Aloysia | tears of blood

1885. Aloysia nait un treize août, jour d’été, au coeur de Londres parmi les Moldus. Elle vit une enfance bercée par la magie puisque les Maskelyne sont parmi les plus célèbres illusionnistes du pays. L’Egyptian Hall, qui a appartient à sa famille, est pour elle le château enchanté dont rêvent toutes les petites filles. Elle passera son enfance à aider son père, avec joie et fierté.
1888. Naissance de Juliet, sa soeur adorée.
1896.Elle reçoit sa lettre pour Poudlard, apprenant par la même occasion sa nature de sorcière. Son caractère la destine à la maison Gryffondor. Elle subit malheureusement du harcèlement à l’école, à cause de sa nature de Née-moldue.
Juin 1898. Elle découvre le corps sans vie de sa petite soeur. Persuadée que des sorciers de son écoles ont agi ainsi par vengeance envers elle, elle fait un rejet de ses pouvoirs et refuse de retourner à Poudlard. Aveuglée par la douleur et la haine, c’est un professeur attentif qui la sauve de l’obscurus qui la menace, passant le reste de l’été avec elle pour l’aider à refaire surface. Ses années suivantes à l’école sont plus apaisées, elle s’ouvre davantage aux autres, nouant quelques amitiés profondes, même si elle ne pourra jamais oublier.
1903. Aloysia termine sa scolarité à Poudlard. Fascinée par l’histoire de la magie, et surtout par la légende du diadème disparue de Rowena Serdaigle, elle commence un apprentissage en orfèvrerie de bijoux ensorcelés.
1905. Alors que l’une de ses amies est sur le point d’accoucher et que l’aide médicomagique nécessaire tarde à arriver, Aloysia prend les choses en main et découvre par la même occasion sa véritable vocation. Elle quitte l’orfèvrerie et commence une formation en tant que sage-femme.
1909. En prenant en charge l’accouchement d’Andraste Lestrange, elle ignore qu’elle vit un tournant dans sa carrière. La jeune mère, reconnaissante, en parle tant et si bien qu’Aloysia devient un nom que l’on se passe parmi les sorciers, et une favorite des futures mères.
1913. Au début de l’année elle rencontre Ludwig Kirchner à une réception. Il a quelques années de moins qu’elle, et pourtant il ne cache pas son intérêt. Bien que charmée, elle refuse au départ, ne le prenant pas au sérieux. Elle finit cependant par accepter et après quelques mois de fréquentation, ils se fiancent.
Février 1914. Suite à la montée au pouvoir de Grindelwald, elle voit ses clientes qui ne juraient que par lui tourner le dos une par une, ainsi que la plupart de ceux qu'elle considérait comme des amis. Elle continue néanmoins à pratiquer, même dans l’ombre.
Avril 1914. Face au danger qui se rapproche et à la perspective du sceau, Ludwig et elle se cachent. Elle refuse cependant de partir, par principe, mais aussi par inquiétude pour sa famille. Son aversion pour le monde des sorciers grandit.
Juillet 1914. Sentant l’étau se resserrer, elle s’arrange pour mettre ses parents à l’abri en Allemagne au tout début du mois.
Ludwig souhaite partir en France se battre auprès des moldus, elle ne l’en décourage pas. On dit que la guerre sera courte, et elle craint ce qu’il risque en étant associé à elle si les choses tournent mal.
Elle est arrêtée juste après son départ, marquée du sceau et envoyée dans les arènes. Elle n’a heureusement pas le temps de s’y battre et n’y reste que quelques jours, paradoxalement sauvée par l’annonce de la mise en esclavage des nés-moldus. Elle entre au service de Pandora Skeeter.
Août 1914. Aloysia apprend la mort de son fiancé par un hibou de Amarante Kirchner, soeur de ce dernier. Malgré son coeur déchiré, elle lui est reconnaissante de la délicatesse dont elle a fait preuve pour le lui annoncer, et encore plus en apprenant que sa belle-soeur a pris en charge ses propres parents, les mettant en sécurité dans son château de Bavière.
Octobre 1914. Elle ne voit plus aucune issue à sa situation, ni de perspective d’avenir. Mais surtout, elle s’inquiète fortement de la bienveillance de Pandora envers elle, craignant qu’elle ait certains desseins peu honorables...

