LITTLE BIRD.

1881. mariage de Jonathan Hayes et de Scarlett Cadbury. coup de foudre entre deux miséreux, lui ouvrier et elle, simple domestique au service d’une famille bourgeoise. le couple emménage dans une chambre de bonne, à Londres.

1882. enceinte mais angoissée pour des raisons échappant à Jonathan, passant du rire aux larmes aisément, Scarlett finit par avouer à son époux sa condition de Cracmolle et son ancienne appartenance au monde de la magie, qu’elle aurait fui à l’âge de quatorze ans afin d’échapper aux persécutions de sa famille. dépassé par les mensonges de son épouse et par son propre tempérament superstitieux, partagée entre l’idée de la quitter ou de rester pour le bébé, Jonathan se mue dans un silence inquiétant. l’homme fait le choix de ne pas déserter, convaincu que l’enfant à naître serait dépourvu de pouvoirs, Scarlett n’en possédant pas. il ne parvient cependant pas à pardonner la Cadbury.

28 AVRIL 1882. naissance de leur fille, nommée GWENHWYFER HAYES. l’accouchement se fait au sein de leur lieu de résidence, dans la douleur et la solitude, Jonathan ne prenant pas la peine d’être présent, préférant faire passer en premier son travail au chantier.  

1882 à 1893. premiers contacts peu concluants entre l’enfant et le père, qui éprouve une aversion incontrôlable pour Gwenhwyfer, se sentant finalement incapable de l’élever si elle venait à être une sorcière. il fuit régulièrement le foyer, dilapidant son maigre salaire dans l’alcool, les jeux et les putains. quant à Scarlett, celle-ci se voit contrainte de délaisser leur fille au voisinage durant les premières années pour retourner à son statut de domestique et subvenir aux besoins de leur famille. dès l’âge de six ans, est trimballée jusque la demeure des employeurs de sa mère, où elle l’y assistera, étant suffisamment autonome pour ne plus être surveillée par leurs voisins. la petite Gwenhwyfer éprouvera rapidement une admiration pour les dames et les jeunes filles de haute naissance, s’amusant à les imiter dans leurs actes et paroles, rêvant d’une vie similaire, passant la plupart de son temps libre à lorgner les vitrines de boutiques de créateurs et de grands joailliers.
ses pouvoirs magiques se manifestent à l’âge de sept ans, à la plus grande horreur de son père. il est évident que Gwenhwyfer est une sorcière et non pas une Cracmolle, à la plus grande – et secrète – fierté de sa mère. la gamine trouve dans les encouragements de sa mère la force nécessaire pour supporter le harcèlement moral de son père.
la jeune Gwenhyfer est une brindille ne sachant ni lire et écrire par la faute de parents illettrés, la tête dans les nuages, bourrée d’imagination et d’espoirs. elle espère notamment intégrer Poudlard, cette école que sa mère n’aurait jamais connu.

28 AVRIL 1893. la blondinette reçoit sa lettre d’admission à Poudlard. crise de joie rapidement matée par son père, qui dans un accès de rage et dominé par l’ivresse, envoie valser le peu d’affaires de Scarlett et Gwenhwyfer par la fenêtre. la mère et la fille prennent leurs jambes à leurs cous lorsque Jonathan embrasera leur chambre de bonne.
elles finiront par élire domicile dans le grenier de la demeure de la famille employant Scarlett.

