Correspondance de Shibahn Gaunt

Londres, le 21 juillet 1914

Ma très chère soeur,

La dernière fois que l'on s'est vus, tu invoquas l'idée d'introduire ma future épouse à notre mirifique famille (le sarcasme embellit si bien la tournure de cette phrase, ne trouves-tu pas ?). J'avoue avoir rechigné à cette possibilité mais, puisque la rencontre semble inévitable, il me semble en effet que ce serait là l'opportunité de tester la témérité de ma tendre Moon. Son anniversaire arrivant à grands pas, l'occasion sera donc idéale. Je ne doute pas que notre frère y percevra une expérience sociologique à saisir tandis que toi, diplomate de la famille (du moins selon tes humeurs), tu pourras la mettre à son aise en dépit des dissensions éventuelles.

Puisque je ne compte guère la faire fuir, je n'inviterai les patriarches d'aucune branche à cette petite sauterie.

Sa fête d'anniversaire surprise se déroulera chez Elvis, le 1er août à treize heures. Bien sûr, tu veilleras à lui offrir un présent à la hauteur de ton élégance, toi qui as des goûts si chics.

Que le meilleur d'entre nous survive,

Ton frère préféré,

Amos

messagère :

Ladon
vipère péliade

Cork, mardi 21 juillet 1914,
s'enroulent les écailles carénées autour du mignon mollet

« Ma Shibahn,
Je ne t'apprends rien concernant l'introduction prochaine d'une énième nouvelle conquête de ton frère au sein de notre illustre lignée. Je te serai gré de témoigner par ton imagination prolifique d'une acquisition de la même générosité dont saura assurément faire preuve le cadet à mon encontre demain. En l'absence de présent d'Amos estimant ma vingt-neuvième année, il ne me restera qu'à souhaiter à la bienheureuse une vie plus longue que ses prédécesseresses. Si tu venais à t'interroger quant à la meilleure manière de me combler mercredi, je ne peux désirer plus ardemment que l'entièreté de ton être »