Head in the dust, feet in the fire (w/Atlas)

Juillet 1914

 

@Atlas Flamel

Les lourdes portes du 16, Newport Court s'ouvrent sur la longiligne silhouette d'une louve agitée. Ses prunelles fusillent promptement les premiers occupants, brûlante réponse immédiate qu'elle renvoie à la volée aux jugements silencieux. Rapidement, les murmures se tarissent et les commentaires sur la tenue peu châtiée ne sont plus qu'un lointain bourdonnement. Dans un grondement inaudible, l'ancienne Serdaigle s'engouffre à l'intérieur, jetant sur son épaule le sac usé qui lui sert de bagage alors qu'elle dévore dans une souplesse féline les quelques mètres qui la séparent de l'accueil.
"Bonjour." Laisse-t-elle doucement échapper. Elle cligne des yeux et fixe le petit homme voûté derrière son comptoir. Le soin apporté aux consonnes, l'accent arrondi et les lippes qui s'étirent dans un début de sourire qui se veut amical, tout est calculé au millimètre. On apprend que l'échine se courbe naturellement si les crocs sont en berne, la pelisse immaculée, les bonnes dispositions en appelant d'autres. On apprend que l’accent étranger trouble les âmes plus qu’il ne les apaise. Ici, on fait avec, dit-on d’un Londres cosmopolite, d’une capitale sorcière multiple. Mais les sourcils dressés sur le stigmate racontent une autre histoire. Peut-être parce qu’on ment mal et qu’on ne sait pas vraiment masquer les tics fébriles qui agitent la carne. Puis la main -trop brutale, trop sévère- sa main, les doigts serrés autour de sa carte de membre, qui s'abat soudainement sur le bois ciré, faisant trembler la lampe ouvragée qui y trône dans un tintement cristallin.

Il l'a regarde à peine qu'il glisse déjà une clé frappée de trois chiffres 765 dans sa direction. Pas plus mal. Elle exhale un léger soupir, au moins elle n'a pas à s'excuser. Et puis il sait déjà.
Des mois -trois, pour être exact- qu'elle vient aboyer les entrailles, exsuder l'amère colère jusqu'à épuisement, les phalanges crispées autour d’une lame émoussée, à s’enrager contre des moulins à vent. Parfois, elle s’échine de lever au coucher du soleil, jusqu’à ce que les membres engourdis cessent d’obéir et qu’elle peine tout juste à grimper jusqu’à la sortie. Souvent, elle disparaît des jours entiers, pour revenir avec toujours plus de morgue dans les prunelles. Il ne sait pas vraiment ce qu’il voit mais il préfère feindre l’ignorance. On ne se mêle pas des affaire des autres. Surtout pas lorsque la Steppe leur tambourine aux veines.

Enkhjin ajuste le sac sur son épaule, la clé rapidement fourrée dans la poche, avant de prendre la fuite et se laisser avaler par la volée de marches menant au gymnase en sous-sol, baguette à la ceinture, sabre chuintant contre le cuir usé. Le fracas métallique des lames, les souffles courts remplacent le bourdonnement des conversations de l’étage à ses oreilles et ses épaules semblent se détendre légèrement. Clac. Clac. Clac. Tout est plus simple, ici bas.

A la hâte, elle jette le sac et le reste de ses effets personnels dans le casier, tirant le sabre, gardant la baguette pour se joindre à la danse sur le parquet vieillissant, les cheveux relevés dans le masque usé.
D’un tour de poignet, la louve fait émerger quelques mannequins, visages flous, âmes désincarnées. Sous la peau roulent les tempêtes, un peu de fiel, beaucoup de fureur, dans un coup d’estoc arrêté en plein vol. Les prunelles accrochées à une silhouette lointaine, un accent élimé qui lui fait dresser l’oreille et avant même qu’elle ne le réalise, la rancoeur qui reflue derrière le masque écaillé.
"Flamel." Elle aboie plus qu’elle ne parle, épinglant l’homme de deux opales farouches, luisant à travers le grillage, louve en cage aux rageuses velléités.

