(icarus) become the beast

1860. naissance d'eamon goyle, frère ainé de la branche. 1868. naissance de kamren goyle, second frère. 1870. naissance d'iollan goyle, aussi nommé icarus par ses proches anglophones. 1879. rencontre de icarus goyle et athena, prédite par la jeune sorcière, dont icarus tombe amoureux (9 ans). son père est chargé d’opérer quelques meurtres pour la famille d'athena, et icarus la retrouve chaque été. 1881. naissance de son neveu, kieran goyle, fils d'eamon. 1887. morsure d'icarus par accident, alors qu'il s'aventurait dans la forêt interdite pour un pari avec ses camarades de poudlard. pris de peur, il décide de quitter le pays. mariage d'athena, icarus quitte l'île pour s’exiler en afrique du sud. il poursuit ses études de médicomagie à uagadou, où il rencontre nyara baron, une voyante au sang pur (17 ans). 1892. il fréquente nyara brièvement, et la sorcière tombe enceinte de leur fille. à la naissance d’alecto, icarus épouse nyara par dépit. il devient aussi guérisseur assistant du village de hluhluwe pour subvenir à leurs besoins (22 ans). 1894. suicide de nyara, désemparée face à l’essoufflement de son mariage prématuré avec Icarus, et emportée par ses visions. alecto a tout juste 2 ans (24 ans). 1898. mekhare, la mère de nyara l’aide à éduquer alecto convenablement. icarus achève enfin ses études de médicomagie et, à la mort de son mentor, il devient le chercheur guérisseur du village (28 ans). 1909. – Icarus fait plusieurs découvertes qui révolutionnent la médecine magique. le remède à la morphogenetika skoraeus, ou fibrodysplasie ossifiante progressive du sorcier, a notamment fait de lui un praticien reconnu à travers le monde (39 ans). février 1914. le frère d'icarus le contacte et lui apprend que la guerre est sur le point d'éclater. à l’aube après une pleine lune, 3 moldus attaquent hluhluwe dans une chasse aux sorcières effrénée. icarus les dévore. il se débarrasse des corps, mais reste hanté par ses vieux démons. icarus et alecto quittent l’afrique du sud et emménagent dans un appartement du londres, non loin d’oxford street. mai 1914. le médicomage découvre la situation politique compliquée dans laquelle est baignée l'angleterre, et est forcé par sa famille d'intégrer le département des expérimentations sur les nés-moldus pour le ministère. espoir de redorure du blason goyle qui repose sur ses épaules d'atlas (44 ans).

Now is the winter of our discontent
Grim-visaged war hath smooth'd his wrinkled front.
Dogs bark at me as I halt by them;
Why, I, in this weak piping time of war,
Have no delight to pass away the time,
Unless to spy my shadow in the sun
And descant on mine own deformity:
And therefore, since I cannot prove a lover,
To entertain these fair well-spoken days,
I am determined to prove a villain
And hate the idle pleasures of these days.

Richard III, William Shakespeare

Lentement, l’eau s’infiltre entre ses lippes tremblantes, et emplit ses poumons déjà engorgés de poison. Telle une sirène, ses cheveux flottent dans l’eau trouble et se mêlent à la soie de sa froque ensorcelée. Lourds de leur prison aquatique, ils l’emprisonnent au fond de l'océan austral, et Cassandre devient alors Ophelia. C’est encore une enfant qui laisse derrière elle son époux et leur bambin. Un vaisseau désormais échoué. Son corps est une épave harponnée par des visions meurtrières, piégée par l’impartiale voûte céleste du temps qui écrase ses épaules d’Atlas. Par sa noyade elle semble retourner de là d’où elle vient, elle oracle intangible, insubstantielle. Comme l’eau, la douce Nyara a vécu une vie sans forme, transparente. Mariage écourté par une vulgaire noyade, l’affection et les soins de Icarus n’auront su la sauver de sa détresse cosmique.

Recevant la lettre d'adieu de son épouse, Icarus manque de s’écrouler à son tour, et est retenu par le regard innocent de la fillette qu’il tient d’un bras. Du haut de ses deux ans, Alecto joue avec les boucles brunes de son tout jeune père, inconsciente du drame qui vient d'ébranler l’aube même de son existence. A seulement vingt-quatre ans, Icarus Goyle voit ses attraits juvéniles couler dans les eaux africaines.


Là, vacillant au milieu du désert glacé, il frémit. Consumé par le brasier terrible du sang, Icarus reste en retrait un long moment, interdit. Puis, peu à peu, le ciel s’engorge, estompant la rondeur de la lune derrière ses nuages noirs. Dans la pénombre, le pelage du loup tombe, dévoilant la peau nue du sorcier, recouverte de blessures rougeoyantes. Comme à chaque pleine lune, la perte de son macabre sarcophage le laisse pantois. Cette fois, pourtant, sa réalité est toute autre, elle l’estampillera à jamais. Arraché à la nuit, il reprend forme humaine et écarquille les yeux. Ses souvenirs sont flous, embués par la créature qui sommeille à présent en lui. Le temps s’étiole, et le suprême nivéen s’efforce de se remémorer les derniers évènements. Voilà qu’il se souvient, et recule en apercevant le visage figé d’une de ses victimes, avant de bondir à nouveau en touchant du doigt la peau froide d’une autre. Icarus réalise le massacre dont il est à l’origine.

Dans sa torpeur silencieuse, il compte les cadavres. Ils sont trois. Trois moldus levés aux aurores. Trois moldus perdus dans une partie de chasse aux sorcières perdue d’avance. Leur carmin est encore incrusté sous les ongles du lycan, et perle même sur sa barbe, le rendant méconnaissable aux yeux de ses proches. Pris de secousses nerveuses, l'irlandais tourne la tête et croise alors le regard d’ambre de sa fille. Ce regard qu’il ne connaît que trop bien, pour l’avoir un jour lancé à un autre.

