interrogatoire — groupe 26. shibahn gaunt + elphaba prince

L’obscurité envahissante s’est éprise d’une pièce dont on ne distingue en rien le plafond et il semblait à Elphaba que l’on entendait bien plus l’échos de ses talons qu’à l’accoutumée. Elle n’avait opposé aucune résistance et s’était laissée conduire, la robe noire brodée de fleurs délicates sur les épaules et un bijou disciplinant la longue cascade de cheveux bruns. C’était, à n’en pas douter, bien plus difficile pour ceux qui étaient absolument étrangers au Ministère et qui devaient avoir l’horrible sensation d’être oppressés par le poids des lois ou des potentiels faux-pas. « Shibahn ? Quelle idée saugrenue. » Elle s’assied sur la chaise qui ne doit pas valoir bien plus de trois gallions et dont le confort rudimentaire laisse à désirer. « C’est un lieu inapproprié pour des retrouvailles, n’est-ce pas ? Arguons l’avantage que l’obscurité te va toujours aussi bien au teint. » Décontraction et sarcasme, de quoi froisser les quelques aigles qui pourraient ouvrir la porte afin de vérifier qu’aucun incident ne perturbe l’interrogatoire. L’incident c’est de les mettre face à face, Prince et Gaunt, si semblables dans le fond, les un gardant cependant le secret d’avoir la rudesse des seconds. Et le compte en banque, il est bien différent, le compte en banque. « Quelles sont donc les questions ? Je ne voudrais pas te faire perdre ton temps, il est précieux. »

La pièce n’inspire aucune chaleur, dénuée de toute fioriture ou de contact extérieur, elle semble vouloir étouffer tous ceux qui y entrent dans son austérité. Deux chaises et un bureau ont été laissés comme seul mobilier. « Shibahn ? Quelle idée saugrenue. », ça te je ne te le fais pas dire. Si les pensées ne prennent pas corps, il serait malvenu de médire le ministère en son propre sein, ses lippes s’étirent d’un léger sourire. « Tu n’es pas sans ignorer que beaucoup de choses me vont au teint. » le ton est sérieux, la parole malicieuse. Qu’elle drôle d’idée en effet d’avoir réuni les deux vipères dans ce contexte, surement un apprenti qui avait vu là une bonne idée. D’un geste sec elle prend place en face de la Prince, parcourant d’un œil le dossier qu’on lui avait remit. Il ne contenait rien qu’elle ne connaissait pas déjà, exception faite que sa cousine, prudence, avait été prise d’un mal étrange. Ce qui pour les sangs purs pouvaient signifier cette enfant nous fait honte. Combien de grossesses dissimulées par des « voyages » ? Des maladies mentales maquillées en faiblesses passagères ? « En effet, nous seront toutes les deux libérées plus vite si nous commençons dès maintenant. Comme tu le sais certainement des voix imprudentes s’élèvent contre les décisions du ministère et notamment à travers une » – la gaunt s’interrompt quelques secondes cherchant le mot qui convenait à cette étrange invention moldue – « radio. As-tu déjà eu vent de cette radio, qui se nommerait Accio FM ? ». Faciès d’une neutralité à toute épreuve, sa voix n’avait pu gommer un certain dégout à nommer cette invention moldue. Certains sorciers de son époque la dépassaient. Qu’elle personne saine d’esprit pourrait avoir envie de se mêler au monde moldu ?  Quel attrait pouvaient-ils trouver dans ce mode de vie terne et sans magie ?

Beaucoup de choses lui vont au teint, en effet, et parmi toutes ces choses il y’a le malheur, comme il sied à une Gaunt digne de ce nom, digne de leurs vices et leurs travers. Le sang traine avec lui toutes sortes de choses. « Comme tu le sais certainement des voix imprudentes s’élèvent contre les décisions du ministère et notamment à travers une radio. As-tu déjà eu vent de cette radio, qui se nommerait Accio FM ? » Elphaba hausse un sourcil, peut-être malgré elle, face à la question saugrenue qui lui est posée là. Toutes ces convocations pour une cela ? « Tu imagines bien qu’après toutes les mémoires de moldus trafiquées pour le compte du Ministère, je sais ce qu’est une radio. En revanche, pas celle-ci. » Et toute l’obscurité de la pièce ou la mise en scène n’y changerait rien. « J'entends bien que je suis supposée avoir écouté les monceaux d’âneries qui se murmurent ces derniers temps mais je travaille trop pour différencier une invention moldue de tout ce qu’on déblatère dans mon dos. » Haussement de sourcils. Elle croise une jambe sur l’autre, défroisse sa robe. Sales manies féminines des sang-purs bien éduquées - ou presque, dans son cas. On ne pouvait pas la qualifier de parfait exemple de femme de son rang. En revanche elle pouvait se targuer d’être une employée efficace. « D’autres informations intéressent-elles notre cher employeur ? »

Le doute n’envahi guère son esprit lorsque ses yeux se posent sur la Prince. Bien qu’un écart du droit chemin n’est jamais à exclure, la Gaunt doute d’avoir sous ses yeux une animatrice de radio, ou une destructrice d’arènes. Peut être cette incapacité à imaginer Elphaba dans le rôle d’une fervente défenseuse des sangs de bourbes, relevait de son incapacité même à concevoir que l’on puisse les considérer comme des sorciers à part entière. La haine ne prenait pas racine en son être à leur évocation, seul le mépris caressait son esprit, résultante d’une éducation où sang de bourbes n’étaient que crasse au sang sorcier, vulgaires cafards que l’on ne préfère écraser que voir se reproduire, sans pourtant y prendre un plaisir particulier. « Effectivement. Je suppose que tu as dû y voir des choses particulièrement … atypiques »», objets farfelus semblant vouloir se substituer de manière grotesque à ce que pouvait faire la magie. « As-tu des attentes particulières sur les actions du ministère ? J’entends par la sa politique bien évidemment je doute qu’ils soient intéressés par l’idée de nous offrir le thé en matinée. Bien que ca serait appréciable »» admet-elle, tonalité toujours sérieuse, devançant certainement sa comparse à la langue si acérée. L’œillade se détourne du faciès de la Prince, pour continuer à parcourir le document fourni par le ministère. « Comme tu le sais le Ministère ambitionne de remettre les choses dans leur ordre originel et c’est pourquoi les sangs de bourbes seront dès aujourd’hui à disposition des sorciers pour effectuer diverses tâches. Cela étant je crois savoir que ni toi ni ta famille n’a pris une position tranchée derrière le gouvernement aussi il vous serait peut-être intolérable d’avoir un sang de bourbe comme esclave ? A moins qu’au contraire vous souhaitiez en acquérir un ? »» la question se dépare de toute innocence, interrogeant sans artifice Elphaba sur les intentions familiales. Rongée d’une ambition tenace, elle ne comprend guère l’intérêt des familles sangs purs à ne pas se ranger derrière celui qui semble vouloir leur offrir un retour sur un piédestal solide. Pourtant, elle ne peut nier qu’elle-même ne s’enthousiasme à l’idée d’acheter un esclave. La fiabilité ne sied guère aux impurs et les voir au sein de sa propre demeure ne l’enchantait pas.