some nights are made for reflection. (arcturus)

some nights are made for torture, or reflection, or the savoring of loneliness. --- @arcturus black

Arcturus et Lekié. Lekié et Arcturus. Black et Zabini. Zabini et Black. Les deux allaient de pair depuis leur entrée à Poudlard. Tous deux de la même année, ils avaient été répartis ensemble chez les Verts et Argents. Leur connexion fut presque aussitôt immédiate, à peine avaient-ils posé le regard l'un sur l'autre. Tous deux savaient reconnaître la prestance des grandes familles; il était donc naturel que Black et Zabini se rapprochent tels deux atomes crochus. Quand le premier était entêté et inconsidéré, le second se montrait tempéré et sage. Quand le second était timoré, le premier se montrait aventureux, bousculait les habitudes. Ils étaient les maillons d'une chaîne au sang pur qui ne fonctionnait que si tous les rouages s'accordaient. La dynamique qui existait entre les deux familles leur avait toujours sécurisé des places plutôt confortables au sein de la société sorcière. Même encore aujourd'hui, malgré les années filantes et les nombreux voyages à l'étranger de Lekié lors de la décennie précédente, les deux sorciers ambitieux avaient gardé un lien particulièrement fort. S'il y avait bien une personne sur terre en dehors de sa famille sur laquelle il pouvait compter, l'éphèbe savait pertinemment qu'il s'agissait d'Arcturus.

La nuit avait posé son voile ténébreux sur les terres anglaises. La silhouette sombre se pressait dans l'allée des embrumes du Londres magique, sa bure de sorcier d'un noir de jais claquant au rythme de ses pas. Elle semblait flotter à quelques centimètres du sol tant le mouvement semblait vivace et empli de prestance. Une fois à l'orée du Londres magique, la silhouette transplana pour se retrouver à Pré-au-Lard. L'ombre se mit à virevolter de nouveau, d'abord légèrement, puis de manière plus vive; le corps du jeune sorcier se mua en une traînée de fumée d'un noir abyssal qui filait à toute allure à travers le village. Il réapparut non loin d'un petit cottage qui ne semblait pas payer de mine. L'homme se mit à marcher en direction du portail en fer forgé et, d'un geste de la main, sans arrêter son ascension, passa à travers les barreaux rendus magiquement perméables. Sa démarche était assurée, toujours rythmée par les claquements de la bure de sorcier qui épousait les bourrasques de vent nocturnes. Il dévora en quelques minutes les dizaines de mètres qui séparaient l'entrée du cottage à la porte de la demeure. Sans s'annoncer ni même frapper, il passa encore une fois à travers cette porte pour se retrouver à l'intérieur. Là, il retira sa cape qui virevolta jusqu'au porte-manteau; elle dévoila un Lekié Zabini serein qui arborait une mine ravie et une chemise noire entrouverte au col. L'idée de retrouver son meilleur ami après tout ce temps lui faisait chaud au cœur.

Il savait qu'Arcturus avait fait le choix de ne prendre aucun elfe de maison ni de domestique pour l'aider à tenir son cottage. Lekié avait salué ce mode de vie qu'il trouvait particulièrement avant-gardiste malgré les événements. Il savait cependant qu'il s'agissait surtout d'un acte égoïste de sa part; Black voulait simplement s'assurer qu'aucun étranger ne vienne fourrer son nez ou ses pattes dans ses affaires personnelles. Aussi, c'était la raison pour laquelle il était entré sans s'annoncer. Il savait, de toute manière, qu'Arcturus l'attendait. Il en était convenu ainsi.

Lekié traversa le hall d'entrée puis le salon. Il savait que son ami se trouvait certainement dans sa bibliothèque, comme à l'accoutumé. Il parcourut les différences pièces du cottage avant d'atteindre sa destination. Il passa le seuil de l'antre sacré pour y trouver un Black absorbé dans ses recherches.

— Si tu m'as fait venir ici à une heure aussi tardive, j'imagine que tu as fait une nouvelle trouvaille.

Lekié s'était dirigé vers son ami de toujours, ouvrant les bras pour lui offrir une accolade intime, l'embrassant délicatement sur la joue par la même occasion.

— Quand dors-tu, Arcturus ? Plaisanta le jeune Zabini avant de se reculer de quelques pas, passant en revue les différents articles entreposés ça et là, laissant ses doigts longs et fins danser sur les rebords des meubles en bois. Alors, dis-moi tout.

