main tendue par-dessus les esprits (eliah - loterie rp)

Aux souvenirs d’une jeunesse volée, Aletheia avait toujours rêvé de pouvoir voyager vers ces horizons barbares qui tant entretiennent le feu de la passion, douteuse, pour l’anthropomagie et les mœurs guerrières. La tête, autant en étau que le cœur, entre les bibliothèques du château de Beauxbâtons et leurs vieux bouquins était trop emprise des savoirs que pour revenir sur une promesse d’enfant d’un jour dompter les voiles. Et lorsque enfin la main effleure le doux rêve, le corps est vendu à la Bête d’outre-mer comme un objet que l’on échange sur un marché. Un voyage, certes, mais pas celui tant désiré. Les os tremblent sous les chaînes, sous les tourments du vent trop présent dans ces contrées. L’esprit, lui, aura tout autant oublié les futilités que les coups secs tirés pour rappeler à l’ordre. Grognement, la harpie ressert sa prise sur la pierre pour rappeler qu’on n’a pas le droit de s’attarder sur tels caprices.
Mais l’alliance est rompue lorsque le mari finit six pieds sous terre, emportant avec lui une des nombreuses laisses qui maintenait la tempête en sommeil. La liberté enfin murmure aux oreilles – on attendra tout de même un peu avant de s’éclipser, l’espace de quelques jours seulement, l’absence ne pouvant être trop remarquée. La place est légitime, mais trop de loups veulent sa peau – inutile d’attiser l’inévitable tant que l’on peut le retarder.

Les lippes vantardes de cet éternel sourire faussé réclament une nouvelle gorgée de l’hydromel battu des mains impropres des paysans de la région. Une vieille contrée irlandaise comme dévolu, l’accent particulier fait frémir les tympans douloureusement. Theia ravale ses manières de reine, certaines se coincent tout de même en travers de la gorge, déjà trop reconnaissante de l’hospitalité de ses… nouveaux amis ? Autour d’eux, les constellations surplombent les sorciers en dansant et, bizarrement, l’âme peine à se décrocher du spectacle. Aussi, distraite, ne remarque-t-elle pas que le jeu de cartes tantôt déployé sur la nappe lui est retiré des mains et le nouvel arrivant. Les phalanges viennent jouer de l’alliance – seul détail pouvant peut-être trahir sa richesse. Un tiers voyage, toujours pas celui rêvé. Pour une escape, on s’en contentera. L’anthropomage aurait tout de même voulu savoir le nom du vainqueur de la dernière manche…
Par habitude, les iris foudroient la silhouette de l’homme qui s’assied à son opposée. Par politesse, elle offre un piètre sourire froid, sans daigner se présenter la première. Enfin, on raccroche à la discussion. Du spiritisme ? Retenant un rictus mal placé, les muscles se tendent en guise d’unique réaction. Mise-à-part Svein, pour enfin lui cracher au visage sa haine et sa peine de ne pas l’avoir entrainée dans sa chute, respectant de la sorte leur union, quel autre esprit aurait-elle envie d’invoquer ? La main vient battre l’air, revenant placer une mèche rebelle pour retrouver un peu de contenance. Le regard se fixe dans celui de l’inconnu, comme s’il était la clé de tous les mystères qui renfloue son esprit et que, d’un seul foudroiement, il déclarerait à haute voix tous ses secrets. « Alors, ça consiste en quoi, votre spiritisme ? » La langue claque sur le palais, avec une véhémence à peine contenue, alors que l’échine se courbe pour laisser le buste se reposer sur la piteuse table de bois.

@eliah greyback

L'Irlande. Pas la favorite de ses contrées, mais les landes à pertes de vue et les falaises sauvages n'étaient pas faites pour lui déplaire. Il y chevauchait du matin au soir, et le loup avait de l'espace pour courir… Eliah avait quitté la ville sur un coup de tête, rejoignant, ivre d'alcool et de liberté, une caravane de wanderers qui passait par la. Les chevaux, les roulottes, le camp autour du feu… tout ceci lui rappelait son enfance et il s'était pris d'un élan de mélancolie. La caravane comptait des artistes et des bohèmes en tout genre, qui divertissaient le chaland pour quelques pièces quand ils montaient le camp. Lui s'était vite fait adopter par la plupart, par ses manières libres, sa descente de compétition et ses capacités à arnaquer les badauds par quelques tours de cartes ou de passe-passe. Les moldus étaient tous incroyablement naïfs. Surtout en ce qui concernait la divination.  Alors Eliah était devenu voyant. Prétextant des visions, le contact avec les morts, les intuitions soufflées par ses amis de l'au-delà. Vendant gris gris inutiles et amulettes bidons. Il n'y avait bien qu'avec les cartes de tarot qu'il se débrouillait, et avait un tant soit peu de don. Mais le turban, les cheveux longs, les yeux maquillés, la peau un peu mate, les yeux légèrement bridés… Tout cela participait au personnage qu'il se créait, à développer une ambiance mystique… qui avait tendance à convaincre les plus réticents.

