(ϟϟ) Sujet: (césaire) merlin’s tomb Mar 28 Juil - 23:55
Fin octobre 1914, tombeau de Merlin. Les cieux se parent de couleurs douces et envoûtantes. Bientôt, une silhouette déchire l’éther. Dans un éclair, la cape ébène de Dumbledore apparaît, jurant, tel un présage de mauvaise augure, avec le paysage empourpré de la forêt qui l’entoure. Lui, connu pour porter des combinaisons de nippes audacieuses semble à nouveau endeuillé, comme lorsqu’il était adolescent. Entaché par la Coalition sorcière dans laquelle il est infiltré, Albus a perdu les pigments et l’éclat qu’on lui connaît. Pourtant, l’œil reste vif. Empli d’une lueur particulière. L'ambre lance des flammes dès lors qu’une ombre se joint à la sienne. Arraché de l'invisible, un homme blond, de carrure égale, se devine dans le couchant gallois. Un allié de taille, auquel Albus doit beaucoup. Un sourire s’esquisse sur ses traits en apercevant le français. Son ami. Le regard empli de malice, il doute que Delacour ait demandé à le voir pour une bagatelle, surtout après leur dernière rencontre. Il faut du courage pour affronter ses ennemis, mais il en faut d’autant plus pour faire face à ses proches. « Césaire. » souffle-t-il de sa voix grave. À sa prise de parole, quelques corbeaux prennent leur envol. Ses traits, eux, véhiculent un calme olympien, loin de ses tempêtes personnelles. Auprès du directeur il sait qu’il peut être lui-même, et la pression ressentie au cours des dernières semaines s’efface lentement pour laisser place à une sérénité qui lui avait manqué. « Tu souhaitais t’entretenir avec moi en privé ? » Note-t-il, refermant sur lui une étreinte réconfortante. Emplie de la connivence qu’on leur connaît. Albus sent pourtant un malaise certain dans le geste de l’autre. Il se passe indéniablement quelque chose entre eux. S’il est legilimens, par respect il attend qu’il s’exprime, respectant ses pensés et souvenirs par amitié. Une leçon apprise d’un certain Grindelwald. « Myrddin*, ou Merlin a été enterré ici au XIIième siècle. Connaissant ton attrait pour le méchanisme de l’enchantement et de la métamorphose, je me suis dit que tu aimerais jeter un oeil à son sépulcre et à ses gravures celtes. » Il marque une pause, admirant à son tour la pierre qui s’offre à eux. Peut-être, un jour, parviendront-ils à devenir aussi légendaires qu’il l’est. S’ils parviennent à détrôner ensemble le plus grand mage noir de leur époque. « Les morts ont l’avantage de garder les secrets. Un pub nous attend aussi, à deux pas d’ici, lorsque nous aurons soif. » Il lève le poignet et le tremble s’agite. « Assurdiato. » Les voilà enfin véritablement seuls, prêts à partager une confession ou deux. Les agates s’attardent sur Césaire, attendant respectueusement qu’il s’exprime près de lui.
*Myrrdin est le nom originel de Merlin, en gallois, le dialecte des Dumbledore.
« There is nothing I would not do for those who are really my friends. I have no notion of loving people by halves, it is not my nature. »
Le français n’avait guère tardé à user d’une plume affable mais opiniâtre lorsqu’il se décida à écrire à son ami, puisque Albus n’avait eu de cesse de susciter en lui nombre d’interrogations depuis les introductions bienséantes lors du mariage des époux Flamel. Autant de questions, de doutes comme d’appréhensions se fracassant dans le crâne du chercheur, lequel ne cessait de polluer ses certitudes à l’égard d’Albus d’autant de perplexité voire de défiance. Césaire n’ignorait pourtant pas le double-jeu de son ami, drapé dans les nippes dangereuses de l’espionnage afin de s'enquérir des malices et autres informations de l’ennemi. Mais il avait saisi cette insidieuse accointance, cet affect surprenant lorsque son ami eut évoqué Bathilda Bagshot. L’incompréhension comme l’agacement avaient dès lors fardé les veines de Césaire sans pour autant impacter sa placidité proverbiale. Ainsi avait-il convié Albus à échanger sur ses doutes prêtant à polémique tout en usant d’une plume courtoise mais résolue. Et l’ami de répondre par l’affirmative non sans l’inviter sur les terres mortes d’un cimetière afin de se préserver de toute oreille trop curieuse.