anecdotes ou histoire au choix
Ce dont chacun a conscience face à un spectacle de magie, c’est qu’il y a toujours un truc. Les adultes le savent, et même les enfants passés un certain âge. Tous essaient à un moment ou un autre de deviner le truc, scrutant dans l’espoir de repérer un fil, une trappe dans le sol. Mais petit à petit, ne voyant rien, ils se laissent emporter avec ou contre leur gré dans l’émerveillement provoqué par la magie. Et ils y croient. L’espace de quelques heures, d’une soirée, ils croient du plus profond de leur être en ce monde magique, coloré, enchanté, où tout est possible. Ce monde que George Maskelyne créait spectacle après spectacle, parfois seul, parfois en compagnie de son épouse Amelia ou de leurs enfants. Un des moments préférés d’Aloysia était après le spectacle où, dépourvue de son maquillage et son costume, méconnaissable, elle se mêlait à la foule qui sortait de l’Egyptian Hall, épiant leurs conversations. Elle aimait les entendre s’interroger, essayer de deviner. Comment faisaient-ils ?

Il est bien connu qu’un magicien ne révèle jamais ses secrets. Mais Aloysia, elle, faisait partie de ce secret. Elle était une initiée, l’une de ceux capables de créer la magie, de créer l’enchantement. Et ça la rendait plus heureuse que tout.

Il arriva pourtant que la magie devienne un peu trop réelle, au point que ni elle, ni ses parents ne parvenaient à se l’expliquer. Comme cette fois où, alors qu’elle effectuait un tour, un véritable feu d’artifice sortit de son chapeau au lieu des paillettes et confettis prévus. Fort heureusement, aucun dégât ne fut à déplorer, mais elle dut faire face à la curiosité de son père alors qu’elle-même ne comprenait absolument pas ce qu’il s’était passé. Lorsqu’il réalisa qu’elle disait la vérité, il se gratta le front, ébouriffa les cheveux de la fillette et ne dit rien de plus sur le sujet. Mais ce genre d’incident ce reproduisit, dont elle-même était à l’origine, ou sa petite soeur Juliet. On y trouvait des explications plus ou moins hasardeuses, qui permettaient en tout cas de rationaliser ces incidents ponctuels.


Les Maskelyne, de par leur profession, étaient habitués du bizarre et de l’étrange. Pourtant, aucun d’eux n’aurait pu prévoir le hibou gris qui passa par la fenêtre de chez eux un beau jour, déposa une lettre sur la table à laquelle ils étaient en train de déjeuner et repartit sans demander son reste. Suivit une scène assez cocasse où les quatre membres de la famille, stupéfaits, se regardèrent en silence dans le blanc des yeux, incapables de bouger pendant que la lettre trônait entre le rôti du dimanche et la carafe d’eau. C’est la mère d’Aloysia qui bougea la première, saisissant la missive. Elle jeta un oeil au dos avant de la tendre à sa fille avec seulement trois mots: c’est pour toi.


Passés les premiers temps de stupeur et de scepticisme, toute la famille avait dû se faire à l’idée que la fillette non seulement était une véritable sorcière, mais en plus allait étudier une magie qui ne nécessitait aucun trucage. Il était de plus fort probable que Juliet, plus jeune de trois ans, suive les traces de son aînée, car il était devenu évident qu’elle possédait également certaines capacités. Aloysia se rappellerait longtemps l’été qui avait précédé sa première rentrée à Poudlard, l’excitation qui l’animait elle ainsi que le reste de la famille. Ses parents étaient curieux de tout, tandis que Juliet boudait à l’idée qu’elle devrait attendre encore plusieurs années avant d’avoir le droit elle aussi de manier la baguette.