Il créait son trou. Sa réputation. Ses nouveaux amis appréciaient ses arnaques, sans se douter qu'il pratiquait, s'il le voulait, la vraie magie. Et sans scrupules. Après tout… Les moldus avaient peur de ce qu'ils ne connaissaient pas, de toute manière. Autant soigner l'arnaque en leur donnant une expérience dont ils se souviendraient un moment. Il était comme ça, Eliah. Le cœur sur la main, prêt à donner sans compter. Ou presque. Non, parce qu'il se faisait payer, il ne fallait pas exagérer.

Le jeune homme est vêtu d'une large tunique de soie, rehaussée de broderie, une écharpe à la taille. Quelque chose glané pendant un de ses voyages, en… Turquie peut-être? Difficile à dire. Peut-être était-ce Budapest. Peut-être l'avait-il volé à un voyageur de passage après l'avoir saoulé jusqu'à ce qu'il oublie jusqu'à son prénom et le visage de sa mère. De toute manière, ça lui allait certainement mieux qu'à la pauvre âme qu'il avait délesté de son bien, c'était une certitude. Les cheveux longs sont rassemblés en une tresse lourde qui tombe sur son épaule, ornée de fils d'or et d'argent. Le maquillage, bien entendu, est au rendez-vous. Les yeux ourlés de noirs, quelques paillettes, étincelles de couleur, dans le sombre du fard qui maquille sa paupière. La moustache et la barbe qui sont mal taillées, laissées libre de pousser à leur guise. Un foulard dans ses cheveux. Il est une créature homme et femme, qui ne dépareille pas dans cet univers forain, mêlant sorciers et moldus dans le plus grand chaos. Une femme est assise à sa table, observant distraitement le jeu de carte, plus plongée dans la contemplation du ciel couvert d'étoiles et de la nuit magnifique que l'absence de nuages leur promet.

Il l'observe après s'être assis, avoir battu les cartes. Connaître sa clientèle, c'est la clé d'une divination réussie. Il voit le physique relativement soigné. La distraction portée sur le visage, dans le vague des yeux. Le verre d'hydromel, pas assez pour être ivre sans doute… L'alliance, surtout. De bonne facture. Mais pas… entretenue. Pas nettoyée avec plus de soin. Elle n'y attache pas de sentiments. Mauvais mariage? Divorce? Non… Pourquoi la garderait-elle, autrement. Eviter les questions? Il est vrai qu'il est sans doute plus simple d'être une femme mariée en voyage, même si les forains, de ce groupe en tout cas, n'avaient pas l'envie de s'embarrasser d'une femme à enlever. Et s'il s'agissait de passer la nuit avec, qu'importe l'alliance : les femmes adultères savaient ce qu'elles faisaient, chacun ses tords.

Eliah attend qu'elle le remarque, et cela ne tarde pas. Elle le foudroie du regard, puis lui offre un sourire froid, poli. Ne se présente pas. Une femme qui sait ce qu'elle veut. Qui a visiblement l'habitude d'évoluer dans une société plus ordonnées que leur joyeuse bande de fiers arnaqueurs et autres bohémiens sans décence.

- Je suis Kovacs. Voyant et maître en spiritisme. Auriez-vous par hasard une question à poser aux astres ou aux esprits, pour vous êtes ainsi assise à ma table? Après tout… il n'y a pas de coïncidences, simplement des chemins empruntés par des âmes, dans une tapisserie improbable.

Il cause, il cause. Il ajoute des grands mots, des effets de manches, quelques étincelles. Effleure une boule de cristal qui n'a jamais eu le bon goût de fonctionner, touche un pendule d'ambre qui orne la tête, réajuste ses colifichets, joue avec les nombreuses bagues – toutes du toc, ou presque- qui ornent ses doigts fins. Il a la voix, la gestuelle. Généralement, cela suffit à impressionner les minettes venues savoir si elles vont trouver l'amour, sa principale clientèle. Mais elle… le hongrois avait l'intuition qu'elle serait plus difficile à embobiner.

Il lui offre son plus beau sourire.

- Le spiritisme, Dame, est l'art de communiquer avec les morts. Ceux qui vous entourent, qui vous veulent du bien ou du mal, qui ont un message pour vous. Ou qui simplement ont attachés leurs pas aux vôtres pour un temps. Est-ce quelque chose à quoi vous croyez, Madame..?

Il laisse un traîner l'interrogation, lui laissant l'occasion de se présenter. Curieux de voir si elle va le faire, ou non.

