(Enkhjin) Tu trembles, carcasse.

23 Janvier 1882. Naissance à Ulaanbaatar, d'un membre de la famille Secondaire Greyback, lié à une fille du pays, comme le veut la tradition de la Meute. Greyback raconte qu'il n'y a qu'ainsi qu'ils renouvellent le pacte avec la Bête, qu'il faut la laisser embrasser la Steppe avant de l'enchaîner, qu'elle s'affame de liberté mais se nourrisse de loyauté. On ne sait pas trop, on a jamais su.
Juin 1891. Départ pour l'Angleterre. Lars vient récupérer son dû lorsque les pouvoirs magiques se déclarent. Très vite lâchée dans le monde anglophone, la langue forcée dans la caboche qui ne rentrera jamais totalement.
Septembre 1893. Entrée à Poudlard, répartition à Serdaigle. Ca n'avait que peu d'importance, pour le peu de connaissance que l'on avait sur la question mais l'association flatte l'ego. Elle ne dure qu'un temps. Rapidement, on tombe derrière, un peu, les têtes pensantes, les natifs du coin.
1897. BUSES. Bonne élève, mauvais résultats. Studieuse perfectionniste depuis les balbutiements, on se frustre trop vite du manque d'avancée, commence tout, n'achève rien. Volent les encriers et les encyclopédies.
Juin 1897 Morsure, marquage.  Il y a chez les Greyback la légende de la Meute, celle avec laquelle on a grandi. L'asservissement de la Bête, l'évidence même à laquelle on se plie. La chaîne d'argent vient parer la gorge en feu, sur la poitrine le stigmate du loup, la morsure ivoire le long du bras.
Septembre 1897. Le cerbère sans maître trouve une porte à garder, un tyran à satisfaire. Trois, pour être exact. Les cousins Greyback se disputent la garde et docilement, on exécute.
1899 ASPICs. Mauvais résultats, mauvaise élève. Un A, c'est tout ce qu'on obtient au mieux dans les matières de prédilection, potions et sortilèges, disciplines reines. Mais tout le reste n'est que Piètre, sinon Désolant. Sous la colère sourde qui broie l'âme, on fait brûler les copies et les manuels. A quoi bon, de toute façon.
1900 - 1910. Après la sortie de Poudlard, on se met au service des aînés. Voyages aux quatre coins du globe pour récupérer des artefacts pour le compte de la famille, accompagnant ou non les cousins. Avec reconnaissance on accueille la liberté offerte, comme une récompense pour les années dans l'ombre de Poudlard.
1904 Mariage de Svein Greyback et Aletheia Delenikas, sorcière Grecque.
1909. Décès de Khaidai et Svein Greyback lors d'une mission de grande ampleur de récupération d'objets magiques. Tous les participants sont rappelés, Greyback pleure son héritier, la Meute hurle la perte d'un Maître, peut-être plus que celle de l'Alpha. Les têtes tombent.
1910. Reprise de la boutique d'artefacts et autres trouvailles de l'Allée des Embrumes. Dans la plus grande simplicité et en accord avec sa propriétaire, la boutique n'a pas de nom, ni même de vraie devanture. Une porte simple, posée comme un verrue dans une rue adjacente. Seule compte son adresse, pour qui la connaît. Elle finit par être surnommée "l'Antre", faute de meilleur qualificatif.
1912. Les nouvelles de la création de la Confédération Sorcière arrive jusqu'au Greyback. L'Antre et la Meute gardent leur neutralité. D'un côté comme de l'autre, ils offrent leurs services à qui payera le plus.
1914. La Révolution Sorcière bouscule les plans des Greyback qui perdent en neutralité. Leur intérêt allant à leurs affaires et leur confort égoïste, ils se rallient à Gellert, offrant les services de la Meute pour la traque de leurs semblables et des nés moldus.
Mars 1914. Le vent de l'ouverture de l'arène pousse Enkhjin à agrandir l'Antre et les têtes de né-moldus offertes en tribut.

