champagne et confessions (iria)

“Tu ne penses pas qu’il te faudrait un châle, Théa ?” Elle le toise du regard, et replace une mèche de cheveux volages. “Je dois me trouver un mari, oui ou non ?” Il ouvre la bouche, mais ravale bien vite sa réponse, de peur de subir à nouveau le courroux de sa fille, qui sait être dévastateur. Et Merlin qu’il fait bien, car elle n’aurait supporté de recevoir encore une réflexion. Sa robe tombait parfaitement sur ses hanches, elle avait soigné les couleurs de ses joues, de sa bouche, ses boucles étaient harmonieuses… Oui, le masque Malfoy était parfaitement en place. Elle ne savait même plus ce qu’était cette soirée, uniquement qu’elle devait y être pour faire bonne figure. Et ça n’avait pas été simple.

Trente jours. Trente jours douloureux où elle avait détruit chaque lettre écrite par le feu, où elle avait pleuré tout ce qu’elle pouvait, où elle s’était laissé aller sans réfléchir au lendemain. Puis, l'électrochoc, son père qui parle d’un nouveau mariage -encore- un qu’elle n’allait pas choisir -encore- et c’était lourd. Douloureux. L’épée de Damoclès la menaçait maintenant chaque jour. Et cette menace tangible la poussait à s’apprêter. Elle espérait si fort y voir Atlas, malgré sa promesse de disparaître… Elle devait être honnête avec elle même, elle ne s’était faite belle que dans l’espoir de le voir. Sinon, elle se serait simplement vêtue d’une robe classique, sans dentelle, sans épaule dénudé, sans jeu de transparence sur les jambes. Non, elle savait que ce soir, elle était renversante. Pourtant, elle n’attendait que le regard de celui qui ne lui offrirait plus rien. Elle transplane directement dans l’entrée de la salle de bal, prête à montrer au monde -Atlas- ce qu’elle vaut et ce qu’elle est sans mari vieillissant à son bras.

La soirée est douce, d’anciennes connaissances lui offrent conversation et verres de vin, elle décline, elle n’aime pas boire, et encore, elle cherche des yeux l’objet de son désir. Une voix mielleuse, elle demande à un invité : “Les Flamel ne sont pas présent, ce soir ?” Réponse négative, elle s’est préparé pour rien, et elle accepte enfin une flûte de champagne. Les bulles chatouillent sa langue peu habituée, et elle s’adosse au bar, presque déprimée. A ses côtés, une délicieuse blonde, qui aurait pu légitimement être sa soeur, lui offre un sourire sincère. “Iris.” Théa serre contre elle sa digne héritière le coeur plus léger. Cette soirée serait plus douce maintenant qu’elle y retrouvait sa tendre amie. Elle touche subtilement les cheveux de la Lestrange, si heureuse de la trouver ici, voilà des mois qu’elle n’avait pas croisée la Briseuse de Sorts. “Je suis si contente de te voir ici, comment vas-tu ?” Iris avait réussi à être libre là où Théa avait échoué. Elle était encore impressionnée par la sorcière au regard d’acier. Elle était forte, digne, respectable, et intensément belle. Qu’elle ne soit toujours pas mariée restait un mystère pour la Malfoy. Les hommes devraient courir à ses pieds, que cela soit par son intelligence (et Théa était une juge particulièrement sévère), sa naissance (le sang pur des Lestrange n’était plus à prouver), sa culture (les voyages ont nourris son âme) et son physique hypnotique. “Belle soirée, tu ne trouves pas ? Allons nous installer au calme.” Tant que les gens y étaient bien habillés et que la nourriture était conséquente, c’était une soirée acceptable pour Théa. Un brin hypocrite, quand on sait qu’elle était si peu concentré qu’elle ne saurait dire la teneur de l'événement, tout ça pour quoi ? Rien, pas d’Atlas à l’horizon. Elles s'installent autour d'une table, et Théa pose sa coupe pour observer son amie lui offrir un sourire.

