Quoth the raven... Nevermore? | ft Selina

Le manteau doublé de fourrure élimée bat les mollets serrés dans des bottes de cavalier. Le cheval est pourtant loin. De même que la Hongrie, cela n'empêche pas Eliah d'être habillé à la hussarde. Quelque chose comme ça. Le pantalon large, la chemise vaguement retenu à la taille par une ceinture de tissu. Les bottes montantes, le manteau au col de zibeline. Il n'a définitivement pas l'air d'un londonien, et chaque regard qui se pose sur lui le lui hurle. Qu'importe. Il aura le temps de trouver des vêtements plus adaptés. Il a autre chose à penser à l'heure actuelle. Diantre. Il faut qu'il soit sérieusement atteint pour trouver qu'il y a plus important que sa mise. Eliah allume une cigarette longue et aussi noire que ses cheveux attachés en catogan. Avec un briquet, pour le moment. Trop d'innocents petits moldus dans le coin. Pauvres petites choses sans défense. Il lève la tête, cherche le nom de la rue. Il devrait être dans le coin, pourtant... Eli hausse les épaules : le sens de l'orientation urbain ne fait pas partie de ses forces... et alors? Il possède bien d'autres talents pour compenser. Des mains habiles, pour commencer.

C'est ce qui lui vaut de chercher cet appartement du cœur de Londres, une photo bien à l'abri dans sa poche intérieure, pour La retrouver. Autant La mettre de bonne humeur. Après tout, il venait demander Sa protection. Enfin, le mot protection lui arrachait doucement la gueule. Le hongrois préfère parler d'alliance. D'échange de bons procédés. Son soutien, contre le retour de certains documents qu'Elle n'aimerait probablement pas voir divulgués à la presse. Ou directement au gouvernement. Ha... Elle avait tant de secrets, son petit corbeau aux grands yeux, aux grands mot. La dame distinguée au tiroir de la honte. Eliah prenait grand soin de ce qu'il lui avait subtilisé.  Photos et dossiers étaient un sacré passe-droit pour obtenir d'Elle quelques faveurs. Il n'était pas trop gourmand, ceci dit. Le marché était surtout qu'Elle ne le dénonce pas en tant que Lycan. Qu'Elle l'aide a passer incognito... mais son plus grand plaisir était surtout de La voir enrager de l'avoir sous-estimé. Il était un homme simple, après tout. Voir l'étincelle de colère dans ses yeux, parmi tout ce que son regard exprimait, voilà qui suffisait à son bonheur.

Il reconnaît la rue. Ce porche contre lequel il L'avait plaquée une fois ou deux. Le mur ou Elle l'avait repoussé, un sourire aux lèvres. La gifle. Les mots presque doux. Ainsi étaient-ils : incapable de céder par refus de perdre… Incapable de laisser tomber non plus.
Obstinés…
Rancuniers.
Joueurs.
Menteurs.

Il reconnaît la porte de l'immeuble. Fermée, à l'évidence, vu l'heure tardive. Eliah tire sur sa cigarette et sourit, sort un crochet. Après avoir traversé la moitié de l'Europe en deux jours pour trouver l'ancien atelier d'Orfeo vide… Il ne va certainement pas renoncer à cause d'une porte fermée. La serrure ancienne est ridiculement facile à forcer. Ces vieux immeubles sont pleins de charmes, mais la sécurité n'est pas au rendez-vous. Enfin… si Elle est toujours aussi obsessionnelles, peut-être sait-elle qu'il est là, désormais. Il écrase la cigarette sur la poignée, dans un irrespect total, et laisse le mégot sur le trottoir avant de se glisser comme une ombre dans le hall. Ses pas résonnent faiblement alors qu'il monte les escaliers deux à deux, tenant son haut-de-forme élégant – et légèrement élimé. Son sourire s'élargit alors qu'il observe la porte. Sera-t-elle seule ce soir? Il prend le pari. Après tout… il faisait partie de ces personnes chanceuses. Les diamants dans la doublure de fourrure de son manteau l'attestent, imperceptibles, cachés. Il frappe. Attends Ses pas de l'autre côté de la porte… qui s'ouvre enfin.