Aux confins des Steppes régnait la bête immonde, gueule béante aux crocs jaunis, fielleuse engeance descendue des cieux sous l'égide du Khan. Tremblaient les villages alentours, faune laissée en paix, déjà réclamée par les hurlements féroces sous le joug de l'impératrice nocturne.
Aux confins des Steppes, dominait la meute farouche, les sabres au clair, l'écume aux lèvres, indomptables cerbères. S'imposait la griffe impérieuse sans partage, glorifiée par les ancêtres, approuvée des dieux.
Aux confins des Steppes résonnait le chant diphonique, accompagnant les râles gutturaux des maudits de la Lune, sous les regards envieux de l'Etranger. Méfiance fauve à l'arrivée de l'indolent Occident, les longues silhouettes blondes tranchant sur le ciel clair. Défiance passagère, les murailles tombent sous les promesses creuses de grandeur imaginaire.
Aux confins des Steppes dansaient les mains avides, les phalanges impudiques voleuses, à arracher sans vergogne le coeur du cerbère. Tombent les glaives, les poings enchainés, la gorge asséchée des grondements qui résonnent encore.
Aux confins des Steppes, les meutes se sont tues, canidés matés trainés en laisse hors de leur forêt jusque dans le brouillard Ecossais, les stigmates striant l'épiderme de ceux qui ne s'appartiennent même plus. L'Homme devient souverain tout puissant, pour ceux qui ploient l'échine la Lune pour personnage secondaire, simple figurante. Impuissante, elle observe ses enfants trainer la couenne rampantes aux pieds des tyrans. Le sang de la bête donné en pâture au progrès, à l'Empire en devenir.

I. Il n'y avait jamais eu d'autres options. Alors que la Steppe s'efface et que le Portoloin fait son office, le noeud dans la poitrine d'Enkhjin grandit. L'air pur de Mongolie laisse place aux vapeurs de souffre Londoniennes, émanations de charbon agressant les poumons fragiles de l'enfant. Devant elle s'élèvent les hautes grilles du Manoir Greyback, austère et efficace. Accrochée au Pater, la gosse tremble un peu, sous le regard sévère de Lars Greyback. L'imposant sorcier se baisse sur la silhouette prostrée, attrapant le menton hésitant entre les pales qui lui servent de mains, l'index venant inspecter la dentition du chiot farouche d'un oeil expert. " ##### ". tranche la voix venue d'en haut, tout en consonnes trop rondes, barbare boucherie à ses oreilles désorientées. "###". que répond le Pater avec la même sauvagerie liquide aux lèvres. L'enfant cille furieusement, les pupilles que la peur dilate, le tambour hors de la poitrine. Les gestes parlent mieux que les mots. Les paumes s'agitent, les phalanges dansent. D'une pression sur l'échine, on exhorte le chiot transi à suivre le rythme, dévorer des kilomètres de couloirs sans interruption, cavalcade enfantine pour tenter de suivre l'allure des géants. Sans le savoir, la place est prise, deux pas derrière, un sur la droite.  "# Enkhjin #". Il y a de l'incompréhension sur les traits de l'enfant, un tourment incertain dans les iris troubles. Elle ne comprend pas. Les mots barbares qui viennent encadrer son nom, avilissant les nobles injonctions de la langue natale. A nouveau, les mains se posent sur ses épaules, l'invitant à prendre part à la table des Greyback, pour la première et dernière fois.

II. Dans un craquement sonore, la règle s'abat sur la table, faisant vibrer les couverts et l'argenterie. "Les résul#ts s#nt décevants. ## Djinn.". Les crocs mutins claquent, à la mention du nom mutilé de toute noblesse. Un grondement venimeux fait vibrer la gorge alors qu'elle secoue la tête, dans une grimace pleine de dégoût, esquivant la règle qui s'abat à nouveau. Sur les lèvres tremble le sourire poli, crispé à s'en fendre la commissure. Sans un mot, simplement, elle incline la tête, prenant une douce inspiration. "Je sais. Je suis désolée." Lâché entre les dents serrées, la politesse tranchante, lippes chavirant sur les consonnes retenues. Dans les entrailles bouillonne déjà la haine de l'autre, de ceux qui font mieux. Le Pater, deux pas derrière Lars, un à droite, affiche la mine déçue de ceux qui n'attendaient rien mais que la désillusion a fini par frapper. On aimerait tant répondre aux espoirs silencieux, mais Poudlard est impitoyable pour ceux trainant la patte. On se gaussait d'être de la maison des érudits, de ceux dirigés par la connaissance, assoiffés de sagesse éternelle. On se heurte à la barrière de la langue, aux infranchissables herses qui ne s'ouvrent que pour ceux ayant la clé. Et autant dire qu'un chien, ça n'a pas de clé.