1893 à 1900. aidée par la bourse de l’école pour l’achat de ses fournitures scolaires, Gwenhwyfer intègre l’école de sorcellerie Poudlard le 1er septembre 1893. émerveillée par le confort et la beauté du château, elle est répartie chez les Serdaigle après une hésitation de la part du Choixpeau Magique pour la maison de Salazar Serpentard.
à son plus grand désespoir, sa pauvreté apparente irrite les rejetons de la haute sphère, qui se rient des vêtements usés ou trop petits de Gwenhwyfer. sa KLEPTOMANIE se manifeste à cette période, où elle camoufle les objets et tenues dérobées grâce à divers sortilèges. certains se doutent de l’identité de la voleuse au cours de leur scolarité, mais ne parviennent à rassembler des preuves convaincantes.
la Serdaigle est également confrontée à son analphabétisme : incapable de faire la lecture en cours et de coucher trois mots sur un parchemin, elle obtient des résultats catastrophiques à l’écrit, refusant systématiquement de lire et écrire, faisant passer ce refus pour de l’effronterie afin de préserver ce terrible et honteux secret. cependant, excelle en sortilèges et en métamorphose, figurant parmi les meilleurs de sa promotion en pratique concernant ces deux matières.
malgré les moqueries des plus aisés financièrement, ses autres camarades s’entichent du tempérament sociable et positif de Gwenhwyfer, qui est rebaptisée JENNA par la majorité des élèves de l’école, surnom qu’elle conservera pour le restant de ses jours. ses talents de comédienne et ses tendances fêtardes amusent la galerie.
face à la terreur de ne pas obtenir ses BUSE lors de sa cinquième année, Jenna prend conscience du fait qu’il lui faut apprendre à lire et écrire. elle trouve une camarade lui semblant être avenante pour lui servir de professeur, avant de comprendre que celle-ci se moque continuellement d’elle dans son dos. humiliée, elle valide ses examens de justesse. l’adolescente remplace l’enseignante hypocrite par @Harfang Longbottom, un élève d’un an son cadet et de la même maison, pour ses deux dernières années à Poudlard. le Longbottom se révélant beaucoup plus avenant, de réels progrès se dessinent pour Jenna.
la belle sylphide obtiendra ses ASPIC à la fin de sa septième année, malgré des notes mitigées à l’écrit mais plus bonnes qu’à l’ordinaire.

Fin juin à décembre 1900. quitte Poudlard la mort dans l’âme, indécise et perdue, ne sachant pas vers quelle type de carrière s’orienter. retrouve parallèlement sa mère, devenue chétive, la santé fragile et déficiente. prise de pitié et de compassion, ne peut se résoudre à la quitter et décide de lui tenir compagnie en l’aidant aux tâches domestiques chez ses employeurs, qui ne peuvent s’offrir le luxe de se payer une seconde main, exploitant Jenna. celle-ci trouve donc refuge dans les rues de Londres, lors de ses moments de répit. sa kleptomanie s’étend cette fois-ci jusque les passants, qu’elle vole avec agilité, consciemment ou pas. décide d’utiliser les biens dérobés en les revendant, tenant un stand dans les bas-fonds de la capitale anglaise, se déplaçant à chaque fois, chaque jour déguisée différemment.
en novembre, dérobe la montre à gousset et le portefeuille de WALTER LOCKHART, sans se douter de l’identité de sa victime et du fait qu’elle était épiée depuis plusieurs semaines par les sbires de la mafia, à la recherche de nouvelles recrues. arrêtée par Le Cuisinier et ses hommes, elle est emmenée au manoir des Lockhart, qui décident de la garder comme otage afin qu’elle exerce ses talents pour le compte de l’organisation. ses besoins personnels et ceux de sa mère sont pris en charge par Walter, bien que Jenna ait l’interdiction d’évoquer la mafia et de retourner vivre avec sa mère. prétend parcourir le monde, envoyant chaque mois de l’argent à sa génitrice.

1901. débuts fastidieux au sein de la mafia des Lockhart, ne supportant pas d’être considérée comme une otage et se comportant avec insubordination. finit pourtant par relativiser et s’habituer au confort qu’on lui offre en échange, décidant de prendre sur elle et de véhiculer des ondes positives au sein de l’organisation. développe une fascination malsaine pour Walter Lockhart, de qui elle dépend entièrement et sur qui elle se repose tel un père. lui, est séduit par la fraîcheur, l’humour et l’optimisme de l’ancienne Serdaigle. les deux commencent à se fréquenter dans un contexte autre que le professionnel.
le mafieux finira par demander la main de Jenna en octobre, ne supportant guère l’idée qu’elle puisse appartenir un autre que lui tôt ou tard.

28 avril 1902. épouse Walter (déjà veuf d’une première femme, père de trois enfants et ayant pour pupille Brynden Prewett) le jour de son vingtième anniversaire, lors d’une grande cérémonie. ses rêves semblent exaucées, son époux l’autorisant même à inviter sa mère et ses amis. malgré sa condition de Cracmolle et son rejet du monde magique, Scarlett assiste aux festivités mais gifle violemment Jenna avant le début de la cérémonie, dans les coulisses. connaissant la réputation des Lockhart, elle désapprouve en effet l’union et ne désire plus revoir sa fille. la dispute détruit Jenna, qui feint le bonheur à la face du monde, consciente que sa vie changera à jamais à partir de ce jour.

