Hitman : contract ~ Dora

Les derniers grésillements de sa cigarette se turent lorsqu'il lança son mégot vers le fond de la ruelle dans laquelle il patientait. On lui avait dit d'être discret, mais on lui avait aussi signifié qu'il aurait éventuellement un retard de la part de sa future employeuse, il s'était donc permis de s'en griller une de plus sans être trop regardant sur l'horaire. Avec un œil rivé sur les locaux de la Gazette, de l'autre côté de la rue, Calum fourragea un instant dans la poche de sa veste froissée avant d'en sortir la lettre en piteux état qui lui servait d'invitation à entrer. Il était là en grande partie parce que le nom de son frère avait été cité, d'une part, et d'autre part parce qu'il commençait à être légèrement à sec en terme de gallions, faire le planton en attendant que les choses se passent n'avaient jamais vraiment été son activité préférée.

Un coup d’œil sur sa montre de bonne facture, mais légèrement cabossée lui appris qu'il était lui-même déjà légèrement en retard, aussi il la rangea dans sa poche et s'engagea d'un pas décidé vers le bâtiment dans lequel il entra en jetant un coup d’œil à la ronde, se dirigeant directement vers les premiers escaliers qu'il croisa sans une once d'hésitation. L'endroit était propret, les employés affairés étaient courbés sur leurs bureaux et des notes volaient à travers la pièce d'une personne à une autre. Personne ne l'arrêta. Crétins.

Il ne retira son chapeau qu'une fois à l'étage, devant la porte avec le fameux lion doré qui l'aveuglait déjà de sa richesse. Il allait pouvoir négocier ses tarifs à la hausse. Laissant passer une quinte de toux, il frappa fermement au heurtoir et n'eut pas besoin d'attendre plus de quelques secondes avant qu'un elfe vienne lui ouvrir la porte. Il s'éclaircit la gorge et agita vaguement le parchemin qu'il portait toujours dans l'une de ses mains.

-Calum Goyle, j'viens pour un contrat avec m'dame Skeeter.

Dora, il s'en rappelait, était une bonne amie à son frère qu'il avait lui-même rencontré à quelques rares occasions, mais il était là pour affaire. Il fallait un minimum de professionnalisme, qu'on lui avait dit. Une leçon enseignée par son père qui regrettait que « ses manières de vaurien rebutent les clients de bonne famille ». Ensuite on lui avait précisé que plus le client était riche, plus il pourrait en tirer un bon salaire. Leçon comprise. Fallait faire attention avec ses mots pour être bien payé à démolir des inconnus.

L'elfe lui fit comprendre qu'il était en retard, mais Calum se contenta de lui passer devant sans y prêter la moindre attention, pénétrant dans l'appartement bien décoré de sa future cliente. Encore une fois, la sécurité laissait visiblement à désirer et son regard qui traînait déjà dans la première pièce pour repérer les issues passa sur les décorations coquettes du lieu sans vraiment y prêter attention, avant que ses yeux clairs ne s'arrêtent sur Pandora Skeeter qui venaient de surgir devant lui. Encore une fois, il leva le parchemin qui faisait office d'invitation.

-Désolé pour le r'tard, j'ai été retenu. De son pouce, il désigna la porte derrière lui. Vous savez qu'n'importe qui peut arriver ici sans problème, pas vrai ?

Il ne l'aurait probablement pas vouvoyée s'il était ici pour une visite de courtoisie, mais ce n'était pas le cas. Il attendrait qu'elle le lui permette pour se détendre un peu, ou au moins que le contrat soit signé et qu'il soit trop tard. L'elfe lui proposa de se débarrasser de sa veste et de son chapeau, il les lui tendit avec une certaine négligence, mais sortit tout d'abord son étui à cigarette de la poche de sa veste.

-Ça vous ennui si j'fume ?

Il était déjà en train de distraitement ouvrir l'étui pour attraper une cigarette qu'il coinça entre ses lèvres, sans l'allumer, observant toujours les lieux où il se trouvait. Il espérait bien que quelqu'un essayerait de venir en sa présence. Sa baguette le démangeait.

-Alors, quel est vot' problème m'dame ? Vous aviez l'air de dire qu'c'est grave.

( Hitman : contract – 8 janvier 1914)

Le brouhaha de milliers de feuillets voletant au sein de l’imprimerie magique, cœur névralgique de la Gazette, ne camouflèrent pas les sept tintements de l’imposante horloge du journal. La responsable du courrier du cœur, jusque-là toute absorbée par ses devoirs journalistiques, redressa tout à coup la tête. Une moue de mécontentement se dessina aussitôt sur ses lèvres, son amour pour la ponctualité serait donc mis à mal par son premier retard de l’année… Fort heureusement, sa missive en avait précisé le postulat à Calum Goyle. Une diplomate précaution livrée de concert avec la présentation de ses plus plates excuses. Malgré tout, il lui fallait diligenter ses tâches quotidiennes. D’un geste, Pandora immobilisa donc sa plume à papote au point final de son article. Avec la plus parfaite des minuties, elle chaussa ses lunettes en demi-lune et fit une relecture hâtive mais approfondie de sa composition du jour. Plusieurs mots furent retouchés, quelques tournures améliorées, puis un sourire satisfait illumina son visage.

- S’il vous plait, veuillez porter ceci immédiatement au service publications, qu’ils fassent paraître cet écho dès demain, ordonna-t-elle à l’un des employés présents dans le corridor.