« Viens à mon bras ce soir. » Un léger sourire joueur au coin des lèvres est accroché sur la poupée de glace qui observe sa conquête : « Certainement pas. » Et un rire cristallin lui échappe. Elle regarde Pluton et fait mine de bouder. Elle vient de passer l'après-midi dans ses draps. Visite surprise qu'il n'a su décliner. Il faut dire qu'elle sait s'y prendre Iris. Elle ne lui a pas vraiment laissé le choix de refuser. Elle a joué de ses charmes, et rapidement sa peau s'est embrasée contre celle du Flamel. Leurs étreintes n'avaient été que passion et désir flamboyant. Elle est debout dans la réserve de la boutique Flamel – fermée pour l'occasion – en train d'enfiler sa robe. Elle le regarde, l'observe, le déshabille du regard, lui qui ne porte déjà plus rien. Bien sûr elle sait qu'il va refuser. Mais elle essaie, encore et toujours. Peut-être qu'un jour il arrêtera de lutter, peut-être qu'un jour il acceptera de l'accompagner, d'être vu en public avec elle. Oui peut-être, mais pas aujourd'hui. La Lestrange lui vole un dernier baiser et s'éclipse. Elle rentre au manoir familial et commence à se préparer pour le bal auquel elle doit assister. Elle ne sait pas vraiment de quoi il s'agit, n'a pas spécialement envie d'y mettre les pieds. Mais elle le doit. Parce que ni son père, ni sa mère n'iront. Et elle sait que sa sœur et son frère ne s'y rendront pas non plus. La famille Lestrange se doit cependant d'être représentée, visible. Et c'est Iris qui se sacrifie. Elle enfile l'une de ses plus jolies robes couleur bleue nuit, Décolleté plongeant sur sa poitrine menue. Elle met en avant ses courbes sans la rendre pour autant vulgaire. La jolie blonde sait allier sensualité et classe. Elle laisse ses cheveux ondulés détachés, cascade dorée qui coule sur ses épaules dénudées. Elle pare son visage d'un maquillage léger mais brillant. Elle s'observe et satisfaite de son allure elle se téléporte devant la bâtisse où se tient la réception.

Iris pénètre les lieux et les réactions ne se font pas attendre. Elle sent qu'on l'observe, que l'on chuchote suite à son passage. Elle a un petit sourire fier au coin des lèvres. La tête haute elle défile entre les groupes de sorciers déjà présents. Elle regarde l'horizon, cherche avec peu d'espoir la silhouette de Pluton. Après tout, il n'a pas dit qu'il ne viendrait pas, il a seulement dit qu'il ne viendrait pas avec elle. Espoir fou et infime, réduit rapidement à néant lorsqu'elle prend conscience qu'il n'est définitivement pas là. Soit. La vipère se dirige vers le bar et prend le verre de champagne qu'on lui offre. Une heure, pas plus. Elle n'a pas spécialement envie de s'éterniser ici. Elle se tourne, son verre à la main et c'est avec une joie non dissimulée qu'elle constate que Théa Malfoy se trouve à quelques centimètres d'elle. Elle lui offre alors un grand sourire auquel son amie répond instantanément. Elles se serrent toutes les deux l'une contre l'autre, ravies de se retrouver après tant de mois sans ne serait-ce que s'apercevoir. « Je suis si contente de te voir ici, comment vas-tu ? ». Iris a le regard étincelant, preuve de la bonne humeur et de la satisfaction qui l'habitent. « Si on m'avait dit que je te retrouverai ici, je serai venue avec plus d'entrain. Je vais on ne peut mieux, mais toi comment vas-tu ? ». Les souvenirs de son après-midi passé aux côtés de Pluton lui reviennent en mémoire. Elle sent le souffle chaud du jeune homme dans sa nuque et un frisson la parcourt à cette pensée. Théa finit par l'entraîner un peu plus loin, cherchant un coin plus à l'écart où elles pourraient tout à loisir observer ce qui les entoure sans être trop dérangées par les autres convives. Iris marche à la suite de Théa et l'admire. Sa silhouette parfaite, son visage angélique mais féroce à la fois. Elle l'admire dans toute sa splendeur, ce qu'elle a toujours fait. Si Iris est la femme qu'elle est actuellement, c'est en grande partie grâce à Théa qui l'a immédiatement prise sous son aile lorsque la serpentard a pénétré dans le château de Poudlard. Les demoiselles s'installent, Iris observe autour d'elle et tout en haussant les épaules répond d'une voix légèrement blasée : « Oh tu sais, c'est un bal comme tous les autres... » Il était rare désormais que la Lestrange soit surprise par les soirées mondaines. Malheureusement, elles avaient tendance à toutes se ressembler. Les bulles du champagne viennent rafraîchir la gorge d'Iris tandis que son regard se pose sur le visage de Théa. Elle finit par froncer les sourcils et s'inquiétant, demande : « Que se passe-t-il Théa ? Ne me dis pas que tout va bien... Je ne te croirai pas. » Inutile pour les deux jeunes femmes de se mentir l'une à l'autre. Avec le temps chacune a appris à analyser les réactions de l'autre, à interpréter les gestes et les paroles de l'autre. Et là, Iris sent, Iris sait que quelque chose perturbe l'une de ses plus précieuses amies.