« Césaire. » L’homme l’accueille et le serre dans l’étau de ses bras, étreinte amicale en dépit du faciès quelque peu fermé du français. Il a le geste moins souple qu’à l’accoutumée, un peu de méfiance enracinée dans la gestuelle, un sourire qui s'émousse sous la coupe des interrogations. Césaire a perçu la mine grise de son ami ; Albus s’est dépouillé de sa lumière et s’est drapé d’oripeaux sombres. Le regard éteint ne brille plus comme autrefois ; des spectres veillent en sa prunelle, habitant très certainement son âme et ses viscères. Le français ne pipe mot cependant, un mutisme bienséant niché dans le creux de sa déférence. Puisque s’il se teint de vigilance à l’égard d’Albus, Césaire nourrit toujours pour lui cette inébranlable affection nourrie de respect. «Très ‘Edgard Allan Poe’ comme ambiance. » plaisante-il lorsque ses yeux azuréens observent les alentours. Propension malheureuse à glisser dans ses tirades quelques références moldues. « J’aime beaucoup. » Il sourit, dédramatise. Comme il a senti que d’autres tourments se jouent en Albus puisque l’homme semble si fermé en dépit de son accueil chaleureux et de sa verve combative.
L’injonction donnée à sa baguette les soumet ainsi à la discrétion ; l’assurdiato savamment exécuté mure les deux hommes dans le ventre d’une bulle sourde. Et de la sommation émane le solennel ; les concernés se fixent, la pupille jamais ne cille. Faciès rembrunis, l’un par la méfiance, l’autre par la grisaille. Césaire se saisit de l’invitation mutique puis parle sans ambages. « Je me permettrai de ne pas parler en mon nom seul, Albus. Car je crains que nous soyons quelques uns à nous interroger sur tes accointances politiques. » Le conciliabule s’avère ardu, tant le réquisitoire le peine. Césaire a pourtant l’intégrité qui se met en branle, lorsqu’il parle et qu’il questionne. La verve ferme mais juste. « Je sais l’effort que cela peut te coûter de mener ainsi double-jeu. De te fondre de la sorte au sein de tes ennemis et de tisser des amitiés postiches. Mais dis-moi franchement, Albus... » La mâchoire contrite du français imprime la défiance, l’agacement, le doute comme la déception. Lui qui se défend de tout jugement souhaiterait néanmoins comprendre. Et comme il s’inquiète de savoir ses intuitions validées par Albus, comme il a le myocarde agité par crainte de la vérité dévoilée. « Sont-ce vraiment des efforts et des amitiés feintes ? Qui est Bathilda Bagshot, pour toi ? » Cette femme se mouvant dans l’ombre de Grindelwald ne serait-elle pas une figure aimée plus qu’une figure haïe ? Cette incarnation ennemie personnifiant à elle seule ce contre quoi l'Ordre combat serait-elle chère au coeur de leur leader ? Tant de doutes qui subsistent sous une langue qui fuse et n’abdique pas.
« There is nothing I would not do for those who are really my friends. I have no notion of loving people by halves, it is not my nature. »
Un lieu mythique les accueille en son sein. Envoûtantes, les pierres semblent vibrer de magie. Un mystique vaporeux leur étreint l’âme de leur présence. Le souvenir ne trompe pas, Dumbledore est venu ici auparavant. Bambin, Perceval aimait lui conter les récits des grands. Des sages. De ceux qui ont refait le monde, tel Merlin avec ses multiples prouesses. Éveillant chez le lion une ambition sans nom, l’enfant a grandi la caboche pleine de songes. Des rêves de grandeur qu’il voudrait un jour assouvir, et qui le mèneraient peut-être à sa perte. Ce jour le gallois ose encore se perdre dans la contemplation et la manipulation, savante, de la science magique. Un art qu’il réinvente chaque jour, un coup de tremble après l’autre, allant jusqu’à s’essayer à la création de ses propres incantations, s’épaulant des recherches de Delacour. C’est là son plaisir coupable. Albus s'attelle à façonner la sorcellerie d’aujourd’hui et de demain. Une passion infinie partagée avec Césaire, c’est là ce qui les a rapprochés lors de leur première rencontre. Une aubaine pour les deux titans férus de sortilèges. Leur amitié grandissante, la fondation de l’Ordre s’est révélée à eux comme une évidence. Se battant ensemble contre le despotisme britannique, il demeure pourtant une part d’ombre au tableau qui menace lentement leur lien. Un détraqueur insubstantiel, dont le baiser n’annonce rien de bon. Les syllabes quittent la gorge du français, marquées de cet accent si particulier qu’Albus a appris à déchiffrer. Très Edgar Allan Poe comme ambiance. J’aime beaucoup. Arquant un sourcil, il n’est pas certain de comprendre la référence, moldue de toute évidence. “Edgar Allan Poe ?” Répète-t-il doucement. La curiosité piquée, il attend que le blond l’éclaire, parfaitement conscient que là n’est pas le propos de leur rencontre.