Opinant du chef, l’homme assigné prit possession de son carnet et se dirigea à vive allure vers le bureau indiqué. Un instant, elle referma sa porte et apprécia le calme relatif enveloppant son royaume aux teintures rosées. Les plis échangés entre les chroniqueurs bourdonnaient encore en tous sens, mais lorsque Pandora s’assit à nouveau à sa table de travail, sa seule attention se porta sur une boîte d’argent. Sous ses doigts d’une finesse remarquable, la clé émit un cliquetis et la jeune femme déglutit avant d’entrouvrir le précieux objet. A l’intérieur, un nombre incalculable de lettres s’empilaient les unes sur les autres. Toutes étaient ornées d’un ruban rouge, un liseré somme toute innocent mais qui provoquait à la malheureuse des sueurs froides depuis un certain temps. Des frissons parcoururent à nouveau sa peau, tandis que Pandora ajoutait à cette pyramide de papiers épars, le billet reçu le matin même.

Soudain, plusieurs coups frappés à sa porte la firent sursauter. Esmond Huckabee, le meilleur distributeur du journal passa alors sa juvénile tête par l’entrebâillement. Une agréable distraction à son angoisse latente. Comme à l'accoutumée, elle le salua avec un plaisir non feint et lui offrit une douceur.

- Miss Pandora, je suis bien content de vous trouver, lui apprit-il tout en mâchouillant, un monsieur m’a donné dix gallions pour remettre cette lettre à la fameuse Juliet du courrier du cœur.

A la vue de l’écarlate attache, la jeune femme pâlit et se releva d'un bond, ce qui fit basculer son siège en arrière. Ses ongles arrachèrent presque le parchemin où étaient tracés ces mots « Tu ne me réponds pas mais je ne perds pas espoir car j’apprécie les femmes qui se font désirer. Tu ne me résisteras plus très longtemps, car bientôt tu seras à moi Juliet. »

- Lui as-tu dit que c’était moi qui écrivais sous ce pseudonyme ? demanda-t-elle en proie à un brusque tremblement.
- Non non, Miss. La discrétion est ma devise, je ne dis jamais rien, récita-t-il fièrement. Même sur cette veste que votre père me prête pour le travail, il n’y a rien d’écrit, voyez, on me reconnaît qu’à ma casquette et à la pile de journaux sous mon bras.
- Parfait. A quoi ressemblait cet homme, Esmond ?
- Grand, brun, non blond, enfin châtain quoi, assez vieux et moche.

Quelques secondes durant, ce manque de détails l’affligea, elle insista auprès du garçon mais ce dernier ne transmit pas d’autres informations.

- Si cet énergumène te sollicite encore, reviens ici immédiatement et surtout ne lui dis rien sur moi.
- Compris Miss. Allez, je dois y retourner, je n’ai pas tout vendu. Au revoir et bonne soirée.

Une fois le jeune homme reparti, la belle blonde ne tergiversa plus. Elle saisit la boîte entre ses mains et quitta son bureau pour regagner au pas de course son appartement situé au-dessus de la gazette. A l’intérieur, son hôte patientait et c’est à bout de souffle qu’elle surgit devant lui. Il fallait que le mercenaire l’aide et ce au plus vite.

-Désolé pour le r'tard, j'ai été retenu. Vous savez qu'n'importe qui peut arriver ici sans problème, pas vrai ?

La journaliste observa la porte qu’il lui indiquait. Ce brutal constat lui noua plus encore les entrailles. Ses yeux scrutèrent alors tous les recoins du petit salon où tous deux se trouvaient.

- Ah … répondit-elle la gorge sèche. Vous trouvez ?
- Ça vous ennui si j'fume ?
- Pas du tout. Dandy, appela-t-elle et aussitôt son elfe de maison accourut, apporte un cendrier à Monsieur Goyle ainsi que du thé. Prends le service réservé aux invités.

Grommelant, la créature sortit pour obtempérer aux ordres de sa maîtresse.

-Alors, quel est vot' problème m'dame ? Vous aviez l'air de dire qu'c'est grave.
- En effet Monsieur.

Précautionneusement, elle déposa le maudit coffret, véritable trésor d’orfèvrerie sur la table basse qui les séparait et fit danser la clé entre ses doigts apeurés.

- Depuis plusieurs semaines, je reçois des lettres d’un goût plus que douteux. Dans le cadre de mon travail et de par mon nom, je suis habituée aux menaces et aux intimidations en tout genre. Mais celles-ci sont anonymes et semblent provenir d’un dangereux déséquilibré Pour faire bref, je suis harcelée. Très récemment, cet homme a même évoqué mon enlèvement pur et simple et est allé jusqu’à importuner un de nos employés pour lui remettre une lettre, il n’y a pas cinq minutes !

Après ce monologue où sa voix avait atteint des notes quelque peu suraiguës, Pandora s’autorisa enfin à reprendre sa respiration. Sa fébrilité était extrêmement palpable. Dandy revint alors chargé d’un grand plateau. Par respect pour son rôle d’hôtesse, la jeune femme servit elle-même deux tasses mais le breuvage déborda bien vite de celle de Calum Goyle et coula sur ses chaussures.

- Veuillez m’excuser. Je suis terriblement gênée et … nerveuse.