Comme elle aurait aimé jouer du regard avec celui qui hantait ses nuits et son âme depuis qu’ils échangeaient frôlement et sourire, taquinerie légère lors de leurs rendez-vous tendre, mais voilà qu’elle avait tout gâché. Demi en vie, elle était prête à se noyer dans un verre pour le bien de cette soirée, afin de s’assurer qu’elle oublie. Oublier enfin cet homme qui semble gravé au fer rouge dans sa peau et son esprit. Il lui arrive de sentir un parfum qui s’approche et de se renfrogner car elle sait que ce n’est pas lui. Drôle de dépendance qui n’avait rien de saine.

Il lui avait dit, qu’il lui avait inspiré des projets bien sombres. C’était vrai. Elle s’était complètement éprise de lui de façon inadéquate. Elle ne savait pas très bien aimer, Théa. Si ce n’était Méra et certains amis triés sur le volet, elle était étonnamment seule. Il fallait le dire, elle avait cette capacité à faire fuir quiconque s'approcherait de trop près, quiconque qui tenterait de passer la haie de son jardin secret. Pour y voir quoi, de toute les façons ? Une gamine qui aimait tout contrôler de façon malsaine et qui s’appliquait à détruire savamment ce qui tentait de pousser autour d’elle ? Seules les fleurs les plus robustes tenaient le coup, et ces dernières avaient pris place depuis des années maintenant.

L’une des plus jolies fleurs que connaissaient Théa, c’était bien Iris. Ce n’était qu’une enfant à l’époque, mais déjà elle était plus digne et plus charismatique que la plupart des jeunes filles de son dortoir. Elles se sont bien trouvées, toutes les deux. Elles n’étaient rien de trop, mais tout ce qu’il y a de plus beau dans une sang pure. Elles se savaient porter le poids de famille exigeante, et des regards attentifs au moindre faux pas. Théa s’amusait de voir que de l’une et de l’autre, elles se retrouvaient affublés du patronyme de la première. Si chacune était fière de sa maison, elles ne s’offusquaient pas d’être confondus, tant que c’était Elle.

“Sentiment partagé, ma douce. Tu ne fais qu’être plus belle, quand est ce qu’un homme réussira à t’emporter avec lui ? Je me porte bien on peut dire, merci.” Son esprit lui susurre “Mensonge” mais elle ne peut dévoiler ce qui peine tant son âme face à un serveur surement avare d’informations qui se liraient ensuite sur toutes les lèvres.

Une fois à l’écart, Théa tente un brin de bavardage désintéressé pour amener la conversation loin de son air triste et ses yeux sans éclats. Mais c’est sans compter le côté perspicace de la blonde qui lui tient compagnie. Dans les paroles des autres, les accents d’inquiétude quand à sa santé lui frappent toujours l’estomac. Elle a été si longtemps mal en point suite à Orion qu’elle s’est longtemps entendu dire qu’elle allait mieux qu’hier. Et c’était un chemin si fort à ses yeux qu’elle en était fière. Elle sourit à sa douce amie, les larmes aux yeux. Elle ne sait même pas par où commencer.

“J’ai rencontré un homme, Iris. Je pense que c’est la plus belle personne que j’ai eu la chance de croiser. Mais…”

Quand elle parle d'Atlas, son visage s'éveille à nouveau, mais bien vite, elle baisse la tête, serre un brin la main de son amie, et dans un murmure, laisse franchir la vérité.

“J’ai tout gâché. Tout. J’aurais pu devenir Théa Flamel, mais je vais me retrouver affublée d’un homme sans contenance, loin de celui qui restera le plus bel amour de ma vie…”
Elle voit une larme couler sur sa joue, traçant un dessin de mime sur sa joue pâle. Elle sait qu’elle peut pleurer un peu devant la Lestrange sans être jugée. Celle ci l’a vu dans de mauvais moments, et est restée là où d’autres ont préféré fuir. Elle était en confiance avec Iris, toujours.

Elle a l'esprit qui vagabonde la jeune Lestrange, les images de son après-midi passé avec Pluton viennent la hanter, elle sent presque le souffle du garçon dans sa nuque, ses mains sur sa peau brûlante. Mais ce n'est qu'un souvenir, un doux et chaleureux souvenir. Il n'est pas venu, malgré la tentative de la demoiselle. Il n'a pas cédé. Elle ne perd pas espoir cependant. Elle s'est mise en tête qu'elle l'épouserait, et elle y arriverait, quoi qu'il lui en coûte. Elle est à cette soirée pour faire bonne figure, pour que le nom des Lestrange passe de lèvres en lèvres, qu'on n'oublie pas le pouvoir de cette famille sur la société. Elle sait qu'ils les craignent tous, elle sait qu'ils ont peut de la « soit-disant » malédiction qui a frappé la famille. Soit-disant ? Non bien sûr qu'elle est réelle, et même si ce n'est pas toujours facile à vivre, Iris considère que c'est une force, en tout cas, ça la rend plus forte.

