Chrysanthèmes

Décembre 1872. Naissance de l’aîné des Gaunt, Elvis choyé dès qu’il poussa ses premiers cris, si rares, d’un enfant déjà particulier. L’observation régnait dans ses pupilles. Septembre 1876. Jouant dans les ronces et les marais, le lac du domaine héberge des créatures incertaines, l’une d’ailleurs, dresse sa langue sifflante prête à étrangler le bambin au sourire mortifère. Tel le petit prince, certes macabre, s’adressant à ce somptueux mamba noir, un serpent aux écailles majestueuse, il lui parla. Nouvelle langue, innée que le petit démon maîtrisa en quelques mois. En fourchelangue il écrit également dans ses carnets. Ce fut le début d’une passion pour ces animaux de compagnie, perfection d’indépendance. Septembre 1884. Première rentrée à Poudlard, assuré serpentard. Meilleur élève, prometteur, intransigeant, il n’hésite pas, d’une parole acérée à recadrer certaines absurdités des professeurs, l’on sent déjà la fierté de son sang et le refus, l’ignorance à s’adresser aux sangs de bourbe. janvier 1888. Première obsession, la chambre des secrets puis l’amour qu’il porte à son ancêtre Serpentard, il modifie ses gestes, l’esquisse en modèle imaginaire. A la maison, il commence à aider père et mère dans la gestion des biens, alors que le père croule et s’appauvrit au casino, Elvis commence à élaborer des sorts et le projet familiale pour redresser la misère. Juillet 1890. Reçu haut la main aux examens, les meilleurs notes et les honneurs. Cela ne l’intéresse guère, il a décidé qu’il partirait et voyagerait pendant trois bonnes années afin de devenir anthropologue. Masque du métier pour parvenir à chercher les reliques de la mort et toutes les informations nécessaires à son arbre généalogique. Derrière coulent des fantasmes de grandeur. Octobre 1893 Retour de Syrie et de Palestine. L’homme construit son nid, son bureau, son édifice, avec l’argent qu’il a gagné offre à son petit frère et sa sœur un pécule pour leurs futures études. Au père et à la mère, s’occupe d’eux tout en leur prenant doucement le pouvoir. Le voilà responsable de la famille Gaunt sur qui il veille avec la dangerosité d’un Néron, contrôlant chaque détail et chaque sous. Mars 1894 Promotion, directeur du secteur de l’anthropologie magique. En étroite collaboration avec les langues de plombs et le département des mystères, chaque recherche et théories sont soigneusement cachées dans des fioles. Possessif, il ne permet à quiconque de s’accaparer des connaissances qu’il a mis des années à élaborer. Avril 1906 Mariage rapide avec sa cousine dont il avait un œil sur elle depuis son enfance. Il en est sûr elle lui donnera un enfant. Mars 1907 Naissance de Mérope, la mère y a laissé sa vie. Avant l’accouchement, Elvis lui donna quelques gouttes de poison ne supportant plus la présence de cette indésirable, il voulait sa fille, pour lui, afin de l’éduquer selon ses principes. Problèmes avec sa sœur qui refuse de se marier, la colère gronde mais facile à contrôler. mois 1914. Il attend le retour de sa nouvelle fiancée, les Lestrange l’ont toujours fasciné. Connu, à présent au département d’anthropologie et d’archéologie dont il a fait son royaume, il mène la vie dur à chaque personne qu’il côtoie. L’on dit que le Gaunt Elvis héberge dans sa tête une folie qui apparaît lors de ses coups enfiévrés de courroux.

