roulette rp 1 – (shibahn & pluton)

Le liquide carmin s’écoule dans un flot ininterrompu, s’échappe de son lit pour abreuver d’autres rivières. La douleur n’irradie pas, ne se fait pas sentir sous la délicate lésion de la chair, remplacée par une douce léthargie. L’engourdissement se fait doucement sentir au bout des doigts. La peau déjà diaphane semble perdre le peu pigments qui lui reste. Le souffle se fait court, le myocarde perd de sa force. Elle ne sait pas comment est apparue cette entaille sur son bras, perdue dans la confusion ambiante elle n’a pas vu qui était l’instigateur du sort. Tout n’était que bruit, courses affolées à la recherche d’une sécurité envolée. Alors elle avait fait de même, s’était échappée vers la porte du salut : sainte mangouste. Familière de l’ambiance si particulière qui régnait en ces lieux. Berceau de la vie et de la mort, entre joie et tristesse, repos et agitation.

Maudite malédiction. Le sang à jamais entaché des erreurs des ancêtres, rappelant la faiblesse du corps, imposant une fragilité exacerbée. Furieuse. Agitée. Incapable d’accepter cette réalité, courant toujours après une solution inexistante. Hémostase perturbé, flirtant avec l’inexistence. Et la voilà, le séant collé à une chaise inconfortable dans l’attente qu’une aiguille et un fil exercent le rôle que son corps aurait dû avoir. Plaies insoignables par la magie, condamnées à se soustraire aux techniques moldus. Quelle ironie. « Cela sera t-il encore long ? ». La question est exempte de politesse, trahi l’empressement de fuir ces lieux. « Vous connaissez le proverbe Mademoiselle Gaunt. Tout mal guérit par patience » répond la médicomage, son air pincé affolant plus encore l’agacement de la gaunt. « Et patience est la médicomagie du pauvre. » murmure t-elle du bout des lèvres en voyant la vieille femme s’éloigner dans le couloir. Son bras est engourdi, les sensations semblant se tarir, laissant place à des milliers de picotements.  Le liquide carmin a ralenti sa folle échappée, retenu par un garrot de fortune. Ses yeux parcourent la salle d’attente. Recherche d’une occupation, nécessité de faire galoper le temps, fuir l’ennui. Une seconde présence hante les lieux, pauvre homme également placé entre les mains d’une vieille aigrie. Ses yeux continuent leur course au divertissement et rencontrent le visage abimé de wheeler thomas. Qu’est ce que ? Le corps engourdi se lève d’un bond, étonnamment agile en direction de l’apparition fugace. Puis plus rien. La lumière dansante fait place à l’obscurité, les privant de leur vue, de leurs repères.  Son corps, emporté dans son élan percute sans ménagement l’homme qui attendait en sa compagnie, coupant son souffle, tandis que sol fini par stopper sa chute. « Par le caleçon de merlin » jure t-elle, tâtonnant de le sol froid de sa main valide à la recherche de sa baguette.

Il caressait de la pulpe de ses doigts l’épais ouvrage intemporel, l’encastre de fils d’or, le latin rayonnant sur les pages illuminés par le travail rigoureux des moines. C’est un cadeau de son oncle Nicolas, grimoire qu’il chérit comme étant un joyau des temps immémoriaux où les apothicaires pullulaient dans le monde des Moldus. Il semblerait que ces derniers se sont détournés de la science des herbes, visiblement détourné par cette science qui se compare à la magie des sorciers. Curieusement, Pluton s’en réjouit, heureux de s’enorgueillir d’être l’un des rares qui pratiquent encore cet art s’approchant de l’alchimie, pierre angulaire de la réputation des Flamel. Il l’ouvre avec la délicatesse d’une sylphide, en prenant soin comme s’il s’agissait d’une des Reliques de la Mort que l’on convoite tant, par ces temps qui assombrissent le monde des sorciers. Il en est plutôt indifférent, Pluton, gravitant dans une orbite à la dérive de la communauté. Il a perdu son centre de gravité, plus rien ne peut l’atteindre, ou presque…

Il semblerait que les mixtures herbacées, rehaussées par la magie, ont eu raison de ses repères.

Un voile recouvre ses prunelles.

Il fumige, Pluton, contient l’hystérie qui règne dans son poitrail, palpitant affolé de se retrouver délester de ce sens qui lui a tout offert. Il se sent pris à court, aussi vulnérable qu’un infant somnolent, repus, sur le sein de sa mère. Il a attendu des heures, Pluton, avant de se diriger, éhonté, vers les médicomages pour renverser la situation. Il a bu quelques onces de whisky pour éviter de perdre pied, de hurler. Si son père savait, si Nicolas savait… non, il ne veut pas y penser. Ils auraient honte, sans doute.

Son œil parvient à distinguer les formes, quoique floues, et les ombres, nuançant les gris à grand peine. C’est donc du gris anthracite qui s’effondre sur lui, et par réflexe, il s’y accroche, refuse de la lâcher pendant quelques secondes. Une voix féminine suspend le silence, alors Pluton sursaute, relâche sa proie, extirpe en un clin d’œil la baguette de son étui.

« L’heure est grave pour pareil juron… » laisse-t-il échapper à mi-voix, en même temps que l’ombre d’un sourire. La femme s’agite, se replace. Il se lève, tente d’attirer son attention sur son visage « Je m’en remets à vous, mademoiselle, pour m’expliquer. Je suis limité par les effets indésirables d’un philtre sur ma vue ». Lui l’orgueilleux Pluton Flamel, s’en remettant à une inconnue, c’est l’ironie suprême pour un homme à qui il ne reste que sa fierté.