Elle secoue la tête, remet de l'ordre dans ses pensées, et observe de ses yeux azurs le visage de Théa. Qu'elle est jolie, qu'elle est forte comme elle. Iris ne peut s'empêcher de sourire en se rendant compte à quel point elles se ressemblent. Cela a toujours été le cas, et au lieu d'installer une sorte de rivalité malsaine entre elles deux, cela n'avait eu d'effet que de les souder. La jeune Lestrange ne donne que très rarement sa confiance – pour ne pas dire jamais – et la jeune Malfoy fait partie de ce cercle très fermé. Parce qu'elle a toujours été là pour Iris lorsqu'elles étaient plus jeunes, parce qu'elles partagent les mêmes valeurs, parce qu'elles ont grandi dans le même genre de famille. Elles se connaissent si bien qu'il est difficile pour l'une comme pour l'autre de mentir. « Sentiment partagé, ma douce. Tu ne fais qu’être plus belle, quand est ce qu’un homme réussira à t’emporter avec lui ? Je me porte bien on peut dire, merci. » Un rire cristallin échappe à la vipère, qui ne peut que s'amuser de la remarque de son amie. Si elle savait... Iris ne peut s'empêcher de lui glisser avec amusement : « Oh il y en a bien un, ce n'est peut-être pas mon cœur qu'il emporte, mais pour le reste... » Et elle boit une longue gorgée de champagne, un sourire joueur accroché au visage. Elle ment un peu la jeune Lestrange, au fond elle sait que Pluton commence à fissurer l'armure qu'elle s'est créée. Tout ne devait être que calcul et stratégie, pas d'attachement, aucun, si ce n'est aux plaisirs de la chair, mais force est de constater que la demoiselle commence à se faire prendre à son propre jeu.

Le sourire d'Iris disparaît peu à peu, en réalité à la même vitesse que le visage de Théa qui semble se décomposer de secondes en secondes. La vert et argent voit les larmes pointer aux coins des yeux de son amie, et elle sent son cœur se serrer. Elle attrape l'une de ses mains qu'elle glisse entre les siennes, et tandis que Théa parle, l'ancienne serpentard lui caresse avec délicatesse la main. Quand elle apprend que son amie à rencontrer quelqu'un, un sourire illumine le visage d'Iris « Mais c'est formidable ! » Son sourire disparaît instantanément lorsqu'elle entend le « mais ». La Lestrange commence à s'inquiéter. A-t-elle rencontré une mauvaise personne ? Est-il déjà marié ? Pire est-il né moldu ? A cette pensée le sang d'Iris se glace, mais elle n'est certainement pas préparée à ce qu'elle va entendre : « J’ai tout gâché. Tout. J’aurais pu devenir Théa Flamel, mais je vais me retrouver affublée d’un homme sans contenance, loin de celui qui restera le plus bel amour de ma vie… » Les mains d'Iris se crispent autour de celle de Théa tandis que tout son corps de fige. Elle sent son cœur battre à une vitesse folle dans sa cage thoracique. A-t-elle bien entendu ? « Théa Flamel » ? Est-ce son esprit qui lui joue des tours. Elle ne saurait le dire. Iris revient à la réalité lorsqu'elle voit les larmes couler sur les joues de la petite blonde qui lui fait face. Elle lâche alors sa main et d'un geste tendre efface les traces de sa souffrance. Elle a la gorge nouée, n'est pas sûre de trouver les bons mots, a peur de ce qu'elle va apprendre. « Tu n'as pas tout gâché, parce que tu ne peux rien gâcher. Tu es Théa Malfoy ». Théa ne gâche jamais rien, elle réussit tout ce qu'elle entreprend. Elle est trop parfaite pour gâcher quoi que ce soit. « Quand bien même, tu aurais commis une erreur, tu vas trouver une solution pour arranger cela, tu trouves toujours. ». Elle croit en ce qu'elle dit et le regard appuyé qu'elle lance à Théa ne laisse place à aucun doute.

Le doute, c'est ce qui commence à la ronger de l'intérieur. Elle doit savoir, elle doit lui poser la question. Qui est ce Flamel qui a réussi à dérober le cœur de son amie. Au fond d'elle, Iris est persuadée qu'il ne s'agit pas de Pluton, cela ne peut pas être possible... Mais après tout, qui aurait pu miser sur le fait qu'à la mort d'Orphée il partage ses draps avec la Lestrange ? Personne. D'une voix qui se veut calme mais qui au final est plus frémissante que prévue, Iris ose demander : « Tu as bien dit Flamel ? Qui est ce jeune homme assez fou pour provoquer tes larmes ? » Fébrile, Iris se retrouve suspendue aux lèvres de Théa. Par Merlin qu'elle ne dise pas Pluton. Tout mais pas lui.

