heart of stone (artemisia)

douce lumière qui fraye son chemin jusqu’à ton visage. tu dois t’être assoupie, un bref instant. gamine qui a du mal à trouver le sommeil la nuit, qui se surprend même de ce bref instant de repos depuis trop longtemps. tu prends une grande inspiration. ton regard qui se pose sur ce qui est devenue ta chambre. pièce, toute petite, et pourtant tu n’avais pas besoin de plus que ces quelques mètres carrés. puisque tu commençais à comprendre, petit à petit, lentement mais sûrement, la chance que tu avais d’avoir trouver ce refuge. cet endroit, si calme. cet endroit qui t’avait permis d’arrêter de courir.  enfin.
tes pas, qui te mènent doucement à l’extérieur. grande cours arrière, ce qui t’avait d’ailleurs surpris, après toutes ces années passés entre les quatre murs du casino, autant d’espace. toi, qui pourtant, avait pendant trop longtemps vécu sous les arbres, dans l’immensité de cette forêt qui ne semblait avoir aucun fin. terre pour non clamé, celle-ci était pourtant une propriété. mais il fallait dire qu’au vue des activités qui y étaient exercés, tu comprenais parfaitement ce besoin criant d’espace. oui, il le fallait bien pour accueillir cet élevage.
tu n’as jamais été du genre timide, toi. pourtant, dans cette situation bien particulière, tu te savais pas complètement à ta place. gamine maladroite, qui ne savait pas trop sur quel pied danser avec tout ceux et celles qui allaient et venaient. toi qui devait à certains moments cacher ta présence, alors qu’à d’autres tu pouvais te montrer. drôle de vie, et pourtant c’était devenue la tienne depuis quelques mois. toi, l’abomination.
c’est la gorge nouée que tu t’étais avancée. gamine, qui n’était pas trop certaine de faire la bonne chose. toi, qui peut-être te mettait en danger. timide peut-être étais-tu en leur compagnie, en sa compagnie. mais insouciante, tu restais malgré tout. toi, qui n’avait peur de rien. sauf peut-être de toi-même. tu t’étais donc approchée, une idée bien claire dans le coin de tes pensées. seulement, tu ne savais encore comment la formuler.
“artemisia ?” son attention, que tu voulais capter. jeune femme, qui était entrain de travailler. avant de t’approcher davantage, gamine bien consciente de la puissance des animaux qui te faisaient face. mince sourire, que tu abordais sur tes lèvres. gamine pas tout à fait à l’aise dans la situation, bien que tu restais déterminer. “je me disais que…” non ce n’était pas ça, ce n’était pas comme ça que tu voulais le dire. “enfin, j’avais pensé que je pourrais t’aider à nourrir les hippogriffes aujourd’hui.” tentative, peut-être un peu délibérée. de te faire pardonner. pour ton caractère infernal des derniers mois. mais surtout, pour cette nuit-là. celle dont tu avais parvenu à te défaire de tes chaînes. celle où tu les avais tous mis en danger. bien qu’il n’était au final, rien arrivé. culpabilité qui te rongeait depuis et tu te disais que c’était le moment ou jamais de te faire pardonner.

Agenouillée au milieu des immondices de ces animaux fantastiques, un changement dans l'air a fait se sourciller paire de sourcils préoccupés. Même les hippogriffes caquetants dans leurs alcôves cessèrent passagèrement de piailler. Son instinct lui faisait se granuler la chair sur l'échine et la prudence lui susurre à l'oreille; il y avait quelqu'un dans son dos. « Artemisia? » la douce inflexion lui fait se redresser la tête, momentanément affaissée entre deux épaules ouvragées dans la terre. Instantanément soulagée, elle expire, déchargée d'un torrent d'inquiétudes imaginaires. « Bonjour, mo ghràidh. » la salua-t-elle, le labre ficelé d'une risette accueillante. La vision de sa Pupille lui était toujours réconfortante, en dépit des perturbations qu'elle avait initialement engendrée au sein de la Tanière. « Je me disais que… » Perdurant dans le mutisme spontané, les lippes ouvrières de la Scamander hésitent longuement à ébaucher les mots qu'elle croit encourager dans le gosier de la jeunette. Le dialogue n'ayant pas toujours été facile à engagé, la Mère de famille en était venue à la couver du même que celui dont ses fils et Minerva avaient , jusqu'à maintenant, pu se vanter de l'exclusivité. « ... enfin, j’avais pensé que je pourrais t’aider à nourrir les hippogriffes aujourd’hui. » L'initiative de la jeune femme est saluée d'un ravissant sourire, l'Écossaise se redressant volontairement, les paluches chassant énergiquement la poussière et la crasse qui recouvraient son tablier et sa robe de travail. « Eh bien, je ne refuserai jamais un peu d'aide, commença-t-elle, le même sourire entraînant lui scindant le labre. viens... l'encouragea-t-elle, le bras allongé pour l'inciter à la suivre. ... oncle Hermeus est rentré du Chemin de Traverse avec une douzaine de lièvres ce matin. Je ne pourrai pas tous les transporter. »

Généralement conservés dans une remise derrière la grange, les corps des lièvres étaient la base de l'alimentation des animaux de son élevage. Les petits rongeurs étaient également appréciés, mais ils étaient généralement les proies favorites des quelques fléreurs qui avaient à charge de chasser la vermine de l'étable. Farfouillant dans le bazar du petit dépôt, Artemisia sortait un après l'autre les carcasses de lièvres, les déposant dans une charrette de métal que Cirilla avait eu la tâche de tirer jusque là. L'œil avisée, l'Éleveuse avait remarqué l'ombre dans son regard que son cœur de mère n'aurait su plus longtemps ignoré : « Quelque chose te préoccupe, Ciri? » Le ton ouvert, la question n'attendait pas forcément de réponse. Elle savait la gamine farouche et solitaire, ses premiers mois à la Tanière caractérisés d'une taciturnité épouvantable. Mais le timbre se voulait encourageant, agréablement surprise par l'amabilité spontanée de la réfugiée. « ... Tu sais que tu peux me parler... j'aurai toujours une oreille pour t'écouter. »