i'm sorry my son /antarès

(oct 1914) Le poison dans les veines, la fatigue qui ronge. Elle est lionne en cage, animal qui retrouve lentement et sûrement ses forces. Sa magie retrouve de son éclat, mais toujours trop faible pour elle, pour sa maîtrise passionnée et subtile. Elle marmonne tout bas, la mage russe, mourant d’envie d’ouvrir ses notes, d’ouvrir les vieux manuscrits de vieilles magies, pour malédier les coupables, pour faire souffrir les responsables. Elle peste quand tout est trop lent, elle peste quand rien ne va. Elle peste parce qu’elle meurt d’envie de mettre ce monde à feu et à sang, mais qu’elle sait que ce n’est guère le moment, que l’image, le visage de ce gouvernement est tout ce qui a de plus important. Elle peste, car sans sa magie elle est inutile. Tacticienne et manipulatrice à souhait, elle n’apporte que son regard et son avis, là où avant elle pouvait agir dans l’ombre et frapper en plein cœur l’ennemi. Elle bouillonne, elle bougonne, impatiente de retrouver pleinement ses moyens afin, elle espère, de partir rendre justice pour les sorciers et sorcières, pour trouver et ramener les responsables. Enfermée, la lionne tourne, elle tourne encore et encore, ayant passé des jours durant à observer et subir les transformations étranges et insensées de son propre corps. Elle se sent violée, abusée par sa propre magie, elle est épuisée, avant de sombrer dans un sommeil cauchemardesque. Un monde sans magie.

(…)

Elle est élégante, Stasya Apraxina, drapée d’un de ces élégants et couteux tissus. Jupe longue et évasée d’un bleu nuit, cintrée à sa taille, elle porte un chemisier blanc et fin, colorée de quelques poids sombres, par-dessus lequel elle porte une veste s’arrêtant où la jupe commence, aux manches ¾, du même tissu. Ses cheveux ont retrouvé leur blond clair profond, ses yeux sont de leurs pâleurs naturelles, cela en est presque inhabituel.

Elle avance, ayant rendez-vous avec son filleul, presque sa chair presque son sang, au moins son air et son souffle, l’enfant qu’elle n’a jamais eu, celui qu’elle voit comme son fils. Remords, regrets, la marraine n’a pu être présent au mariage, elle en avait voulu au Département des Mystères, elle en a voulu à Stanislas Dolohov pour ne pouvoir reporter cette mission, si loin. Elle aurait dû être présent à ce jour, au moins pour te soutenir, au moins pour que tu saches que tu n’étais pas seul. Journée importante, qui a tourné au fiasco, à un tour de force pour des terroristes qui n’ont aucun respect pour la magie, pour cette communauté, pour les cultures sorcières. Son sang bouillonne toujours, envie de sang, envie de meurtre, mais son visage est délicieusement doux, délicatement inquiet lorsqu’elle arrive enfin dans le manoir, lorsqu’elle fait face à son filleul.  « Je suis désolée. » S’excuser ? S’avouer faible ? S’avouer limité ? Humain ? Sans magie ? Elle s’approche de lui, et retire ses gants pour venir glisser ses doigts tièdes contre ta joue, dans tes cheveux. Elle vient délicatement embrasser ton front, en fermant un peu les yeux. Elle espère que tu comprendras et que tu ne lui tiendras pas rigueur de ne pas avoir été à tes côtés lors de ces derniers terribles évènements.  Elle inspire ton odeur, elle sent ton impatience, ta colère, ta haine, ta peine, tout palpite entre elle et toi. Puis elle s’écarte, doucement, rompt le contact, mais pas celui de son regard. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui t’es arrivé ? » Elle est chez toi, elle observe un instant les alentours, avant de te suivre, à moins que ce ne soit elle qui t’entraîne à moitié, pour vous isoler un peu plus, pour vous installer l’un en face de l’autre. Tu peux tout lui dire, elle a déjà l’habitude de tout entendre, de tout voir, de plonger ses doigts, ses mains et son être entier dans les tréfonds de ton être, de tes ténèbres. Un joyaux brut, défoncé par trop, dont elle a pourtant bien pris soins de polir lorsqu’elle a été à tes côtés pour ta formation interne, pour te suivre toute ta vie. Son joyau, son souffle. « Dis-moi. »