nights in white satin.

chronologie décembre 1870. naissance d'Adela Mhyr Potter, fille de Hector Potter et Cora Potter, soeur cadette de Henry Potter et aînée de Faust Potter. septembre 1881. première rentrée à Poudlard, Adela est répartie chez les Gryffondor, bien qu'elle soit un choixpeau flou (lions et vipères). mai 1885. mariage lors de sa seizième année avec Alaric Black, héritier direct de la famille Black, directeur du département de la coopération magique internationale en devenir. décembre 1886. arrêt soudain de sa scolarité à Poudlard pour grossesse de son premier enfant à dix-sept ans. août 1887. naissance de son premier enfant, premier fils, Arcturus Black, grande fierté parentale. août 1890. naissance de son second enfant, second fils, Antarès Black, l'unique accouchement sans complications particulières. avril 1893. commande de la baguette sur-mesure, avec la première dent de lait d'Arcturus incrustée. septembre 1893. Adela Black devient mécène des artistes sorciers qu'elle juge comme talentueux (fait aussi peindre son fameux portrait "La madone améthyste" considéré comme un bijou artistique issu du XIXème siècle). janvier 1894. rencontre avec Ulrich Gauvain avec qui elle entretiendra une tendre liaison furtive. juillet 1894. découverte du bâtard Black, fils d'une servante née-moldue et Alaric Black qui se suivit d'une "mise en congés" de la première. février 1895. tentative de suicide d'Adela Black tenue sous silence, et purge des servantes présentes lors du drame. avril 1895. Adela Black est enceinte de son troisième enfant, grossesse compliquée. décembre 1895. naissance de son dernier enfant, dernier fils, Augustus Black dans la douleur, elle dit souvent qu'elle a accouché d'un morceau de son âme. 1896. début des adultères physiques d'Adela Black, elle ne s'en tient plus aux séductions et aux échanges épistolaires enflammés. juin 1897. naissance de Cygnus Potter, fils de Henry Potter (frère d'Adela) et Drusilla Potter, dont Adela Black devient la marraine. novembre 1904. naissance d'Esteban Fabregas, fils de Lukian Fabregas (meilleur ami et premier amour non-avoué d'Adela Black) et Naiara Fabregas (relation spirituelle forte), dont Adela Black est la marraine. mars 1906. Adela Black rejoint la loge d'Edelgard Umbridge dans le casino. juillet 1906. création du brunch bourgeois tous les dimanches matins réunissant la crème de la société sorcière par Adela Black. février 1912. Alaric Black, mari d'Adela Black, rejoint la confédération sorcière de Gellert Grindelwald, elle le suit sans y être engagée, se moquant éperdumment de ces principes tyranniques. février 1914. révolution sorcière britannique à laquelle Alaric Black prend parti. Adela Black affiche une nonchalance vis-à-vis de ces changements, questionnant la légitimité de ces actions auprès de ceux qui s'en affichent fièrement. juillet 1914. Adela Black enrôle trois nées-moldues immigrées à son service, les sauvant ainsi de justesse de l'arène et la première guerre mondiale. Elle continue également ses activitées mondaines, de mécénat, quelques-unes touchant sur l'égalité hommes-femmes, et ses adultères.

très vite dans ma vie il a été trop tard. - marguerite duras, l'amant.

.....À seize ans, déjà, il était trop tard.

C'était semblable au froid. Ca s'incrustait dans les pores, mordait la chair, transgressait la chaleur du corps...dans cette morbidité livide, le coeur s'amenuisait...reposait ses peines et écoutait le monde, enfin.

Enfin, il y avait quelque-chose pour raviver le feu de la cheminée. Un peu de charbon qui salissait les doigts, un peu de bois qui devenait poussière, et encore une fois, le sourire discret de Tobby, l'elfe courtois. Celui qui ramenait les jouets colorés à sa petite maitresse et cachait le bâton du père avec un clin d'oeil complice. Celui qui n'était habillé que de haillons mais qui continuait de rire, secrètement.

"There is something in this world, Miss Potter, that the world itself cannot destroy."