D’un sourire entendu, elle se retrouve à nouveau complice de celle qu’elle n’avait pas besoin de voir chaque jour pour connaître son amitié. C’est à cela qu’on reconnaît une relation solide, cette capacité à échanger de la vie sans chercher à s’excuser ou à être mal à l’aise pendant un temps. Elle joue avec sa robe, distraite, cherchant toujours à regret des prunelles azur qui n’arriveront pas. A deux doigts de retirer ses boucles d’oreilles de colère, de détruire sa coiffure et de balancer ses talons au loin. A quoi cela servait de se faire jolie s’il n’était pas là pour la regarder et la désirer ? Son stratagème s’était retourné contre elle, et son agacement était à la hauteur de sa déception. Un homme, banale, tente de les approcher, peut être pour les courtiser, peut être pour en inviter une à danser, mais le regard furibond de Théa le fait fuir avant qu’il ne tente d’ouvrir la bouche. Satisfaire de rester toujours aussi glaçante, le moral de la blonde se reprend un peu, et elle sirote son champagne doucement. L’alcool et la Malfoy ne faisaient pas bon ménage. En général, elle finissait pompette avec deux verres, la langue se déliait un peu trop, et elle avait tendance à prendre des décisions irraisonnées. Il ne serait pas surprenant de la voir se pendre à la porte d’Atlas le soir venu pour tenter de s’expliquer, le regard dans le vide et un rire malvenu. Elle s’arrête alors, pose le verre, et se passionne pour Iris : s’occuper à tout prix, ne pas sombrer dans des travers qu’elle regretterait le lendemain matin.

Théa éclate de rire en entendant le sous entendu de son amie. Les charmes masculins attiraient Iris comme un aimant. Grand bien lui fasse, si s’étouffer dans les draps d’un homme pouvait lui offre paix et plaisir, pour offrir un visage aussi heureux et radieux, Théa ne pouvait que l’encourager. Théa, pas assez forte pour oser faire cela, l’amour physique comme devoir qu’elle n’appréciait pas plus que cela, qu’elle ne comprenait pas vraiment. Pourtant il lui semblait que son corps brûlait lorsqu’Atlas tentait de toucher sa hanche, son bras, endroits qu’elle trouvait tout à coup plus charnel. Elle soupire, tout cela fait partie d’une vie dont elle ne profitera pas. “Tu es incorrigible, Iris. J’espère que tu t’amuses bien avec lui dans ce cas.” Un sourire plus maternel que complice, pour celle qui ne connaissait pas le plaisir de serrer un corps auquel elle n’est pas marié.

Théa fini bien vite - trop vite ? - sa coupe de champagne. Un serveur passe à côté, avec un plateau, elle récupère une coupe pleine, dangereuse boisson qui risquait de la rendre trop prolixe. Elle sent toute la tendresse de son amie, elle aimerait si fort la croire, pourtant, il lui est incapable de révéler les sombres méfaits qu’elle a organisé pour - contre ?- Atlas. Elle se mord la lèvre, pliant ses jambes pour révéler une cheville fine, habillée de ses chaussures à talons. Elle avait vraiment soignée son apparence, et maintenant, elle avait mal aux pieds. Très utile, cette mise en scène. “Je pense que tu as une trop haute opinion de moi. Et je crois… Je crois que je suis fatiguée d’être une Malfoy. Qu’on s’entende, c’est bien mieux qu’une Selwyn. Mais l’espoir de devenir une épouse aimée et aimante ne quitte plus mon esprit.” Elle se sent à sa place, avec Iris qui l’écoute avec attention. C’est doux, cette proximité. C’est rassurant. “Je lui ai promis de disparaître de sa vie. Il serait bien mal aisé de trahir une promesse faite à un homme qu’on a blessé… Non ?” Théa ne savait plus vraiment comment elle devait se comporter. Tout conseil était bon à prendre.

