to the moon and back (lase)

Excès de zèle dans la salle du temps. A s'assourdir du tic-tac incessant, choeur mécanique hurlant à ses tympans, cheminant jusqu'à marteler le coeur, incapable d'arranger les aiguilles de son métronome quand un retour en arrière semble de plus en plus inaccessible. Duper le présent en farfouillant dans le passé, idée alléchante mais insensée. Trop de détails l'ont conduit sur cette colline par cette nuit au goût d'erreur, placée sous le joug de son entêtement. Air d'impossible à s'imaginer rayer un à un chaque événement, chaque décision l'ayant poussé à s'y aventurer, inconscient du danger. Langue-de-plomb pourtant bien au fait des mystères de l'univers, c'est la ligne de son existence qu'il souhaiterait voir se courber, et réorganiser la temporalité une fois l'incident arraché et renvoyé au néant. Rêves illusoires qui égarent Malfoy sur le tard, traînaille dans les couloirs dont il n'a jamais voulu, à la base. Autre regard posé sur les douze portes et les secrets qu'elles renferment, debout au beau milieu du grand hall, les mains dans les poches, ce sont les secondes qui se suspendent. Première fois qu'à trop s'attarder, ça l'effleure, réalité-poison frictionnant ses tempes sans succès jusqu'alors, incapable de se frayer un chemin entre les barricades de son déni. Tu pourrais tout perdre. C'est ce qui revient par salves, esprit qui se cadenasse alors davantage. Dans ces instants que ça lui revient en douleur sournoise. Venin de la morsure sillonnant sur la carne jadis immaculée, à retracer les contours de la malédiction, crocs fantômes à jamais arrimés à sa peau. Et il ne peut pas rentrer chez lui. Pas quand ça tourne dans sa tête et retourne la moindre de ses certitudes.

Certains se mettent déjà à déserter quand on le ressert, une fois de plus. Feu qui s'installe dans la gorge, dégringole l'oesophage. Troque la brûlure qui s'est imprimée dans ses côtes contre la flamme de l'éphémère. Moins de secousses sous le pectoral, anesthésie qui vaut bien les potions que peut lui fournir Roisin. Muselé, l'animal semble bien moins féroce, relâche l'étau maintenu sur ses épaules et délie sa nuque qui craque d'un côté puis de l'autre. Air de détente factice, solitude qui s'apprécie dans la foule, à se laisser envahir par le boucan qui décline. Viendra le moment de rentrer mais il l'oublie, espère n'atteindre son lit qu'en titubant, s'écraser la tempe sur l'oreiller en sombrant immédiatement.

Chaleur sur sa droite, insistante, il le sent perforer son indifférence de sa seule présence. L'un des seuls êtres tolérés sur le moment, Laserian n'a jamais rien su refuser au plus jeune de ses deux frères. Nul besoin de tourner la tête quand son portrait s'inscrit dans l'angle de son champ de vision, tout juste légèrement crispé d'être vu dans une posture qui ne lui sied guère. Peu habitué à renvoyer l'image d'un type ayant besoin de s'enfiler quelques verres en solitaire, l'effervescence d'Orion a pourtant raison des questions qui s'immiscent mollement dans le crâne embrumé. Là, seulement, que l'aîné se tourne dans sa direction, repose son verre et s'humecte les lèvres avant d'esquisser une réponse. « Ariane ? » Appréhende la nouvelle en venant ponctuer la révélation de son prénom. Presque irréel que de l'entendre l'annoncer, il se redresse, Lase, essaye de retrouver sa contenance habituelle et s'amarre aux prunelles de son cadet. « Es-tu sûr de ce que tu avances, Orion ? » Raison et maturité qui s'improvisent, carrure du grand frère qui le rehausse d'un soupçon de prestance. Brave les échos alcoolisés pour essayer de se révéler sensé pour deux. « Tu lui as parlé ? » Effort nécessaire pour essayer de comprendre de quelle manière Ariane aurait pu s'inviter à nouveau dans la vie de son frère. « Je t'écoute, Orion. Dis-moi exactement ce qui s'est passé. » Parce qu'il sait, Laserian, à quel point l'espoir peut dessiner des mirages, parfois. Comme lorsqu'en se rendant au chaudron baveur, au détour d'une ruelle, il a songé reconnaître la silhouette d'Eleonora.