Spoiler:

Dressés en arsenal belliqueux, la lame en avant, les lippes retroussées sur les crocs luisant d’un venin trop caustique, Enkhjin porte le reproche comme une armure, déploie l’agressivité en parade de fortune. Reproche de quoi ? Dans l’action pleine d’ardeur et le nom qui s’échappe de ses lèvres, elle en oublie presque les raisons qui font tourner la machine. Les flammes s’attisent d’elles-mêmes dans le gouffre béant de sa poitrine, torrent agité de grondements agacés. Dans le heaume, ça résonne d’agacement, en écho aux salutations brillantes de politesse effrontée. L’insolence caustique, qu’elle soit ou non volontaire lui arrache un soubresaut d’orgueil, si bien qu’elle en hésite à ranger sa lame. Le sabre pend là, inerte, au bout de ses phalanges tandis qu’elle sert au Français un regard torve. Ses prunelles traversent la salle dans toute sa largeur, examinant les issues et possibilités, dans un professionnalisme froid. Un instant, la louve bat en retraite aux confins de la conscience, laissant à la Greyback le soin de compter les membres présents, les secondes la séparant de la sortie ou les pas d’Atlas.

Dans un coin de la tête, qu’elle incline légèrement sur le côté, elle note la posture, le masque retiré sur le sourire innocent. Et la main tendue vers elle. ” Greyback. Mais qu##le agré#ble surp#ise. ” L’ancienne Serdaigle cligne des yeux, ouvrant et refermant la bouche dans un silence vibrant d’outrage. Les syllabes glissent à ses tympans mais le message est là, insulte fumante comme s’il venait de l’embraser. Agréable n’est probablement pas le terme qu’elle aurait employé. Ni surprise, par ailleurs. Et encore moins l’alliance des deux. Que la surprise existe, en cet instant précis, de la voir brandir la lame à la gorge, c’est indéniable. Qu’elle lui soit bonne n’est que fadaises. Elle n’y croit pas une seule seconde et, comme s’il avait lu dans ses pensées, Atlat Flamel en rajoute une couche. ” Je ne te savais pas membre du club. Tu viens souvent ? ” Dans un roulement de tambour exalté, remonte la louve dans les entrailles, griffes à la gorge, enfoncée pour en extirper un grondement furieux, achevé en apothéose alors qu’elle claque la main tendue d’un revers revêche, quoique probablement inutile.

Si Enkhjin était une lionne, ses lippes se fendraient d’un rugissement vorace. Mais Enkhjin n’est qu’un molosse de guerre et ses labres pincées s’entrouvrent seulement sur un aboiement bref, qu’elle peine à traduire dans un anglais châtié. ” Garde ta main, Atlas. ” Je voudrais l’arracher. Elle feule dans un souffle retenu, calant son heaume dans sa main libre, sans doute pour éviter qu’elle ne parte trop vite à l'assaut une gorge quelconque. Celle de l’autre pour son accent français, la sienne pour les mots qui y restent coincés. Qui sait.
” Je viens assez souvent mais j’me suis inscrite depuis peu. ” Elle dodeline de la tête, tournant autour de l’ancien camarade de classe, les phalanges agitées tapotant la garde de son sabre. ” Je ne te savais pas membre non plus. Même si peu étonnée de l’apprendre ” Elle inspire et lentement le contrôle revient, les mots reprennent une place appropriées, à cesser de fuir les relents de colère. ” A vrai dire, tu le saurais et je le saurai aussi, si tu as avais prévenu. Ou pris la peine de faire quoi que ce soit, finalement. ” Elle se fige sur la dernière phrase qui s’échappe avec un laconisme maîtrisé, ses doigts s’enroulant autour de sa lame. ” J’espère que tes excuses sont meilleures de tes promesses, Flamel. ”
@Atlas Flamel