Une rire presque franc se dégage de la gorge de la jeune femme. Elle avait presque oublié qu’il y avait plusieurs Flamel, quand dans sa tête, dans son coeur, un seul prenait toute la place. “Excuse moi, j’oublie souvent qu’il a un frère.” Elle s’arrête, et boit d’un cul sec sa coupe. Sa tête se met à tourner, et elle sent que son équilibre n’est plus le même alors même qu’elle est assise. Iris semble être pendue aux lèvres de Théa, qui tente de se remettre dans la conversation. Elle avait vraiment un problème, elle qui ne buvait jamais, si elle devait trouver de la force dans l’alcool simplement pour dire son prénom à l’oral. “Atlas. C'est Atlas Flamel qui m'a volée mes pensées. Mon coeur aussi. Peut être d'autre chose, je ne sais pas. Je ne me souviens même pas du prénom de son frère.” Elle l’a dit. Elle l’a fait. “Il est… Tout. Je pense à lui constamment, je rêve de sa voix et de son corps alors qu’il n’a fait que frôler ma cuisse, tu sais quoi ?” Elle regarde son amie dans les yeux, tout ce qu’il y a de plus sérieuse. “Je crois qu’il m’a ensorcelée. C’est peut être de l’amortentia, qui sait ?” Foutaises, elle était assez intelligente pour connaître l’odeur de son amortensia : l'odeur de vieux livres, le chevrefeuille et la citrouille qui fond dans la crème. Mais depuis quelques semaines, quand elle s’entraînait à refaire la potion, une fragrance subtile s’était ajoutée. Douloureuse, elle l’avait frappée dès la première fois. C’était l’odeur des cheveux d’Atlas. Elle n’aurait su la décrire exactement, son nez n’était pas assez précis, mais elle avait eu la chance d’être assez près de lui un jour, pour sentir ce parfum inoubliable, qui était si fort dans son esprit, qu’elle avait pensé qu’il était derrière lui quand elle préparait la potion. Pourtant, c’était la sa moindre erreur, la seule présence du garçon dans la pièce était de l’ordre d’un imaginaire fertile et d’une obsession maladive. Alors, si tant est qu’un peu d’amortentia était versé chaque matin dans son thé, cela voudrait dire qu’elle pourrait profiter d’un bout de lui tous les jours. Et ça, c’était bien un mirage.

Un sourire amusé s'affiche sur le visage d'Iris lorsqu'elle voit un homme s'approcher d'elles et faire aussitôt demi-tour. Elle n'a pas besoin de demander ou d'avoir vu pour savoir que Théa lui a sans aucun doute lancé un regard noir. Elle sait à quel point son amie peut être persuasive sans même avoir besoin de parler. Elle l'observe siroter boire doucement son deuxième verre de champagne, et Iris fait de même de son côté. Finalement cette soirée n'est pas aussi ennuyeuse qu'elle l'avait envisagé. Elle prend un air innocent lorsque son amie éclate de rire suite à ses allusions nocturnes « Tu es incorrigible, Iris. J’espère que tu t’amuses bien avec lui dans ce cas. » Elle confirme simplement d'un hochement de tête. Elle sait qu'elle peut avoir une réputation de fille facile, de jeune fille qui se couche dans les draps de n'importe qui, mais ça n'est pas le cas. La jeune Lestrange ne le niera pas, elle aime les plaisirs de la chair, et ne s'en prive pas. Mais pour pouvoir la posséder il faut qu'elle le veuille, et ils ne sont pas nombreux les hommes qu'elle pense dignes d'elle. Elle sait que son amie n'est pas comme elle, qu'elle ne comprend pas forcément, mais Théa ne juge pas. Jamais. Du moins pas Iris. Cette dernière la regarde du coin de l'oeil et remarque qu'elle a déjà fini son verre. Elle la voit saisir une autre coupe et fronce un sourcil. Que fait-elle ? Que se passe-t-il ?

Elle connaît son amie. Elle sait qu'elle ne boit habituellement que très peu, que lorsqu'elle boit trop il est difficile de la raisonner, de contrôler ses actions. Volcanique la jeune Malfoy peut alors tout détruire sur son passage. Les effets de l'alcool n'ont pas les mêmes effets sur les deux demoiselles. Iris se retrouve plus faible, elle se livre plus ouvertement mais aura tendance à dévoiler aux autres ce qui lui fait mal ce qui la hante. Elle sait qu'elle doit faire attention à sa consommation, et surtout avec qui elle boit. Mais elle n'a pas le temps d'analyser un peu plus la situation que la perceptrice poursuit : « Je pense que tu as une trop haute opinion de moi. » La langue d'Iris claque sur son palais en signe de désaccord. « Et je crois… Je crois que je suis fatiguée d’être une Malfoy. Qu’on s’entende, c’est bien mieux qu’une Selwyn. Mais l’espoir de devenir une épouse aimée et aimante ne quitte plus mon esprit ». Elle ne peut que comprendre la vipère. Elle aussi est fatiguée par moments d'être une Lestrange. Le poids de leur nom devient parfois trop lourd à porter pour les deux amies. Si elles étaient des hommes, sans doute que cela aurait été différent. Là, elles savent les conséquences d'être née fille dans une famille de renommée. Elles se doivent d'enfanter un héritier, rien de plus. « Je lui ai promis de disparaître de sa vie. Il serait bien mal aisé de trahir une promesse faite à un homme qu’on a blessé… Non ? » Iris attrape l'une des mains de Théa avec tendresse mais fermeté. Elle plante son regard dans ses jolies prunelles et répond avec assurance : « Depuis quand Théa restons-nous en retrait lorsque l'on a fait une erreur ? Tu l'aimes cet homme ? Et bien tu es Théa Malfoy, rien ne t'arrête, tu es capable de tout. Tu es capable de le récupérer, et tu vas le récupérer. » Elle a si mal pour son amie qu'elle ne la lâchera pas, elle la poussera, elle l'aidera même. Mais Iris en oublie qu'elle ignore toujours le prénom du garçon. L'angoisse monte peu à peu en elle. Et si elle était en train de pousser Théa dans les bras de Pluton ? Que ferait-elle ?

