L'amour harcelant

nom et prénoms : Je te donnerai la couleur Amarante, le prénom Amarante, je te donnerai le vice pour normalité et la tendresse pour rareté, je te donnerai le patronyme d’une famille mêlée aux péchés, liée, soudée, et la générosité de l’Allemagne. Krichner est ton nom. Kirchner est ton héritage, fille des séraphins déchus, possédés par la sorcellerie.
âge : Dans ta pupille trente et une année, des expériences par milliers, tu as goûté à la vie en 1883, née dans une chambre tamisée où les serviteurs attendaient, le cri de joie d’une mère fière d’avoir enfanté et le père un peu désabusé, lui aurait préféré un second garçon.
origines : Dans cette famille allemande tu as aiguisé ton caractère, tu as forgé ta liberté, branche majeur d’une secte aux allures bienveillantes, l’on comptait sur ta présence, sur ta joliesse, sur ton silence, princesse pour devenir impératrice. De cette branche honorée, priée, la famille sorcière, prussienne et réputée, tu as bâti des sécurités, tu as écrasé la vermine, la corruption de ces anges damnés qui se disait de ton sang.
profession : Tu as choisi d’éduquer ces jeunes enfants dans le partage et l’égalité, impurs ou purs, ils côtoient l’excellence d’un apprentissage avant l’aventure d’une école réputée, tu maintiens ton pensionnant dans une ambiance de don et de générosité serti de sévérité, directrice, propriétaire d’une large demeure où les parents accourent afin d’inscrire leur progéniture. Pour l’amusement, pour contrer l’ennui as-tu décidé, également, d’ouvrir un salon, tous les jeudis soir, à minuit, triés et sélectionnés avec soin, tu accueilles l’élite des créateurs et des artistes.
nature du sang : Tu as dans tes veines l’ichor hurlant de pureté, aucune souillure dans ta peau de lait. Tu as le don des milliers de tes aïeules, celle de manipuler à ta guise les sortilèges et les charmes, dans un monde dominé par les sangs purs tu semble une reine de miel, digne des réceptions et des jeux politiques qui sommeillent.
personnalité : lle te souhaitait la fille de la lune, l’enfant des merveilles, dans son ventre elle te parlait des impératrices et des reines, de ces femmes qui avaient bâti un empire, elle te chuchotait Lilith et Eve et les sorcières, elle te souhaitait fille des pluies et de la magnificence. Tu apparais impertinente, tes yeux qui jugent et tes analyses provocantes, tu interromps et tu condamnes, ta voix murmurante comme une brise de printemps, un zéphyr sur les branches des cerisiers. Assise, tu lis souvent, toujours un roman ou un essai dans tes mains, tu parviens même à marcher contemplant ces mondes que l’on t’offre sur du papier et du parchemin. Solitaire, tu aimes le délice de silence, allongée lascivement dans ton lit, presque nue sur les édredons, il faut dire que les vêtements t’oppressent et tu préfères la fraîcheur de ta chambre dans l’intimité de la luxure autonome, tu préfère la peau libérée de ses carcans. Tu sais, cependant, sourire gentiment en société, éduquée, exigeante, tu demandes aux gens que tu dresses la perfection que tu t’assènes à toi même. Sélective, ton œil franchit les limites de l’intime, tu cernes les personnes qui t’entourent, sans leur dire pour garder près de toi les armes afin de blesser et de te venger si leurs comportement ne te plaisent pas. Tu n’es pas femme soumise mais femme indépendante, tu semble l’ombre d’une mort qui se promène le long des ruelles et des chemins, dans l’entre deux, la folie te possède. Il y a en toi l’obscurité d’une vierge noire, une vierge folle, l’intérêt prolixe de cette magie mortuaire et macabre dont tu fais des expériences. Tu acceptes de te perdre, perdre ton esprit pour mieux le retrouver. L’on pourrait murmure de toi que tu es cette créature intimidante, dont on ne sait rien, qui maquille la personnalité afin de complaire et faire plaisir à tous, sans supprimer de toi ta personnalité.
particularité : De mères en fille le don transmis, tu l’as hurlé puis tu l’as caché, sceptique, tombée dans la rationalité d’une ère qui se modifiait. Ta génitrice t’avait préparé, enfant, en te racontant ce conte que tu détestais tant, non je ne veux pas l’histoire de Cassandre, Cassandre ne sert à rien et, quand bien même raconterait-elle la vérité, les autres ne croient pas. Troisième œil admire-t-on, ta mère, ta sœur, ta tante, Sibylles des lueurs sacrées, dans le regard de ces sorciers qui venaient lorsqu’on leur accordait une audience, toi aussi Amarante. Mais tu as rejeté, malgré ces visions qui te pourchassent et te hantent chaque nuit. Et ces moments où tu te perds, posture drastique, assise, tu es figée, allongée, souvent dans ton canapé. Tu as appris à camoufler ces étranges instants où l’intuition te pénètre et les images te glacent. Voyante, tu n’y crois pas pourtant, tu notes ou tu dessines, dans un joli carnet relié, tu décores les murs de ta chambre impénétrable de tout ce qui se passera et que tu ne dis pas. Car ce don est convoité, et tu as sacrifié ta place dans ta famille pour être libre de tes choix et de tes vices. Ce don jamais tu n’en parlera, ou alors, tu rigoleras de toi. Vraiment, le troisième œil appartient au charlatanisme. Toujours le sourire sur tes joues de rose quand tu constates que le futur que tu vois se tisse implacablement, se mêle à l’âme du destiné.