L'impatience gronde sous la peau tendre. Auprès de sa bibliothèque, le feu crépite dans la cheminée, inondant la pièce d'une chaleur dans laquelle Arcturus se complaît. Fin sourire soulignant le plaisir propre à l'acquéreur, le sorcier est installé dans un fauteuil et se perd dans sa contemplation de l’objet. Observation qui s'étire indéfiniment, missive envoyée et attente de l'ami qui n'en finit plus. Le désir est grand, et devient palpable. Flammes qui dansent dans ses chairs, puissant agonisante au profit d'un sommeil qui ne vient jamais. Homme joliment décoré d'une façade attractive, il n'en reste pas moins qu'Arcturus n'est présentement plus qu'une ombre mordorée aux allures grandiloquentes. Il est persuadé que Lekié viendra dès ses mots inscrits au fer rouge en tête – car il porte en son camarade une foi qui surpasse souvent l'entendement. Le bon sens n'est guère plus qu'un grain de sable dans le désert.

Alors, Arcturus s'habille de patience, tandis que les minutes s'écoulent. Le temps est d'une lenteur douloureuse, maux allant en crescendo face à ce qu'il voudrait faire – face à ce qu'il pourrait faire. Car tout donne raison au nuage de possibilités qui plane désormais au-dessus de sa pauvre caboche ; mêlant envie et passion, cependant décrédibilisé par l'obsession d'une si jeune existence. Il voudrait tant poser ses doigts sur l'artefact doré, en sentir les effets, en constater les dégâts – mais il parvient à réprimer ce geste futile, conscient qu'un tel acte causerait sa perte. Les malédictions ne sont pas à prendre à la légère ; et c'est ainsi qu'il se tient tranquille, en attendant l'arrivée de Zabini. Mine renfrognée à mesure que le feu se meurt, se relevant et attrapant un tisonnier afin de le raviver. C'est enfin que l'ombre de Lekié lui apparaît, et le sourire qui anime ses traits fatigués est fin – mais sincère.

D'un revers de main, il ignore la question du sommeil. N'ayant cure de sa santé, au profit d'une puissance qu'il n'en finit plus d'alimenter, Arcturus darde le visage de son vis-à-vis de son regard affûté. « Tu ne me connais que trop bien. » commente-t-il simplement d'une voix rauque, appréciant le fait qu'il n'ait pas à s'expliquer – il n'a jamais vraiment eu à souligner ses actions par les mots. N'a jamais ressenti le besoin, et Zabini ne l'a jamais forcé à épouser une attitude autre que celle qui lui est propre. Arcturus fait volte-face, et d'un mouvement de menton, désigne la bague en or, arborant la façade d'une cartouche, qui repose sur sa table basse, dans un écrin de chêne. « Regarde, mais fais attention – je te déconseille d'y toucher. »

Mêlant geste à la parole, Arcturus s'empresse d'épouser les moindres gestes de son comparse. Dans ses yeux brille un étrange éclat – celui qui flirte inlassablement à la folie, mais qui revient toujours à bon port malgré tout. Croisant les mains dans son dos, le sorcier se penche légèrement, prunelles qui vrillent l'artefact hanté d'un regard carnassier. « Cette bague a été trouvée dans le tombeau de Thoutmôsis IV, qui se situait dans la vallée des Rois en Egypte, il y a de ça une dizaine d'années. » Black se redresse enfin, et tandis qu'il conte les méfaits de l'objet, pas une trace de culpabilité ne semble éborgner ses traits. « D'après ce que j'ai lu, ces bagues sont supposées protéger le Pharaon des esprits malins dans la vie et au-delà. Curieusement, tu n'imagineras jamais le nombre de cadavres que cette petite chose a laissé traîner sur son passage. Jusqu'à arriver ici. » explique-t-il d'une traite, bien trop enthousiaste pour réprimer l'ardeur qui fait trembler ses mains. Arcturus s'installe dans l'un des fauteuils et invite silencieusement Zabini à faire de même. « Lekié – imagine ce que l'on pourrait faire avec ça. Imagine à qui l'on pourrait l'offrir, imagine toutes les possibilités... donner ce joyau à quelqu'un équivaut contrôler la mort. » Les mots s'entrechoquent et l'étouffent quasiment, tandis qu'il est submergé par une vague d'idées qui pourraient être révoltantes aux yeux de beaucoup. Mais rien n'y fait – rien n'est plus important que de s'avancer, et de se noyer dans le creux de ces traditions sorcières millénaires qui ne cesseront jamais de l'étonner.