Elle est suspendue aux lèvres de la jolie blonde, son pouls s'accélère et elle se mord la lèvre lorsqu'elle la voit boire d'une traite son verre. Il faut qu'elle arrête et si cela continue ainsi, Iris se chargera de mettre un terme elle-même à ce ravitaillement trop rapide. « Atlas. C'est Atlas Flamel qui m'a volée mes pensées. Mon coeur aussi. Peut être d'autre chose, je ne sais pas. Je ne me souviens même pas du prénom de son frère. » « Pluton » répond alors Iris avec un peu trop de précipitation. Elle a poussé un soupir de soulagement lorsqu'elle a entendu qu'il s'agissait d'Atlas et non pas du Flamel qu'elle convoitait elle-même de son côté. Elle espère ne pas avoir à s'étendre sur le sujet Pluton et écoute d'une oreille attentive mais beaucoup plus détendue la suite de l'explication : « Il est… Tout. Je pense à lui constamment, je rêve de sa voix et de son corps alors qu’il n’a fait que frôler ma cuisse, tu sais quoi ? Je crois qu’il m’a ensorcelée. C’est peut être de l’amortentia, qui sait ?” Elle sait son amie en peine et désemparée mais Iris ne peut s'empêcher de rire aux éclats. Elle tient toujours la main de Théa qu'elle caresse de son pouce avec affection, un sourire amusé est inscrit sur son visage tandis qu'elle répond : « Je crois que les Flamel ont un don pour nous envoûter. » Elle se rend compte qu'elle vient de dire « nous » qu'elle s'est sans doute un peu vendue, elle boit une gorgée de champagne pour reprendre contenance et fait mine de réfléchir, et puis elle poursuit : « A moins qu'Atlas ne soit vélane » et elle adresse un petit clin d'oeil à son amie. Elle finit par reculer sur son siège, son regard parcourt rapidement la salle, comme si elle cherchait furtivement la silhouette de Pluton. Toujours pas là. Elle reprend son sérieux et avec délicatesse mais fermeté dit à son amie : « Tu es amoureuse Théa. C'est pour ça qu'il a autant de pouvoir sur toi. Mais j'ai entendu dire que c'était un homme bien. Je suis persuadée que tout n'est pas fini entre vous. Il serait trop stupide pour mettre un terme à cette relation avec toi. Et... Les Flamel ont réputation de ne pas être stupides. Loin de là. » Iris tait le fait qu'elle connaît Atlas, tait le fait qu'ils ne s'apprécient pas. Par moments obligés de collaborer ensemble, les relations professionnelles sont plus que tendues. Et elle sait qu'Atlas est au courant pour son frère et elle, elle sait qu'il déteste cette idée et qu'il fait tout pour se mettre en travers de sa route. Mais elle ne peut pas dire tout cela à la jeune Malfoy, elle ne veut pas dénigrer l'homme qu'elle aime. Si c'est lui qu'elle a choisi, Iris s'en accommodera. Après tout ce qu'elle a vécu, Théa a le droit d'être heureuse. « Tu as droit au bonheur Théa. Ne le laisse pas filer. » finit-elle par souffler.

