atropa belladona — (drusilla)

le drame est né de toute cette ombre et de tout ce silence. le secret est une fleur vénéneuse, un poison qui ronge et qui détruit à petit feu. feat @drusilla potter  

Sacrement des chiens cornus, animaux couronnés aux faciès d’albâtre qui auréolés de joyaux — jappaient l'amour facture de cette divine comédie. Des cabots, cervidés et autres bestioles tout droit échappées du cirque royal venu laper les gamelles dorées de ce mariage richement célébré. Le Cerbère fixait les jeunes mariés, naïfs aux heures diurnes d'une hyménée innocente encore baignée de soleil et épargnée par la déliquescence noir du poids sévère des années qui viendrait un jour tout dénaturer. Ils s'aimaient, c'était indéniable à en juger par les œillades qu'ils échangeaient, des regards qu'il n'avait jamais partagé avec son épouse quand le ruban vermeil s'était magiquement nouée autour de leurs poignets pour sceller leurs noces enténébrées. Adela semblait tout aussi ennuyée que son époux, mais la sublime sorcière était bien plus à l'aise que le patriarche avec ce genre de frivolités. Des festivités qui commençaient à s'éterniser et qu'il avait du mal à noyer dans l'alcool ambré, l'envie de s’échapper, pris au piège dans sa propre maisonnée. Alaric quitta la table d'honneur après le discours éloquent de son beau-frère afin de trouver un peu de quiétude dans le square hanté par un agglomérat désuet. Seul le bruit de ses chausses portées par l'écho du marbre raisonnaient en réponses à ses sombres pensées dans les corridors étriqués du douze, quittant un instant les lumières rutilantes de l'amour pour renouer avec les ténèbres aguicheuses de sa solitude gangrenée. Les extérieurs étaient peu fréquentés et il en profita pour soupirer au soleil en train de s'étioler tout son mépris, abandonnant le masque mondain pour porter sur ses traits parfaitement ciselés l'expression d'un monarque fatigué par la lourdeur de cette couronne parfois trop lourde à porter. Peu de personnes pouvaient le voir ainsi, loin de ses prérogatives de chef de meute charismatique et de directeur intransigeant. Seulement quelques chanceux comme sa madone et des amis qu'il comptait sur les doigts d'une main. Il tira un peu sur le col de sa chemise pour respirer pleinement avant de reprendre sa marche en direction du jardin d'hiver de sa femme ouvert pour l'occasion. Des serres qui abritaient des plantes aussi belles et dangereuses à l'image de sa reine de l'ombre où le filet du diable se languissait du règne de la lune. Des fontaines et autres sculptures aux formes corruptrices qui s'animaient parfois pour sourire aux égarés — vénustés enjôleuses — sombres putains empierrées.

Sur le banc en fer forgé près de la belladone reposait une fleur qui aimait elle aussi s'épanouir à l'ombre des mondanités, si belle, si intrigante et vénéneuse à souhait. Drusilla illuminait dans cet Eden souillé par les nombreux poisons que cultivait sa femme, s'approchant d'un pas élégant pour venir s'échouer à ses côtés sans un mot. Il fixa un instant la fontaine au centre de la serre avant d'extraire l’étui en argent de sa poche pour en sortir ensuite une cigarette qu'il offrit à la femme de son meilleur ami. « Déjà lassée par ce mariage douce amie ? Je t'aurais imaginé bien plus émotionnée que cela à l'idée de marier ta fille. » Pas besoin de sortir sa baguette quand on s'appelait Alaric Black, il embrasa d'un simple regard le foyer de la tige avant d'en glisser une entre ses lippes à son tour. « Qu'essayes-tu de fuir Drusilla si ce n'est l'hémoglobine maladif de certains invités ? » Sourire presque amusé en tirant sur la clope, abandonnant le protocole pour étendre ses longues jambes devant lui avec flegme. Il laissa ensuite tomber son visage à la renverse afin d'y cracher des volutes de fumées vers la verrière dévorée par les racines empoisonnées synonymes d'alliances qui alourdissaient elles aussi leurs annulaires jadis sacrifiés.

le drame est né de toute cette ombre et de tout ce silence. le secret est une fleur vénéneuse, un poison qui ronge et qui détruit à petit feu. feat @drusilla potter  