Auprès de Lekié, peut-être qu'Arcturus recherche un sens d'acceptation. Un battement de paupières, un signe, qu'il acquiesce ou insuffle ses idées de paroles nouvelles. Il attend, paumes tendues vers le ciel, cœur battant sous le poids de cette vie nouvelle qui pourrait s'offrir à lui.

Parce qu'il y croit.
Par Merlin, qu'il y croit.

some nights are made for torture, or reflection, or the savoring of loneliness. --- @arcturus black

Arcturus était sans aucun doute le plus cher ami que Merlin avait mis sur la route de Lekié. Il chérissait leur relation autant qu'il chérissait celle qu'il avait avec son frère, ou avec sa sœur cadette, la regrettée Eshe. Les Black et les Zabini avaient toujours été intimement liés, au point que l'on aurait pu aisément penser qu'il ne s'agissait que de l'extension naturelle de l'une et l'autre. Pour autant, jamais aucun mariage n'avait scellé cette alliance; leur alliance était de celles qui résistaient bien plus à l'érosion du temps et ne souffraient d'aucune crainte de trahison. Leur loyauté était presque inscrite dans leurs gènes.

Bien sûr que Lekié ne connaissait que trop bien son meilleur ami. Il avait été présent à chaque moment important de sa vie, et avait pu admirer les prouesses d'esprit d'Arcturus. La nuit, c'était certainement le moment le plus opportun, celui où l'intelligence et la réflexion étaient en ébullition. Lekié était de ceux-là aussi, ces animaux nocturnes qui échafaudaient leurs plans et profitaient du calme de l'obscurité pour songer à leurs desseins les plus secrets. Il y avait une saveur particulière à la nuit, ce goût pour le rien abyssal qu'elle laissait présager.

Le jeune Zabini parcourait les différents meubles de la bibliothèque d'Arcturus, ses doigts fins et agiles pianotant avec rythme sur les bois vernis. Je te déconseille d'y toucher, avait prévenu le Black. Lekié était habitué à ce genre de remarques; il y avait rarement d'objets qu'il convenait de toucher sans risquer de mettre sa vie en danger, dans les parages. Le Black avait ce don, cet intérêt irrépressible pour les artefacts. Le jeune anglo-africain avait toujours été partagé face aux lubies de son ami; bien souvent il s'inquiétait de la tournure des événements. Depuis quelques temps, Arcturus paraissait plus agité qu'à l'ordinaire, et même s'il avait l'habitude de le voir veiller en pleine nuit, ses yeux parfois injectés de sang trahissaient son obsession latente. L'éclat qu'il percevait dans son regard, cette lueur particulière qui flirtait inlassablement avec la folie, inquiétait Lekié en son for intérieur, sans qu'il ne le montrât jusqu'à présent. Le jeune homme ne voulait pas qu'il s'abandonne à cette pyrrhique endiablée qui finirait par causer sa perte, une nuit ou l'autre.

Le Black lui expliqua la provenance de l'objet si singulier qu'il lui présentait. Là, devant ses yeux, se tenait une magnifique bague dont le matériau, la grosseur et l'élégance témoignaient d'une grande richesse d'antan – richesse monétaire mais très certainement magique également. Soutenant le regard de son ami alors qu'il lui contait les origines de l'objet, Lekié sortit sa baguette magique et, comme pour montrer patte blanche, indiqua silencieusement à son vis-à-vis qu'il ne ferait que l'observer. Du bout de sa baguette magique, le jeune homme fit léviter l'artefact à quelques centimètres de son socle, se penchant légèrement pour en observer les détails. Le bourdonnement qui s'en échappait, aussi faible pouvait-il être, ne présageait rien de bon. Lekié reposa l'objet presque aussitôt, rangeant sa baguette magique dans sa manche. Arcturus se posa dans un fauteuil et invita son ami à faire de même. Sans quitter l'objet du coin de l'oeil, Lekié vint s'installer à son tour face à Arcturus. Quand il reporta son attention sur ce dernier, il remarqua le tressautement régulier de ses mains. [...] donner ce joyau à quelqu'un équivaut à contrôler la mort. Lekié s'affaissa un peu plus dans le fond de son fauteuil en laissant échapper un long soupir, les bras calmement posés sur les accoudoirs.

— Arcturus, où as-tu trouvé cet objet ? Qui te l'a donné ?

Lekié ne savait pas quelle serait la meilleure stratégie à adopter. Assaillir Arcturus de questions le déstabiliserait. Pour autant, il avait besoin d'en savoir plus avant de lui donner son avis.

