques instants qui ont précédé le sort. Elle n'aura pas eu le temps de supplier. Simplement de pleurer quelques larmes qu'elle essuiera dès l'instant où la souffrance s’estompera. Mais elle ne se relèvera pas, les muscles encore trop endoloris pour se risquer à bouger. Il faudra venir la chercher, Aigles qui ont pénétré la pièce sans qu'elle ne s'en aperçoive.

Est-ce donc terminé ?

Oui. Seulement pour elle. Et c'est quand elle comprend que Perséphone ne la suivra pas qu'elle se risque un regard sur son corps maculé de vermeil. On lui saisit les bras et la force à sortir de la pièce. Désolance dans les prunelles qu'elle ne peut refouler alors que ses iris rencontrent ceux de la belle. Courage silencieux, elle n'a pas la force de résister, les regarde seulement s'éloigner d'elle avant que la porte ne claque devant son nez. Et on la raccompagne jusqu'au hall du ministère.

Mais elle l'attendra, Lydia. Peut-être pour la première fois.

C’est Lydia qui crie à présent. Quelques secondes d’agonie, le temps d’un, deux, trois, battements de cil et c’est fini. La née-moldue la regarde, l’estomac retourné. Treize ans plus tôt, le sourire de l’amie pour la première fois, dans un train qu’elles emprunteraient chaque année. Comment le monde a-t-il pu se retourner ? Un, deux, trois battements de cil et du train elles sont là, les corps échoués dans la crasse. Les yeux entraînés sur son amie, elle ne comprend qu’à retardement qu’elle ne la suivra pas hors de la pièce. Silhouettes qui s’avancent, soulèvent et tirent l’alliée qu’elle avait crue ennemie, l’idiote, et elle croise son regard. Là non plus, pas assez longtemps pour s’y accrocher.
Bientôt la porte se referme et la voilà seule avec la bête. La gorge nouée, elle se risque à tourner la tête pour l’observer. Il sourit. Évidemment. Que le matin, dit-il, et elle ne peut s’empêcher d’être surprise, le temps perdu entre deux hurlements ; des années qu’elle est enfermée. Amos remplit sa tasse d’eau, réveille sa propre sensation de déshydratation. Bouche est de poussière, les lèvres sèches et brisées. “(...) je dois t’avouer que tu m’as subjugué.” Le nez se fronce, la nausée la reprend de plus belle et elle doit se faire violence pour conserver une mine plus ou moins impassible. L’éclat dans la pupille, toutefois, ne cache plus ni le dégoût ni la haine. L’espoir est mort lorsque les traits de Lydia se sont effacés, et avec lui l’illusion de pouvoir ressortir d’ici entière. Dos en lambeaux, âme en morceaux, elle n’a plus à perdre que sa vie et malgré tout ce qu’elle a offert pour la garder, elle ne sait désormais plus si ça en vaut la peine. Alors la fierté, dernier rempart, tant qu’à faire. Son attitude semble l’amuser, ce qui n’était définitivement pas l’effet escompté mais pas non plus franchement surprenant. “Oh mais détends-toi Percy, je ne vais pas te demander d’écarter les cuisses.” Elle ne sourcille pas ; serait-ce vraiment pire que tout ce qu’il lui a fait endurer ? Aurait-il oublié son occupation principale ? “Je ne fais pas ce genre de saletés avec les nés-moldues, c’est dégoûtant.” Cette fois-ci, c’est un rire sincère qui s’échappe. Le dos se crispe et elle grimace de douleur. Worth it. Sa langue passe sur ses lèvres pour les hydrater, avant que la grimace ne redevienne sourire de façade. “Si vous saviez combien de fois j’ai entendu ça,” répond-elle. L’épuisement menace toujours de l’emporter, mais elle crache les mots avec toute l’énergie qu’il lui reste. “Le jour, les discours sont tous les mêmes. Le soir venu, vous êtes tous les mêmes.” Les paupières papillonnent, le bras sur lequel elle s’appuie tremble. Les muscles hurlent le repos nécessaire et le coeur aussi. Qu’elle s’évanouisse, par Merlin, ou qu’il l’achève. Moue devient pensive tandis que les yeux cherchent les traits. “Si ce n’est pas ce qui vous intéresse, toutefois,” et sur le visage des fragments de la curiosité qui l’a toujours animée, “que voulez-vous de plus ?” N’ai-je pas assez donné ? L’esprit, déjà, malgré la conviction d’une mort imminente, cherche les dernières miettes qu’il pourrait lui lancer.