Elle voit son sourire espiègle, ses yeux chauds, et l'une des photos volées que le hongrois tient entre l'index et le majeur en guise de bonsoir, une offrande pour qu'elle le laisse entrer après la gifle de rigueur.

- Je t'ai manqué?

Les yeux qui se ferment d’eux mêmes, elle passe de fuite en fuite, de chasse en chasse, désormais, c’est la douce Prudence qu’elle recherche ardemment maintenant que Nile Shafiq est au coeur de sa toile. Toile si travaillée avec l’aide de ses comparses, qui s’attelaient désormais à malmener la proie… Ce qui comblait Selina de joie. Une entreprise bien réussie quand la moitié du Londres Sorcier n’avait plus de pouvoir, elle mettait tout en oeuvre pour sauver les âmes damnés du ministère et du chemin de traverse. Elle aidera ses alliés et écrasera ses adversaires : ainsi était-elle faite. Et la douceur d’un cri de torture conjoint à une regard qui s’écrase, perdant toute flamme dispensable, là était ses plus belles victoires.

Ce qui devait être de l’ordre d’une soirée tranquille avant de rejoindre Kieran pour parler de son divorce en devenir, quand elle doit bientôt s’engager avec un autre qui a pris une place démesurément grande dans ses obsessions, semblait être perturbé par les coups du sorts. Certains diraient que le karma se vengeait de tout ce qu’elle trouvait si délectable dans la situation de Nile Shafiq, mais elle s’accorde à dire qu’elle était tout simplement terriblement maladroite ce jour là : Depuis qu’elle était rentrée elle avait renversé le vase contenant les délicieuses fleurs rouges qu’elle s’était offerte pour améliorer son intérieur, elle avait brisé le verre de cristal qui contenait le whisky censé la réconforter. Une fois qu’elle s’en était débarrassé d’un coup de baguette, elle chuta dans sa baignoire, une fois n’est pas coutume, elle avait choisi de prendre un bain, et après cela, elle décida d’être particulièrement attentionnée et précautionneuse. Car il y avait forcément un fantôme venant d’Oman pour la hanter.

Elle avait enfilé une robe rouge qui ressemblait plus à un déshabillé qu’à une tenue acceptable. Encore en train de peser le pour et le contre de sa sortie improvisée. Elle pouvait toujours faire parvenir un hibou pour annuler la soirée, Kieran n’aurait qu’un peu le coeur brisé de solitude et il irait s’étouffer dans les bras tendres d’une sang-mêlée. Et finalement, elle pourrait ouvrir une bouteille aussi carmin que ses lèvres maquillées pour s’effondrer sur la méridienne et abandonner sa soirée où elle devrait se tenir droite et distinguée pour d’autres délices ensommeillées.

Elle tergiverse, quand on frappe quelques coups à la porte, elle ne réfléchit pas à qui lui offre le plaisir de sa venue car pour elle, cela ne peut être que Kieran. D’un sourire qu’elle veut taquin, elle s’apprête à sortir une réplique bien pensé sur son impatience de la retrouver. Mais ce n’est pas la carrure familière du garçon qui s’avance, c’est un tout autre visage, plus joueur et sournois, qu’elle a connu il y a longtemps de cela, qu’elle n’a pas oublié, évidemment, car les deux âmes se ressemblent, chemins parallèles, sinueux, rencontres croisées, souvent, mais comme toujours pour Selina, passagères. Pourtant, ce n’est pas avec plaisir qu’elle le détaille. Elle perd de ses lippes son sourire enjoleur pour placer son masque de terreur.

C’était lui le voleur.
Elle aurait dû s’en douter.
Et maintenant, elle va se venger.

La violence qui dépasse de tous ses pores, elle attrape le manteau du garçon, le fait rentrer dans sa demeure, claque la porte d’entrée et le pousse contre le mur. Sa baguette est dans sa chambre, quelle idiote de la laisser si loin. Elle le transperce de ses prunelles qui sont bercer d’un feu terrifiant. “Comment as-tu pu ?” Elle en avait fait des cauchemars, lorsqu’elle s’était rendu compte de ce qu’il manquait dans le tiroir. Selina, la fille aux secrets plus lourds que ce que ses bras peuvent infliger, qui avait vu disparaître des biens précieux au profit d’un vide et d’une peur qui l’avait amené à fermer sa chambre en tout temps. Par sécurité. Les amants ne rencontraient plus son lit, les murs, le canapé, les fauteuils confortables devenaient théâtre de luxure, mais son antre demeurait son plus beau secret. A cause de lui. “Rends-moi ça Eliah, ou je te jure que je te détruis. Lentement. Sans douceur. Tu sais que j’y prendrais plaisir.” Sa main qui veut trouver la gorge du garçon est arrêtée. Elle est dans de beaux draps, bien loin de ce qu’elle a l’habitude de vivre, c’est alors la reine qui est en position de faiblesse.