Lorsque Theia s’arrache enfin à la contemplation des étoiles, et que ses iris sombres se posent sur la silhouette nouvellement arrivée à sa table, elle doit bien admettre avoir du réprimer une grimace. Au lieu de cela, elle lui sert son éternel sourire froid, aux limites de la politesse, en laissant son regard darder l’apparence douteuse de l’homme… ou de la femme ? Entre les cheveux tressés qui lui retombent sur l’épaule avec négligence, la barbe mal rasée et l’aspect dénigré, c’est là tout ce qu’elle éviterait en temps normal, tout ce qui prête trop à la confusion que pour se voir obtenir l’honneur d’un regard. Il aurait été inconcevable d’observer la Greyback perdre son temps avec tel personnage dans les rues de Londres – très peu pour elle. Mais elle est là, profitant d’un fugace instant de liberté avant de se retrouver à  nouveau enchaînée contre son grés à cette vie maudite. On lui parle de spiritisme, elle connaît, ne connaît pas, la tête est plutôt ailleurs que sur le jeu de carte battu dans les mains de l’invité. Ou est-ce elle, l’invitée ? « Je suis Kovacs. Voyant et maître en spiritisme. Auriez-vous par hasard une question à poser aux astres ou aux esprits, pour vous êtes ainsi assise à ma table? Après tout… il n'y a pas de coïncidences, simplement des chemins empruntés par des âmes, dans une tapisserie improbable. » Elle lève un sourcil face à son étrange manière de communiquer, avant de laisser échapper un petit rictus. Aletheia était plutôt docile face aux hommes, malgré son caractère de mauvais enfant. Pouvait-on vraiment lui en vouloir, elle qui avait vécu toute son enfance au sein d’une mafia sorcière, les yeux trop jeunes déjà habitués à la violence, noyés dans cette fortune illégitime basée sur les crimes de voleurs ? Nourrissant chaque jour une haine douloureuse envers son père qui l’avait vendu par-delà les mers, envers l’ancêtre qui de son geste profane avait maudit à jamais le cœur ? Soudain, elle cesse de rire pour foudroyer à nouveau. « N’est-ce pas vous qui vous êtes assis à ma table, monsieur ? » Encore un désespéré qui cherche à amasser un peu d’argent. Elle marque une pause, mais avant qu’elle puisse reprendre, il la devance de ses belles paroles. Elle l’observe effleurer une vieille boule de cristal, jouer avec ses bijoux en tout genre. À force de plisser ainsi les yeux, elle attraperait des rides disgracieuses sur son beau visage. « Le spiritisme, Dame, est l'art de communiquer avec les morts. Ceux qui vous entourent, qui vous veulent du bien ou du mal, qui ont un message pour vous. Ou qui simplement ont attachés leurs pas aux vôtres pour un temps. Est-ce quelque chose à quoi vous croyez, Madame..? » Elle tente de cacher cette curiosité qu’il arrive à piquer, malgré tout. Cette escapade n’avait nul autre but que d’échapper un instant aux échos du fantôme qui tape sans relâche sur les murs du manoir – oublier l’espace de quelques moments que les draps sont toujours froids, plus jamais partagés. Le cœur n’avait pas tellement souffert du décès, tout cela était prohibé depuis longtemps. L’amour, ce n’était pas pour elle. Mais elle ne peut nier l’effet douloureux de cet absence, alors que désormais la famille laisse sur son passage des regards illuminés par des envies de meurtres. Les chaînes des loups entre les mains, on s’amuse à tirer, sourire sournois, mais on n’oublie jamais vraiment celles qui  nous tiennent, nous. Svein reposait entre six planches, quelque part sous les terres anglaises. Et elle, veuve ayant revêtu pour un temps l’habit noir, se voyait désormais jouer à la bonne sorcière avec un inconnu mal habillé. Quelle ironie. « Il me semble que vous usez beaucoup de votre salive pour rien. Je crois seulement en ce que je peux observer, très cher. » Les phalanges viennent trifouiller quelques secondes dans la poche de son manteau, pour se refermer sur quelques pièces. Sept mornilles, cela devrait être assez que pour le contenter. De l’argent sorcier de surcroît, c’était tout ce qu’elle possédait sur elle – mais rien que l’aspect brillant du métal devrait suffire à l’appâter. Tout compte fait, il était d’une bonne distraction. « Par tout hasard, et si vos talents ne sont pas qu’une simple mascarade pour épater les esprits endormis, peut-être un certain Svein Greyback aurait-il quelques dernières paroles à partager, avant de se retourner une ultime fois dans sa tombe. » À nouveau, ce sourire glacial qui vient se plaquer sur ses lèvres, alors qu’elle reprend de jouer avec son alliance. Propos marqué d’une certaine amertume, mélancolie, déception… tristesse ? Tant de sentiments qu’elle ne comprenait toujours pas – après tout, elle ne l’avait jamais vraiment aimé. « Pour Aletheia. » Elle avait hésité – mais avait finit par au moins dévoiler son propre prénom. Peut-être, si son spiritisme était avéré, ferait-il le lien. Mais doutant encore de la suite de la soirée, elle ne voyait pas bien ce qui pourrait poser problème. Des vérités grecques, il devait en exister un paquet. Et si loin de Londres, Greyback ou non, qu’importait aux yeux de ce Kovacs ?

@eliah greyback