how did it get so late so soon? (w/miraj)

Ce matin,
il s'est réveillé aux aurores.

Les murs de Poudlard sont silencieux, trop silencieux. Les fantômes eux-mêmes se font discrets à cette heure matinale. L'esprit encore brumeux, Ulrich quitte ses appartements à une vitesse somnolente. Le professeur se dirige vers la grande salle, là-bas, il n'y a personne. Ce vide ne durera qu'un temps. Bientôt, les silhouettes juvéniles des étudiants passeront la grande porte pour prendre leur petit déjeuner dans un brouhaha d'angoisse. La période des examens est enfin arrivée, portant avec elle la promesse de la fin de l'année. Ulrich masse ses paupières tombantes, il a une migraine qui se déclenche à l'idée même de faire passer ses épreuves à ses étudiants : entendre les mêmes aberrations, contempler les mêmes regards paralysés à la vue du sujet, Ulrich en a déjà assez. Pourtant, le sorcier apprécie son travail. Du moins, il pense. Un soupire survole les bords de sa tasse de thé. Parfois il repense au musée, souvent il se replonge dans le souvenir de ses explorations passées. Avide de connaissances, passionné par sa discipline, Ulrich a cru, il a réellement cru qu'une vie enfermée entre des briques, plongé sur des parchemins serait pour lui le parfait dessein. Maintenant, il se rend compte qu'il préfère les découverts aux traductions, qu'il prend plus de plaisir à déterrer des secrets qu'à les comprendre. Il souffle à nouveau sur le liquide mentholé avant de déglutir quelques timides gorgées. Peut-être qu'en réalité, ce qui lui manque réellement, ce sont ses vingt ans? Bien loin de porter sur ses épaules autant de décennie que bon nombre de ses collègues, Ulrich prend conscience qu'il se met à vieillir. Le bruit commence à naître petit à petit dans la grande salle. Gauvain s'attarde un instant sur les derniers venus du haut de l'estrade du corps professoral. Il a l'impression qu'hier encore, il était ce qu'ils sont. Un léger rictus vient secouer la commissure de ses lèvres, il ricane dans sa barbe. La nostalgie me va mal, songe-t-il.

- Mademoiselle Lestrange, asseyez-vous.
Huit heure trente-quatre. Ulrich prend son temps. Accolé au rebord de la fenêtre, il tient sa pipe de tabac et laisse quelques nuages de fumée grisâtre rejoindre le ciel écossais. Du haut de sa tour, il observe la vie qui se met à animer peu à peu le corps de Poudlard. Les étudiants s'agitent, les étudiants révisent : ses mouvements affolés, ses têtes paniquées ont le goût de la candeur.
- Dites-moi (...)
Il laisse une derrière bouffée de tabac envahir sa bouche, côtoyer ses poumons, avant d'abandonner sa pipe et de s'adonner à de plus sérieuse activité.
- (...) pourquoi avoir choisi de suivre la voie de l'archéologie?
La femme-enfant est la première a passé devant lui aujourd'hui. Miraj Lestrange n'a plus dix-sept ans, son temps passé à Poudlard est révolu, elle est une sorcière confirmée ayant aujourd'hui d'autres desseins que de valider ses a.s.p.i.c.
- Je vois que vous avez obtenu un effort exceptionnel en étude des runes lors de vos b.u.s.e, ainsi qu'un optimal lors de votre dernière année. Impressionnant.
Il tiens son dossier entre les mains, continue à le feuilleter afin de se faire une idée de la personnalité de la jeune femme. Les éloges à son égard ne manque pas d'attirer l'attention du sorcier, il se demande si cette femme est réellement aussi méritante que ce que ces feuilles de papier font présumer.
- Je vous demanderai de me traduire une phrase simple. Il vous faudra déterminer l'alphabet correspondant. Il peut s'agir d'un alphabet étudié en cours ou d'un tout autre alphabet holographique. Vous avez toute ma bibliothèque à votre disposition. Ce sablier (...)
il montre de sa baguette un sablier volant au-dessus de son bureau.
- (...) se retournera autant de fois que nécessaire. J'attends de vous que vous retranscrivez l'inscription en alphabet latin. Vous serez évaluée sur la pertinence des ouvrages que vous utiliserez, de la rapidité de votre traduction et de sa justesse.
Il lui tend une feuille blanche retourner sur laquelle il a gribouillé quelques lettres anciennes.
- Bonne chance.
Le sablier
commence
à s'écouler.

Texte en hiéroglyphes micmacs. Le texte signifie : Koqoey nakla msɨt telikaqumilálaji? – littéralement « Pourquoi / ces / tout / après qu’il le leur fit ? », ou « Pourquoi toutes ces différentes étapes sont-elles nécessaires ? »

☾

Postface, Marina Tsvetaïeva
“La mémoire a des effondrements,
Les yeux sont recouverts de sept taies…
Je ne te vois pas – séparément.
Un trou blanc – à la place des traits.”