Pourtant, la rentrée fut bien loin de ce que la petite magicienne avait imaginé. Jamais de sa vie elle ne s’était sentie aussi perdue: tout lui était absolument inconnu, du vocabulaire en passant par les confiseries, les objets, les attitudes, et aucun des livres qu’elle avait lus pour se préparer ne semblait l'aider. Elle entrait dans un monde dont elle ne possédait aucun code et lorsqu’elle fut admise à Gryffondor c’est presque naturellement qu’elle se rapprocha d’autres nés-moldus, comme elle. Pourtant, tout lui manquait: sa famille, son univers. La magie ici n’avait rien à voir avec celle, colorée et vibrante qu’elle avait apprise. Malgré tout, ses parents semblaient si fiers dans leurs lettres qu’elle se força à tenter de s’adapter. Elle comprit également rapidement que sa famille était ici un problème. Ce n’était pas la première fois qu’on la chahutait un peu à cause du métier de ses parents. Mais jamais ça n’avait été avec un tel acharnement, et surtout pas pour la nature de son sang. Ils étaient peu nombreux, mais une minorité qui savait se faire entendre, et Aloysia n’adoptait visiblement pas l’attitude qu’ils auraient attendu de la part d’une née-moldue: elle ne courbait pas la tête, n’essayait pas de se faire oublier, mais au contraire répondait toujours, n’hésitant jamais à humilier verbalement ses harceleurs haut et fort. Son esprit de contradiction se mit en marche: on se moquait de sa famille ? Parfait, elle clamerait d’autant plus fort ses origines. On la traitait de sous-sorcière? Fort bien, elle travaillerait deux fois, trois fois plus qu’eux pour les surpasser.

Lorsque ses parents lui demandaient, fascinés, de leurs raconter les moindres détails de sa vie à Poudlard, elle omettait évidemment ces épisodes, craignant le moment où Juliet arriverait et devrait elle aussi y faire face.

Il y eut ce jour où un élève trouva amusant de lui jeter un sort de confusion pour la faire tomber de son balai, en plein vol. Elle passa une semaine à l’infirmerie suite à cet épisode, qui provoqua en elle un choc: il ne s’agissait plus de jeux d’écoliers. Pour certains, la sorcellerie, le pouvoir, donnait droit de toute-puissance sur d’autres. Elle avait bien vu comment certains parlaient des moldus, comme de vulgaires insectes qu’on pouvait fouler au pied sans le moindre remord. L’élève coupable fut sévèrement puni, mais Aloysia en conserva une méfiance qui ne disparut jamais vraiment.

Si tout ceci n’était pas arrivé, peut-être n’aurait-elle pas été si prompte à croire que la mort de sa petite soeur était due à une vengeance contre elle. Sa Juliet, si douce, si joyeuse, elle qui ne voyait jamais le mal nulle-part et était toujours prête à accorder sa confiance. Cette douleur n’avait nul autre pareil. Aloysia ne comprenait pas comment elle pouvait être encore en vie alors qu’on lui avait ainsi arraché le coeur. Ca n’avait pas de sens. Rien n’avait de sens. Et pourtant ce petit corps gisait, mutilé, dans une position qui n’avait rien de naturel. On essaya de la convaincre, de la dissuader de porter des accusations trop rapidement, mais sans succès.

Ils l’avaient fait, elle en était sûre. Mais il n’y avait pas de preuve, ils ne seraient jamais punis. Sa famille entière était foudroyée par le chagrin et elle se laissait doucement glisser vers la haine. Elle ne voulait plus être l’une des leurs. Elle ne le serait jamais. Ils avaient touché à sa famille, à sa petite soeur, âme innocente, juste pour l’atteindre elle. Et ils n’auraient pu faire pire. Elle ignorait qui se cachait derrière « ils », mais elle était sûre qu’on pourrait le savoir, si on cherchait un peu, ce que personne ne voulait faire. Il n’y avait aucune trace, rien du tout. Et Aloysia, doucement, s’enfonça dans l’obscurité. Elle commença par brûler ses livres, puis sa propre baguette. Les cauchemars peuplaient ses nuits, lorsqu’elle arrivait à fermer l’oeil. Au début, elle rêvait surtout de Juliet, puis d’autres songes vinrent prendre sa place. Des songes dans lesquels elle devenait une ombre aveugle, détruisant tout sur son passage. Une chose était certaine: elle ne retournerait jamais à Poudlard. Elle ne serait pas une sorcière.

Dévorés par la douleur de la perte de leur enfant, dépassés par la situation, ce furent ses parents qui tirèrent la sonnette d’alarme auprès de l’école, la sauvant d’un destin peu enviable et lui permettant de continuer, trouver plus d’apaisement et un certain équilibre entre sa nature de sorcière et ses origines moldues. Elle cessa de prononcer des accusations et on la crut revenue à des pensées plus raisonnables, mais à tort. Car elle n’oubliait pas, elle n’oublierait jamais. Mais Juliet n’aurait pas voulu la voir se perdre de cette façon. Alors pour elle, pour ses parents, elle avait décidé de laisser sa rancune de côté. Du moins, jusqu’au jour où elle connaîtrait la vérité, même si cela prenait des années.