Fort heureusement, un exemplaire de la gazette ouvert sur le courrier du cœur se trouvait non loin, posé sur un fauteuil. Mortifiée, les joues en feu, elle le gâcha en guise d’éponge. Quelle sale journée !

( Pando )

Calum hocha lentement la tête en réponse à la jolie blonde qui désirait se mettre sous sa protection. S'il avait réussi à arriver jusqu'ici sans que personne ne lui jette ne serait-ce qu'un regard, n'importe qui pourrait y arriver à condition d'y aller avec suffisamment d'aplomb. Il aurait pu faire un effet plus terrible encore en rentrant par effraction dans son appartement, ça aurait pu faire grimper ses tarifs. Par contre, on aurait encore trouvé une occasion de lui reprocher des méthodes trop extrêmes. Jamais contents ces gens.

Cigarette dans la bouche, Calum alla s'asseoir autour d'une petite table qui devait servir à recevoir les invités dans cette maison, attendant que l'elfe revienne avec le cendrier pour l'allumer. Elle lui avait permis de fumer, il n'allait donc pas mettre des cendres partout dans le salon. Pandora posa un coffret entre eux sans l'ouvrir, jouant nerveusement avec la clé. Elle n'était visiblement pas rassurée du tout. Calum ne dit rien, se contentant d'attendre des explications qui ne tardèrent pas à venir. Harcèlement. Intimidation. Individu dangereux. Menace d'enlèvement. Cas prometteur, il n'allait peut-être pas vraiment s'ennuyer finalement.

Une allumette vint enflammer le bout de sa clope alors que l'elfe revenait avec un plateau, du thé, des tasses, un cendrier et du sucre. Pour une raison mystérieuse, Dora décida de servir elle-même le thé alors que son elfe ne demandait probablement que ça, puis pour une raison plus mystérieuse encore, elle décida d'en renverser une bonne partie sur ses chaussures. Calum se leva d'un bond en lâchant un juron entre ses dents qui fit sursauter l'elfe. Il n'avait pas vraiment peur pour ses chaussures, mais il apprécierait de ne pas être ébouillanté.

Le ridicule atteignit cependant son apogée lorsqu'elle décida d'éponger le thé à la main, ne laissant place qu'à une seule conclusion pour Calum : la pauvre femme était vraiment perturbée. Sans laisser Dandy s'en mêler, il sortit sa baguette qu'il pointa sur le thé renversé.

-Evanesco, marmonna-t-il avant de tirer une bonne bouffée de sa cigarette.

Le thé disparu en un clin d’œil, en revanche l'air peu amène de Calum s'attarda légèrement alors que son regard glissait depuis la jeune femme jusqu'à ce qu'elle tenait entre les mains. Il reconnu sans peine l'intitulé et le design inimitable de la page des courriers du cœur, regretta une micro seconde que cette page soit gâchée, puis décida d'alléger un peu une atmosphère par trop remplie de jugement à l'encontre d'une sorcière qui se décidait de faire le sale travail (d'autant plus à la main !) alors qu'elle avait esclave et baguette à disposition. Sortant sa cigarette d'entre ses lèvres, il désigna le journal désormais fichu qu'elle tenait entre ses mains.

-Ch'avais qu'ce truc finirait par mériter son nom de torchon, plaisanta-t-il. S'truc pue l'sentimentalisme à en faire fuir un putain d'troupeau d'centaures énervés.

Il se trouva très drôle, mais sa blague tomba visiblement à l'eau. Ou bien en l’occurrence, dans le thé. Il se racla la gorge rapidement, remit sa cigarette dans sa bouche et retourna s'asseoir autour de la table en toussant quelque peu.

-Bref, c'pas grave. Vous voulez qu'j'lui fasse quoi à ce gars là ? J'peux l'trouver sans problème, on m'échappe pas. Personne retrouvera jamais ce qu'y restera de lui après, j'peux vous l'garantir.

Le problème serait alors définitivement réglé et enterré. Les harceleurs y réfléchiront à deux fois avant de recommencer à s'en prendre à qui que ce soit dans la gazette.

( Hitman : contract – 8 janvier 1914)

Penchée sur les chaussures de Calum Goyle, des larmes d’exaspération et d’impuissance perlèrent un instant aux yeux de Pandora. Le mercenaire avait-il été ébouillanté ? Comment savoir les dommages causés par sa maladresse ? Ce dernier se taisait. A ce silence lourd, la jeune journaliste aurait préféré une pluie de reproches, un claquement de porte, un grognement, une grimace. A l’instar des photos magiques du journal détrempé qui ne paraissaient pas apprécier leur nouvelle vocation d’essuie-tout...

- Evanesco, prononça simplement son hôte.

Le liquide ambré disparut aussitôt de ses pieds. Le grotesque de cette situation lui apparut alors avec évidence. Un regard sur sa baguette esseulée, sur le bras du fauteuil où elle se tenait quelques secondes plus tôt, lui arracha un soupir d’auto-flagellation. Ce harcèlement la tourmentait-elle au point d’en oublier le recours à la magie pour ce genre d’incidents ? Elle devait à tout prix se ressaisir. Pandora ne souhaitait guère renvoyer d’elle le reflet d’une petite fille apeurée, surtout à cet homme aux muscles saillants. Se redressant, elle arrangea les plis de son élégante robe avant de s'asseoir à nouveau face à Calum Goyle.

- Dandy, finis d’éponger, ordonna-t-elle à l’elfe de maison, et sers une nouvelle tasse à Monsieur.