Spoiler:

Quelqu’un de sensé se serait demandé à quoi diable à il s’attendait ? A ce que la louve lui saute dans les bras, lui donne une tape dans le dos en s’exclamant quelque chose comme toi alors, toujours à abandonner ton prochain pour tes petites affaires ! avec un air attendri ? Il peut être fier de l’attitude qu’il a eu à Poudlard, guère de la manière dont il s’est enfui quand elle commençait à avoir besoin de lui après. D’autres préoccupations. Voyager, faire une carrière. Ce qu’il n’avait pu entreprendre entre les quatre murs de l’académie française ni ceux du château de Poudlard. Dès qu’un vent de liberté avait soufflé, il y avait toujours répondu. Pas ou si peu d’attaches, dans cette famille qui lui pardonnait l’excentricité de courir le monde en prêtant son bras aux puissances moldue et sorcière. Enkhjin lui rend la monnaie de sa pièce, mais il n’en conçoit guère d’humilité.

Les excuses devraient être meilleures que les promesses ? Voilà qui commence à bien faire, l’attitude belliqueuse, loupiote. Atlas se vexerait - presque. Il lui tendait la main pour la saluer, métaphoriquement ou pas. Il y croyait encore, et il s’agit là plus d’insolence que de naïveté, au fond. Toutefois, l’instinct et deux trois coups de poing qui ont failli altérer son profil lui ont appris à ne pas prendre la mouche trop facilement. Sa mémoire lui fait peut-être défaut, car enfin, il trouve disproportionné cette attitude. Elle l’attendait, peut-être ? Pas tout à fait lui, mais tiens, oui, par exemple, Enkhjin attendait peut-être quelque aide de sa part quand il est reparti en mission. Il ne l’a pas vue se pointer à son mariage, mais il lui semble s’être rendu après l’envoi des invitations que la date était proche d’une pleine lune. D’ailleurs, qu’aurait-elle été fiche aux Indes ? Ils se tournent autour, font le tracé d’une hostilité commune. Ce ne sont pas les meilleures dispositions pour des retrouvailles mais pour un peu d’escrime, cela peut avoir un intérêt.

« La situation m’a un peu échappé. » Comme la politesse pour toi. Il fait bien de ne pas le formuler, décidément, s’il lui reste de l’instinct, c’est pour éviter d’être embroché. L’alchimiste est en partie fautif, tout du moins sa reconnaissance de culpabilité va-t-elle jusque-là. Il estime ne l’être qu’en partie, l’attitude d’Enkhjin est donc d’autant plus agaçante. Il évite le regard noir, s’attendant à ce qu’elle ne lui laisse pas le plaisir d’éviter le contact avec l’épée. Deux fauves prêts à un duel n’en auraient pas plus le poil hérissé sur l’échine. « Mais je connais un excellent moyen de prendre des nouvelles, je ne doute pas que nous serons dans de meilleures dispositions pour une causette après cela. »

D’autant qu’il se pourrait, vraiment ces français ne doutent de rien, qu’il ait un service à lui demander. Contre des espèces sonnantes et trébuchantes mais cela n’en a pas moins l’air d’un coup de main. Atlas se place face à son adversaire, dans la position consacrée. Il maintient le dos droit, les jambes légèrement fléchis, le bras non utilisé est replié dans le dos. Dans le fourreau du sabre magique, la baguette a été glissée et n’attend qu’un sort. Atlas étouffe ce début de colère si légitime à ses yeux. Quelque chose qui ne blesse pas. Un sort qui lance un peu de vent, ce sera bien suffisant.  


