fauscylla -- même la guerre est quotidienne

les eaux troubles

had to love and lose a hundred million times, had to get it wrong to know just what i like - now i'm falling. / @faust potter

Mariage aux allures de catastrophe, chaque murmure lui semble devenir une nouvelle cacophonie qui résonne dans son cerveau. Que lui arrive-t-il ? Est-elle en train de perdre le contrôle ? Pourtant, elle ne sent aucun élan bestial tambouriner dans sa poitrine. Au contraire. Le poison semble avoir apaisé quelque chose en elle. Assise sur une chaise en attendant la sentence du Ministre, les sorciers tournent comme des bêtes dans cette grande salle de réception - ou cette cage. Faust s'est inquiété un instant, mais elle ne peut ignorer cette moue renfrognée qui lui crispe le visage. Sans chercher plus loin, comme bien souvent, elle se dit que la présence d'Henry constitue certainement l'origine de ces tourments.

Alors qu'elle se sent s'assoupir, on les invite à rentrer chez eux par différents moyens. Certains, trop faibles, se retrouvent contraints à utiliser les réseaux de cheminette renforcés dans l'urgence, alors que d'autres sont pris en charge plus sérieusement dans les tentes médicales improvisées qui bordent le manoir. Scylla aurait aimé se rendre utile et faire profiter de son savoir de médicomage aux malheureux dont l'organisme font une réaction plus violente à l'empoisonnement ; mais malheureusement, elle sent un peu plus à chaque seconde ses forces s’amenuir. Sans réellement saisir l'envergure de ce qui est en train de se passer, bien qu'elle se doute que ses capacités magiques et celles de bien d'autres de ses compères soient la cible de cette mascarade, elle se laisse faire lorsque Faust passe un bras autour de sa taille et transplane jusqu'à leur maisonnée.

Un instant plus tard, Rickon et Icare les rejoignent et Faust fait signe aux garçons de laisser respirer leur mère. Visiblement, seule l'aigle semble importunée. Les deux silhouettes adolescentes s'éloignent et déjà, Scylla chercher sa baguette. Elle doit essayer. Sa respiration se calme, sa nausée aussi. Plus que cet éternel bourdonnement qui finira certainement par la rendre folle. Un sort anodin jeté en l'air, une mince étincelle éblouit leurs pupilles et puis, plus rien. « Je ne comprends pas, comment cela est possible... » Murmure-t-elle en redressant le regard vers Faust. L'air glacial de son mari la perturbe, elle fronce les sourcils. Aurait-il une pensée à faire partager ? « Est-ce que ça va ? Tu as l'air contrarié. » Le ton est détaché, le regard interrogateur. Comme l'impression de pouvoir se permettre à nouveau ces questions, ces intimités. Ou peut-être pas, finalement.

Faust compte.
Il compte les minutes jusqu'à la défaillance qu'il s'attend à remarquer. Pourquoi serait-il épargné : il ne s'est pourtant pas abstenu des vivres empoisonnés. Mais le cœur bat au même rythme, sa santé semble au beau fixe, et sa magie répond comme à l'accoutumée. Quand les minutes deviennent trop nombreuses et qu'on le déclare épargné de la souillure, la sensation de félicité ne dure que le temps d'un bref soupir de soulagement, quand la réalité le rattrape et que ses iris alors préoccupés se posent sur le visage nauséeux mais calme de sa femme, dont la sentence est confirmée par un seul regard. A sa place, il ne saurait pas comment réagir, mais c'est paisible qu'elle lui apparaît, comme si la nouvelle de la perte de sa magie ne l'ébranle pas plus que ça.
Et plus encore que sa capacité à garder le contrôle en toute situation, il reconnaît la lueur vive dans ses pupilles, l'intelligence de l'Aigle qui, déjà, se fait ses propres hypothèses.
Une œillade lui intime qu'ils pensent à la même chose, mais la compagnie qu'ils apprécient ne permet pas de débat. De plus, Faust ne veut pas se faire de faux espoir.
Un espoir, si c'en était réellement un.
Troquer ses crocs contre la perte de ses facultés ?
Non, il ne veut pas y penser.

Dans les longues heures qui suivent la beuglante et les examens, l'humeur à le temps de changer.
Et quand vient le temps de regagner les demeures, c'est naturellement que son bras vient entourer la taille de sa femme. Ordonnant à Icare et Rickon de ne pas traîner, ils précèdent leurs fils au manoir de Pré-Au-Lard, où le crépuscule s'installe après une journée forte en rebondissements.
Le mariage de sa nièce souillé. L'émergence d'un nouveau groupe terroriste se revendiquant de Morgane la vipère. La perte de leur magie, dans le cas de Scylla.
Et pourtant, tout ce à quoi il ne peut s'empêcher de penser : cette foutue lettre.
Son frère, toujours ce charmeur de serpent.