La créature s’exécuta et désira également prendre de ses mains la boule de papier imbibée de thé, cependant Pandora en digne Skeeter ne souhaita pas lui remettre le précieux quotidien, fût-il presque illisible. Sa rubrique restait la plus sévèrement touchée par le traitement qu’elle lui avait fait subir. Elle s’en mordit aussitôt les lèvres. Certes, des milliers d’exemplaires avaient été distribués aux quatre coins du pays, mais le sang d’un auteur se coagule si vite lorsqu’un seul de ses écrits est malmené.

- Ch'avais qu'ce truc finirait par mériter son nom de torchon. S'truc pue l'sentimentalisme à en faire fuir un putain d'troupeau d'centaures énervés.

Déjà à fleur de peau, la belle blonde lutta contre une intense bouffée de colère lorsque son invité lança cette boutade dédaigneuse à l’encontre de son article. Jusqu’à alors écrasée par le poids de sa stressante situation, elle releva d’un coup la tête bien haut. Sa mâchoire se crispa en un nœud de nerfs et ses yeux d’acier le foudroyèrent aussitôt de mille et un éclairs. Le courrier du cœur recevait bon nombre de remarques, de critiques où l’on dénonçait son contenu trop édulcoré. Pandora ou plutôt Juliet les balayait et rétorquait que les propos à l’eau de rose pouvaient difficilement revêtir une autre couleur. Cependant, aucun lecteur ne lui avait jamais tenu de tels propos. Une extrême vexation se lisait sans nul doute sur son visage. Durant plusieurs minutes, elle se mura dans un éloquent mutisme. Calum Goyle se racla la gorge, très certainement conscient du malaise qu’il venait d’instaurer entre eux.

- N’approchant guère des centaures, j’ignore si la puanteur dégagée par ma chronique a cet effet-là sur leurs troupeaux. Mais mon harceleur, lui, doit trouver ce sentimentalisme ou ce torchon suffisamment à son goût, répliqua-t-elle cinglante, puisque c’est précisément à cause de ça qu’il ne me lâche plus.

D’un geste sec, elle tourna la clef dans la serrure du coffret. Une fois ouvert, elle le fit glisser à l’autre bout de la table à l’attention du mercenaire.

- Soixante lettres en trois semaines toutes adressées à Juliet, mon pseudonyme, annonça-t-elle tout aussi cassante. Pour l’instant, ce dégénéré ne sait pas qui écrit sous ce nom de plume, mais il interroge désormais les employés. Il va tôt ou tard découvrir qui je suis et peut-être où j’habite.
- Vous voulez qu'j'lui fasse quoi à ce gars là ? J'peux l'trouver sans problème, on m'échappe pas. Personne retrouvera jamais ce qu'y restera de lui après, j'peux vous l'garantir.

La journaliste désapprouva la suggestion d'un signe de tête.

- Malheureusement, je ne connais presque rien de lui. Il signe par la lettre X, il serait laid, châtain et d’un certain âge. Le retrouver dans ces conditions me paraît bien compliqué. Non, ce qu’il me faudrait …

Elle s’interrompit et inspira profondément. La demande qui l’avait conduite à faire appel à Calum se révélait si particulière.

- C’est une protection rapprochée, jusqu’à ce que ce fou à lier se soit montré et que vous puissiez le neutraliser. J’ai besoin que vous restiez donc ici et auprès de moi…surtout la nuit …

Voilà, c’était dit. Elle baissa aussitôt les yeux. Par la barbe de Merlin, sa réputation perdait de sa superbe, mais le choix lui était-il vraiment permis ?

- Votre prix sera le mien.

( Pando )

Son trait d'humour ne fit pas que tomber à plat, non. Il l'entraîna avec lui dans les méandres de la gêne et des occasions manquées de fermer sa grande gueule. En même temps comment il aurait pu savoir que la Juliet qui écrivait ce courrier du cœur s'appelait en fait Pandora ? On ne lui disait clairement pas tout, ou en tout cas, on lui disait tout trop tard. Du coup, ça n'était pas vraiment de sa faute et s'il tenta vaguement de se rattraper, ses lèvres ne laissèrent passer qu'un vague marmonnement incompréhensible que sa cliente pourrait bien interpréter comme elle le voudrait.

Souhaitant changer de sujet le plus vite possible, il se reprit en proposant de faire purement et simplement disparaître l'importun, mais son enthousiasme fut balayé d'un revers de main par Dora, visiblement toujours un peu vexée, qui lui annonça qu'elle ne connaissait rien de son harceleur. Ce n'était pas exactement une situation idéale pour Calum, mais ça ne devrait pas non plus trop poser problème. Ce genre de personne s'exposait forcément, leur obsession les poussait à vouloir absolument se rapprocher d'une façon ou d'une autre de leur cible, les observer de loin, les approcher, chercher à avoir la moindre interaction avec elle. Calum aurait suffisamment de nez pour retrouver le pervers, puis suffisamment ressources pour le faire disparaître pour toujours.

Cependant c'est pour un autre type de travail que Dora semblait vouloir le payer. Sa proposition le laissa un instant coi à tirer sur sa cigarette avant qu'il ne finisse par hausser un sourcil.

-V'voulez que j'traine près d'vous... et que j'reste la nuit ?