1905. sur l’ordre de Walter et à sa plus grande joie, se lance dans l’organisation évènementielle, domaine où elle excelle depuis son adolescence. profite de ces évènements pour voler les biens des invités présents et les revendre au prix fort, aidée par de petites mains sur qui la faute est parfois rejetée. feint fréquemment d’avoir retrouvé les objets volés, les victimes la remerciant par de coquettes sommes de gallions ne représentant rien pour les plus fortunés. grâce aux relations étendues de son époux, collaborera étroitement avec les Avery professionnellement après avoir fait ses preuves lors d’un banquet organisé chez les Longbottom.

14 février 1908. donne naissance à de faux-jumeaux, ARIES et SELENA LOCKHART. l’accouchement est douloureux, fastidieux et Jenna perd conscience, manquant de mourir pour cause d’hémorragie. traumatisée par l’accouchement et ne se sentant pas spécialement prête à être mère, ne prêtera pas grande attention à ses enfants malgré un amour présent, les délaissant plus aux soins des gouvernantes plutôt que les siens.

1er janvier 1910. à l’apogée de sa carrière, décide de rendre visite à sa mère chez ses employeurs le jour de l’An, afin de tenter une réconciliation. on lui apprend que Scarlett est morte de consomption depuis un an. retourne littéralement détruite et en larmes à l’hôtel de son époux, qui la console maladroitement.

1912. découvre la magicofleuriste @Prudence Prince, qui s’avère plus créative, sensible et passionnée que l’ancienne. conquise, décide de signer un partenariat avec cette jeune femme pour qui elle se prend d’affection.

1914. le mage noir bulgare Gellert Grindelwald s’empare du pouvoir et les Lockhart restent relativement insensibles à la nouvelle, décidés à profiter comme ils le peuvent du nouveau régime instaurés tout en gardant une certaine neutralité.  
entame en mars une liaison avec @Arcturus Black, rencontré lors d'un banquet, qui lui fait oublier sa relation néfaste avec Walter, chez qui elle se réfugie régulièrement pour fuir l’exigence et les phases brutales de son époux.
au mois de juillet, se retrouve désemparée lorsque sa magicofleuriste se volatilise, ne trouvant pas une remplaçante digne de ce nom, contrainte d’effectuer elle-même ce travail.
croise par hasard son père dans les rues de Londres, complètement ivre et dément. il ne la reconnaît pas du tout, s’agrippant à ses jupes pour lui demander un autographe, la prenant pour une actrice de cinéma.

/!\ TW : PASSAGES VIOLENTS

NOVEMBRE 1900 Elle poussa un cri strident, portée tel un sac à patates par deux colosses qui la jetèrent au sol. Face contre terre, suffocante, sa tentative de se relever s’avéra lamentable. Ses mains glissèrent sur le parquet flamboyant de propreté, la renvoyant d’où elle venait. Nouvel hurlement de terreur rompant l’atmosphère paisible du gigantesque living-room lorsque le plus âgé du trio saigna son l’oreille gauche, tirant si fort qu’elle crut que son organe finirait par se détacher de sa face. Comprenant que le bellâtre avait la nette intention de la remettre sur pieds par ce biais, elle eut le bon sens de suivre le mouvement, des larmes de crocodile se mettant à perler sur ses joues, puis à inonder le reste de son visage angélique. Se faire rosser de la sorte ? Son père l’y avait très tôt habitué, ce n’était pas une première mais était-ce la dernière ? « SALOPERIE DE PETITE VOLEUSE ! » tonna son bourreau, ses doigts encore agrippés à l’oreille de la misérable, la secouant tel un vulgaire torchon. « Vous me faites mal, monsieur ! » s’exclama la brindille de sa voix fluette, se protégeant de sa patte valide du prochain nuage de postillon que cet homme déverserait sur son minois. Ce ne fut cependant pas le cas, à son plus grand soulagement : il relâcha la prise, laissant la jeune fille se masser l’oreille à sa guise, la dévisageant comme on pouvait dévisager une gamine de six ans venant de pisser à table. Lorsqu’elle eut fini de soulager la moitié de sa douleur, ils se toisèrent avec hostilité, chacun semblant attendre la réaction de l’autre, qui ne se fit d’ailleurs pas prier au bout de quelques secondes qui en parurent cinq minutes… une gifle cuisante, à deux doigts de lui rafler une dent.