@Ulrich Gauvain

Elle s’est réveillée ce matin,
A l’aube des étoiles fatiguées,
Elle s’est réveillée ce matin,
à son oeil l’angoisse de l’échec.

Miraj se regarde dans ce haut miroir, elle regarde son reflet habillé d’une robe de soie, légère étoffe dont la matière l’embarque dans ses sensations doucereuses, le drapé de l’eau sur ses doigts tremblants, la fluidité de ce tissu la guide dans une imagination illuminée. Elle entend le bruissement des branches, retourne vers la forêt de Sherwood, elle songe aux brins de soleil inondant l’herbe grasse, les troncs de ces chênes dont elle caressait l’effluve rèche. Elle se souvient de cette paix à l’intérieur d’elle, cette émotion puissante lui ayant versé des larmes. Elle tente de retrouver ce sentiment afin de retourner à Poudlard sereine. Aujourd’hui, elle devra passer sa dernière épreuve, celle de l’interrogation des connaissances. Elle se sent femme, elle se sent faible. Et la peur de l’échec qu’elle maintient encore dans ses boîtes.

Deux années depuis la séparation des bancs de l’école, elle a parcouru les allées de briques, les escaliers mouvants, les peintures aux personnages affirmés. Elle s’était rêvée peintresse, poétesse, une Brontë sorcière. Puis elle avait découvert sa passion, la passion pour le moldu qu’elle avait tu et la passion de l’histoire. Elle avait assisté à tous les cours que donnait l’école, les runes et la divination, elle s’était aventurée dans les rayons de la bibliothèque, avait volé des livres à l’index. Elle avait appris par coeur cette nouvelle langue dont elle ornait ses pages de carnets, ses notes pour les protéger des yeux indiscrets. Elle connaît le chemin par coeur, comme une familière, une reine sous les voûtes de son ancien palais. Les professeurs ne la flattaient jamais mais elle apercevait, de temps en temps, des gestes protecteurs. Ce qu’elle voulait se trouvait imbibé dans les livres, le savoir d’ordinaire réservé aux hommes. La porte s’ouvre, il apparaît. Elle ne l’a jamais croisé. Barbe rousse sur les joues invisibles, il a cette expression fatiguée, une mélancolie dissipée dans sa droiture. Une pipe, objet de surprise, sur le rebord de la fenêtre, il semble admirer la lueur d’une transcendance convoitée. Elle obéit, s’assoit.
"C’est un amour que je ne pourrai décrire. C’est une vocation, c’est tout."
Elle ne défendra pas son goût pour les pierres et les fossiles, elle se taira sur ses motivations. Par méfiance, elle préserve l’unique atour de sa vie. Elle a supporté les réflexions du père, l’éducation de la mère, elle a supporté les bals et autres festivités pour la lancer vers les loups, elle est devenue muette comme on lui demandait, elle a joué la princesse de sang pur, la troisième fille d’une famille célèbre et célébrée. Dans les livres, les essais, elle a immergé sa peine. Apprendre des pages et des pages, apprendre pour comprendre et posséder. Le professeur explique, donne une feuille sur laquelle est inscrite une phrase, elle devine, comprend, elle note la traduction sans besoin de dictionnaire ou d’aide. Pas pour l’instant. Elle se remémore des vers, donne du sens à cette épître. Elle l’a côtoyé dans les archives, sujet Moyen ge, Roman d’une rose fanée, une rose magique. Une légende d’abord, qu’elle avait suggéré réelle à son supérieur. Si on la cueille, si on l’élève, certaines maladies seraient éradiquées. Il ne s’agit pas de l’immortalité, seulement une rose qui donnerait une tranquillité de l’âme, je la soupçonne un ingrédient inconnu seulement utilisé dans une potion millésime appartenant aux Flamel. Cette phrase, elle se l’accapare, ajoute des notes qu’elle barre. Elle oublie l’environnement, se plonge dans la volupté de sa mémoire. Il a choisi ces mots qu’elle avait dévoré lors de sa dernière année, prolongeant les cours qui ne la satisfaisaient pas, elle souhaitait acquérir le savoir universel, connaître ce que le monde hébergeait dans toute son entiéreté. Elle ne vérifie pas l’heure, tend la feuille.
"Je me suis certainement emportée, je suis navrée."
Avare de paroles, elle sous entend cependant que la confiance en ses capacités lui manquent, elle aurait pu vérifier ses informations et sa traduction par les moyens mis à disposition. Elle recopie, se dirige vers la fenêtre, contemple les vastes paysages, là bas l’arène de Quiditch, ici le lac et le parc.