— Que comptes-tu en faire exactement ? À qui est destiné cet objet maudit ? Tu ne peux décemment pas le porter toi-même. Lança le jeune homme, plongeant son regard de braise dans celui de son meilleur ami, tâchant de rester attentif au moindre de ses mouvements.

Arcturus avait certainement l'habitude de voir Lekié en action, lui, le fin observateur qui préférait recueillir tous les tenants et aboutissants avant de l'ouvrir. Peut-être Arcturus avait-il d'ailleurs invité le jeune Zabini en connaissance de cause, pour le stopper lui-même dans son ascension suicidaire, comme un appel à l'aide. I'll always be here, no matter what, pensa Lekié.

Il serait mentir que d'assumer qu'Arcturus est totalement conscient de ses moindres faits et gestes. Car, obnubilé par ses rêves de grandeur qui ont été ternis par l'obsession qui n'a jamais eu de nom, le sorcier sait qu'il a perdu un peu de son bon sens. Et jamais il ne l'admettra, même auprès de Lekié Zabini, qui est le plus loyal de ses comparses et le meilleur de ses amis. Amitié qui se voudrait éternelle, Black porte en son vis-à-vis une confiance qui se voudrait presque aveugle. Ainsi, il n'a aucune honte, aucune gêne, à se dévoiler et à présenter son nouveau jouet. En cette soirée, il n'arbore pas la moindre vulnérabilité. Ses yeux sont effrontés, et son sourire se fait carnassier. Il pense, Arcturus, à tout ce qu'il serait capable de faire – il se prend à songer à ces possibilités qui l'effleurent, tentatrices assumées contre lesquelles il rêve de se loger. Peut-être en a-t-il conscience, ou peut-être pas, mais Lekié est et a toujours été son point d'ancrage. Cette silhouette inébranlable qui sait lui faire comprendre le vrai du faux, le bien du mal. Au travers des envies, Zabini est celui qui le ramène à la raison, étendard qu'il brandit et sous lequel Arcturus s'abrite.

Imitant Black, Lekié s'installe à son tour dans le creux d'un fauteuil. Face à face, silhouettes faiblement éclairées par les flammes qui s'échappent de la cheminée, Arcturus penche légèrement la tête sur le côté. Plisse les paupières. Essaie de retrouver chez son ami une attitude qui se voudrait positive, quelque chose – n'importe quoi – un déclic qui lui permettrait d'avancer. Mais le mauvais pressentiment devient rapidement bourrasque désenchantée, et ses sourcils se froncent. Lorsque Lekié prend enfin la parole, pour la première fois depuis l'annonce de son arrivée, les mâchoires d'Arcturus se contractent douloureusement et son front se plisse, peau qui se ride sous le joug des mots qui s'échappent.

Le sorcier ne pose pas les bonnes questions. Arcturus secoue la tête, et lève légèrement la main, interrompant son ami. « Ce n'est pas important, Lekié. » Son intonation se farde d'agacement. Petit éclat dans l'oeil qui devient brasier. Zabini veut des noms – et Black ne lui octroie qu'une œillade désabusée.

« Je tiens à la vie, mon ami, et je te prie de croire que je n'ai pas la moindre intention de porter cette bague. » Arcturus adresse à son compagnon un regard entendu. Il n'a guère l'envie, ou le besoin, qu'une telle idée lui trotte dans la tête. « Je te le promets. » Promesse qui flanche. Môme pris sur le fait – car peut-il vraiment lui assurer que l'idée d'enfiler ce bijou ne lui a pas traversé l'esprit ? « Tous ceux qui ont porté cette bague sont morts, moldus et sorciers confondus. » Explique-t-il finalement, en se penchant en avant, coudes posés sur ses cuisses – prunelles qui observent le bijou à s'en brûler les rétines. « Si tu pouvais penser à – quelqu'un que tu hais profondément, Lekié. Quelqu'un dont tu souhaites la mort. Qui choisirais-tu ? »

It's a gift, my friend. Ainsi, Arcturus décide de lui offrir la possibilité d'empoigner cette opportunité à deux mains. Et le sorcier est curieux de voir si son comparse a le cœur aussi noirci que le sien – après tout ce qu'il a vécu, après la décimation de sa famille, qu'a-t-il en lui aujourd'hui ? Qu'est-ce qui pourrait bien le faire avancer, si ce n'est l'éclat d'une vengeance qui prend forme, peu à peu, sous la toile de ce fasciés enchanteur ? Arcturus reporte son attention sur la carcasse de son interlocuteur, regard qui se veut attentif mais qui arbore toutefois une drôle d'étincelle.