C’était la première fois depuis de longues années qu’on ne l’avait pas frappé aussi fort. Se faire humilier de la sorte par un inconnu n’avait rien à voir avec le fait d’être battue par son père, son propre sang, aussi mauvais pouvait-il être.
Alors, la blondie se mit à chialer si durement que le Diable en personne aurait pu s’attendrir face à tant de détresse. Cette fois-ci, ce n’était plus un coup de théâtre de sa part.
Jusqu’aujourd’hui, on ne l’avait jamais démasqué et elle avait la drôle impression d’avoir été prise au piège, trop confiante en ses capacités pour avoir remarqué qu’on l’avait épié. Ses camouflages, ses cheveux, ses déguisements, son maquillage, ses déplacements : tout avait été mis en place pour qu’elle ne se fasse pas pincer et pourtant, ces messieurs l’avaient retrouvé. Un exploit, lorsqu’à Poudlard, aucun de ses camarades et professeurs n’avaient pu prouver qu’elle était l’auteur des vols qui sévissaient au château pendant sept ans. Jenna Hayes était l’ombre et le danger qu’on ne décelait pas, la candeur qui n’était rien d’autre que de l’illusion. En quittant les bancs de l’école, la sorcière avait cru qu’il serait de bon goût de voler des Moldus plutôt que ses semblables. Le stratagème avait bien fonctionné, sauf qu’elle s’était visiblement trompée de cible : sa victime du jour était un sorcier, vêtu en Moldu. Stupide gamine, bernée par son assurance.

Misérable qui pleurait son idiotie,
Misérable qui ne demandait qu’à s’en sortir,
Misérable qui ne souhaitait que le pardon,
Misérable qui désirait retourner à la maison.

Le problème était qu’elle n’avait pas de maison. Ne restait plus qu’à tenter ses dernières cartes pour être libérée et apprendre de son erreur, afin que cela ne se reproduise plus. « Je vais tout vous rendre, monsieur. » parvint-elle à hoqueter entre deux sanglots, le nez dégoulinant de morve, alors que les deux chiens du meneur l’empoignaient afin de l’inciter à s’asseoir sur un fauteuil. Le leader s’installa à l’opposé, peu perturbé par ces pleurnicheries. « Tu es bien polie, pour une gueuse. » déclara-t-il en l’analysant attentivement, semblant avoir oublié qu’il venait de la brutaliser. « Vide tes poches. » L’ordre était sec et impérieux. Un peu trop lentement, n’osant plus le regarder dans les yeux, Jenna glissa la main dans ses poches. Une montre à gousset en or et un portefeuille qui valait son pesant. Doucement, la gamine aux boucles dorées posa les objets dérobés sur la table basse qui les séparait, se mordillant la lèvre inférieure. « Je peux retourner à la maison, maintenant ? » eut-elle l’audace de demander, éprouvant pour la première fois l’envie de retourner se prélasser dans le grenier miteux des employeurs de sa mère. Elle n’obtint qu’un éclat de rire méprisant de la part de son interlocuteur, qui s’était levé et contournait à présent la table basse. Il s’abaissa au niveau de la petiote, s’emparant fermement du délicat menton de Jenna et l’obligeant à le regarder droit dans les yeux. Des iris d’un bleu azur profond, vivaces et aussi tendres que cruels. « Nous t’observons depuis quelques temps, gamine, déclara-t-il calmement, voler la plèbe avec brio c’est une chose, voler Walter Lockhart en est une autre. » Une horrible sensation se nicha dans les entrailles de l’adolescente, comme si son sang s’était glacé à l’intérieur de son corps. Les yeux de Jenna se remplirent à nouveau de larmes, tel un enfant qui comprenait qu'il venait de commettre une terrible erreur et qu'il était trop tard pour faire demi-tour.  « Tu as beaucoup de choses à apprendre, little bird. Première leçon à graver dans ton crâne de gueuse : tu ne rentreras plus jamais à la maison. »

