en ton coeur brûlera (w/mina)

Le vent fait voler ses tresses en tout sens. Le contact des écailles d’Attis contre sa peau est une bouffée d’air frais, un besoin qu’elle reconnait. Trop longtemps qu’elle ne l’avait pas monté et la situation était trop tentante. A peine avait-elle reprit le travail suite à son mois de vacances en août, que Minerva était retournée en Ecosse. Retourner à Londres l’épuisait mentalement et même si elle avait repris du service à la Gazette, elle préférait y trainer le moins possible. Remonter Attis était devenu un besoin à peine avait-elle mis les pieds sur sa terre natale. Le dragon avait cependant un comportement particulier. Beaucoup moins énergique que d’habitude, il se montrait aussi beaucoup plus câlin, frottant son immense museau sur son ventre. Attis a toujours été assez « tactile » pour un dragon et protecteur mais elle le sentait encore plus à l’affut. Elle se doutait qu’il devait sentir qu’elle n’allait pas bien tout comme son œil expert savait quand son dragon n’allait pas bien.
« Mon Attis, » cria-t-elle en écossais au dragon qui volait dans les plaines sauvages écossaises. « Descente en piquet ! »
Envie d’adrénaline et elle rit en sentant le dragon partir en piquet et hurle de bonheur. Ses mains viennent lâcher les écailles et elle les laissent en l’air. La sensation est merveilleuse et la reine amazone se laisse porter. Le cœur battant à tout rompre, elle se retrouve parmi tous les malheurs qui se sont accumulés dernièrement. Le mois d’août n’avait pas été de tout repos non plus entre Prudence, Edelgard, Lyrae, Théa… La métisse oubliait un instant les interrogatoires et avait cette sensation dingue de liberté.
Ses doigts viennent caresser l’air.
Ses tresses volent en tout sens.
Et elle sourit, heureuse.
Elle se disait à une époque qu’elle aurait pu prendre une retraite, un jour, à dos d’Attis et faire le tour du monde. Juste lui et elle. Petit rêve qu’elle chérit de temps en temps et qui ressurgit lorsqu’elle le monte.
Le dragon remonte et borde le long de la magnifique falaise. En bas, c’est la mer qui s’éclate contre les rochers. Au loin, un phare perché. Ces paysages dont elle ne se lassera jamais et se demande parfois si elle ne devrait pas plutôt rejoindre sa mère ici et travailler uniquement à la réserve. La Gazette a pris un tournant qu’elle a de plus en plus de mal à consigner avec ses valeurs mais elle ne veut pas laisser sa rubrique. C’est trop important.
Pourtant, retourner travailler la terre ici et plus spécifiquement les dragons ferait sens aussi. Minerva y est attaché. Elle était née ici et elle savait qu’elle mourrait ici.
Virage à gauche et enfin elle l’aperçoit du ciel. Le dragon d’un bleu profond vient battre des ailes pour se stabiliser et se pose avec douceur. Une aile se déplie pour toucher le sol et Minerva se laisse glisser pour arriver à terre. Les deux pieds au sol, elle se tourne vers Attis.
« Tu peux aller t’amuser mon grand. »
Elle sait que si elle siffle d’une certaine manière ou qu’elle l’appelle, il l’entendra. Le dragon vient une dernière fois poser son museau contre elle avant de finalement s’envoler. La métisse se dirige alors avec un sourire chaleureux vers l’endroit où le rouquin se trouve.
Elle est heureuse de le voir, Minerva. Mais alors qu’elle s’approche, elle le soupèse du regard, essaie de déterminer d’un coup d’œil son état d’esprit. Le ton de ses lettres ne mentait pas : Theseus était à juste titre en colère. Elle savait, elle comprenait, elle l’était elle-même. Mais ils ne pouvaient pas se laisser aller et faire n’importe quoi. L’enjeu était beaucoup plus grand qu’eux.
Elle se souvient de l’enfant qui courrait après elle quand elle était en chatte et qu’elle lui montrait pour la première fois qu’elle avait cette capacité. L’enfant n’en était plus un maintenant, il la dépassait de plusieurs têtes mais Minerva le prit dans ses bras comme s’il s’agissait d’un petit frère, présence et aura toujours présents pour apaiser, calmer et conseiller.
« Minerva. »
« Theseus. » souffla-t-elle un petit sourire aux lèvres.
«Tu m'as manqué. »
« Toi aussi mon grand. » dit-elle en se détachant et lui adressant un fin sourire quoique réservé.
Elle le voit qu’il l’observe et peut-être constate-t-il son léger amincissement qu’elle a rattrapé. Les traits plus tirés, plus soucieux inconsciemment. Minerva était préoccupée de bien des choses.
