A wounded coward lies low. (Skadi)

mars 1884.Les scaldes raconte qu'elle naquit un soir de tempête comme n'en connaissent que les printemps prématurés. Ainsi, fut-elle baptisée Skadi, fille de la neige, des chasses précoces et du vent. Epigone du temple - héritière des tombes - Valkyrie ailée n'ayant versé que le sang maternel dans son minuscules poing serré.   janvier 1889.Les eaux noires bordant l'Islande sont bien mystérieuses. Ayant recrachées sur ses rives de basalte un enfant, elles guidèrent, soufflent les poètes, les chiens de Skadi. Dédaigné par les loups au ventre creux, ne demeurait de sa vie qu'un simple fil ténu. Première manifestation de la magie chez l'héritière, le feu réconforta les membres gourds du naufragé. Adopté par le clan avec chaleur comme tout nouveau-sang, barbouillé de l'ichor du sauvetage, il devint lige et protecteur. septembre 1895 - juillet 1902. Durmstrang. Premier exil. Première humiliation. Là où Skadi était respectée, ne demeure que les crachats de ses condisciples. Son parler archaïque, ses dieux oubliés, ses rites étranges, tout en elle rappelle sa condition heimatlos, elle-même mère de l'hostilité. Il a fallu en tailler des trognes, en mordre des mollets pour réussir à se forger une place. Rien n'est acquis. Tout se gagne.  Elle apprend la vengeance, la fourberie et la colère, trois furies qui ne la quitteront plus. Etudiante studieuse et acharnée, elle s'initie à la liberté dans les arts de la métamorphose. Changer de corps, pouvoir enfin se permettre des actes jugés impies par la tradition. Un loup ne se couvre pas de honte, un loup à sa place et n'en déroge pas. Un loup appartient à un clan et ne trahit pas. 1902. Le feu est salvateur. Il lutte contre l'hiver et le frimas mortel. Skadi apprend qu'il peut reprendre ce qu'il tend à donner. Poussière et cendres paternelles couvrent son visage alors qu'elle s'extrait du bâtiment dévoré. L'incendie la glace de solitude profonde, creusant une série de failles entre la matriarche et sa fille qui ne peuvent se comprendre, perdues de part et d'autres de la crevasse du deuil. février 1914. L'Histoire est une pierre qui roule sur les os des guerriers. Jérémiah lui est finalement ravi. Son corps supplicié jeté aux chiens. Point de bûcher funéraire pour celui qui fut son promis. Skadi arrive au moment où son cœur innocent contemple l’idée de meurtre pour la première fois. Pour les vikings, le crime lui-même a moins d’importance que cette corruption initiale.  Elle se voit loup pour dévorer le monde - et se promet de devenir Fenrir, pour laver l'offense.août 1914. Freya Linqvist regagne ses terres, laissant à son héritière le soin de délayer le venin dans l'oreille attentive du despote. Abandonnée une fois encore et rongée par l'esprit de revanche, la folie la guette. Le voie des Valkyrie est un chemin de crête glissant et il en faut peu pour sombrer.