III. Blafarde est la lune, douce impératrice régnant sur la Steppe, rondeur impartiale aux rayons absolus. Sous la pluie d'étoiles princières, les chants diphoniques invoquent la danse avec les Loups. La Bête viendrait, de toute façon, invitée ou non à valser d'une ombre à l'autre, carne nouvelle insoumise. Est-ce irrespectueux, si elle avoue qu'elle aurait préféré retrouver les Steppes en d'autres circonstances ? Que les stigmates crépusculaires à peine masqués sur la peau ambrée ne sont que mauvais présage ? Qu'elle aurait aimé que la Meute ne soit qu'une légende de mafieux trouble, destinée à entretenir la domination des Greyback sur les marchés parallèles ?
Est-ce irrespectueux de cracher la haine dans un hurlement désincarné ?
Que la jeunesse s'envole, que l'illusoire liberté s'efface, dévorée par l'abomination au creux des reins, incompréhensible clameur bestiale échappée des lippes déformées, mélopée ultime d'une humanité dépossédée.
Règne la Louve sur l'existence en lambeaux.

IV. Svein se marie et sa femme est une reine. Peut-être même trop. Pour la première fois, le calme serein est troublé par la Bête immonde. Ou a-t-il jamais vraiment existé. Tambour dans la poitrine, jalousie liquide dans les veines, reproches perdus au fond de la gorge. Il ne te mérite pas. qu'elle voudrait lui souffler à l'oreille. Mais alors qui ? Dans les pas de Svein, Djinn progresse, âpre silence sur les lèvres serrées, regard posé sur le sol avec une feinte passion. Arrivée à la hauteur d'Aletheia, la Louve fulmine. Comme elle aimerait lui arracher la gorge, que personne d'autre ne salisse l'albâtre de la peau. Surtout pas lui. Surtout pas eux. "Félicitations.". Lâche-t-elle, la haine râpeuse trébuchant sur le mot le plus simple, pourtant si difficile à prononcer.

V. "Je suis désolée.". C'est tout ce qui franchit ses lèvres en boucle, longue litanie, infini mantra, dans un balancement d'avant en arrière, au beau milieu du salon du manoir Greyback. Elle n'est pas la seule à être désolée. Tous portent le deuil de la famille meurtrie. L'empire perd son Prince et son molosse alors que le sort de l'Imperator reste incertain. On a trop flirté avec la liberté, trop tiré sur la laisse déjà tendue, on en avait presque oublié qu'elle était encore serrée sur la gorge blafarde. On en avait presque oublié les nuits dominées par Sélène. Ca a frappé comme une massue, en pleine gueule, puis en plein coeur. Les tripes aux bords des lèvres. On se pensait supérieure, un instant, à voler au-dessus des malédictions, à tenter la Lune jusqu'à ce qu'elle plie, la louve agonisante dans les entrailles. Mais il n'aura fallut que d'une erreur, une inattention, un piège déclenché, le plancher dérobé. Le cerbère qui ne sauve que sa peau, égoïste imposture de la fidélité jalouse.
Tout n'est que bruit, tout autour.
La bride se resserre, enchaînée au Manoir à nouveau. Une boutique que l'on met entre les mains entre tremblantes, punition des limiers assignés à résidence. Attentif cerbère, on accepte de garder la porte d'entrée aux richesses de Greyback. Quel autre choix, après tout ?
De toute façon, le gouvernement ne tolère pas les canidés véhéments, pas plus qu'il ne tolère les hybrides indignes. Le collier est trop serré. Toujours.

V. De loin, les gens sont beaux. Leurs ombres mouvantes, les silhouettes douces, la courbe angulaire d'un cou. Son cou. De loin, elle est belle. Dans la poitrine d'Enkhjin, les sentiments contraires, l'aversion naturelle, fanatique haine coulant dans les veines... puis la douce nostalgie, vague à l'âme discret, distrait. Parce qu'un meuble vaut-il vraiment mieux qu'un chien ? Certes non.
Mais elle, elle est peut-être belle de près. A vrai dire, Djinn n'en sait rien. Il n'y a que la fureur dans ses yeux qu'elle voit. Les iris aux reflets fauves, la revanche hurlante. Souvent elle passe au Fol'Amour, juste pour voir se débattre la férocité entravée, par envie, jalousie, un peu.
La honte de ne pas avoir pu retenir la création du Sceau. La haine d'avoir pu y participer. Infamie sur la peau, amère déchéance que l'on a essayé de rattraper, première et seule entorse à la règle d'or du parfait chier de garde. Un peu de relâchement sur la laisse, faire mine de ne pas voir, parce que le sang bouillonne de trop.
Jusque chez elle la suivre une fois, déposer des fleurs fanées, volées à la hâte, récupérée d'ailleurs. Déposer des fleurs comme on fleurit la tombe d'une liberté assassinée.