« Comment vas-tu ? Je ne t'ai pas revu depuis... Depuis que tu es revenue avec maman, ce jour-là »
Son sourire faiblit légèrement. Minerva n’admettra pas qu’elle est plus touchée qu’elle n’y parait. Sa fierté d’écossaise et aussi la relation fraternelle qui les caractérise l’en empêche. Elle a toujours été le repère et le guide, la conseillère et si elle sait évidemment que Theseus est grand, il y a encore des choses qu’elle prend sur elle pour le protéger.
« Je vais mieux. » admit-elle malgré tout. Ce qui était vrai. Elle avait réussi à réduire les gouttes de philtre de mort-vivant. Elle s’alimentait correctement.
« Et toi, comment vas-tu ? » quand bien même se doutait-elle de la réponse.
La métisse vient alors s’asseoir sur le rocher où se trouvait le jeune homme quelques instants auparavant.
« Je sais que tu n'es pas obligée de me le dire Mina et que sans doute, tu veux oublier ce qui s'est passé là-bas, ce que tu as dû vivre, voir ou faire, que sais-je. Mais j'aimerai savoir ce qui s'est passé dans cette pièce. »
Minerva regarde ailleurs quelques instants. Raconter encore, encore et encore. C’était éprouvant. C’était éprouvant et elle savait surtout que cela ne calmerait pas Theseus, au contraire.
« Dis le moi. Je dois le savoir pour comprendre, pour pouvoir aider maman à chanter de nouveau, ne plus être une ombre, revenir dans la lumière. Et aussi pour t'aider toi, Mina. Tu n'as pas à porter ce fardeau seule, tu ne l'es pas, tu ne le seras jamais. »
Un petit sourire se dessine sur les lèvres de la femme qui repose son regard sur Theseus.
« Oh, mais je sais que je ne le suis pas, Theseus. Nous sommes nombreuses à être sœurs ayant vécu des choses similaires à cause du même homme. »
Artemisia, mais aussi Lyrae notamment. Minerva ne doutait pas qu’ensemble, à se recontruire toutes ensembles, elles seraient plus fortes. Le sourire disparait et Minerva finit par dire :
« Nous avons été torturées, Theseus. Ta mère l’a été physiquement. Moi, cela n’a laissé aucune trace. »
Ce qui n’en était pas moins grave. Elle ne veut pas rentrer dans les détails pour autant. Elle n’y arrive pas.
« Si tu veux aider Artemisia, soit patient, Theseus. » Artemisia se relèvera. La Furie d’Ecosse était forte et plus que jamais elle brûlait d’un feu puissant, celui de la vengeance. Les tambours d’Ecosse répondraient à son appel si elle élevait la voix, le sien compris. Mais avec intelligence. « Soit patient et rappelle-lui que tu es là pour elle et que tu l’aimes. » parce que ces mots là sont trop rares.

Elle la voit dans son regard cette lueur de rage. Elle la voit dans beaucoup de regard en ce moment comme s’il s’agissait d’une épidémie que tout le monde attrapait. Elle aussi, dans le fond, elle en était contaminée mais cela n’avait pas les mêmes symptômes chez elle. Minerva est de nature trop stratégique pour se laisser aller à la passion de la colère. Oh, cela lui arrive, mais elle trouve toujours un moyen de ne pas faire de bêtises. Cela demande de la patience et de la maîtrise, du contrôle, chose que Theseus à cause de son jeune âge n’a pas acquis encore… et pourrait ne pas l’acquérir. Elle comprend cependant sa colère : elle est justifiée et pleine de raison en réalité. Mais sa colère à lui est différente de la sienne parce que lui n’a su qu’après coup.
Elle a vu et été témoin, démunie, impossibilité d’agir sans quoi ce serait encore pire et c’est avec cela qu’elle doit vivre.
Lui n’a que sa colère.
Elle, elle a sa colère, sa culpabilité et ses cauchemars.
Pourquoi veux-t-il savoir à tout prix ? Qu’est-ce que cela va engendrer si ce n’est amplifier sa colère ? le faire dérailler ? A quoi bon ? Cela serait donner trop d’importance à Potter, et Minerva ne veut plus le lui en donner. Continuer sa vie de son côté, l’ignorer c’est gagner. Le prendre à son propre jeu, sans violence, ni sang, c’est gagner. Elle a déjà trop raconté, à Abelforth plus qu’aux autres qui a eu lui, tous les détails. Et le raconter, c’est le revivre. Elle n’en a pas envie, cela ne la mène nulle part. Minerva ne veut qu’avancer.
