why so serious ? (prudence & lyrae)

16h00 : Entretien avec magicofleuriste. Des mots griffonnés rapidement sur son agenda, qu’elle referma d’un coup sec tout en tirant une dernière bouffée de sa cigarette. Elle ouvrit le tiroir principal de son bureau d’un coup sec, farfouillant à l’intérieur avant d’en extraire un bout de parchemin plié en quatre, qu’elle ouvrit de ses gestes rapides afin d’en réexaminer le contenu.

Love,

Je t’enverrais la magicofleuriste après-demain pour 16h00, comme tu ne seras pas de service. C’est une charmante sorcière, très douée dans son domaine et compétente dans ce qui se rapporte à l’organisationnel. Je ne me souviens plus de son nom, ce qui est dommage, ma mère trouve que c’est une adorable personne. Je n’aurais pas le temps de venir, j’ai beaucoup à faire.

Je t’aime,

Azraël A.

Un long soupir agacé, semblant s’extirper du fin fond de ses tripes, rompit le silence. Son propre mariage approchait à grand pas, même s’il allait de soi que celui d’Astoria et Antarès était celui qui serait célébré en premier. Cela n’empêchait, cependant, pas le fait que l’organisation était une véritable épreuve dont elle n’avait pas mesuré l’ampleur. Henry Potter était extrêmement fier d’avoir à marier ses deux filles et de monopoliser l’attention de la haute société sorcière avec ces évènements. L’ambiance des deux festivités se devaient d’être différentes afin que les deux sœurs ne se marchent pas sur les pieds, ce qui constituait un enjeu de taille. Les robes se devaient d’être opposées ainsi que leurs coiffures, le reste également. En somme, elles ne devaient pas être en pouvoir de se concurrencer. La tâche s’avérait donc ardue et le pire – dans ce joyeux bordel – était que Lyrae n’avait pas avancé dans ses démarches.

Plus le temps défilait et moins l’organisation de son mariage lui importait. Struff ne lui avait pas raconté de mensonges : la formation d’Auror – qui durait trois bonnes années – n’était rien en comparaison à ce qui suivait après. Seuls les fainéants pouvaient se targuer d’avoir des moments de répit. Lyrae n’était définitivement pas de cette dernière catégorie, se vouant corps et âme à son métier. Les dossiers et cas affluaient sur son bureau, d’autant plus que la politique de Grindelwald se durcissait. Les Aurors étaient dans l’obligation de capturer des sorciers qualifiés de dangers publics alors que la vérité était que les opposants du nouveau régime étaient arrêtés. La situation devenait extrêmement éprouvante pour les membres de l’Ordre du Phénix travaillant au ministère, à l’instar de Lyrae. Sans oublier que les Aurors ne soufflaient uniquement que lorsque leurs missions étaient achevées, les jours de repos n’étaient pas fixes comme ils pouvaient l’être pour d’autres employés.

Le monde magique brûlait et Lyrae n’avait pas le cœur à s’intéresser à des futilités. Certaines nuits d’insomnie, il lui arrivait de se demander comment les gens pouvaient se soucier d’un stupide mariage alors que d’autres souffraient tant. Préoccupée par des enjeux politiques qui détermineraient forcément leurs destins, la jeune femme en avait même oublié de choisir les robes qu’elle porterait le jour où elle deviendrait Mrs Lyrae Izara Avery.