L’intimité silencieuse des époux perturbé par l'arrivée des deux jeunes garçons que Faust congédie avec fermeté. Déjà, il voit Rickon s'affairer autour de sa mère, mais le temps est aux confessions.
S'il n'était pas si fixé, il prendrait le temps de féliciter ce dernier pour sa réactivité en pleins chaos.

Les bras croisés, un main caressant sa barbe au menton, adossé contre le mur, Faust fusille le vide d'un regard amer. D'aucuns le penserait simplement perdu dans quelconque réflexions profondes, mais Scylla reconnaît la tension dans ses traits, sent la froideur qui s'échappe de ses iris quand il les braque sur sa silhouette en réponse à son audace.
Contrarié, oui, c'est le cas de le dire.
En réalité, ça lui semble bien gentil.
Mais si c'est ainsi qu'elle le décrit, c'est qu'il dissimule bien son désarroi.
Car plus encore que de la colère, c'est de la déception qui lui noue les entrailles.

« As-tu échangé avec Henry dans mon dos ? » Le nom du frère sonne comme un tabou dans cette maison, pourtant les paroles se veulent calmes et modérées : comme la foudre qui illumine les nuages noirs au loin avant que le tonnerre ne résonne.

Osera-t-il présumer d'un fourbe stratagème de la part de l'aîné ? Cette sois-disant lettre comme pomme dorée de la Discorde ?
Il la regarde, sa douce Scylla, et il s'interroge.
Est-ce donc si difficile à croire ? Son désir de neutralité sans cesse revendiqué, il l'avait toutefois toujours imaginé de son côté. Elle, cette même femme qui n'avait pas hésité à s'interposer pour défendre sa nièce, voir en Henry autre chose qu'une copie de son propre monstre de frère ? Impossible.
Alors pourquoi ce creux dans l'estomac ?

les eaux troubles

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Il a ce regard.
Et elle comprend. Aucune autre personne qu'elle sur cette planète ne pourrait jamais décrypter ses pupilles, ses attitudes, comme elle le fait. Les années passées aux côtés de l'aigle auront eu raison des tentatives de discrétion de l'amertume du lion ; elle le connait par cœur, et il devrait le savoir. Bras croisés, mâchoire serrée, elle reconnaît le prédateur sur ses gardes, et dans un soupire désabusé, ne daigne même pas dresser le regard quand la question fuse, faussement modérée, jusqu'à ses oreilles. Pourtant, elle a beau se montrer catégorique sur le sujet, les grondements de Faust sont les seuls qui ne semblent pas bourdonner contre ses tympans.

« Est-ce là une priorité ? » Demande-t-elle en affrontant cette fois-ci le regard de son mari, impénétrable et marmoréenne. Lasse des conflits entre les deux titans du noble clan, elle s'affale un peu plus dans le fauteuil de velours dont les accoudoirs accueillent ses bras lourds, puis, elle darde son regard dans la rosée brumeuse qui fane l'aube estivale. Elle songe, un instant, aux mots à choisir. Réflexe de diplomatie qu'elle envoie valser en faisant un choix inhabituel : celui de l'honnêteté. « Il est temps que tu ouvres les yeux Faust, et que tu réalises où se trouve le danger. » Les paroles sifflantes ne s'accompagnent d'aucun mouvement, et dans une immobilité parfaite, elle ferme les yeux quelques secondes, accusant le coup, menton soutenu par le creux de sa main. Le poison qui coule dans ses veines semble lui absorber ses forces ; mais la fierté est réveillée par l'injonction maritale. Et malgré l'espoir perdu qu'un jour, le poids de la bague réveille des sentiments oubliés, elle s'est promis de ne plus rien laisser passer.

Longtemps, elle s'est retrouvée face à deux options dans sa vie de femme. Abandonner, ou s'accrocher. A ce mariage dont seule la symbolique a aujourd'hui encore quelque chose de véritable, à cet homme qui lui aura fait découvrir toutes les merveilles du monde, à cet amant qui l'aura regardée comme une de ces merveilles du monde. A lui, à eux. Longtemps, elle aura hésité. Puis choisi, à ses risques et périls, de s'accrocher. Parfois, des regrets. Souvent, juste de l'ennui. Elle le regarde là comme on regarde les enfants qui n'ont pas compris la leçon.