La chute s’apprête à être brutale.
Dévastatrice.
Effrayante pour celle qui n’a jamais peur de l’autre.

Eliah voit la terreur dans ses yeux. Etonnant. Il aurait parié sur toutes les formes de colère, mais pas sur de la peur. Avait-elle tant peur que cela que l'on découvre ses sales petits secrets? Pourtant... il n'y a rien de foncièrement dérangeant. Enfin, il est vrai qu'il était tolérant sur pas mal de choses, et qu'il savait pertinement que Selina était un rien givré -peut-être même qu'il avait continué à la fréquenter pour ça, quelque part. Alors ses petites obsessions, les vols d'objets, les petites combines... tout ça lui paraissait presque gentillet. Non pas qu'il soit un grand criminel, mais... il avait volé ses documents surtout pour lui donner une raison de vouloir l'aider. Pas dans l'idée de les diffuser. Mais... c'était le principe du chantage que de lui faire croire le contraire.

Il sourit cranement alors qu'elle le plaque contre le mur avec violence, claque la porte. Il l'observe avec un rien de gourmandise. La faim qui souvent le tiraille... "Tu portes le rouge à merveille. Mais je te préfères sans rien. Pas de gifle donc?" Son sourire s'étire. "Alors, peut-être que tu voudras bien lâcher ma chemise, non pas qu'elle soit coûteuse, mais je n'ai pas de rechange." Il soutient son regard brûlant, avec un léger sourire. Comment avait-il pu? Oh, ça avait été relativement simple pourtant. Repérer le tiroir fermé. L'épuiser entre les draps, la laisser dormir, crocheter le tiroir, admirer les petits secrets du Corbeau, en prélever quelques uns. Faire comme si de rien n'était. Partir tranquillement. "Ça ne m'a causé aucun cas de conscience, si c'est ce que tu insinues. Je me suis dit que j'aurais besoin de toi un jour, et tu es si imprévisible que j'avais besoin d'une assurance, Kedvesem."

Le mot doux glisse dans sa langue natale, juste pour le voir être rejeté. Le chaos qu'il lit dans les yeux de Selina l'amuse. Il lève la main qui tient toujours la photo, sans chercher à se dégager "Je t'offres celle-ci en gage de paix et d'amitié. Joli éclairage, d'ailleurs, tu as pensé à te reconvertir?" Son sourire s'accentue, insupportable. Pourtant, si on y lit sournoiserie, satisfaction et malice, il n'y a ni haine ni envie véritable de nuire... pour le moment. "Le reste est en sûreté, là ou personne n'ira chercher. Je te demanderais bien de me faire confiance, mais j'imagine qu'après ça, tu vas m'envoyer paître." Il ose rire. Tranquille. Sûr de lui. L'est-il réellement? Pas autant que ce qu'il laisse paraître. Après tout... il risque relativement gros. "J'ai besoin de toi, Selina. Tu es une des rares à connaître mon secret... et je tiens à m'assurer qu'il ne te viendrait pas à l'esprit de le divulguer, disons, à tes collègues ou à ton tristement rigide ministre." Le hongrois interrompt la main qui monte à sa gorge pour en embrasser les doigts. "Oh, tu adorerais ça, je n'en doute pas, et je m'appliquerais pour te donner d'autres occasions, c'est promis." Il mime une mine affectée. " Mais présentement, et tu m'en vois désolé, tu n'es pas en position. Tes secrets seront bien gardés avec moi... si tu gardes les miens. C'est donnant donnant, ma toute belle."