L’elfe de maison – fraîchement débarqué après que Henry ait calciné le précédent – s’empressait de finaliser les dernières touches. Malgré ses préoccupations, Lyrae n’en avait pas perdu son sens de l’hospitalité. Un époustouflant bouquet de roses rouges flambant neuf trônait au-dessus de la cheminée. Elle avait fait apporter des biscuits et une grande coupe de fruits déposés sur la table de son salon, qui tenaient compagnie à une grande variété de boissons. Thé vert, thé noir, thé blanc, lait, vin, hydromel, bièrraubeurre. Les portraits accrochés sur les murs avaient même été nettoyés et resplendissaient. Ses appartements personnels étaient prêts à recevoir l’invitée du jour. Tout était parfait. « Assez, tu peux déguerpir, toi. » lança-t-elle sèchement à l’elfe de maison. « Tu veilleras à accueillir notre invitée et à la guider vers mes quartiers. Je m’occuperais personnellement d’ouvrir la porte à cette femme quand tu frapperas. Sois poli. » Des ordres qui eurent l’effet d’une douche froide sur l’elfe de maison, qui se courba. « Oui maîtresse. » couina la bête avant de disparaître, presque effarée alors qu’elle n’avait pas touché l’ombre d’un de ses poils. Peut-être que grâce à son père, les Potter avaient acquis une mauvaise réputation même auprès des elfes.

Quinze minutes plus tard, à seize heures moins dix, l’elfe avait tenu parole. Toc, toc. Un grand sourire aux lèvres – cela valait de l’or venant de sa part – Lyrae ouvrit la porte et son sourire s’effaça aussi vite qu’il était apparu.
Devant elle se tenait une jeune femme de taille moyenne, ses cheveux bruns attachés en une queue de cheval, possédant de grands yeux marrons enthousiastes que Lyrae ne pouvait que reconnaître. Prudence Prince. Ses iris firent la navette entre le buffet de luxe et la robe simplette mais propre de l’ancienne Poufsouffle. « Par tous les Dieux, ne me dit pas que je viens de sortir toute l’artillerie pour toi. » finit-elle par déclarer, le souffle presque coupé par la surprise. « Dis-moi que tu es devenue comme je le pensais femme de ménage ou nonne, et pas magicofleuriste. » Les mots, hachés, étaient soigneusement articulés. Elle ne réfléchissait même pas à ses propos avant de les lancer à la figure de la Prince, c’était comme si elle les avait appris toute sa vie. Comment Azraël avait-il pu choisir cette personne insignifiante pour se mettre à leur service ? N’avait-elle jamais mentionné à quel point elle méprisait Prudence Prince lorsqu’elle correspondait avec lui, à l’époque où elle était encore élève à Poudlard ? Il ne s’en souvenait sans doute pas, querelles futiles d’adolescentes alors que lui était déjà un homme fait à cette période.

Les horribles réflexes de Lyrae l’empêchait de se contenir et de tourner la page. Elle ne s’était jamais excusée de son comportement cruel envers la Prince – même si elle admettait intérieurement dans ses moments de nostalgie qu’elle avait abusé de la gentillesse de Prudence – par fierté et parce qu’elle avait d’autres chats à fouetter. Si l’on devait être objectif, la vérité était que Prince n’avait commis aucun crime qui puisse justifier le mépris de Lyrae à son égard.
Les deux sorcières s’étaient connues très jeunes, avant même d’entrer à Poudlard. La famille Prince n’était pas inconnue sur le tableau puriste du pays, loin de là. Tous les sangs-purs se connaissaient plus ou moins et elles s’étaient croisées, enfants. Elles étaient nées la même année et Lyrae, fillette qu’elle était à l’époque, s’était persuadée qu’elles auraient le temps de sympathiser une fois à Poudlard et qu’elle pourrait éventuellement s’en faire une alliée. Le destin fit que Prudence fut répartie chez les Poufsouffle et Lyrae chez les Serpentard. Voir cette gentille gamine propre sur elle devenir la risée auprès des rejetons conservateurs n’arrangea en rien les choses, car il était trop tard : la vipère avait associé Prudence à la faiblesse et la passivité. Des traits de caractère qu’elle détestait et contre lesquels Lyrae avait dû lutter contre depuis sa naissance. Dès lors, elle s’était décidée à mener la vie dure à la pauvre Prince, épaulée par Anya qui prenait parfois encore plus plaisir à torturer Prudence psychologiquement.
Lyrae n’avait jamais été la victime de quiconque et était incapable de comprendre, ni de ressentir la souffrance qu’elle avait imposé gratuitement à Prudence. Une fois les ASPIC obtenus et les portes de l’école de sorcellerie se refermant derrière elles, Lyrae et Prudence ne s’étaient plus recroisées. Lyrae s’était plongée dans sa formation d’Auror et ne s’était pas intéressée pour le moins du monde à ce que devenait Prudence Prince. Elle n’aurait pas cru non plus que cette dernière mettrait les pieds au manoir des Potter pour lui offrir des prestations.