Le temps s’étiole et, avec, les langues se délient davantage, les laissant converser face à face près de la dépouille de Merlin. Je me permettrai de ne pas parler en mon nom seul, Albus. Car je crains que nous soyons quelques uns à nous interroger sur tes accointances politiques. La voix de Césaire s’élève et son ami comprend enfin la source de son inquiétude. Les alliances du phénix trompeur sont pour beaucoup anxiogènes. La fumisterie prend une ampleur machiavélique sous sa verbe, grandissant avec les enjeux de la guerre et du nouveau régime. Le cloisonnant à son tour dans sa propre supercherie. Il ne peut pas lui en vouloir, pas plus qu’il en veut aux autres qui doutent silencieusement de son allégeance. Je sais l’effort que cela peut te coûter de mener ainsi double-jeu. De te fondre de la sorte au sein de tes ennemis et de tisser des amitiés postiches. Mais dis-moi franchement, Albus… Des amitiés postiches. Les mots choisis avec soin semblent pourtant malaisés. Sont-ce vraiment des efforts et des amitiés feintes ? Qui est Bathilda Bagshot, pour toi ? La question fuse et ne manque pas de le surprendre. Interdit, il lui faut quelques minutes de réflexion pour rassembler ses pensées près de lui. Le regard ambré du sorcier dérive un instant sur le tombeau avant de plonger finalement dans les iris opalins de son voisin. “Je comprends ton questionnement, Césaire. Je peux aussi te rassurer.” La modulation de sa voix est délicate. Il joint ses phalanges sous son menton, pensif. “Je suis voué, corps et âme, à la cause que nous défendons… L’univers de tolérance et d’égalité que nous cherchons à raviver de ses cendres.” Établissant la première vérité, sa cape charbonneuse claque l’air. Il s’assoit sur une pierre, intimant l’inventeur à faire de même.
“Quant à mes amitiés…” La verve de Dumbledore se fait brusquement grave, pensant à une situation délétère dure depuis trop longtemps. “Elles ne sont pas toutes feintes. Je dois beaucoup à Bathilda Bagshot. Elle a été pour ma fratrie et moi une mère.” Il marque une pause. “C’est aussi elle qui m’a présenté à Grindelwald, il y a longtemps.” Immobile, il poursuit : “La guerre brouille les alliances, les miennes ne font pas exception.” Il ravale un soupir. “L'effort de me mêler à eux sans les opposer me coûte plus que je le laisse paraître, surtout au vu des conséquences du régime actuel sur nos frères sorciers. J’ai fait des erreurs par le passé, mon ami. Amarante en personne me l’a confié. Je devrais les confronter un jour. Ceci dit...” A ces mots, il lui tend un pendentif en argent qu’il sort d’une poche. L‘ichor tournoie en son centre. “Vois-tu Césaire, je suis enchaîné à eux jusqu’à ce que l’Ordre détrône Grindelwald.” Il pose une main sur la sienne. “Tu es, toi aussi, legilimens.” Note-t-il calmement. Il est prêt à s'ouvrir à lui. “Tu peux examiner mon crâne par toi-même. Cela t’aiderait-il à comprendre la teneur de mes propos ?”