« Ventus ! »

Spoiler:

La rancoeur lui étreint la gorge et les reproches s’étranglent dans l’outrage qui lui noie la poitrine. Le marasme de colère s’éclaircit à peine avec les mots qu’elle prononce, fardeau tout juste allégé d’une poignée de reproches voilés. “La situation m’a un peu échappé.” Oh vraiment ? Enkhjin ouvre et referme la bouche avec perplexité à la réponse d’Atlas, les mots s’emmêlent et ne s’échappe qu’un simple souffle agacé, accompagné d’un claquement de langue typique. Rien ne va. De l’outrecuidance Française, d’oser insinuer que c’est elle qui n’est pas en de bonnes dispositions à son égard à la position de garde qu’Atlas adopte.  Il s’affiche en bon gentilhomme prêt à rosser la donzelle pour lui inculquer un peu de bon sens. Les luttes intestines de la Meute sont légions et la louve aurait accepté de bonne grâce les envies de correction venant d’un pair, de Yesugei fondant sur sa Beta pour lui réapprendre le respect. L’échine aurait ployé pour quiconque ayant la légitimité d’un fils de la Steppe. Mais Atlas n’a rien d’un guerrier aux dents longues. Il exsude le paternalisme et l’arrogance à la française et Enkhjin jure intérieurement de lui faire ravaler. Quitte à lui enfoncer littéralement son poing dans la gorge.

La posture de Flamel lui arrache un sourire profane aux canines effilées. Atlas ne semble respecter les choses que lorsqu’elles lui sont directement reliées. En l’occurrence, les codes de l’escrime sorcières sont plus importants que la bataille qui fait rage dans les tripes de la louve. Très bien. Sans doute sans grand intérêt pour les postures surfaites, l’ancienne Serdaigle glisse sa baguette dans l’emplacement qui lui est réservée, au creux de la poignée de son sabre. Sa présence au club se limite généralement à épuiser le fauve entre ses tripes, jusqu’à ce que ses phalanges tremblent sous l’effort et qu’elle peine à remonter les escaliers.
Une partie de la Greyback regrette un peu que la pratique ne soit pas exclusivement moldue, dans un bref bouillonnement sanguinaire. Elle se plie néanmoins à l’exercice, puisque le Français semble au moins avoir la décence de lui laisser le temps de se mettre en position. Mais Enkhjin ne voit qu’une chose: Il est le premier à attaquer et c’est là qu’est la première faute.

Le Ventus frappe avec force, la faisant reculer de quelques pas alors que ses mèches d’ébène dansent en gigue désordonnées. La louve expire dans un feulement rauque, haussant néanmoins un sourcil plein de perplexité. Elle vacille, le temps de se remettre sur pied et d’enfiler le heaume qui pendait toujours à sa main libre.
Elle tourne, quelques secondes, la lame entre les mains et contemplant sans doute l’idée de foncer sur le Français. Mais si la louve est avide de sang et que les tambours de guerre lui assomment les tempes, elle n’ignore pas qu’Atlas est un duelliste talentueux. Elle doit au moins lui laisser ce point.
D’abord le faire chuter de son piédestal, puis elle lui enfoncera sans doute ce qu’elle pense à coups de poings. Si le Français s’est voulu modéré dans sa première attaque, Enkhjin ne l’est aucunement et le sort claque, dans un tonnerre belliqueux.
“Alarte Ascendare.”

Spoiler:

Atlas n’est pas fier de se l’avouer mais il place beaucoup de fierté dans sa capacité à jouer un beau duel d’escrime. Les échecs lui semblent toujours cuisants, la patte folle étant une circonstance aggravante. Les réussies sont des triomphes, il se rassure du fait de voir que tout est immuable. Qu’il n’a pas tant changé, tant perdu.