« J'ai envoyé une lettre à Henry, il y a un peu moins d'un mois, lui demandant de reconsidérer ses choix par rapport à Raphaël. C'était évidement avant de savoir que Raphaël et Lyrae ont... enfin, tu sais bien. » Commence-t-elle avec un mouvement de la main pour passer à autre chose. « Tout ce que je veux, c'est retrouver notre famille unie. Il le faut aujourd'hui plus que jamais. Ne comprends-tu pas que l'union fait la force ? Si on veut tous s'en sortir indemne, je ne vois pas d'autre solution. » Et Merlin sait qu'elle y a réfléchi, des heures durant. L'idée de retrouver les deux branches familiales autour d'un dîner chaleureux est alléchante, mais elle n'est pas dupe ; quelque chose s'est brisé à jamais, elle le sait. Mais la carte stratégique est encore à jouer pour atteindre cette plénitude espérée. « A moins que tu n'aies mieux à proposer ? » Demande-t-elle, un sourcil haussé, le ton provocateur et terriblement résigné. Elle sait qu'elle ne peut plus rien pour convaincre Faust. Plus d'armes dans l'artillerie, mais toujours les cordes vocales pour piquer les émotions à vif, attirer son attention.

Si c'est une priorité ?
Oui. C'est même la seule chose qui compte à ses yeux.
De savoir sa femme de son côté.

La grande dame, insolente au possible, vrille son regard orageux sur lui. Elle lui intime d'ouvrir les yeux, lui parle de danger, et chaque son qui sort de sa bouche lui fait l'effet d'un électrochoc le long de la colonne vertébrale. Il secoue la tête, silencieux, réprimant les flammes de la frustration plus que de la colère, cette dernière sacrifiée sur l'autel des aveux qu'elle lui présente sans le moindre remord. L'affront fait à son neveu et à sa nièce balayé d'un revers de la main dédaigneux, qui tire du lion un rugissement scandalisé.

« Avant de savoir que Raphaël et Lyrae se sont enfuis, non sans que Henry ne les ait déshérités ? Dis-le, Scylla. Peut-être devrais-tu voir le mot « Traître » gravé sur la chaire de ta nièce pour réaliser que notre famille ne pourra plus jamais être unie. » Peut-être est-ce elle qui devrait ouvrir les yeux, et voir les choses telles qu'elles le sont réellement.

Brisées.
Irréparables.

Comment peut-elle s'asseoir sur son trône, et prétendre qu'ils peuvent encore s'en sortir indemne ? Que c'est une possibilité qu'il leur est toujours disponible ? S'attend-t-elle à ce que Raphaël leur pardonne pour ces nombreux mois enfermés dans la cave ? Souhaite-elle peut-être que Lyrae ignore simplement la marque laissée par son père ?
Tout ça parce qu'une guerre menace sa précieuse Olympie ?

Non.
Non.
Non.

Faust enterre son visage entre ses mains pour étouffer un râle. En proie aux démons qui resurgissent. Ses propres cicatrices qui lui brûlent la peau, et le son du craquement des os qui résonnent comme des bombes. Le monstre qui s'étrangle sur une gorgée de vin et le bruit du verre qui se brise sur le sol. La couronne, qu'il laisse volontiers au roi des Enfers, inconscient alors qu'il vient de débarrasser le monde d'un mal pour en laisser un autre prendre sa place.

« Oh, Scylla Scylla Scylla Scylla … Je n'aurais jamais dû t'écouter. Murmure amer, dans l'obscurité imposée par ses paumes. Quand il les baisse enfin, son visage est déformé par un sentiment qu'il ne saurait décrire : mélange de colère, de déception, de fatigue. Pendant des mois, j'ai tourné le dos à mes neveux et nièces pour satisfaire ton besoin de neutralité. Pour me faire pardonner. Souvenirs de la nuit fatidique, de son corps sur le sol mouillé, entouré de pétales orphelines. De la lettre envoyée, mais à laquelle il n'a jamais donné suite sous l'impulsion de la déesse. Il sent son visage se tordre de nouveau. Des regrets maintenant. Lyrae a raison : je ne peux plus rester les bras croisés. »

Il faut ça cesse. Cette folie chez les Potter, il ne peut plus la cautionner. Il doit y mettre fin, une bonne fois pour toute.

Le regard se perd dans celui de son épouse, voilé de nuances. Dur et presque implorant. Torturé entre deux émotions : la déception de s'être trompé, mais toujours l'espoir de l'atteindre.