Son regard pétilla alors qu'une dizaine de commentaires tous plus déplacés les uns que les autres se bousculaient dans son esprit. Il invoqua l'image de son père pour les ravaler aussi rapidement que possible. Tiens toi bien espèce de con fini, t'es pas là pour choper les clientes, t'es là pour remplir des contrats. L'honneur de la famille, blablabla.

-Z'avez pas peur pour vot' réputation ?

La sienne était déjà fichue, mais Dora avait l'air d'être une personne « bien comme il faut », comme qu'y dirait. Ramener un homme dans sa chambre tous les soirs ne correspondait pas à ce qu'on attendait d'une jeune femme ni mariée, ni fiancée provenant d'une bonne famille.

-'Fin c'est pas mes oignons, se reprit-il rapidement. J'peux vous protéger, rien n'passera d'vant moi sans qu'je le sache, vous êtes entre d'bonnes mains si je puis dire. Pour c'qui est du prix, j'pense qu'on peut partir sur un contrat d'protection classique, p'tet avec un p'tit suplément pur les nuits (j'ai b'soin d'dormir d'temps en temps, j'suis pas totalement un monstre). Mais vous inquiétez pas, vous aurez pas l'temps d'vous ruiner. Ce gars-là f'ra pas long feu.

Là dessus, il agita sa baguette et fit apparaître un contrat déjà rédigé sur lequel il rajouta un gallion par nuit. Pour quelqu'un comme Skeeter, ce n'était pas très cher. Pour tout autre sorcier, ce serait probablement les yeux de la tête. Mais on avait rien sans rien, c'était les tarifs classiques.

-L'contrat précise bien qu'tout s'arrête quand vous l'déciderez, qu'ce soit avant ou après la capture/décès/« dissuasion musclée » sur le gêneur.

Il prit le verre de thé qu'on lui avait laissé sur la table, à nouveau rempli et pas plus haut que le bord cette fois-ci, puis il en prit une gorgée.

-Ça prend effet tout d'suite, j'imagine ? Z'avez une préférence d'endroit pour que j'me pose ?

( Hitman : contract – 8 janvier 1914)

- V'voulez que j'traine près d'vous... et que j'reste la nuit ?

Les yeux quasi moqueurs de son hôte où se bousculaient toute une foule de sous-entendus, entreprirent de l’achever. Décidément, ce mercenaire avait le don incontestable de l’incommoder. Il attisait tel un soufflet le feu à ses joues et les empourprait, de colère tout d’abord, de honte et de gêne ensuite. Accoutumée aux interminables palabres, la journaliste demeurait à présent muette d’embarras, sa gorge et sa bouche bien trop sèches pour émettre un quelconque son. Son anxiété la poussait à acquiescer à la reformulation pour le moins directe de son interlocuteur, néanmoins son estime lui hurlait de se rétracter coûte que coûte. Raison et panique luttaient ainsi dans un combat sans merci. Ô combien indécise, elle baissa puis détourna vivement la tête. Comme par réflexe, son regard se posa alors sur le seul être présent dans la pièce hormis Calum Goyle. L’elfe de maison. Pandora entreprit d’effectuer en détails et en silence, la description physique de cette créature afin de s’offrir une piètre contenance. Ce dernier la fixait particulièrement surpris de cette soudaine analyse, lui le transparent serviteur de cette maison.

-Z'avez pas peur pour vot' réputation ?

La question du jeune homme la conduisit à nouveau à lui faire face. L’honneur reste depuis toujours ce bien précieux qui repose souvent sur l’opinion d’autrui. Elle ne souhaitait donc en aucun cas que des inconnus s'octroient d'eux-même le jugement de sa vertu. Les sangs retournés à l’idée que Phèdre, sa sœur, puisse découvrir sa situation, Pandora grimaça. Et si son père ou sa mère, au cours d’une visite imprévue rencontraient ce curieux protecteur ? Que penseraient-ils ? A cette seule pensée, la malheureuse déglutit avec difficulté. Elle, toujours en quête de cette approbation paternelle, de cette perfection qu’il exigeait d’elle, ne supporterait pas la déception sur ce visage déjà bien sévère. Quant à sa bien-aimée nièce, la jeune femme serait contrainte de ne plus l’accueillir aussi souvent dans son appartement et d’espacer leurs moments de jeux, en particulier ceux en fin de journée. L’innocence de l’enfant pourrait l’amener à la trahir sans le savoir et sans le vouloir. Par ailleurs, le langage peu châtié de son invité ne devait en aucun cas influencer cette chère petite. En somme, cette situation réclamait d’elle d’immenses sacrifices. En son fort intérieur, elle maudit plus encore l’auteur de ces lettres, tandis qu’elle foudroyait encore et toujours son interlocuteur pour son dérangeant franc-parler.

-'Fin c'est pas mes oignons.
- En effet, ceci ne vous concerne pas, rétorqua-t-elle grinçante.

Calum Goyle lui fit part alors de ses conditions, notamment de ses tarifs.

- Il est bien normal que vous ayez un petit supplément pour cette surveillance ainsi que pour le manque à gagner sans doute. Cette mission va peut-être vous priver de quelques contrats pendant un certain temps. J’en suis bien consciente et je suis prête à mettre le prix qu’il faudra pour que votre compte à Gringotts n’en souffre pas.

Sur ces entrefaites, le mercenaire dévoila un contrat en bon et due forme, dont elle parcourut les clauses avec attention.

- Ça me semble parfait.