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JUIN 1901 Adossée contre la colonne du vaste balcon de la suite de Walter Lockhart, elle observait d’un oeil maussade les passants qui défilaient plus bas, marchant avec insouciance dans les rues de Londres. Elle aussi, souhaitait rire, profiter du soleil seule ou avec des amis, embrasser un amoureux, jouer avec son chien au parc, voler de ses propres ailes. Sauf que Walter Lockhart avait fait en sorte que cela ne soit plus possible, prenant la décision de faire de Jenna sa détenue favorite. Les talents de sa captive pour le vol et l'escroquerie étaient bien trop précieux pour qu’il se permette de la laisser filer, au contraire, il en usait à outrance pour renflouer les comptes de la mafia.
Mois et saisons avaient défilé, sans que Jenna ne puisse être délivrée de cette prison dorée dans laquelle il avait décidé de l’enfermer. Otage choyée lorsqu’elle obéissait ou prisonnière maltraitée lors de ses tentatives de rébellion, la jeune femme avait appris à ses dépens que la première option était celle qui lui apporterait le plus.
En échange de ses services, Walter lui avait octroyé une charmante chambre au sein du Lynce Plaza. Chaque mission réalisée et réussie était récompensée par un présent : une nouvelle paire de gants, des souliers neufs, de jolis accessoires pour égayer ses coiffures, des robes de créateurs, de splendides manteaux, des bijoux étincelants. Celui qu’on surnommait Le Cuisinier avait réalisé les rêves les plus fous et farfelus de la sorcière, qu’elle avait longtemps cru hors de portée.
Le prix à payer en contrepartie était pourtant rude. Jenna avait pour interdiction de sortir sans son autorisation et encore moins sans lui, d’envoyer des lettres à ses amis, de lui fermer la porte de sa chambre, en somme, de faire ce que bon lui semblait. Même ses choix vestimentaires se devaient d’être approuvés. On racontait qu’elle était l’équivalent d’un animal domestique, se pliant au moindre ordre de son maître.
Cependant, elle se surprenait à apprécier la compagnie de son geôlier et propriétaire, partagée entre la dévotion et la haine. Elle aimait ses beaux yeux bleus, son sourire, ses costumes tirés à quatre épingles, son originalité, le fait qu’il s’occupait d’elle malgré sa brutalité et ses nombreux défauts. On n’avait jamais tant pris soin de Jenna autant qu’on ne l’avait guère puni de la sorte à chaque échec. A contrario, l’ancienne Serdaigle le détestait pour la priver de la présence de sa mère. Sa douce maman, si jolie et courageuse. Avait-elle des cheveux blancs, désormais ? Etait-elle en bonne santé ? Ou encore, avait-elle trouvé un autre homme pour l’aimer et lui fournir toute la tendresse qu’elle méritait ?

La rancune lui montait au cerveau lorsqu’elle pensait à sa mère. Oeillade malveillante jetée à Walter, qui était plongé dans ses comptes, assis face à son bureau. Quelques ratures et voilà que le bougre relevait la tête vers son petit oiseau.
« Viens ici, little bird ! » S’il se serait adressé à une esclave, cela n’aurait pas sonné différent. Dans un léger soupir insolent à souhait, masquant habilement par ce biais ses craintes de ne pas avoir atteint le chiffre de la semaine, elle s’approcha, sur ses gardes. « Grâce à toi, nous avons empoché un pactole de cinq mille gallions en sept jours. » annonça-t-il fièrement, applaudissant l’oeuvre de son élève, qui se tenait debout, aussi raide qu’un piquet. Encore refroidie par ses songes et par son désir impossible de toucher ce fameux montant qui lui appartenait de plein droit, Jenna esquissa un sourire froid, n’ayant aucune envie de jouer la comédie, d’humeur capricieuse. « J’aurais volontiers applaudi si seulement je pouvais dépenser cent gallions parmi ces cinq mille. Ou rendre visite à maman. » rétorqua-t-elle avec une moue paresseuse, balayant de la main les paroles victorieuses de Walter. Obstiné, Le Cuisinier leva les yeux au ciel, croisant les bras avec ostentation. « N’y pense même pas, la gueuse. » Il ne changerait donc jamais ! « Ta seule récompense sera de m’accompagner ce soir au bal d’été, toi qui aime danser. Tu porteras cette fichue robe jaune déposée sur ton lit ou je te crosse avec le pommeau de ma canne. » Il désigna ladite canne posée contre la cheminée d’un mouvement du menton et Jenna se rembrunit immédiatement. Ce salaud était parfaitement capable d’exécuter sa menace. Ses yeux firent la navette entre l’arme et le Lockhart, circonspects. « J’irais. » finit-elle par lâcher, les lèvres pincées. Comme toujours, il parvenait à ses fins et à lui montrer qu’elle était sa chose, qu’il exerçait un contrôle absolu sur sa personne.   « Je savais que tu accepterais, ma douce. Comment dit-on merci ? » En t’arrachant la langue pour la donner à manger au chien, pesta-t-elle intérieurement, se retenant de donner vie à cette idée saugrenue qui lui ôterait ses nouveaux privilèges. De mauvaise grâce, Jenna déposa un baiser furtif sur les lèvres de Walter. Depuis une semaine, c'était ainsi qu'elle devait le saluer, le quitter et le remercier. Lubie étrange, qui plaisait beaucoup au mafieux. Lui, ne lui en donnait pas en retour, préférant en recevoir et se délecter des lippes au goût paradisiaque de la Hayes.