Sous le masque grillagé, le sourire narquois qui s’esquisse. Bien vilain trait de caractère. Il est content de voir que le sort atteint la louve, avec suffisamment de force pour la faire tituber. Il est vrai qu’il aurait dû attendre qu’elle ait soigneusement mis son masque et qu’elle l’ait invité à attaquer. On ne l’y reprendra pas de sitôt. Il se sent pris en faute et se promet de faire preuve de plus de patience la prochaine fois. Il ne lui en veut pas, ou seulement de lui rappeler quel piètre ami il a pu être pour elle. C’est affreux de se dire qu’il a privilégié d’autres amitiés. Qu’il a été si négligent avec elle. Il grimace. Si désagréable. Parce que c’est affreusement vrai.

Le sort se dirige sur lui, et un réflexe lui permet de lancer un protego. Mais elle aurait pu me faire mal, quand même. Il n’est pas ravi. D’accord, c’est de bonne guerre mais elle a failli le blesser, et il se sent brusquement moins amusé par la tournure de l’échange. A peine le temps de se demander si elle lui en veut tant que ça – mais tu t’en poses, des questions qu’il reprend son sérieux. Assez loin d’elle pour la voir venir si elle veut se rapprocher, il prend le temps de secouer la cheville gauche, qui a plié un peu vite lorsqu’il a reculé par réflexe avant de lancer le sortilège de protection. Ca aurait pu être désagréable. Rien de foulé. En tout cas, il ne lui semble pas.

Il se décale légèrement, tantôt à gauche tantôt à droite. Voyons. Il réfléchit tant et si bien à sa prochaine attaque que les quelques mots qu’il voulait employer pour briser le silence sortent sans un véritable contrôle. « Tu sais, Djin … » parce qu’il se permet encore un surnom, bien sûr, on ne l’aura pas si facilement. Il est si bavard, il l’ouvre si souvent que ça le perdra peut-être. « Je ne pensais pas faire ça. Je veux dire, partir sans prévenir et en te laissant un peu … Heu, le bec dans l’eau, au milieu du gué, quoi. Je n’avais jamais eu besoin de trop d’aide et je ne pensais pas que c’était si précieux de pouvoir compter sur … » Oui, bon, il ne trouve plus ses mots. Par contre, il a trouvé son incontantation, et laisse passer quelques secondes. Ca va, elle est avec son heaume, maintenant. Il tente sa chance. « Expelliarmus ! »

Spoiler:

La situation lui échappe, trop rapidement et certainement trop loin pour qu’elle ne puisse faire marche arrière. L’art de l’escrime sorcière semble si cher au Français et les artifices de bienséance tant surfait qu’elle en oublie presque l’essentiel: Atlas est un bon duelliste. Probablement meilleur qu’elle, s’il fallait évoquer la magie brute. Meilleure vision globale et surtout, cette fois, moins de fièvre dans les entrailles. Alors que la mesure habituelle quitte les gestes de la louve pour se muer en fureur empressée, Enkhjin ne rêve que d’une chose: Laver l’affront. Elle ne sait plus exactement lequel. Serait-ce celui d’avoir été abandonnée ? Merlin non, elle n’avait jamais eu besoin d’un autre pour avancer. La meute se suffisait à elle-même. La réalisation de n’avoir été qu’un projet parmi d’autres alors ? De ces animaux que l’on dresse pour relâcher dans la nature, simplement pour se sentir mieux et équilibrer son karma.
Ou peut-être qu’elle lui en veut simplement d’être si terriblement français. Qu’elle s’en veut d’avoir donné une importance quelconque à ce qui n’aurait jamais dû en avoir. Elle ne devrait même pas s’en préoccuper, s’il était si insignifiant. Peut-être. C’est d’autant plus vexant qu’aucun de ses sorts n’atteint Flamel mais que tous ceux du français font mouche.
Mais la colère ne reflue pas, nourrie d’une frustration indicible, fureur qui s’attise d’elle-même.
Atlas se permet même quelques mots, comme s’il s’agissait d’un jeu d’enfants et le surnom passe à ses lieues de la conscience embrumée. “Tu pensais mal, tu devrais arrêt#r.” qu’elle claque, se rapprochant lentement de son adversaire, suivant les mouvements avec attention. “C’est ce qui e#t fort, Atlas. Ca n’était pas si important et pourtant, tu as ré#ssi à le gâcher. C’est très f#rt.”
Le prédateur ronge les derniers pans de logiques et abat les barreaux de la cage alors que la lame saute de la main de la louve, frappée de plein fouet par l’Expelliarmus bien placé.
Enkhjin se masse le poignet et un râle sourd envahit sa gorge, son regard balayant la salle dans une précision incandescente. Quelques secondes pour évaluer la distance entre Atlas et elle. Quelques secondes pour admettre qu’il est meilleur qu’elle à ce jeu et qu’elle en a déjà assez de danser cette valse ridicule. Le misérable spectacle s’arrête maintenant.
La louve plante ses talons dans le parquet, le centre de gravité au plus bas, folie dans les prunelles. Elle s’élance à toute vitesse vers le Français, laissant la baguette derrière elle pour lui sauter à la gorge, assaut suintant de violence, échos de grondements révoltés sous le heaume. Son poing s’abat sur le coin du masque d’Atlas en premier que sa main libre vient arracher avant de s’en servir comme arme contondante. Sur. La Face. Du. Français.
“Je n’attendais rien. Et je s#is quand même déçue.” Gronde-t-elle en ponctuant chaque mots d’un coup de phalanges, les gestes à peine retenus, plus par un semblant de conscience résiduel que par réelle inquiétude pour l’adversaire. Il serait mauvais de faire la peau à un autre. En public.
Elle s’arrête quelques secondes, les phalanges en équilibre précaire, semblant mettre quiconque présent au défi de l’arrêter.

