cats (drusilla)

Sur le sommet des toits londoniens, j’ai l’impression de surplomber le monde entier. Londres s’étire, magnifique et imperturbable tant sur le monde moldu que sur le monde sorcier. Si mes escapades sous forme de chatte se font plus rares en ce moment, c’est uniquement parce que je suis trop occupée avec d’autres choses. Pourtant, gambader sous cette apparence l’air de rien, ne plus être Minerva McGonagall pendant quelques heures et vivre une vie insolite a quelque chose de plaisant. Libérateur. Plus vraiment de morale ici, juste un sentiment animal. Survivre. Vivre. Tout résumer à son moi animal et réapprendre la simplicité des choses, de la vie. Et puis je peux le dire sans peine : il m’est tellement facile de me faufiler partout et d’être la discrétion incarnée. Il serait cependant faux de dire qu’il n’y a pas autre chose. Il y a bien une autre chatte dans ma vie, autre que moi et nous nous rejoignons de temps en temps sur les toits de Londres pour gambader. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une animagus, car avec l’habitude on apprend à se reconnaître. Nos comportements n’étant pas réellement ceux des animaux, il y a des détails que nous pouvons facilement repérer et la marque distinctive sur nous n’est pas non plus sans intérêt. Si elle permet au Ministère de la magie de nous repérer, elle est aussi un bon indicateur pour se reconnaître entre nous.

Je ne sais plus depuis combien de temps nous nous sommes donné cette habitude de nous retrouver sur le même toit. Cela n’a pas réellement d’importance en réalité. Le fait est que j’ai trouvé une amie animagus et je n’ai pas envie de lever le voile du mystère sur son identité. Cette relation est surtout une relation d’appréciation de la métamorphose et je suis toujours autant fascinée de voir qu’il existe bel et bien des animagus autres que moi-même. C’est si rare et si précieux pour le monde magique. C’est encore plus rare de croiser une compatriote féline de la même espèce mais pas de la même race. Une chatte noire, donc. Dans une autre vie, elle aurait été chassée, emmurée vivante sous un château pour conjurer le mauvais sort. Ici, elle n’est qu’une chatte parmi les autres tout comme moi.

Je miaule en arrivant à vers sa direction, féline et agile, mes pattes ne faisant aucun bruit grâce à mes coussinets qui pourtant captent bien la rugosité du toit qui n’est pas parfaitement plat ni droit. Le soleil décline et il ne reste que quelques minutes avant qu’il ne fasse nuit. Déjà pourtant, notre vision nocturne s’active, nos yeux luisant dans l’obscurité. Je m’arrête pour observer assise le coucher du soleil. C’est un peu une tradition entre nous. Rien de romantique à cela, juste apprécier un coucher de soleil même si c’est en étant perchée sur les toits de Londres. Quand le soleil a disparu, nous nous remettons en route

Il y a énormément d’odeurs dans la rue, de bruits et d’agitation aussi. Je peux sentir qu’il y a d’autres chats assez proches. En général, je les évite. Ce sont des chats de la rue particulièrement agressifs ceux-là. Je préfère rencontrer les rares qui se trouvent dans ma forêt en Ecosse. L’Ecosse me manque d’ailleurs. Ma maison est presque terminée, la véranda est comme avant. J’ai refait le bureau et réparé le mur, racheté une radio que j’ai enchantée pour qu’elle ne soit qu’un objet parmi tant d’autre chez moi. Tout semble redevenu comme avant. Sauf dans la bibliothèque où l’absence des livres me rappelle sans cesse ce qui s’est passé. J’essaie dernièrement de faire toutes les bibliothèques de Londres dans l’objectif de récupérer les livres que j’avais, ceux dont je me souviens avoir lu et ceux que ma mère se souvient avoir lu. Je me dis que je devrais inviter cette chatte à venir en Ecosse aussi. Mais comme nous ne communiquons pas, il sera moins aisé de le lui faire comprendre et je ne veux pas avoir à recourrir à me transformer…

Peu importe.

Nous nous mettons à sauter de toit en toi, passant sur les gouttières de nos poids de plume. Nous arrivons sur un autre toit et je ne vois pas le léger floue sur le bord. Pour moi, le toit continue de s’étendre et le vide se trouve plus loin. C’est en réalité une illusion qui m’échappe malgré mon œil de chatte et avant même que je ne puisse faire quoique ce soit, je vois le toit disparaitre sous mes pattes, le charme s’arrêtant alors, me prenant instantanément au piège. Sentant la gravité mère me rappeler à elle, je tombe non sans miauler de surprise. Mes pattes tentent de se raccrocher à n’importe quoi mais rien à faire. Un autre mécanisme semble s’enclencher et alors que je retombe sur mes pattes comme le veut mes capacités de chatte, mon corps frêle tombe sur une grille. Une de mes pattes vient se coincée et m’arrache un miaulement atroce.

Je crois que je me suis luxé la patte ou plus exactement la jambe.

Miaulant de douleur parce que j’ai affreusement mal, je relève la tête pour voir si ma collègue animagus ne s’est pas fait avoir aussi et remarque avec un soulagement sans fin que ce n’est pas le cas. Tant mieux pour elle, mais moi je suis coincée et j’ai mal. Essayant de ne pas paniquer, j’essaie de me sortir la patte. Quelque chose me la retient cependant à travers la grille. Le moindre effort et j’ai l’impression que je vais m’évanouir de douleur. En tant que chatte, je ne peux pas me sortir de là. Beaucoup trop haut pour remonter. En tant qu’humaine par contre…

Mais je ne veux pas me retransformer.
Je ne peux pas non plus rester ici. C’est de toute évidence un piège à chat d’un petit malin à qui je compte bien lancer un maléfice pour le lui faire payer. Combien de chats sont morts ici ?

J’observe alors l’espace. Je peux me retransformer. Ce sera exigu mais je peux le faire sans me faire mal et ce sera suffisant pour au moins me décoincer la jambe. Par contre, je vais avoir besoin d’aide pour me sortir de là… Si la chatte le veut bien.

Ou alors, je pourrais toujours faire exploser le mur qui doit sûrement jouxter dans l’appartement de l’imbécile que je compte bien transformer en rat et chasser pour le manger.
C’est aussi une option.

Résolue alors et adressant un miaulement plaintif à ma comparse, je décide finalement de me retransformer.

C’est étroit et Minerva se rend compte que tout est humide et sale là-dedans. La métisse a les larmes aux yeux à cause de la douleur de sa jambe. Elle en déduit qu’il faudra sûrement une potion pour arranger ça. D’un geste, le plus délicatement possible, Minerva vient prendre sa jambe et tenter de la décoincer. Un cri de douleur la saisit alors et elle lève alors la tête vers l’endroit où il y a l’ouverture.

Est-ce que la chatte l’a laissée là ?