Éperonné par l'écho lointain d'une amère mélodie communément appelée amour, le soupir des violons venaient bercer les méandres dantesques et maladifs du roi de la nuit à qui il dédiait ses tristes ritournelles aux fantômes d'un affect maudit, meurtri — condamnée à l'oubli. Complaintes des noces factures grattées sur les cordes monotones d'un temps qui faisait renaître un instant les myocardes innocents qu'on avait sacrifié pour faire éclore l'arbre blanc d'une généalogie pourrie — noyée sous les larmes d'amants aux espoirs anéantis. Mensonges des cœurs autrefois stimulés par l'envie folle de battre pour la liberté et désormais mutilés par cette sombre réalité où ils évoluaient — mais où donc étaient passées toutes ces années ? Celles des rêves volés et des verbes passionnés ? Drusilla ne portait plus sur ses traits la jeunesse immaculée des espérances d'autrefois mais le poids de la maturité désabusée d'aujourd'hui et de la résilience. Le bleu d'un regard mélancolie qui avait fini par s'étioler sous le poids de décennies où le mariage avait fini par dévoiler son vrai visage — celui d'un palpitant endeuillé que leurs enfants viendraient un jour épouser par dépit. L'âme solidaire, le Cerbère qui d'ordinaire dénué d’empathie ne demeurait pas insensible aux iris noyées d'élégies de cette douce amie, cette sœur offerte par la vie. Enfermé dans ses silences de mort en fixant les fumerolles danser autour de la sorcière, les morsures de l'âge n'avaient en rien dénaturer sa beauté en admirant sa chevelure flavescente illuminer la serre empoisonnée où assis sur un banc en fer forgé — ils renouvelaient silencieusement, sempiternellement et respectueusement leurs vœux d'amitié en toute intimité.

Lasse elle était sous l'oreille attentive du sang-pur qui fixait les cerises du diable briller comme les rétines d'un nuisible licencieux et pourtant si sirupeux à souhait. Alaric partageait pleinement l'état d'esprit dans lequel la biche couronnée semblait évoluer, lui-même fatigué de ces jeux hypocrites. « On peut dire que tu as choisi le bon moment pour te parer d'alanguissement ma chère, pendant les noces de nos enfants. » Semi amusé, ses lippes s'étirèrent dans un sourire insolent en inspirant une nouvelle bouffée de tabac grillé. Si l'amour semblait rugir entre Antarès et Astoria, cette union n'en demeurait pas moins qu'une alliance visant à sauvegarder ce qui devait être préservé — l'or, les titres et la pureté. L'inceste murmuré et pourtant si vite oublié par le faste d'un mariage mordoré, la mère et le père connaissaient que trop bien cette pièce de théâtre qui était en train de se jouer pour avoir été autrefois les acteurs de cette saynète immortalisée dans un fatalisme impossible à répudier. Entracte au cœur de cette jungle empoisonnée et prisonnière des serres de sa bien aimée, l'intermède tant désiré loin de l'agglomérat gangrené que tentait de fuir la blonde et dont le brun avait lui aussi embrasser l'exil forcé. Question retournée sans pudeur, le démon tourna alors son visage vers la reine de l'ombre pour soutenir son regard, la clope écrasée sous sa semelle. « Simplement l'envie de m'isoler loin de cet empire de faussetés dont nos sommes paradoxalement les monarques désenchantés. Il faut croire que nous sommes destinés à nous croiser inlassablement lors de mariages et de funérailles.  L'un comme l'autre, c'est le triste requiem aux regrets. » Il se leva pour délasser un peu ses jambes, mains dans les poches en s'approchant de la belladone pour en subtiliser le parfum subtile de la faucheuse toute en fleur, effluves envenimées et aux doux arômes tragiques de dernier sommeil. Le colosse pivota alors pour lui faire face à nouveau, lui tendant sa main galante pour l'inviter tout contre lui pour mener la valse sous les plaintes lointaines de l'orphéon qui solfiait la douce symphonie des cœurs épris. « Je te vole ta première danse si tu le veux bien, au milieu des ronces et des épines où tu peux si tu le souhaites y faire fleurir toutes tes misères sans pudeur, sans crainte d'être jugée. » Alaric ancra le bleu acier de son regard dans celui de sa partenaire, serment inviolable et silencieux d'une loyauté sans failles pour elle et d'une discrétion assurée. Peut-être ne trouverait-il pas les mots pour alléger son âme en peine, mais le roi noir savait parfois apporter aux étoiles mortes de son ciel obscures quelques aubes salvatrices accompagnées de douces éclaircies.