I.  L'anglais balbutiant, certains mots échappant à la perception, malgré des années de pratiques, l'accent n'est jamais vraiment parti. Il est toujours là, tapi sous la langue acérée, troublant les colères et les ordres. On aime peu l'anglais, au final, même si on a l'amour des mots en général, ceux qui gravitent dans la tête, empruntés partout pour une notion précise. Mais l'anglais, certes non. Trop rapidement fourré dans la tête, il n'y a jamais eu de place pour tout apprendre. On préfèrerait la langue natale que la Maison entretient mais personne d'autre ne se plaît à l'employer. Ca agace Greyback. Alors on parle peu, esquive facile des questionnements sempiternels. On préfère agir, assurément, agiter la main et le commun doit deviner. On écrit relativement mal, aussi. Pas faute d'avoir travaillé sans relâche. C'est juste hors de portée.

II. Louve marquée, suivie à la trace par la Meute, reconnue par le gouvernement, on pourrait difficilement feindre l'ignorance, prétendre que les légendes sont faussées. Au cou brille la chaîne frappée des initiales Greyback, simple formalité à l'origine, devenue essentielle avec l'arrivée de Grindelwald au pouvoir. Honteux stigmate du cerbère en laisse, elle est souvent cachée d'une écharpe, bien que personne ne soit dupe. On ne peut se résoudre à supporter les regards sur la condition, soulever les questions, les phalanges sont trop rapides à répondre, avant que la langue ne fourche. Sur son avant-bras trône le Sceau sans  pitié, une marque de plus pour juguler les velléités, sur le dos et la poitrine les runes Greyback, courant l'échine en torrent d'encre infâme, couronne latine pour point d'orgue Revoca me domino meo pour la chienne toujours fidèle.

III. Élève appliquée, par éducation autant que par nature, on tend à la perfection tout en sachant qu'elle est loin. De frustration, on renverse des tables, jette des fioles au sol. On a tout étudié avec assiduité, pourtant, la pratique au bout des doigts. On serait morte, sinon, probablement, dans une tombe quelque part en Turquie. Mais ce n'est jamais suffisant. On noie les rêves avortés dans les colères sourdes, l'abondance d'artefacts de l'Antre pour montrer que oui, le limier dressé sait rapporter les os sur demande.

IV. L'Antre est devenue une maison comme une autre, la louve tapie dans les ombres accueille ceux qui souhaitent commercer, quelle que soit leur allégeance ou leur nature. On y trouve de tout, des Nés-moldus à jeter au Cirque à la langue desséchée d'un loup-garou. des commandes que l'on peut passer aisément sans que l'information ne circule. Elle discute peu, de toute façon, la politique n'a jamais été affaire de canidé. Si on insiste un peu, pourtant, elle consent à lâcher les mots bloqués dans la gorge, parole fleuve lorsque l'on touche un artefact dont elle pourrait parler des heures, torrent s'il s'agit d'une potion. Cerbère s'assoiffe volontairement d'attention, Cerbère crève de faim et d'attention.

V. La différence entre la Famille et la Meute est nette. La branche secondaire sert la primaire depuis des générations, engeance cultivée pour les besoins de la chasse. Le sang mélangé des Greyback remonte aux steppes de Mongolie, portée par les chasseurs de reliques prêts à tout. La légende colportée par les aventuriers, discussions sous cape dans les tavernes des Embrumes, les cabarets sous-terrains. Une partie raconte que Greyback aurait séduit le chef farouche d'une meute de la Steppe, une autre qu'il aurait lié son âme à la sienne, arraché le coeur du Guerrier Canis pour l'enfermer dans un coffre. Condamné à errer aux pieds du nouveau Maître, Cerbère farouche devenu Molosse docile, deux pas derrière, un sur la droite.  
On marque à l'encre magique la poitrine des damnés, enserre le cou d'une laisse d'argent, que le Ministère n'ignore pas la Meute que Greyback possède. Que les ennemis n'oublient pas que les canines carmins sont prêtes à la gorge.

VI. Les phalanges jamais en paix, toujours à agiter un objet, à se tordre autour de la chaîne, de la baguette, d'une boucle d'oreille. On ne tient pas en place, on ne maîtrise pas forcément les gestes et la portée. La tasse posée trop fort, le thé renversé sur la nappe.