Spoiler:

Colère brute de la louve. Atlas bien conscience d’être allé un rien trop loin. Mais enfin, voilà des années qu’il en fait autant et il ne lui est pour ainsi dire rien arrivé. La vie s’écoule calmement, on le réprimande un pour la forme. Des points en moins pour sa maison, une remontrance paternelle, un peu d’isolement à l’armée. Trois fois rien. Il avance avec l’insouciance de celui qui se sait bien né, qui sent un filet de sécurité lorsqu’il fait l’équilibriste. Les Flamel sauront bien le soutenir financièrement, user du nom partagé avec l’aïeul prestigieux. Lui-même saura retomber sur ses pattes, n’est-il pas un peu félin lui aussi ? Il n’a pourtant ni nez ni museau creux en sous-estimant la colère de la louve. Djin qu’il n’a jamais vue transformée, grognon ou hagarde avant ou après la lune, sans s’en inquiéter.

Il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit mauvaise perdante. Il connaît l’escrime élégante, où l’on masque sa déception quand on perd. Il a, certes, un peu de mal à l’exercice et n’est pas mécontent de ne pas avoir à le voir se produire trop souvent. Le comportement de son adversaire l’inquiète. Avec toute la finesse d’un butor, il imagine qu’elle a un problème et non pas une idée en tête. Mal de ventre ? Il baisse la garde, s’attendant à devoir faire preuve de chevalerie ou au moins de galanterie. Il oppose autant de résistance qu’une pâquerette, c’est-à-dire qu’il n’a rien vu venir et reste coi de manière fort peu seyante et bien peu utile pour sa survie.

Il n’était pas en mission, il n’était pas en alerte. Le heaume râcle sur le cou et la joue droite quand Djin l’enfonce puis l’arrache. Une oreille s’est un peu tordue au passage, mais elle est assez souple pour qu’il n’en garde pas de séquelles. En revanche, les élégantes pommettes et le nez qui dessine un profil élégant en prennent pour leur compte. Atlas met encore quelques secondes avant de réaliser que la personne avec qui il faisait une agréable partie d’escrime a jugé bon de lui ôter son casque pour le frapper avec. On ne frappe pas une femme même avec une fleur, blablabla. Promis, il aura essayé. Il ne la comprend guère. Elle est déçue de quoi ? Parce qu’il n’est pas déçu de se faire frapper sans ménagement, à défaut que ce soit sans raison ? Il a le temps d’un sursaut de colère, et de se redresser pour essayer d’arracher ce foutu masque des griffes de la louve, protégeant son visage du bras resté libre. « P*tain mais t’es fêlée » grogne-t-il, en français. Trop sonné pour réfléchir dans la langue de Shakespeare.