Un baiser, pour que la gueuse se transforme en étoile du soir.
Cela en valait largement la peine.

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OCTOBRE 1901 « Accepterais-tu de devenir ma dame ? » La question posée au dîner résonnait encore dans l’esprit de Jenna Hayes, alors que celle-ci se retournait pour la centième fois dans son lit, incapable de trouver le sommeil.
Trois mois que l’attitude de Walter avait évolué à l’égard de Jenna. Des oeillades plus appuyées et intéressées, une tendresse inavouée mais palpable, un nombre incalculable de dîners partagés en tête à tête, des apparitions publiques ensemble. La liste était encore longue si elle tenait à la dresser. Durant tout ce temps, la voleuse était restée sur ses gardes, le soupçonnant de jouer à ce manège dans le seul but de la motiver à réaliser toujours plus de chiffre. Car c’était devenu archi connu : plus little bird était heureuse, mieux elle volait.
Malgré ses suspicions et à son plus grand damn, le coeur de Jenna n’avait su se taire, battant un peu plus vite à chaque fois que Walter déposait un baiser sur son front pour lui souhaiter bonjour ou bonne nuit, chavirant lorsqu’il se montrait gentil et explosant de joie quand ses doigts effleuraient les siens.
Elle s’était également surprise à l’admirer du coin de l’oeil, à penser à lui avant de tomber dans les bras de Morphée, à guetter le moindre de ses faits et gestes, ou encore à attendre son retour à l’hôtel avec impatience, nichée au coin de sa fenêtre tel un chat à l’affut.
Pendant tout ce temps, une voix lui avait soufflé à l’oreille que lui aussi, était perturbé par sa présence. Idée qu’elle chassait de sa tête au plus vite : elle était réputée pour ne pas manquer d’imagination, après tout. Mais elle n’avait pas perdu la raison pour autant. Oui, Walter Lockhart louchait sur son corps et son visage. Oui, Walter Lockhart riait à ses plaisanteries. Oui, Walter Lockhart n’acceptait pas qu’un quelconque homme puisse sourire ou poser les yeux sur elle.
Sensation salvatrice et merveilleuse à l’évocation de ces faits. Il n’y avait rien de plus rassurant qu’être protégée et à l’abri. Il n’était pas le plus bienveillant, loin de là, mais elle serait en sécurité pour le restant de ses jours en sa compagnie. Walter écrabouillerait quiconque se mettrait en travers de son chemin et la malmènerait, elle en avait la certitude. Il était le protecteur imparfait qu’elle n’avait jamais eu, bourreau de son coeur et unique être apte à la canaliser. Ils formeraient un bien beau couple, à deux.
Pelotonnée contre ses draps, un léger sourire se dessina sur les lèvres de Jenna, alors que ses paupières se refermaient pour embrasser les songes de la nuit.
Demain, elle frapperait à sa porte et accepterait sa demande en mariage. C’était décidé.

Elle était prête.