Par Merlin, elle a été épargnée, n'anéantissant que la menace moldue. Elle est loin, l'image de ce père bienveillant, construite pour elle. Le sorcier se mure un silence épais comme une dalle, incapable de prononcer le moindre mot face à Alecto. Avec une délicatesse presque maladroite, il ploie du genoux, et prend la forme d'un monstre redouté toute sa vie. Les yeux embués de larmes, il discerne à peine la silhouette de la jeune femme l'approcher. Les battements de son coeur suivent une course folle, et Icarus finit par étouffer un cri lorsqu'elle se réfugie dans ses bras, surprenant son géniteur, qui peine à croire son étreinte et hésite à refermer sur elle ses bras. Il fait d'abord un pas en arrière, affolé, puis, au contact de sa peau brune, son rythme cardiaque ralentit. Ses pupilles dilatées se contractent. Il rougit. Lui qui a toujours trouvé les mots avec elle vient de perdre tous ses moyens. Et dans son plus grand moment de faiblesse, il est témoin de la force et de la maturité qu'il a lui-même insufflées à sa fille.

Le colosse s’élève et referme sa poigne sur l’épaule d'un des trois frère, Eamon. Icarus, ou plutôt Iollan, lève le menton et toise la tapisserie familiale de ses opales. Des cendres parsèment un nom de l’arbre généalogique. Le sien. La branche de Kamren et Eamon demeure fournie. Assouvie au défunt patriarche dont la silhouette s’est évanouie plusieurs années auparavant de la bâtisse qui les a vus grandir. “Traitre déserteur. Sale chien.” Dans un soupir, l’aîné offre une œillade à son frère, gardant les apparences face au troisième, qui ne le porte en rien dans son coeur. Tention palpable qui le tient en haleine. “J'ai un travail pour toi.” Les frères se connaissent mieux que quiconque, pourtant à ce moment le cadet ignore à quoi songe Eamon. “Le ministère recrute des chercheurs pour les expérimentations sur les nés-moldus. Utilise ton cerveau pour nous inclure dans la hiérarchie du régime.” Il ravale un frisson. Tel un spectre, il se meut mais ne dit mot. L’impact de la guerre sur le monde magique le dépasse. Médicomage sensible au désarroi des malades et des opprimés, il fait ses adieux à l'existence qu'il laisse derrière lui. Endeuillé, il dépose son sacrifice sur l’autel d’une confusion tue. Il n'a pas le choix. La dague du secret flotte sur sa tête, prêt à exploser à la moindre parole de travers face à Eamon. Personne ne peut soupçonner sa véritable nature. Il en va de la sécurité d'Alecto. “Kiernan t'y accompagnera, il surveille les arrières de Grindelwald et s'assurera que tu n'iras nulle part.” Neveu et filleul dont il ignore maintenant tout. Piège à loup qui se referme sur lui. Il n'ira nulle part.

Les heures s’égrènent comme des jours, longues et monocordes, violons mal accordés qui font de cette nouvelle année un calvaire. Le calme instauré dans l’appartement londonien des Goyle est palpable, épais comme une dalle. Le temps s’étiole et l'inquiétude du père grandi à mesure que les non-dits s’installent. La culpabilité lui enserre la gorge, si bien qu’il ne peut garder ses lèvres scellées plus longtemps. L’heure est grave, et malgré la douleur qui les affecte, on peine à reconnaître chez Icarus et Alecto les dignes descendants des Goyle. Ils sont tous deux à l’image de l’éducation que le médicomage a souhaité fournir à sa fille ; un carcan d’affection. Du haut de ses vingt-deux ans, Alecto régit son existence toute entière. Un miracle pour Icarus qui, sans elle, aurait terminé ses jours dans une solitude froide. Depuis le jour de sa naissance, la jeune femme représente son univers. Le premier regard qu’il échangea avec le bambin suffit à l’ensorceler. Infiniment plus importante qu’une femme, elle est aux yeux du démiurge sa Psychée, Aphrodite platonique dont Icarus a longtemps redouté le départ comme la peste. Il s’est fait plusieurs fois violence pour ne pas la garder dans sa tour d’ivoire, mais le voilà à présent désarçonné. Il ne s'attendait pas à l'accueil reçu en Angleterre, et la tâche d’aider sa famille en temps de guerre est plus difficile qu’il ne l’imaginait… Les recherches du ministère étant bien loin de la bienveillance sudafricaine envers les nés-moldus. “Morwadiakgosi*, j’ai fait une terrible erreur en t'amenant ici avec moi.” Une pause, il replace nerveusement ses lunettes sur l’arche de son nez. Ils sont loins des sciences et de l’Afrique qui ont fait la réputation de son géniteur. Difficile de garder un semblant d'humanité lorsqu’on considère ses patients comme des bêtes. Il ne peut le nier, il ne peut pas protéger sa propre fille avec la conjoncture politique actuelle. “Je t’encourage à trouver ta propre voie. Pars tant que tu le peux encore.” Scrutant avec attention les réactions de son enfant, il la voit hocher de la tête en protestation. Comment pourrait-elle réagir autrement. Les voilà tous deux coincés. “Go sena!** N’y pense même pas. Je ne te laisserai pas seul ici, papa.”

*Morwadiakgosi signifie Petite reine en tswana, une langue bantoue parlée par les Batswana, majoritaires dans le nord-ouest sud-africain.

**Go sena signifie Hors de question.

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