I. Uruz La voie du guerrier. La discipline pour forger son corps, la lutte dans les arènes de sable noirs où n'existent que la sueur et la morve. L'épiderme qui claque sous les hourras de la foule, l'adrénaline qui roule en lourd galet dans les artères échauffées. Pour forger une femme faite, il faut abandonner la baguette pour le couteau car la puissance du corps reflète celle de l'âme. La magie est l'outil des dieux comme l'est la Valkyrie. Comme les Ases sont capricieux, elle préfère compter sur ses forces propres.  II. Thurisaz Le feu et la glace. Le feu sous la glace. La tempête intérieure. Celle qui vous frappe et ne vous quitte jamais vraiment. Les tourments des deuils mal pansés, la froide géhenne de l'isolement, les petits dégoûts de soi. C'est ce que Skadi redoute et chasse d'un claquement de verre sur le bois usés des zincs. Le Maëlstrom est proche. L'on ne peut fuir la vérité éternellement, disait le monstre, sous peine d'en mourir.III. Raido Le voyage. Longue fut la traversée jusqu'à l'Albion. Désenchantement. Tristesse. Londres est polluée, grise et acerbe. Elle vomit cet endroit où les rats vivent mieux que les hommes. Pourtant, là est sa place puisque sa mère l'a voulu. Ambassadrice de l'Islande sorcière, sous-estimée par ses pairs car le pays est modeste, la louve ourdit des plans d'évasion - sans jamais les mettre à exécution.IV. Hagalaz La grêle. Le froid. L'hiver. Les longues plaines enneigées pour contrer la chaleur poisseuse de la ville. La pureté brûlante de la neige sous la lune. C'est l'Islande et l'odeur piquante des pins, la force chthonienne des geysers. C'est la volonté ordalique qui te pousse à aider plutôt qu'à barrer le chemin des apprentis qui s'amusent à caresser le voile de leurs phalanges maladroites. V. Nauthiz L'esclave. Le sang versé. La jeunesse massacrée. La géographie de l'ichor dégueulant des corps meurtris, recrachant les vies passées au fil de l'Histoire. Elle se bâfre de vos gueules écœurée et vos compromissions. L'Ordre l'agace par sa demi-mesure. Tout homme est un frère. Tout pouvoir engendre responsabilité et devoir. Si la magie est un don, aucun droit ne peut en découler. Notamment pas de considérer ses pairs comme un vulgaire troupeau d'auroch.  VI. Eihwaz L'if auquel on pend les jeunes gens par les pieds, prunelles aveuglées en souvenir du grand Odin. Les liens qui dévore le derme. La pesanteur du corps. Le sang qui bat le tambour contre les tempes. L'obscurité complète. La soif écrasante. La faim. Le vide. La folie qui la guette à chaque bruissement du vent. On lui offre neuf jours et neuf nuits pour retrouver la vue sans l'aumône d'une goutte d'eau ou d'un morceau de cuir dur - le flanc blessé par le fer d'une lance. Essence de vie et de mort, poison et remède, pont entre les mondes, arme de destruction ou puissance salvatrice, l'if est un conducteur puissant vers l'autre côté du voile. L'if, l'extension de son bras, le cœur de son pouvoir. VII. Mannaz Jeremiah - des fiançailles de convenance pour perpétuer la race. Amour fraternel dévoré de dégoût. Deuil entaché de soulagement. Lorsque leurs labres s'effleuraient, c'était dans d'autres bras qu'elles s'imaginaient, troquant la mâle ductilité des muscles pour une rondeur plus appétante. L'interdit frappe ces fantasmes impies car il te faut engendrer. VIII. Othalaz Le foyer. Elle tente d'en créer un, s'entoure d'amis, parfois de plus souvent de moins, sans jamais pouvoir se départir de ce sentiment cruel de déracinement. Métèque dans sa propre contrée, dénaturée par la modernité, elle ne trouve plus sa place. Sa langue abandonnée. Ses rites saccagés. Un jour, il faudra se conformer au carcan de son rang et entrer dans des braies devenues trop étroites. IX. Fehu Le feudeymon. L'amour est une réaction chimique qui corrode ses certitudes, brise ses plans d'avenir. Elle a tenté de l'étouffer sous les cendres du temps mais il couve, rongeant avec détermination les derniers atomes de son ego. Elle l'a noyé dans des torrents d'alcool, s'abrutissant jusqu'à l'aube pour faire taire l'appel de sa peau. Le coeur de l'islandaise rature les trois syllabes fatales puisqu'elle ne sera jamais sienne. Elle attend que l'incendie cesse. Alors, elle pourra reconstruire.X. Nyd La délivrance dans la souffrance. Rencontrer Hel impose des sacrifices. Elle se souvient du stylet nu que l'on posa devant elle. Trois jours, il demeura, épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Pour parcourir les sentiers ombrageux de la mort, il faut la rencontrer, en faire une compagne fidèle. Elle ne se remémore pas la douleur lorsqu'on la frappa, ni la brûlure du poison qui la plongea dans un sommeil sans lune. La terre sous ses doigts. Le corps vidé. La pestilence moite de la décomposition qui sature tout ses sens. Les hurlements assourdis d'humus. Le rituel est exigeant. La coquille est vide depuis trop longtemps, l'âme déjà profondément engagée dans les chemins tortueux de Hellheim. Elle connaît les chants. Elle sait les gestes. L'encre. Le sang. La blessure mord, la fait tanguer mais elle tient bon. L'esprit guerrier s'incarne dans les muscles flétris. Le poing du mort crève la pierre et le sol laissant entrevoir le jour naissant pour cette dernière naissance.

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