 Sous ses cernes, le serpent s’ennuyait. Sous ses doigts la baguette se lovait, elle glissait contre ses mains d’adolescent, roi parmi la plèbe, dans la salle émeraude des reptiles apprivoisés, il pensait. Ils susurraient, lui murmuraient des connaissances, là sous les toilettes, il dormait. Des visions jaillissaient, les rêves contraignaient ses desseins, ceux ambitieux d’être le meilleur malgré la pauvreté qui s’ouvrait, large bouche affamée. La famille se navrait, s’étouffait, ils dépensaient, ils se ruaient vers la famine, grand squelette aux doigts faméliques, ils s’enterraient et poussaient le vice, le vide, pour accomplir quelques illusions vouées aux démons. Elvis surveillait, loin, il est vrai, du noyau familial, il étudiait. L’on chuchotait dans les couloirs lorsqu’il daignait imposer pour quelques minutes, sa présence, un corps sec toujours frappé de chemises et de costumes, les rayures vertes aveuglantes cousues de ses doigts féminins. On ne se moquait pas de son talent de couturier, il créait des merveilles, des étoffes luxueuses qu’il ne partageait jamais. Le rire coulait, sombrait dans sa gorge sèche, d’une voix rocailleuse il se moquait des camarades. Il ne s’entourait pas, certains, attirés, venaient contre lui. Tue. Tue les. Plante tes canines, précipices. Entend les gosses traîtres, les vermines, ils n’ont pas ton sang, cet ichor royal, cet océan de rouge, pur de toute infamie. Laisse moi m’envelopper dans les charognes de ces enfants de boue. Mais il n’avait pas trouvé l’entrée de cette chambre dont on chuchotait les peurs puissantes. Il savait qu’une majestueuse créature, immense, mythique, enroulait ses anneaux sur une statue d’argent.  

  Il l’avait aimé, un dément éperdu, dans les draps il se tordait, un serpent de grâce, félin affamé jamais abreuvé, elle était sa femme, et les noces perduraient. Il l’avait enlevé comme les guerriers enlevaient les vierges, les dépeçaient de leur virginité. Elle avait accepté, heureuse, sereine, sur ses joues un sourire d’aveugle. Je t’offre tout. Il l’avait aimé, passionné, enivré. Il l’avait aimé un mois, le temps d’apprendre qu’elle portait en son sein et ses entrailles la promesse d’une réplique. Une fille voulait-il, éperdu d’amour pour le ventre qui grossissait, remplissait toutes les promesses. Merope la nommerait-il. Le temps défigura ses outrances, directeur maintenant, il se faufilait, surveillait les actes, surveillait les sorties, de sa femme cousine, sa femme enfant. Elle accoucha dans la douleur, hurlante, la sueur de son front et la mort sur ses lippes, dans un dernier souffle elle tendit l’enfant dont elle offert la jouvence d’une tristesse, elle ne m’appartenait pas. Évidemment, elle appartient au père qui saura prendre soin de cette tendresse.  

Elle avait de l’ether dans ses yeux de miel, ébènes d’un secret, d’une tristesse. Rôdant autour de ses étagères, il admirait la féline habillée de dentelle, une robe évasée, échancrée, des manches avalant ses fins poignets. Il l’avait trouvé, un coup du destin, il y croyait, fou amoureux au premier regard. Elle s’était présentée, peu assurée, un bonjour timide du bout de ses lèvres mais l’assurance d’une tigresse préservant sa passion, une passion folle de savoir et de beauté. Il avait perçu la profondeur de ses pensées, des tourbillons, des questionnements, il avait humé le velours de sa détresse. Miraj. Elle avait murmuré son prénom, douce vague océanne sur le firmament de son expression. Elle aussi, elle aussi se sentait attirée. Son œil de lynx fomentait un sourire, lui ne patientait jamais. Que viens-tu faire ici ? Une assistante répondit-elle, j’ai validé mon diplôme, j’ai besoin de travailler. Il siffla, son Taïpan du désert, son corps sur le bureau, ne l’accepte pas. Il prit sa main, ausculta ses lignes. Et ton nom ? Lestrange. La gamine des confins, un là-bas infernal. Peut-être. Peut-être aurait-elle les réponses, une réponse béante, un baume sur son myocarde éméché. Il toussait, remettait sa cravate. Et que sais-tu de l’archéologie sorcière ? Pourquoi, d’ailleurs, veux-tu te vouer à une pluie sans fond, les recherches découlent des questionnements et non de réponses. Lui qui souhaitait prier son ancêtre, dévoiler ses secrets. J’en ai besoin, pour repousser les envies de meurtre, les envies de me tuer. Hmm. Assis, monarque sur son fauteuil de cuir, ses manchettes relevées. Demain. Reviens demain. On pourra mieux discuter. Lui, il n’invitait jamais, il envoyait les gueux paître. Bête acariâtre tapi dans sa maisonnée, il hurlait de douleur à chaque confrontation conjuguée de ses semblables. Elle venait de loin cette fille couleur des mers ténèbres.