« There is nothing I would not do for those who are really my friends. I have no notion of loving people by halves, it is not my nature. »
Les déférences amicales s’étiolent sous les doutes comme les questions. C’est sans ambages que Césaire parle, et c’est sans équivoques qu’Albus réplique. L’homme est drapé d’une gravité que le français ne lui connaît que peu, injecte ses palabres d’autant de noblesse que de grisaille. Les pupilles jamais ne cillent ni ne se dérobent à l’autre en dépit des justifications périlleuses que Césaire demande et qu’Albus déploie. Ainsi les deux hommes prennent place sur la pierre râpeuse, aussi âpre que la vérité enrobant la langue de son vis-à-vis. Césaire à la posture de l’attente à la fois sereine et décidée ; les pieds ancrés au sol comme un chêne enraciné, les coudes dépliés sur les genoux et ce regard scrutateur qui le percute. Oeillade amicale, oeillade de bravade, oeillade anxieuse aussi, peut-être. Césaire songe à ses comparses et leur combat, à sa persévérance comme son opiniâtreté, puis à Albus qu’ils ont, très certainement, destiné à la solitude crasse de l’espion sous couvert de compétences évidentes. Mais sans doute n’auraient-ils pas dû le laisser y aller seul. “Quant à mes amitiés…” Le souffle bute à ses lèvres, retenu dans son gosier comme un coeur que l’on suspend. “Elles ne sont pas toutes feintes..” La nuque ploie quand de sa paume Césaire recueille son front pensif. L’homme retient un soupir de déception qu’il octroie à lui-même, comme à Albus. “Je dois beaucoup à Bathilda Bagshot. Elle a été pour ma fratrie et moi une mère.” « Non Albus, ce n’est pas possible. » La gestuelle a le silence de son éloquence lorsque de sa main songeuse apposée sur la bouche, Césaire tempère et nuance ses pensées comme ses doutes. “C’est aussi elle qui m’a présenté à Grindelwald, il y a longtemps.” Et plus il parle plus Césaire semble préoccupé par les tourments de son ami comme des dangers qu’il encourt. Les dangers qu’il fait encourir à tous. La gestuelle se veut sereine mais inscrit les discours mutiques de ses inquiétudes. Et c’est ainsi qu’il parle, mû par la ferme affabilité qu’on lui connaît, dès lors que son ami a soufflé ses vérités. « Je crois en effet qu’aller explorer ce qui se trame dans ta tête m’aiderait à comprendre certaines choses. » Le français se réfrène, certainement. Mélange subtil de courroux et d’anxiété nuançant le timbre de sa voix de sonorités plus sèches qu’à l’accoutumée.« J’aimerais comprendre comment tu peux te lier d’amitié et nourrir un respect pour des sorciers qui en asservissent d’autres. Des gens meurent, Albus. Des gens meurent quand d’autres sont asservis, traqués comme du bétail parce qu’ils ont la malchance d’être né-moldus. Ne me dis pas que tu peux la regarder dans les yeux et y voir une mère, alors qu’elle cautionne ces meurtres et ces oppressions. Ma nièce... » La voix se pare d’un courroux évident lui grattant la gorge. « …est traquée par ces tyrans qui sont autant de Bathilda Bagshot. Que crois-tu qu'ils lui feront s'ils la trouvent ? Et comme j’ai peur pour mes enfants. » L’apanage du courage demeure dans les aveux des craintes. Césaire ne désire guère se faire moralisateur, ainsi cesse-t-il d’user le courroux, aussi tiède soit-il, comme il tente de le raisonner. « Mais tu sais déjà tout ça. Ce que tu ne sembles pas savoir, c’est la difficulté que tu auras, le moment venu, à faire un choix. Est-ce que tu combattras ta mère de coeur, est-ce que tu combattras vraiment à nos côtés ? Ou est-ce que tu combattras contre nous, l’esprit aussi brouillé qu'aujourd’hui ? Je me pose véritablement la question. » L'interrogation rhétorique s’octroie une pause volontaire. « Ce n’est pas la guerre qui brouille les alliances, Albus. Ce sont les sentiments. » Que se passe-t-il dans tes élans du coeur, Albus, pour que tu ne perdes tes repères et ta lucidité à ce point ?