A sa rentrée suivante, le harcèlement dont elle était victime avait cessé. Ou peut-être que cela avait pris si peu d’importance dans son esprit qu’elle n’y faisait même plus attention. Elle se surprit à prendre du plaisir à ses études, à partager des rires avec les élèves de sa maison, et même à se lancer devant eux dans des démonstrations d’illusionnisme improvisées.
Les années passèrent, et Juliet devint cette ombre bienveillante qui l’accompagnait à chacun de ses pas. Lorsqu’elle la voyait dans ses rêves, ce n’était plus sous les traits de son corps sans vie, mais bien vivante, telle qu’elle était il y a dix ans. Elles jouaient, souvent à cache-cache ou à chat. Parfois Aloysia était enfant aussi, parfois non. Lorsqu’elle trouvait sa petite soeur, ou l’attrapait, le jeu était fini et elle se réveillait.


Lorsqu’elle pense à l’année 1913, il lui semble que c’était une sorte de rêve. Jamais elle ne toucha tant à ce qu’on pouvait considérer comme le bonheur. Elle était entrée dans la vie d’adulte incertaine, partagée entre les deux mondes auxquels elle appartenait. Elle avait eu la chance de venir au monde dans un foyer où on l’avait toujours encouragée à poursuivre ses rêves, quels qu’ils puissent être. Et c’est ce qu’elle avait l’intention de faire, ne serait-ce que pour honorer sa soeur, honorer Juliet qui elle n’avait jamais eu cette chance. Elle s’était consacrée à la joaillerie avant de changer de voie, sous le coup d’une révélation. Elle avait suivi son intuition et elle ne s’était pas trompée, mais elle n’aurait jamais imaginé que les choses aient pu prendre une telle tournure. Il avait suffi d’une intervention, d’un accouchement réussi pour que son activité de sage-femme prenne une toute autre dimension. On souhaitait sa présence, on voulait même la réserver des mois à l’avance. Après toutes ces années, elle éprouvait enfin ce sentiment d’appartenance qui lui avait manqué. Elle se sentait pleinement sorcière, acceptée. Bien sûr, il y avait toujours ceux qui refusaient de se laisser approcher par une Sang-de-bourbe, mais elle avait désormais tant de travail qu’elle les oubliait très rapidement. On louait son efficacité, sa bienveillance, son dévouement et même ses méthodes originales. On l’invitait également, et c’est ainsi qu’elle échoua à une réception mortellement ennuyeuse au début de l’année 1913. Il s’ennuyait aussi, alors ils décidèrent de s’ennuyer à deux, et il en résulta que la soirée fut au final tout sauf ennuyeuse.

Jusqu’à ce moment, l’amour n’avait jamais eu une place très importante dans sa vie. Bien sûr elle avait connu des flirts, certaines relations qui avaient toujours fini par s’étioler. Et si elle avait dû parier sur quelqu’un, ça n’aurait certainement pas été Ludwig Kirchner. Parce qu’il était plus jeune qu’elle de plusieurs années, si bien qu’elle avait de la difficulté à le prendre au sérieux, mais aussi et surtout car il venait d’une famille dite au sang pur. Malgré ces dernières années, où elle s’était sentie bien plus acceptée au sein de la communauté sorcière, le passé avait laissé des traces, et elle éprouvait certaines réticences à ce sujet. Des réticences qui avaient fini par s’effacer, si progressivement qu’elle ne s’en rendit même pas compte. Parce qu’il la faisait rire plus que personne d’autre. Parce que jamais elle n’avait rencontré quelqu’un de si honnête. Il disait ce qu’il ressentait, sans embarras ni fioriture, tout simplement. Ils s’aimèrent, se fiancèrent peu de temps après. Et la vie fut douce, durant un temps, avant que tout ne vole en éclats.