« Je le fais déjà, Minerva. Je lui ai promis qu'on allait les avoir, les tuer tous.. C'est sans doute extrême, je le concède, mais je ne peux pas leur pardonner. Jamais. C'est impossible. Est-ce que tu me demandes simplement d'être là pour maman sans agir ? Car ce n'est pas possible. Je ne serai pas passif. »
Elle fait non de la tête. Ce n’est pas ce qu’elle veut dire, ni ce qu’elle pense. Elle n’est cependant pas surprise du discours de Theseus, celui vengeur. Mais elle, la justice, ne l’est pas. Elle est juste et Potter sera traîné un jour devant la justice pour tout ce qu’il a fait. Il sera condamné et en prison. Pas exécuté, ni au fond du caniveau. Et si vengeance il doit avoir, ce ne sera pas d’elle. Son plus grand mépris résidera dans le fait qu’elle ne le laissera pas gagner sur ce terrain-là et qu’elle ne s’abaissera pas à son niveau : celui de lui enfoncer une dague dans la main, lui jeter un sortilège interdit ou encore venir brûler sa maison et l’agresser.
Elle a d’autres cartes plus intéressantes qui le mèneront là où elles doivent le mener : sur les bancs des accusés avec une justice qui fonctionne.
« Non, Newton. Ce n’est pas ce que je te demande. Mais si tu veux t’engager sur le chemin de la vengeance en répondant par le sang comme il a osé verser le sang de ta mère, tu ne vaudras pas mieux que lui. » dit-elle simplement avant de poser son regard sur le paysage magnifique dans lequel ils se trouvaient.
Elle ne sait pas si ses mots seront d’une grande aide mais c’est tout ce qu’elle peut faire pour apaiser sa colère. Il a le droit évidemment d’être en colère, c’est humain dans le fond. Mais à lui de transformer cette colère pour en faire quelque chose de productif. C’est ce qu’a toujours appris Minerva et c’était pour cette raison peut-être qu’elle ne se laissait pas aller dans des rages incontrôlées alors qu’elle aurait bel et bien de quoi.
« Donc... La torture explique l'état de la main de ma mère. Que s'est-il passé ? Qu-a fait cet enfoiré ? Et toi ? Psychologiquement, mais encore ? Potter... A-t-il fait usage des sortilèges impardonnables ? »
Minerva soupire. Elle n’a pas envie d’en parler. Ça n’avancera à rien que Theseus sache ce qui s’était passée dans cette salle. Ni lui et encore moins elle. Qu’il sache pour la dague, pour l’impero, pour les brûlures, pour l’étranglement… ça ne servirait à rien. La métisse le voit arriver dans son champ de vision et prendre doucement ses mains intactes. Elle pose son regard sur lui et relève la tête pour le regarder dans les yeux, lui qui la dépasse de trop de têtes :
« Je t'aime aussi Minerva, ne l'oublie pas. Tu es aussi de ma famille et tu le seras toujours. »
Elle sourit doucement et se met sur la pointe des pieds avant de venir déposer un baiser sur sa joue fraternellement. Elle se décalle finalement et vient s’asseoir sur le rocher qu’il a quitté avant de lui répondre :
« Moi aussi, je t’aime Theseus. »
Sincérité dans la voix qui se mue en une affection profonde dans son cœur. Evidemment qu’il est la famille, un petit frère devenu grand maintenant et qui cherche à prendre la place du grand frère. Mais elle est Minerva McGonagall même ceux qui souhaitent la protéger, Albus, Abelforth, Horace, Alphard, pour ne citer qu’eux, n’y arrivent pas réellement. C’est toujours elle qui les protège parfois même sans qu’ils ne le sachent.
« Il a usé d’un sortilège impardonnable, oui, mais comme je te l’ai dit, cela n’a laissé aucune trace. » Elle peut au moins lui donner cela sans poser les mots dessus. « Mais il est à l’image de son département à présent : sans aucun honneur ni aucun respect. »
Il aurait pu faire pire que ce qu’il avait fait, elle le savait. Elle n’arrêtait cependant pas de se demander ce qu’il se serait passé s’il n’avait pas cette dette de vie contracté envers elle. Aurait-elle été à la place d’Artemisia ? Auraient-elles partagées les sévices physiques ?
« Je ne peux t’en dire plus Theseus, je regrette. » s’excuse-t-elle. « Je ne pense pas que tu ne sois pas digne de confiance, au contraire, mais je ne pense pas que ce soit bénéfique pour toi, ni utile, ni constructif. » Minerva vient déposer une main sur l’épaule du jeune homme avant de reprendre : « Que tu ressentes une colère est une bonne chose et normal, mais c’est à toi de la contrôler et d’en faire quelque chose de productif. La colère est un moteur qu’il faut savoir canaliser. » Elle marque une pause. « Potter paiera en temps voulu mais pas frontalement. Je refuse que quiconque se salisse les mains pour moi, surtout pas toi. Si cela doit arriver, ce sera moi et moi seule qui le fera mais avec la justice pour bouclier et comme lance. Certainement pas la vengeance. »