Elle n’avait trouvé un exutoire efficace que dans la colère. La boisson, les larmes, la luxure, ou l’occupationnel, rien ne l’avait autant tenté qu’une grande crise de colère. On disait souvent que dans ses mots ressortaient plus fort sa mère que quiconque. Acerbe, violente, elle n’hésitait pas à blesser l’autre s’il le méritait ou si ses sentiments tempêtes la dépassaient. Cette façon d’être toujours débordée de ressentis était désagréable. Elle aimerait trouver un remède qui soigne cette partie de sa personnalité, cependant cela lui semble impossible. C’est ça qui rend vivant les carcasses abîmées que tous trainait dans la salle. La sienne lui semblait toujours si lourd, alors qu’elle était colibri au milieu des hommes gras et des femmes qui n’avaient que leurs moeurs de légères, pour la plupart. Grimace quand les bulles tombent au creux de son estomac vide. Elle n’avait pas mangé et elle buvait, si on ajoutait sa mauvaise humeur, Théa risquait de finir la soirée d’une bien triste façon. Après tout, elle pouvait bien étouffer un peu tout cela par du champagne, ça la soulagerait, surement ?

Iris était expressive lorsqu’elles étaient ensemble. L’une comme l’autre retiraient le masque pour montrer un visage plus brisé, lasse des principes qu’elles se devaient de respecter. Nées femmes dans un monde qui glorifie l’autre sexe. Pourtant, l’indépendance d’Iris était inspirante. Si Théa avait eu une once de Gryffondor en elle, elle se serait sûrement inspirée de son amie pour sa nouvelle vie qui commençait. Mais Théa n’était pas courageuse. Elle était terrifiée, tout le temps, à chaque seconde que lui offrait la vie. Elle se devait de tout penser plusieurs fois, sauf en cas de rage. Mais comme elle tentait de limiter ses accès de colère, cela ne donnait pas beaucoup de portes pour développer cette qualité qui lui manquait. Non, Théa savait être fourbe et manipulatrice. Elle n’avait rien de glorieux à mettre en avant là dessus. Iris se trompait.

Pour la première fois de sa vie, Théa ne voulait pas faire quelque chose d’uniquement égoïste. C’était sûrement ici la plus grande preuve de son amour pour le garçon : de se dire que non, elle n’irait pas le voir, elle ne le supplierait pas de la pardonner, parce qu’il méritait plus qu’elle. Théa était fracassée par son passé, par sa famille, par tout ce qu’elle n’avait pas réglé avant la mort précipité d’Arctus. “Je l’aime bien plus que je n’ai aimé quiconque, Iris. Et c’est pour cela que je ne peux pas le récupérer.” Elle ne dira pas qu’il mérite mieux. Qu’il trouvera une compagne plus solide, moins dérangée. Parce qu’elle ne peut pas lui infliger ses fêlures, elle aussi. Une femme n’était pas faite pour être réparer par quelqu’un d’aussi parfait qu’Atlas Flamel.

Pluton Flamel. Voilà donc un prénom qu’elle avait tendance à oublier, elle connaissait bien mieux Orphée que lui, il fallait l’avouer. Et si elle sait qu’ils étaient un temps heureux et amoureux, le bonheur a fait place à la tempête, surement partagé par l’ainé des Flamel. Cependant, la réponse précipitée d’Iris la fait tiquer. Elle ne s’y attarde pas, un peu au prise de ses confessions, un peu embrumée par sa coupe de champagne. “Atlas est si beau qu’il pourrait être vélane, et puis il est français, tu sais que j’ai un faible pour leur accent.” Un sourire complice, le coeur et le corps qui s’échauffent quand elle se souvient des sons tendres dans sa voix, des lignes qu’elle a détaillé un peu trop longtemps par inadvertance - ou pas…- Bien sûr qu’elle est amoureuse. Son coeur menace d’exploser à chaque instant, il n’y a que cette explication pour être rationnelle. Elle s’attarde devant une vitrine parce qu’elle croit le voir au loin, elle essaie de sortir au chemin de traverse aux heures où la boutique Flamel ferme afin d’avoir une chance de le voir, c’est dangereux, tout cela. “J’ai peur qu’il se soit déjà envolé…” Théa n’a alors qu’une envie, retourner pleurer dans son lit comme lorsqu’elle était adolescente. Un thé, un livre à l’eau de rose qui la ferait regretter sa vie malheureuse, et des pleurs comme compagnie. Beau programme.  

“Mais… Tu as dit… Nous ? Iris, tu es amoureuse d’un Flamel ? Tu couches avec un Flamel ?” Sa voix se fait plus basse pour ne pas se faire repérer, même si l’alcool entraine un éclat de voix plus conséquent que ce qu’elle imaginait. “Pardon.” Elle essuie ses yeux humides de ses doigts délicatement. “Ne me dis pas que c’est Atlas, je ne m’en remettrais pas.” Elle éclate à nouveau de rire alors qu’il n’y a rien de drôle, reprend une coupe pour Iris et elle, la sirote avant de poursuivre. “Pas Nicolas tout de même, c’est un ancêtre. OH. C’est Pluton ?” Oh fuck. C’est Pluton. Pluton qui croit dur comme fer qu’Orphée est morte.