Ce n’était qu’un mois après avoir appris sa mort qu’elle commença à rêver de lui. Parfois, ils se parlaient. D’autres fois, ils ne faisaient que se regarder, et les mots restaient coincés dans sa gorge. Mais elle ne pouvait jamais le toucher. Lorsqu’elle essayait, il s’éloignait, se mettant de nouveau hors de sa portée. Elle ne savait si ces rêves la réconfortaient ou la rongeaient encore un peu plus.

Lorsque ses yeux avaient parcouru les mots si prévenants d'Amarante, celle qui aurait dû être sa belle-soeur, une part d’elle s’était révoltée, se raccrochant à l’espoir: peut-être n’était-il pas vraiment mort ? Après tout, on entendait parfois ce genre d’histoire, d’hommes que l’on croyait perdus au combat mais qui finissaient par revenir. Elle avait su immédiatement qu’elle devait tuer cet espoir dans l’oeuf, et y mit toute sa volonté. Ludwig était bel et bien mort, et si elle ne l’acceptait pas au plus tôt, elle finirait tôt ou tard par sombrer. C’était là un luxe qu’elle ne pouvait plus se permettre.

Parfois son regard s’arrêtait sur son annulaire gauche, nu depuis longtemps. Lors de son arrestation, on lui avait pris tous ses objets de valeur, y compris sa bague de fiançailles. Elle avait réussi à sauver quelques une de ses possessions dont la valeur n’était que sentimentale. Il s’y trouvait une photographie d’eux, où ils riaient ensemble. Un jour, elle l’espérait, elle pourrait la regarder avec une tendresse mêlée de nostalgie. Mais pour le moment, c’était encore bien trop douloureux, alors elle la dissimulait dans un coin, s’efforçant de ne plus y penser.

Peut-être que c’étaient les morts qui avaient été les plus chanceux. Qui n’avaient pas à voir le monde, tel qu’il était devenu. Elle avait cru un temps que ses jours allaient s’achever dans les arènes, et voilà que maintenant une nouvelle vie s’ouvrait à elle, une vie qu’elle n’aurait pas donnée à son pire ennemi. On lui avait retiré peu à peu tout ce qu’elle avait, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, qu’elle ne soit plus rien. Dépossédée de tout, y compris d’elle-même. Le seul réconfort qu’elle gardait était dans la pensée que ses parents étaient à l’abri, loin de cet enfer. Au moins n’avait-elle pas à s’inquiéter pour leur sécurité, en plus de tout le reste.
Elle vivait chaque jour comme une épreuve supplémentaire, sans jamais tenter de regarder au-delà. Que pouvait-il y avoir au-delà du lendemain ? On parlait de révoltes, elle savait que des groupes s’étaient formés. Mais même si Grindelwald tombait, que se passerait-il ? Devrait-elle reprendre sa vie sans celui qu’elle avait perdu ? Retourner à son existence précédente, comme si de rien n’était, parmi ceux qui lui avaient tourné le dos sans remord, l’avaient humiliée, reniée ? Attendre sagement la prochaine crise, où une fois de plus les Nés-moldus seraient les bouc émissaires attitrés ?

Elle avait un temps cru ne pouvoir tomber plus bas, mais elle craignait fort s’être trompée. Elle avait rapidement compris que quelque chose clochait dans le comportement de Pandora Skeeter à son égard. A peine arrivée, elle s’était vu offerte une somptueuse chambre, des cadeaux et privilèges qu’elle n’aurait jamais dû avoir, le tout à l’abri des regards. Sans doute aurait-elle du être soulagée et reconnaissante de son sort, mais c’était tout le contraire. S’il y avait bien une chose qu’elle avait apprise ces derniers mois, c'est qu’elle ne signifiait plus rien. On l’avait muselée, on lui avait pris sa liberté, sa dignité, on l’avait vendue à quelqu’un comme un meuble. Pourquoi Pandora, pour qui elle n’était rien, lui donnerait tant ? Et Aloysia observait, avec une crainte grandissante de ce qu’elle allait tôt ou tard devoir payer en retour, tentant de se montrer distante sans s’attirer les foudres de sa propriétaire, qui, elle le savait, avait tout pouvoir sur elle.

La chute lui semblait continuer, inlassablement. Elle pouvait voir ces petits bouts d’elle-même s’échapper. Son esprit combattif voulait s’éveiller, mais sans savoir comment. Et elle continuait de se perdre encore un peu plus, et encore un peu. Jusqu’au jour où il ne resterait plus rien.

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