Les cris se fracassent contre les murs sans que le bourreau ne s’en émeuve. Il a bien au contraire l’immobilisme sournois, un sourire fendu sur son faciès vermeil comme il a pris place face à Persephone. La narguant de son eau fraîche qu’il porte de temps à autres à ses lèvres, Amos observe silencieusement les moindres cillements de son vis à vis. Chaque tremblement, chaque souffle, chacun de ses spasmes, sont autant de jouissances polissant son ego. Et lorsque l’odieux tortionnaire vient parachever son laïus, c’est un rire sonore qui le couronne. Monceaux cristallins qui se perdent dans ses derniers tremblements ; la souffrance de Persephone étouffe sa frêle hilarité. Et c’est d’un sourire radieux que Amos l’observe, susurre même du bout des lèvres un ‘je t’en prie Persephone, ton rire est si beau’ à peine audible. Diantre qu’il aime la voir souffreteuse, c’est exquis. Alors elle parle, lovée dans la douleur qui se crispe, énumère ses expériences sans pour autant interpeller le jeune homme : Amos a le regard qui roule vers le plafond, mû par une lourde  lassitude.  « Blablabla, épargne-moi tes anecdotes du bordel, ta vie ne m’intéresse pas. » Soupir de connivence, il reprend : « As-tu entendu parler de cette nouvelle loi, celle qui autorise la détention d’esclaves ? » Sa pupille ne saurait que dévorer la moue qu’elle lui offre à voir, et c’est d’une voix mielleuse et chaude qu’Amos argue à nouveau : « Oui, celle-ci même. Et c’est toi que je veux comme esclave. Oh, pour trois fois rien. M’assister dans mes expériences de nouvelles confections hallucinogènes, m’aider à négocier mon business au prix fort en passant sous la table. Rien que tu ne fais déjà. Alors...  » Clin d’oeil lancé à la jeune femme. « Partante ? » Puisque le refus n’est pas acceptable, gageons qu’Amos ne possède à la lippe que pléthore de questions rhétoriques à son encontre.

Balaie l’argumentation, le monstre bien plus intéressé par le son de sa propre voix que par quoique ce soit d’autre. Comme il le lui fait remarquer. En d’autres circonstances, elle aurait haussé les épaules. Ni convaincue par le déni ni franchement émue par son manque d'intérêt. “As-tu entendu parler de cette nouvelle loi, celle qui autorise la détention d’esclaves ?” La question ne peut qu’être rhétorique (ou franchement insultante) : tout le monde en a entendu parler. L’insinuation, par contre, est nouvelle et résonne déjà comme une condamnation. Le fantôme de l'amusement qui pétillait encore dans ses yeux s’évanouit totalement, remplacé par une expression dégoûtée. La bouche pincée, elle le fixe, résignée. Nonchalant, il l’observe avant de poursuivre. “Et c’est toi que je veux comme esclave.” Sa confirmation ne l’atteint pas autant que ce à quoi elle se serait attendue ; pas d’éclat, pas de nausée, pas de sanglots étouffés. À l’intérieur, le vide. Épuisée d’avoir trop combattu, peut-être, écrasée par le poids des mois passés à se battre au lieu de se contenter de survivre comme elle aurait dû le faire. Oui, l’espoir est clairement mort, et finalement avec lui les derniers fragments d’elle-même qu’elle avait réussi à conserver. Il lui décrit ses futures fonctions, qu’elle n’écoute que d’une oreille. Rien que tu ne fasses déjà, de toute façon, n’est-ce pas ? Les corps ne sont que des corps, après tout, et cela fait effectivement longtemps qu’elle a appris à ne plus s’en formaliser. On s’habitue à tout — peut-être s’habituera-t-elle à lui aussi. Sans doute pas. Il lui lance un clin d’oeil, auquel elle répond (à défaut de pouvoir lui cracher à la gueule) par un regard froid. “Partante ?” Et, puisque le réflexe est bien trop ancré pour s’en séparer à présent, Persephone lui sourit une dernière fois.

Fin de l’interrogatoire.