En un tressaillement de baguette, sa fidèle plume à papote d’un rose édulcoré reprit vie à ses côtés et apposa sa signature en bas du parchemin. Pandora soupira comme délivrée momentanément d’un grand poids. Il restait néanmoins à convenir des règles de cette cohabitation si particulière. Celui qui désormais était son employé l’interrogeait d'ailleurs en ce sens.

- Oui j’apprécierais que vous commenciez dès ce soir. Sait-on jamais. J’ai mis à votre disposition une méridienne que vous trouverez dans le renfoncement du salon. C’est une pièce à part entière et très confortable, précisa-t-elle soucieuse de son confort.

Elle l’invita à la suivre afin d’en faire elle-même la visite.

- Comme vous voyez, vous aurez une vue imprenable sur l’entrée, au cas où quelqu’un tenterait de forcer le passage...

Un frisson la parcourut à cette odieuse perspective. Comme pour chasser cette pensée, elle lui indiqua, couvertures, coussins ainsi qu’une table où se trouvaient mêlés gazettes et divers magasines sorciers, dont Sorcière Hebdo.

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit et ce à n’importe quelle heure, Dandy, mon elfe, est à votre service.

Il restait la partie la plus difficile à aborder. Là aussi, elle lui emprunta le pas jusqu’à son alcôve la plus intime.

- Voici ma chambre, dit-elle en réprimant une toux gênée, bien sûr vous ne devrez y pénétrer seulement qu’en cas d’extrême urgence.

Elle se hâta de refermer cette pièce et tous deux rejoignirent le salon où elle lui désigna une porte dérobée menant sur l'arrière du chemin de Traverse, où il pourrait prendre quelques pauses.

- Une dernière chose. Dans le cas peu probable où vous croiseriez des personnes dans cet appartement, je vous laisse un dossier. Vous prétendrez que vous êtes venu jusqu’ici pour me remettre une exclusivité pour la gazette et qu’un employé vous a indiqué où j’habitais. Le dossier est justement fait pour que l’on vous croit sur parole. Personne ne doit savoir la vraie raison de votre présence ici.

Pandora planta alors ses yeux dans les siens et lui tendit la main, comme pour entériner ce contrat.

- Sommes-nous d’accord ?

( Pando )

Calum visa juste, qu’il le veuille ou nom. Il le vit à la façon dont le regard de Dora se troubla, avant de se raffermir pour le foudroyer de ses yeux d’aristocrate. Les éclairs n’étaient cependant pas suffisamment violent pour provoquer un quelconque effet sur le jeune homme, qui conserva son sourire retord. La réputation de la demoiselle ne le concernait pas. Qui savait où elle avait bien pu trouver l’inspiration pour tous les conseils quelle prodiguait après tout ? Ses profs avaient essayés de lui dire que la sagesse venait de l’expérience, lorsqu’il était encore à Poudlard. À l’époque il s’en fichait. Aujourd’hui il y repensait.

Le contrat fut étalé entre eux, comprenant le supplément par nuitée, rapidement signé et vivement remis dans la poche du long manteau du mercenaire. La maitresse des lieux lui fit alors faire le tour du propriétaire et Calum lâcha un sifflement appréciateur en voyant l’apparence de la « méridienne » qu’elle lui allouait. Son appartement à lui pouvait rentrer dedans, mais il ne s’agissait pas du tout du même niveau de confort. La surveillance va être dure, tout pousse à taper ma meilleure sieste, songea-t-il. Il eu cependant la bonne inspiration de garder cette réflexion pour lui.

-Personne n’forcera quoi qu’ce soit tant qu’chuis là, m’dame, vous pouvez en êt’e sûre, répéta-t-il, le visage sombre.

Il coula un regard vers l’elfe de maison, qui avait l’air tout sauf ravi d’être mis à son service personnel. Ils n’étaient pas fait pour s’entendre, Calum appréciait peu d’être dévisagé avec tant de hauteur par une sous race d’esclave. Il rendit un œil maussade à la créature et suivit sa maîtresse jusqu’à ce qui devait être sa chambre. Elle ne lui laissa jeter qu’un vague coup d’oeil qui ne permit en rien de satisfaire sa curiosité avant de refermer la porte, lui indiquant de n’en passer le seuil qu’en cas de première nécessité. Professionnel, il fit taire toutes les remarques peu adaptées qui lui passèrent par la tête et la suivit sagement dans le salon à nouveau, soupesant le dossier qu’elle lui désigna. Il le reposa avec une certaine désinvolture et planta son regard clair dans sien.

-J’dois m’plier à vos d’mandes, m’dame, c’est écris dans l’contrat. Vous pouvez compter sur ma discrétion.

Il s’empara de la main qu’elle lui tendait, absolument pas sûr de ce qu’il devait en faire. Si son employeur avait été un bonhomme, il l’aurait serrée avec fermeté, mais il lui semblait que chez les gens un peu plus gratinés que les Goyles, les femmes se faisaient embrasser la main. En tout cas il l’avait déjà vu faire dans d’autres familles. Mais pas souvent. Jusqu’au dernier moment il hésita et fini par se contenter d’une poignée de main un peu bâtarde où il ne serra pas vraiment, mais ne secoua pas non plus, gardant sa main serrée dans la sienne le temps de son hésitation qui fut bien trop long pour n’importe quelle convenance.