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DECEMBRE 1907 Alors qu’elle était occupée à finaliser les dernières touches de sa coiffure avant de faire son entrée dans la salle de réception du Lynce Plaza, on frappa à la porte.
« Madame ? » Un sourire illumina le faciès angélique de Jenna, à la simple entente de cette voix juvénile qu’elle chérissait tant. Elle n’interrompit pas pour autant la tâche à laquelle elle s’était attelée, bien trop obnubilée par son propre reflet qui lui faisait face dans le miroir. « Entre, mon petit chéri. » lança-t-elle d’une voix absente, concentrée sur cette fichue rose blanche qui peinait à trouver place dans son chignon. La sylphide ne pouvait supporter d’être moins apprêtée qu’une autre. Être en retard par la faute de sa coquetterie ? Très bien, cela lui passait au-dessus de la tête.
Un jeune garçon pénétra dans l’antre du petit oiseau. Pas très grand, maigrichon mais doté d’une gueule d’ange. Des yeux d’un bleu profond et des cheveux blonds foncés aux reflets solaires. Pour peu, Brynden Prewett passerait volontiers pour le fils biologique de son époux bien qu’il n’en était que le pupille.
Brynden esquissa un sourire malin, ses doigts pianotant sur la poche de sa veste avec ostentation. « J’ai réussi à dépouiller cinq invités en trente minutes, madame, alors que les festivités ne font que commencer. » annonça-t-il fièrement, répondant toujours présent pour assister Jenna depuis que celle-ci avait posé ses bagages dans l’évènementiel. Il avait vite appris et volait presque tout aussi habilement qu’elle, à l’heure actuelle.
Une fois la rose blanche enfin enfoncée dans sa chevelure dorée, Jenna reporta enfin son attention sur le petit Prewett. « Parfait ! Je savais que tu pouvais le faire. » Elle applaudit, toute joie, l’embrassant sur les deux joues avant de l’entraîner de sa démarche dansante vers le lit, où elle prit place. Là, il y aurait plus de place pour étaler les trouvailles. « Montre-moi donc ce que tu as trouvé, pose tout ici. »
Les objets dérobés sautèrent alors de la poche ensorcelée de Brynden, minuscules au début puis grossissant de plus en plus afin de retrouver leurs tailles d’origines, s’étalant sur les draps du lit. L’adolescent ne se fit pas prier pour ajouter des précisions appréciables. « Il y a cette bague, qu’une femme a oublié dans les toilettes. Deux portefeuilles, prises classiques. Un pendentif et une lettre trouvés dans les vestiaires. » La bague était en or blanc, sertie d'émeraudes. Les deux portefeuilles valaient à eux seuls plus que leurs contenus. Le pendentif était des plus basiques, mais avait son charme. Arrivée à la lettre, Jenna se mordit la lèvre inférieure, consciente qu'elle serait incapable de la lire en entier et trop honteuse pour demander à Brynden de le faire à sa place. Elle reconnaissait cependant le sceau du ministère et un simple bout de parchemin pouvait apporter son pesant d'or. Walter pourrait la lire et faire chanter la personne en échange d’une grande somme de gallions, si le contenu s’avèrerait être important, pensa-t-elle  tout en évaluant le butin. Cela fait, elle expédia les objets dans l’armoire aux mille trésors d’un coup de baguette magique, hormis un seul : par le biais d’un autre sortilège, Jenna créa une parfaite copie de la lettre et la tendit au Prewett. « Tu remettras celle-ci où tu as trouvé l’autre. La personne n’y verra que du feu. »
Sa tentative de se redresser échoua et elle porta brusquement la main sur son ventre arrondi, le souffle soudainement coupé, sentant les deux poupons qui y logeaient faire des cabrioles. Putain de grossesse qui finirait par la rendre chèvre. Geste qui ne passa pas inaperçu, attisant l’attention de Brynden qui se précipita vers elle en fourrant précipitamment l’enveloppe dans sa poche pour lui venir en aide. « Assez, assez, déclara-t-elle avec agacement, je suis grosse, pas estropiée. » Elle parvint cette fois à se redresser avec plus d’aplomb, jetant un dernier coup d’oeil inquiet vers sa silhouette déformée qui se reflétait sur le miroir sur pieds. Sacrée bedaine ! Brynden sembla lire dans ses pensées. « Vous êtes encore plus belle grosse, madame. Les femmes vous attendent avec impatience en bas, se demandent où est leur Etoile du Soir, ne désirent que vous admirer, la rassura-t-il tendrement, mais une femme enceinte ne devrait pas descendre les escaliers seule. Encore moins une belle comme vous. » Décidément, ce gamin savait s’y prendre pour charmer les donzelles. Ces bécasses l’attendaient toutes, effectivement, tandis qu’elle, s’impatientait de voir de ses propres yeux les invités s’extasier devant sa décoration de Noël. Elle éclata d’un rire amusé et carillonnant, lui tendant gracieusement sa main gantée. « Allons-y, my sweet boy. Tu mérites bien cette faveur, après avoir volé pour une moyenne de mille gallions. »

Misérables qui brilleraient toute la nuit,
Misérables qui danseraient jusqu’à en crever,
Misérables qui chanteraient sous la pluie,

Main dans la main, jusqu'au petit matin.