Un sourire, et il défait doucement les doigts à son manteau, s'appliquant un moment à en lisser la fourrure avec soin. "Après tout, je ne te demande pas grand chose. Juste de garder le silence. Penses-tu que nous puissions arriver à un accord? Tu sais que ça me déplairait de te ruiner." S'il le dit en surjouant la tristesse, les mots n'en ont pas moins un accent de vérité. Il appréciait Selina et ses manies, ses envies, ses bizarreries. Ça non, il ne rendrait pas publics ses excès de gaîté de coeur. Mais oeil pour oeil... "Oh, et si tu voulais bien me loger sur ton canapé cette nuit, tu serais un ange. J'ai apporté une bouteille et des cigares!"

Et voilà un chien qui s’impose à nouveau. Elle sent le sang battre contre ses tempes, elle s’agace déjà de la silhouette désagréable du garçon : il n’a aucune gêne, comme toujours. Elle avait presque oublié la façon gênante qu’il pouvait avoir de se matérialiser au pire moment. Avait-il un radar pour cela ? Etait-ce sa seconde nature, que d’être un caillou bien au creux de sa chaussure ? Elle, qui avait pour habitude de chasser les mauvaises herbes d’un coup de talon, trouvait qu’Eliah était alors bien gênant. Mais, en possession de ses biens, elle ne pouvait RIEN faire contre lui. La voilà empêtrée dans une drôle de tempête, aux cheveux longs et à l’odeur de cigarettes.

Son regard la dégoûte alors. A deux doigts de lui brûler les yeux et de démolir sa carcasse pour le plaisir de le voir gémir à ses pieds. Connard. Elle s’imagine alors mille tortures pour le faire supplier de lui pardonner son affront. Et la colère qui circule dans son sang avec la même vitesse qu’une accro, elle laisse un ongle appuyer sur sa jugulaire, juste pour lui rappeler qu’en cas de résistance, elle n’avait pas grand chose à faire pour voir son salon se marbrer de carmin. Une décoration à réfléchir, cela serait à l’image de la sorcière, et accordé à sa tenue, qui plus est. Evidemment qu’elle était agréable à regarder, elle l’était toujours. “Eh bien j’espère que tes souvenirs t’aideront à te faire plaisir, car tu peux oublier mon corps, Greyback.” Et les mots qui coulent contre la langue du garçon n’ont rien de ceux qui l’ont amené à partager son lit il y a encore quelques années. Sa baguette semble si loin, presque inaccessible, et quand il réclame à ce qu’elle le relâche, un simple “Sinon, quoi ?” franchit ses lippes. Elle est prête à le réduire en cendres, toujours ces milliers d’idées qui se dessinent dans son imagination. Mais ce qui l’agace encore plus, c’est qu’il la connaît bien trop pour son bien. Oui, elle était imprévisible, oui pour éviter de se faire écraser, laminer, il valait mieux se protéger contre les assauts mortels qu’elle pouvait infliger. “Pour une fois que tu fais preuve de raison.” Elle desserre ses doigts, et recule un peu, pour l’observer, et voir si son état aussi déplorable qu’il le décrivait. Effectivement. Connaissait-il les sorts de réparation de vêtement ?

Pourtant, l’idiot s’enfonce dans le danger. Il lui offre son propre bien, et elle vrille alors, perdue dans une tempête de colère. Selina sent son corps trembler, et elle n’a pas le temps de réfléchir. Déjà, la main qui frappe sa joue. “Que ça ne t’excite pas trop, chien.” Ses phalanges ont claqué contre la peau clair du garçon, et ses doigts sont retournés contre la gorge d’Eliah, qu’elle dévisage dans un regard brûlant de haine. Oh, comme elle allait le détruire, dès qu’elle pourrait. “Je ne fais pas confiance aux chiens, aux loups, et à tout ce que je peux transformer en tapis pour mon salon. Rends les moi. Ca m’appartient. Je n’aurais pas grand scrupule à me débarrasser de toi.” Evidemment, elle aurait peut être été plus clémente à un autre moment. Peut être. Mais à la place, elle devient presque folle à l’idée même de le voir posséder des souvenirs, des collectes, de choses qui était intimement à elle. “Je t’ai confiée ma dernière promotion, Eliah ? Directrice du département de la justice magique. Eh oui, je suis la putain de directrice, donc si je veux te crever, juste par envie, je le fais.” Et elle n’avait pas de souvenir bienveillant en cet instant, pas de mémoires bienveillantes, transpirantes, charnelles, elle n’avait que de la colère. Rien ne roulait correctement, et maintenant, elle se retrouvait sous le joug d’un maître chanteur ? Et puis quoi, encore ? Un enfant de Morgane allait sortir sous le tapis pour lui retirer un membre ?