Il la relâcha et toussa dans son autre main, songeant que leur père aurait pu leur apprendre d’autres trucs plus utiles que de se taire à table. Il espérait que le saligot ne se pointerait pas si rapidement malgré tout, plus les jours passeraient, plus il récolterait de gallions. Sans parler du cadre dans lequel il allait momentanément séjourner.

-Faudra que j’dorme, de temps en temps, précisa-t-il malgré tout.

Ses yeux se posèrent une nouvelle fois sur elle, toute trace de gêne effacée. Il pouvait assurer la surveillance de nuit, mais il devrait se rattraper en dormant au moins quelques heures en journée. Cependant il avait quelques idées pour pouvoir concilier les deux. Il se dirigea vers la porte d’entrée et claqua des doigts vers l’elfe.

-Dandy, apporte-moi une casserole et des cuillères en métal.

Son ton était sec, il appelait à une obéissance immédiate. On lui apporta les ustensiles demandés, mais de très mauvaise grâce, pour autant qu’il pu en juger. Il accrocha la casserole à la poignée, de façon à ce qu’elle tombe si quelqu’un l’actionnait, et disposa deux cuillères à l’intérieur.

-Ça à l’air de rien, mais ça fait un boucan monstre. Vous avez une alarme magique j’imagine, mais ça tout l’monde s’y attend. Alors que ça, aucun sorcier n’va imaginer un truc pareil. Si quelqu’un réussit à ouvrir la porte, ça f’ra un bruit à réveiller tous vos ancêtres, v’pouvez m’croire ! Ça m’permettra aussi d’m’assoupir d’temps en temps.

Il se redressa et contempla son œuvre, satisfait, avant de regarder à nouveau Dora.

-Y a d’quoi manger, ici ?

Il commençait à se faire l’heure de dîner, malgré tout. Puis l’elfe n’oserait pas faire brûler le dîner s’il le prenait en même temps que sa maîtresse.

( Hitman : contract – 8 janvier 1914)

- Personne n’forcera quoi qu’ce soit tant qu’chuis là, m’dame, vous pouvez en êt’e sûre.

Pandora acquiesça d’un signe de tête aux paroles du mercenaire, comme tranquillisée par son assurance. Sous ses manières rustres, impolies et pour le moins indésirables, il possédait le don rare et précieux, surtout en ces circonstances, de la mettre en confiance. Elle qui offrait la sienne à si peu de gens … Son métier, son nom même l’obligeaient tous deux à demeurer sur le qui-vive en tout et pour tout. Vérifications minutieuses restaient donc son lot quotidien et, l’intégralité des rubriques de la gazette même la plus minime ou la plus édulcorée comme la sienne passaient sous l’œil vigilant des relecteurs et correcteurs. Bon nombre de procès avaient été intentés à sa famille pour de regrettables erreurs ou oublis, sans compter les fausses rumeurs. Certaines pouvaient se révéler fort croustillantes sur l’instant, néanmoins, lorsqu’on marche sur des œufs, il vaut mieux avancer bien chaussés. Ainsi seulement quelques journalistes se retrouvaient favorisés du crédit des Skeeter et elle éprouvait bien des fois un réel soulagement à s’appuyer sur eux. Ce même sentiment la galvanisait à cette minute, en particulier lorsque Calum lui promit son entière discrétion à propos de cette affaire. Elle l’en remercia par un sincère sourire, tandis que leurs mains se serraient en un commun accord.

- Faudra que j’dorme, de temps en temps.
- Bien sûr. En journée, je serai au travail, entourée de nombreuses personnes donc sans doute en sécurité. Vous pourrez ainsi rester ici à vous reposer ou si vous préférez, vous pourrez rentrer chez vous. Je réclamerai simplement votre présence vers les dix-neuf heures chaque soir, jusqu’à environ huit heures le matin.

Le jeune homme l’écouta puis transmis de curieux ordres à Dandy. Pour quelle raison avait-il besoin de ces instruments de cuisine en métal que son elfe rapportait déjà de la pièce voisine ? Perplexe, elle le suivit jusqu’à l’entrée de son appartement et le contempla en silence actionner un piège de fortune grâce aux ustensiles. Simple et ingénieux, cela lui plaisait. En revanche, la satisfaction affichée sur le visage de son hôte l’irritait encore, à l’instar de ce sans-gêne caractéristique du personnage. Par conséquent, lorsque ce dernier réclama de façon directe et butor de quoi se substanter, Pandora céda à un réflexe bien naturel et leva les yeux au ciel.

- Oui oui, nous avons ce qu’il faut, soupira-t-elle. Dandy, va donc chercher le repas. Soupe, purée de citrouille, volaille et coupe de fruits. J’espère que cela vous conviendra.

A l’aide de sa baguette, elle approcha une table qu’elle plaça au centre de la grande salle et y disposa une nappe raffinée en crochet fait-main où s’étirait en son centre une superbe rosace. Deux chaises furent également avancées et elle le pria de prendre place en face d’elle. Les plats se succédèrent ainsi, copieux, cependant la conversation, elle, se révélait bien pauvre au fil des minutes. Face à cet ours mal léché, les mots lui manquaient et elle ne souhaitait se forcer à aucun autre effort de courtoisie. Chaque parole sortie de la bouche de cet énergumène l’avait jusqu’à présent vexée ou exaspérée. En outre, il conservait cette étiquette d’employé, bien rémunéré de surcroît, à qui elle ne devait que son argent et en aucun cas son savoir-vivre.