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FEVRIER 1914 Les doigts de Walter se refermèrent tel un étau autour du bras frêle de sa jeune épouse, son souffle flirtant dangereusement contre l’oreille du petit oiseau. Celle-ci se raidit, serrant les dents pour ne pas étouffer un cri de douleur causé par la force colossale du Cuisinier. Pas devant cette foule, hors de question. « Je te préviens, beauté. Réalise encore un score aussi piètre que la dernière soirée que tu as organisé chez les Longbottom, et je couperais un doigt à ton ami Harfang. » Touchée. Pas moins féroce, elle se dégagea violemment, esquissant un sourire dévoilant des dents d’une blancheur éclatante faisant passer leur rixe pour des taquineries. « Ose et je ferais couper la main de ta garce. » rétorqua-t-elle avant de déposer un baiser sucré sur les lèvres de son mari, qui le lui rendit avec passion, lui mordillant la lèvre, la blessant presque volontairement. « Tu ne le feras pas, n'oublie pas que c'est toi, ma garce. » chuchota-t-il de nouveau contre elle, avant de s’éloigner et s’enfoncer dans cette ruche d’abeilles humaines en sifflotant avec allégresse.
Les yeux plissés et rivés sur une Jenna qui tamponnait ses lippes à l’aide d’un mouchoir, une sorcière âgée avait assisté à cet étrange échange entre les deux époux et affichait une expression suspicieuse. Elles se toisèrent, Jenna la défiant presque du regard d’ajouter un mot illustrant ses pensées. « N’avez-vous donc pas autre chose à faire que me contempler, espèce de vieille pie en date de péremption ? » lança-t-elle brutalement, se retenant de lui lancer sa serviette en pleine poire avant de se raviser et de gravir les escaliers la menant à la salle de réception de l’hôtel, où l’attendait un sublime banquet qu’elle avait organisé en l’honneur de l’avènement de Gellert Grindelwald.

Les paroles de Walter lui avaient ôté toute joie, cependant, elle était dans l’obligation de faire bonne figure et de claquer des bises des plus joyeuses à chaque invité se précipitant vers elle pour la saluer.
On aurait pu croire que le mariage et la naissance de leurs enfants auraient adouci la relation entre Walter et Jenna, surtout après le charmant manège orchestré dans le but de l’épouser et la posséder pleinement, sauf que le naturel était rapidement revenu au galop chez le Lockhart. La seule différence était que le temps avait réussi à Jenna, qui ne se laissait plus autant marcher sur les pieds qu’auparavant et qui rivalisait en répliques pour le remettre à sa place. Les chamailleries et les menaces semblaient être devenues de véritables traditions au sein du couple, pourtant, ils ne parvenaient à se défaire l’un de l’autre. Tôt ou tard, elle finissait par retomber dans ses bras et inversement. Ses amants n’avaient pas la même saveur que Walter.

Jenna se dégagea  de ses songes, plongeant son attention dans la foule. La haute sphère magique était réunie, festoyant avec enthousiasme, heureux de la chute de Shacklebolt et de l’arrivée d’une nouvelle ère dans le pays. Quant à Jenna, pour dire la vérité, elle ne se réjouissait pas vraiment de cet évènement mais c’était une occasion supplémentaire pour se remplir les poches en volant un peu plus. Un employé éminent du ministère avait eu l’idée de fêter la montée au pouvoir de Grindelwald au Lynce Plaza et pour cela, l’addition serait salée.
Accoudée contre une table haute, Jenna observait Walter converser avec animation avec un groupe d’hommes. Ses yeux dévièrent alors vers une frimousse blonde et familière : Théa Malfoy, qui venait tout juste de faire son entrée en compagnie de sa famille. Jenna lui adressa un clin d’oeil complice et à l’instant même où elle s’apprêtait à aller à sa rencontre, une voix masculine s’éleva près d’elle.

« Bonsoir. Puis-je vous offrir une flûte de champagne, madame ? » Elle se retourna avec vivacité, détaillant d’un regard curieux ce jeune homme qui l’abordait avec politesse et élégance. Brun, des yeux clairs et perçants, tiré à quatre épingles dans un costume d’un noir d’encre. Tout pour lui plaire. A ses côtés, un serveur portant un plateau rempli de flûtes.
« - Avec plaisir, répondit-elle avec chaleur, s’emparant avec grâce d’une flûte, effleurant la main de l’inconnu lorsque celui-ci l’imita. Frisson imperceptible. Vous êtes bien aimable, votre nom ?
- Black. Arcturus Black.
La Noble et Très Ancienne Maison des Black. Il ne cillait pas pour un sou, détaillant le délicieuse sorcière se tenant face à lui, la fameuse Etoile du Soir dont on entendait tant parler. Femme qu'on décrivait belle et lumineuse, coquette et charmante, douce mais piquante, avec une peau aussi douce que la soie, aussi blanche que le Paradis. Visiblement, Jenna Hayes-Lockhart semblait digne de sa réputation.
- Appelez-moi simplement Jenna, déclara-t-elle par le biais d'un doux souffle. »

Non, Little Bird ne se doutait pas une seule seconde que ce début de conversation s'éterniserait jusqu'au bout de cette soirée et qu'il la ferait valser comme elle n'aurait certainement jamais valsé de sa vie.

Un délicieux jeu qui ne faisait que commencer, pour le meilleur ou pour le pire.