« Je pensais que toi, mieux que personne, comprendrait. Elle a vu ses cicatrices. Il le lui a toutes montrée. Elle a vu ce qu'Atticus faisait à Prudence. Et il l'a soutenu quand elle s'est dressé contre son frère. Pourquoi ne peut-elle pas lui rendre la pareille ? Doucement, il s'approche de la chaise sur laquelle elle est assise. Posant un genoux à terre, il saisit délicatement son visage entre ses deux mains légèrement tremblantes. La complicité retrouvée lors de la pleine lune est fragile, et il souhaite la conserver. Il veut retrouver sa femme. Scylla, j'ai besoin de toi. La voix est froide, mais sonne comme une plainte à ses oreilles. Je peux oublier toute cette histoire de lettre, mais j'ai besoin de savoir que tu es de mon côté. »

S'il te plait.

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Le lion rugit, sort de sa cage, menaçant et débordant d'une frustration difficilement contenue. Scylla le regarde, de marbre, le visage creusé et les mouvements ralentis par ce poison qui lui fatigue l'hémoglobine, lui glace l'épiderme. Faust s'emporte, accusation dissimulée sous les cruautés indiscutables du frère tabou. Scylla serre les dents ; comment ose-t-il l'inculper d'une pareille traitrise envers sa nièce. Elle a toujours considéré Lyrae comme sa propre fille. Un éclair semble briser le fond de ses pupilles. « Tu sais pertinemment que je ne cautionne pas les violences d'Henry, et que j'affectionne Lyrae comme une fille. Ne dis pas d'idioties. » La patience ne tenant qu'à un fil, le terrain glissant sur lequel s'engage Faust risque de la faire défaillir à n'importe quel moment. L'inquiétude la ronge chaque jour alors que Lyrae et Raphaël sont toujours portés disparus. En réalité, elle ne sait pas vraiment quoi penser de cette fuite, de cette trahison des deux gamins. Le jeune âge pousse à la rébellion. De terribles vérités qu'elle maquille d'un voile de doute et d'un peu de déni.

Murmures du fauve qui résonnent à nouveau jusqu'à ses tympans. Les mots sont durs, tranchants. Et pourtant, la détresse émanant de la tirade ébranle Scylla au plus profond d'elle. C'est vrai, il ne l'a jamais laissée tomber. Malgré les erreurs, les déceptions, les regrets. Elle est exigeante, elle le sait. Elle peut se montrer glaciale, intransigeante, hautaine, ennuyée, oui, elle le sait. Pourtant, il ne l'a jamais abandonnée. Elle ferme les yeux, un voile de culpabilité serrant son cœur, prise entre ce désespoir amoureux et cette crainte de l'avenir, des choix qu'ils doivent faire. La terrible peur de se tromper en le suivant. De tout perdre en ayant tout risquer. Elle n'y croit pas, et pourtant, quand il pose un genou à terre devant ses pieds, tendresses coulant le long de son visage porcelaine, une envie folle de mise sur cette lueur d'espoir la saisit. La complainte la fait vaciller. Doucement, une perle salée roule le long de sa joue creusée. « Je n'ai jamais été d'un autre côté, Faust. » Avoue-t-elle à demi-mots, ces simples mots insinuant tout l'amour, toute la loyauté qu'elle lui porte. Sa nuque roule doucement, sa main vient attraper celle de son mari. Moment volé au temps, un instant, elle imagine l'éternité dans ses bras. « Lyrae a vingt ans. Pas d'enfants. Certainement plus rien à perdre, tout à reconquérir. » Souffle-t-elle d'une voix tremblante. Elle ne peut s'empêcher de penser à la sécurité de sa nièce, mais réaliste, elle ne veut pas que Faust fonce tête baissée dans un engrenage meurtrier. « Que comptes-tu faire ? Je... J'ai peur, Faust. » L'aveu sort avec une simplicité déconcertante. Il lui semble ne jamais avoir dit quelque chose d'aussi vrai. « J'ai peur que l'un d'entre vous devienne la victime de ce conflit. Toi, les garçons, Drusilla, Gabriel, Astoria, Lyrae et Raphaël qui ont déjà connu les foudres d'Henry. Henry aussi, quoi que tu puisses en dire, il est notre famille, Faust. Je ne veux pas vous perdre. Je me fiche du reste. » L'honnêteté dont elle fait preuve la surprend elle-même, reine du silence et des ombres muettes, des non-dits et des agressions du regard. Sa voix est claire, comme dictée par quelque chose de plus grand encore. Son terrible besoin de protéger sa famille. « Grindelwald n'est pas un humain bien différent d'un autre... Tout est éphémère. » Le fond de sa pensée est avortée dans son esprit. Il suffit de s'armer de patience, et d'un peu de discrétion. Elle s'attriste qu'une vie d'ombre à ses côtés ne lui sied pas.
Après tout, les lions ont besoin de rugir à la lumière.