A l’ultime bouchée, la jeune femme s’excusa donc et se retira. Elle lui souhaita le bonsoir et commanda à Dandy de débarrasser et de ranger. Une fois installée dans l'intimité de sa chambre, enveloppée dans sa chemise de nuit en soie et alanguie sur le dessus de son lit, Pandora se plongea enfin dans la lecture de son livre de chevet. Ce curieux récit dont elle avait fait l’acquisition à la libraire Il Bosco mêlait vampires et licheurs dans d’extraordinaires aventures. Néanmoins, le sommeil la gagna au rythme des pages et du silence régnant aux alentours. Pourtant, un grattement se fit bientôt entendre à la porte de son appartement. Animée par un ressort invisible, elle se redressa en un seul élan, attrapa à la volée son long déshabillé de dentelle et courut sur la pointe des pieds jusqu’à l’entrée. Calum, alerte, debout, paraissait également avoir perçu ce bruit étrange. Muette, elle le fixa malgré l’obscurité tout en enroulant la ceinture de son habit autour de sa frêle taille.

- Ça doit être lui, murmura-t-elle enfin malgré l’évidence navrante de ses propos. Faites quelque ...

Elle n'eut guère l'opportunité d'achever sa phrase aux allures d'injonction. En effet, la poignée s’abaissa brusquement et elle étouffa un cri entre ses mains tremblantes.

( Pando )

Le contrat ratifié, les derniers détails réglés et surtout, la question de son repas du soir résolue, Calum pu se détendre un peu plus et s’installer à la table que Pandora dressa dans son salon. Il essaya vaguement d’entretenir une conversation, mais rien de bien folichon n’en sorti. Ce n’était pas à lui qu’on avait appris les bonnes manières, comment bien se tenir, comment bien se comporter en bonne société. Calum avait été délaissé de ce point de vu là. Ou plutôt, il avait été laissé tout court : laissé tranquille tandis que son aîné devait supporter l’apprentissage d’un tas de singeries.

Cependant, il ne pouvait dire qu’il ne se sentait pas un peu frustré à la fin de son repas. Il était parti du mauvais pied avec sa patronne actuelle et aurait apprécié que la cohabitation se passe bien, ne serait-ce que pour son confort personnel. C’est donc avec le front sombre que Calum se leva à son tour de table pour aller se coucher.

Une fois dans sa chambre, il voulu s’allumer une cigarette, puisqu’on lui avait dit que ça ne dérangerait pas qu’il fume, mais pris soin de se poser tout au fond de sa chambre pour être sûr que la fumée resterait dans la pièce. Il avait remarqué que Pandora ne fumait pas. Si une odeur de tabac traînait dans l’air, ceux qui la connaissaient (ou l’espionnaient) sauraient que quelqu’un restait ici. Sa cigarette terminée, il fit disparaître les cendre d’un sort, puis il se déshabilla pour dormir. Il rapatrierait ses affaires le lendemain, d’un habile transplanage.

Il était en train de tester toutes les positions possibles pour dormir dans le lit qui serait le sien, bien plus confortable que celui de son appartement, lorsque les grattements se firent entendre. D’un bond, il fut hors de son lit, sa baguette brandie d’une main sûre alors qu’il se dirigeait vers la porte. Il n’avait pas prit la peine de se rhabiller un tant soi peu, cependant l’intrus n’eut pas le temps d’apercevoir la couleur de son caleçon qu’un sortilège vint le cueillir en plein visage, avant même que son petit dispositif d’alarme ne s’écrase par terre dans un bruit retentissant.

Deux enjambées triomphantes de plus et il fut sur le petit couche-tard qui avait essayé d’entrer. Stupéfixié, il ne bougeait plus, aussi Calum le saisit-il simplement par le col pour le jeter à l’intérieur de l’appartement, la baguette toujours pointée sur lui. Cependant, quelque chose clochait. Le type qu’il venait d’assommer ne correspondait pas à la description d’un gros pervers dégoûtant harcelant une pauvre journaliste. L’individu avait l’air jeune, très jeune même, et portait une tenue plutôt caractéristique. Un gamin qui travaillait pour la gazette, très probablement. Il sentit qu’il venait de faire une bourde.

-Sa tête vous dit quelque chose ? Lança-t-il en plissant des yeux.

Si ça se trouve on avait juste pris l’apparence d’un enfant pour s’introduire dans l’appartement et vivre ses vices. Il se tourna vers Pandora et prit soudain conscience d’une réalité quelque peu gênante. Elle se tenait là, à regarder le gosse comme s’il s’agissait d’un fantôme, vêtue d’une lingerie qui ne laissait clairement pas Calum indifférent tandis que lui même était au plus proche d’une tenue d’Adam pour cette époque sans l’être complètement.

Il s’éloigna alors brusquement de l’enfant et se retourna, pas gêné pour deux sous, mais n’ayant absolument pas envie de perdre ce contrat pour un motif débile. Il allait gagner bien trop d’argent. Calme tes hormones mon coco, le contrat est trop frais, pensa-t-il à titre d’encouragement.

-J’s’rais vous, j’vérifierais qu’c’est bien lui et pas un déguisement sophistiqué, on sait jamais, conseilla-t-il néanmoins d’une voix traînante.

Au moins, elle venait d’être témoin de sa grande efficacité : il saurait sans problème la protéger contre une attaque d’enfants.

» A little bit of sugar ζ ζ ζ Pas-Dora