Il tente de lui toucher les doigts et elle se retient de chasser sa main. Une grimace non dissimulé lorsqu’il agit, et il scelle sa demande. Elle n’est pas surprise. Mais elle doit reconnaître qu’il est plus ingénieux que les vélanes avec qui elle s’est alliée pour une nuit. Tant en confiance avec leur beauté qu’ils tentaient de négocier une vie sans secret révélé pour leur corps à disponibilité. Selina n’avait pas besoin de prostitué, il fallait le reconnaître, elle n’avait aucune, aucune difficulté à trouver des amants. Eliah était plus pragmatique qu’eux. Et présentement, elle n’avait rien d’autre que son corps et sa force pour le renverser : ce ne sera pas assez. “Tu n’es pas le premier à vouloir m’écraser.” Elle le relâche, définitivement, et passe une main agacée dans ses cheveux. “Mais tu es le premier à le faire pour une cause un peu plus noble que l’ambition. Appelons ça ton instinct de protection.” Et elle s’approche d’un parchemin qui traîne sur sa table chevauchée par un vase artificié d’un bouquet joliment accordé. “Je crois bien que je dois annuler ma soirée.” Kieran lui pardonnera. Elle écrit alors quelques mots pour le garçon, et s’empresse de l’accrocher à sa chouette qui trône sur le bord de la fenêtre. Les mouvements par automatisme, elle murmure à la bête d’aller chez les Goyle. “Pas pour Adalind, évidemment” Elle n’écrit jamais à la femme de son ami, mais par sécurité. “Je suis trop bien apprêtée pour une soirée en ta compagnie. Tu ne mérites pas autant de soin. Et tu n’auras rien de mieux que le tapis ou la baignoire. Hors de question que tu t’installes de façon trop confortable.” Il ne manquerait plus que cela, qu’il tente de s’installer plus durablement. “Donne moi la bouteille, que j’oublie un peu tes conneries, et que j’essaie de faire disparaître mon envie de te tuer.”

Oh, il la connait, son petit corbeau. Entre eux, il y avait toujours eu un mélange de… tellement de choses. De l'agacement à l'énervement, du désir parfois, surtout, surtout l'envie parfaite de faire enrager l'autre. Mais le dégoût… c'est la première fois. Un autre qu'Eliah aurait pu en être blessé. Lui… il sait qu'il l'a mérité. Il sait que ça changera, aussi, quand elle se sera suffisamment vengé. Quand elle lui aura arraché les ongles et fait manger ses yeux. Il aurait aimé faire autrement. Il aurait aimé de pas avoir à la faire chanter.

Bon… non, il faut bien avouer que tout ceci l'amusait prodigieusement. Répandre le chaos l'avait toujours fait rire. Il se délectait plus de l'anarchie que de la peur, mais avoir du pouvoir sur quelqu'un était toujours… plaisant. Si ce quelqu'un était Selina Parkinson… ça en devenait délicieux. Dire qu'entre eux, tout avait commencé alors qu'il n'avait que vingt ans, sur des paris à l'arène. Des paris… on en arrivait finalement toujours là. Il pariait qu'il avait suffisamment de cartes dans son jeu pour remporter le pli. Il pariait qu'elle ne le haïrait pas assez pour vouloir le détruire même si ça la perdait au passage. Il pariait qu'elle lui pardonnerait un jour… parce qu'il n'était pas près de se passer d'elle. Les dures lois de l'attraction. Des objets cosmiques qui orbitent, se poursuivent, nuit après nuit, année après années, jusqu'à ce qu'un évènement bouleverse l'espace, que les orbites se modifient et qu'enfin… ils entrent en collision. Son ongle sur son artère lui tire un sourire satisfait. Peut-être… peut-être qu'il aurait pu faire autrement. Peut-être qu'il l'avait poussé aussi loin parce qu'il voulait la voir brûler à nouveau, pour lui, à cause de lui, contre lui. Il aimait sa fougue, son ire, sa démesure. A la voir fulminer, il se sentait… moins seul. Elle était l'une des rares à pouvoir le rejoindre sur le piédestal ou il se sentait vivre, juché comme un prince, regardant les petites fourmis à ses pieds. Il s'était parfois dit qu'à eux deux, s'ils avaient appris à moins sortir les griffes, ils pourraient régner sur le monde… Mais c'était bien plus drôle de sentir sa main contre sa gorge, prête à serrer, à attendre qu'il supplie… en vain.