Voilà qu’aujourd’hui, le regard too kind et le sourire gêné de Prudence venait frapper à sa porte. Les propos acérés de l’ancienne verte et argent avaient fusé sans prévenir. Elle ignorait si elle aurait souhaité dire autre chose. Peu importe.
Les salutations trop polies pour être vraies semblèrent résonner dans le couloir du second étage du manoir familial, ainsi que les quelques mots balbutiés par la suite. Lyrae réfléchissait à toute vitesse : hors de question de se disputer ici. Ulric errait sans doute quelque part dans les parages et sa mère était occupée à l’étage inférieur. Drusilla était parfaitement capable de la réduire en cendres si elle se permettait de maltraiter une invitée, qui de plus, était la magicofleuriste désignée pour le mariage.
« Je peux rentrer ? » La requête, formulée avec une douceur infinie, fit réagir la Potter. S’écartant pour laisser un passage suffisamment large pour permettre à Prudence d’entrer dans ses appartements, elle désigna d’un mouvement de tête le petit canapé de velours bleu roi qui faisait face à la table emplit de gourmandises. Sans un sourire, Lyrae s’installa face à la Prince. Son regard émeraude semblait presque transpercer le corps entier de Prudence et le silence frôlait l’embarras. Il était impensable qu’elles se disputent ici et elle devait manifestement faire un effort cette fois-ci.

« Bois. » finit-elle par déclarer d’un ton sec et autoritaire. D’un coup de baguette magique, Lyrae fit en sorte que la théière de porcelaine contenant le thé blanc en déverse dans la tasse de Prudence. Cette simplette était bien trop maniérée et réservée pour se permettre de se servir par ses propres moyens dans la demeure d’une ennemie de longue date.
« Je vais être très franche, Prince. » Elle marqua une pause. Les mots qui allaient sortir de sa bouche s’annonçaient bien trop sympathiques mais Lyrae choisissaient cette option. Elles ne pouvaient s’entretuer en ces lieux et puis… elle n’était pas si détestable. Juste méprisable. Ou avait-elle changé ? Cela n’en avait pas l’air. « Les fleurs et toutes ces choses romanesques, ce n’est pas mon domaine. Je n’ai pas le temps pour ces inepties et les Avery t’ont choisi. » Charmante, douée et compétente étaient les adjectifs que son fiancé avait attribué à la magicofleuriste pour la décrire. Elle ne doit être bonne qu’à ça, songea-t-elle avec une méchanceté non-dissimulée. « Cela les offenserait, comprends-tu, si je te congédiais alors que je n’ai pas encore mis la main à la pâte dans l’organisation de ce mariage. » La future mariée en herbe ne prenait guère la peine de mimer une expression navrée. Son ton suintait la désinvolture et cette arrogance aristocratique dont elle ne parvenait pas à se défaire depuis son enfance. « Je vais t’accorder le bénéfice du doute pour cette fois, Prince. Prouve-moi que tu es aussi talentueuse qu’on me l’a indiqué en montrant à une ignorante par quoi débuter et quels sont les critères de choix pour sélectionner des fleurs. » Cruelle et implacable était la Potter, à tel point qu’elle avait fortement l’air d’un professeur extrêmement exigeant face à un élève terrorisé.