Cette pétasse a réduit son nez à l’état de purée de fruits rouges. Sa vision est brouillée, il ne désire plus que rendre les coups et entame quelques pas vers elle. Il balance le masque et pousse l’épée d’un coup de pied, loin d’eux. Pas une mauvaise idée, le pied. Le coup de pied appris en cours de boxe française et soigneusement répété perd en panache quand il sent qu’on l’intercepte dans son dos. Il a touché Enkhjin, c’est certain, le pied s’est enfoncé mollement dans le ventre, mais il n’aura pas pu la blesser sérieusement. « Mais lâchez-moi, merde ! »  On n’accède évidemment pas à sa demande. Il faudrait être dingue pour espérer s’entretuer dans une salle en public, dans un club somme toute élégant. Il accepterait pourtant d’en être viré si Enkhjin veut bien ravaler ses paroles dans sa sale petite gorge.

« Cessez immédiatement. » On a séparé les belligérants, écarté les objets contondants. Atlas ne saurait plus dire où sont casque et épée. « Vous allez nous expliquer ce qui s’est passé. » Cette pétasse s’en est pris à lui. Il cherche ses mots en langue anglaise, maladroit, plus amoché qu’il n’aurait cru, tout son visage lui semble en feu. Il aura l’air malin pour expliquer cela. Et puis à qui au juste, ce n’est pas comme si quelqu’un l’attendait encore. La colère décroît, remplacée par une vague d’amertume. Il voudrait quand même faire bouffer ses petites dents bien alignées à Enhkjin, celles dont il lui avait dit qu’elles n’étaient pas crédibles pour des crocs. « Non. J’ai plutôt besoin de soins. » Comme pour appuyer ses dires, son nez lâche une giclée de sang bienvenue qui dessine une constellation sur le blanc de la tenue d’escrime. Il place une main en coupe en dessous, sans cesser de regarder son opposante. En se demandant s’il a des chances de lui écraser son petit air narquois. Mais on le tient bien quand même. Il s’écarte avec l’attitude d’un adolescent boudeur. Direction les vestiaires. Trouver une glace. Il ne va pas rester comme ça. Sa baguette est restée là-bas.

Il ne ressort dans le hall qu’après de longues minutes. Il a fallu batailler avec cette tenue d’escrime pour qu’elle ne frôle surtout pas son visage. Il compte sur quelques drogues produites par la famille Flamel pour effacer la douleur sitôt qu’il sera rentré. Il lui faudra sans doute changer une nouvelle fois de chemise, la nouvelle est déjà maculée. Foutue louve. Il récupère sa baguette et il se tire. On discute encore dans le hall. Il jurerait que Enkhjin a eu droit à une remontrance. Elle est dans le hall, ne se jette plus sur lui et semblait l’attendre. Il récupère sa baguette et avec toujours aussi peu de jugeotte, s’approche d’elle. Il n’a pas fière allure avec cette serviette tenue non loin de son nez, s’il lui prenait l’idée d’une récidive. « Ben vas-y. Déçue de quoi. Qu’on était potes et que je n’étais plus là pour toi ? C’est pas comme si j’avais reçu un faire-part pour un événement. » Impoli, injuste. Comme si l’absence de grandes annonces avait signifié l’absence de nouveautés dans la vie d’Enkhjin. Il n’était pas là, mais le reproche est amer.
On lui fait si peu de reproches, il les gère bien mal.