Oui, Eliah à de drôles de passe-temps.

Faire preuve de raison? Oh non, ce n'est pas de raison dont il est question. Mais de survie. De préservation.  De liberté, surtout. Pour ne pas sentir de chaînes à ses poignets, de sceau sur sa peau, il était prêt à trahir tout ce qu'il avait. Tout. Tout le monde. Sauf… sauf Orfeo, peut-être. Mais hélas, s'il fallait voler, escroquer, faire chanter ou tuer pour rester libre… il y était prêt. Il n'y avait rien de plus important. Rien.

La main gifle sa joue, et la brûlure le fait rire. "Je l'ai méritée. Cependant… veille à ne pas trop te laisser emporter, Kedvesem, rappelle-toi que je ne suis pas sans défense. " Il était un sorcier dilettante, clairement pas l'un des mages les plus puissants. L'école ne lui avait pas appris grand-chose, si ce n'est que la haine de la différence serait toujours plus forte. Ses voyages en revanche... Il avait quelques tours plutôt vicieux dans son sac, et un certains talents pour les sortilèges, même si tout le reste lui paraissait plus ou moins abstrait.  "Allons… tu sais que je ferais une mauvaise descente de lit. Sous cette forme, du moins…" Un sourire en coin, et toujours, la provocation qui revient. Il ne peut pas s'en empêcher, c'est plus fort que lui. Si les yeux de Selina brillent de haine, dans les siens, c'est l'extase du chaos. De la voir partir, courir, exploser presque! pour… si peu. Aaah, Seli, Seli… tu peux te faire passer pour froide et calculatrice, intouchable… mais je sais tirer les ficelles qui te feront t'enflammer. Et c'est comme ça que je te préfère. Brûlante. "Il serait dommage de me détruire. Tous tes secrets seraient rendus public. Il va falloir attendre la prochaine connerie, Madame la Directrice." Le titre roule sur sa langue. Ça en serait presque excitant… presque? Non, c'est totalement excitant. Faire chanter la Directrice du département de justice magique. La personne qui pouvait claquer des doigts et ruiner sa vie. "T'écraser? Mais, ma belle, je ne veux pas t'écraser. Si ta perte était mon but, je ne serais pas revenu en te dévoilant mon vol. J'aurais simplement rendu tout ça public, juste pour la joie de te voir sombrer sans savoir d’où venait l'attaque." Oh… oui, il aurait pu. Il en aurait eu les moyens, en un an. Mais la détruire n'était pas amusant. Et surtout, d'une inutilité crasse. "Non, je t'aime trop pour vouloir ta perte, Selina. Je t'ai dit… c'est un marché. Un secret contre un autre. Une simple protection" Elle le relâche, s'éloigne. Annuler sa soirée? "Trop d'honneur." Trop apprêtée? L'on est jamais trop apprêté. Après tout… l'on s'habille pour soi, pas pour les autres. "Dommage. Tu avais particulièrement réussi ton maquillage. Encore qu'une touche d'or sur les lèvres, pour le contraste… tu aurais été parfaite." Et le voilà, la joue encore rouge, qui donne des conseils de maquillage. Il retire son manteau de fourrure qu'il jette sur son épaule, récupère la besace sans fond. "Accio" Un murmure, et une bouteille contenant un liquide presque irisés, à la couleur de sang. Adapté, pour Selina. "De la pálinka de cerise. Tu devrais aimer. C'est fort, par contre. " Et puisqu'il n'a pas le droit au canapé, il s'assieds en tailleur sur le tapis. Il a dormi sur bien pire. Il ne s'en formalise pas. "Ne t'en fais pas… C'est juste pour ce soir. " Demain… demain il aura trouvé un revendeur. Sous le col de fourrure, bien à l'abri… quatre diamants attendent encore.