C'était ceci qui lui revenait en vagues, premièrement. Le picotement causé par les flammes au bout de ses mains, et le léger inconfort de l'aube hivernale. Les murs qui s'étiraient tels des chats indolents, arrogantes bêtes dont elle tirait les queues avec malice. Le parquet qui craquait, bougeait...doucement, respirait sans qu'on n'y prête aucune attention. Et la paresseuse mélodie du piano, cristalline par moment, virevoltant jusque sous ses draps blancs.
L'argent de la brosse qui lui tirait la chevelure, sauvage dans ses boucles, la mousseline de ses robes qu'elle froissait dans le balancement de ses petites jambes, et le parfum d'églantine de la bonne parée de gris et de pâle qui se mêlait aux effluves de neige.
Adela était née à l'horizon du monde...après la mort des fleurs et le bout du ciel. A cet endroit même où la pluie n'était plus qu'un voile, à peine perceptible, où la peau ne noircissait plus sous le soleil et où ce dernier était opalin. Elle était née somnolente, bercée de ce trouble qui dévastait la mère Potter...cette étrange torpeur qui se promenait les matins de décembre sous les flocons polaires alors que le vent violent hurlait sa tentatrice symphonie aux âmes abandonnées. Elle était née d'une ruine, d'une chappelle vidée de ses fidèles, restant là, hantée de sacres.  

"At last, I think she was content."
"What do you mean?"
"Mother. The day she died. I think she was delighted."
dégageant sa pince-cigarette hors de son visage trogné par la fumée grise, elle avait conclue ses propos d'un claquement de langue et d'un geste désengagé de la main.
Maman avait été heureuse. Sa frêle figure trainant des pieds, toujours plus loin dans la neige jusqu'à s'évanouir.

Et la houle reprenait sa valse. Puisqu'elle devait revenir, toujours. Lécher le bout de ses orteils, transvaser le sable plus loin encore dans les dunes. Avec elle, ce chant.

Adela n’avait, elle, que des instants noyés dans sa tête d’ébène. Que des faces emportées par des flots, de vagues odeurs parfumant sa conscience, des lumières scintillant dans le fond. Il y avait cette broche d'améthyste, ayant appartenue à sa propre mère lors de son mariage, qu'Adela avait porté sous les rayons du soleil...la couleur giclant sur son oeil curieux. Cet argent noirci par le temps qui avait orné son sein vierge et cette brume de printemps qui avait effacé ses traits lorsqu'il l'emporta par la main.
Adela,
Adela avait fendu le ciel tel Lucifer détrôné de son univers. Séraphine perturbée d'ombres, elle avait percé l'atmosphère d'un rire blasphématoire. Semblable à une pluie chaude et violente d'été, c'était ainsi qu'elle s'était écrasée contre les existences.

"It happened to me once and for all. This life chirping in my ears. Oh...I have loved and laughed, I still do...I still do."
"But? What is so different?"
"Oh my dearest dear, nothing can replace this buzzing impression of being able to live forever."
attrapant d'une nonchalance lascive le chapeau haut-de-forme de son énième amant, elle alluma une cigarette et quitta la pièce, sifflotant la berceuse de ses jours d'enfant.
"I was decadent."
ce fut le dernier rugissement d'une lionne.

Ses pas résonnant dans le château, ce feu bousillant son myocarde, l'adolescente filait, perçant les foules d'étudiants et les professeurs alarmés. Elle bravait, de rouge et d'or, les yeux abusés par la violence de leurs moeurs. Les pans de ses robes remuant jusqu'à ses genoux, diablotine défeuillant son innocence à la vue des garçons qui n'avaient d'yeux que pour ses courbes naissantes. Adela avait aimé. Comme on aime les pâtisseries. Alléchée par l'idée d'aimer et de pouvoir respirer. Ses rires secouant les murs, ces rires-ci qui venaient de ses entrailles et tranchaient sa gorge à en ensanglanter les anges. Masculine dans sa liberté, voleuse de vestes et de patalons noirs...voleuse d'étoiles et de lumière, les pieds battant un rythme fou sur les tables de la salle commune, la sueur perlant le long de son dos, s'échouant sur ses reins.

"Young girl, your behaviour is...is...beyond words. I am afraid, the professors and I will have to take some serious measures."
"Please, do. Nonetheless, remember who you are talking to. A Potter."
son insupportable orgueil manipulant ses lèvres et acérant ses mots. Masculine dans sa féminité. Terrible dans sa joie.
"You surely did not say that."
l'oeil scintillant pointé vers Lukian, la lippe inférieure malmenée par ses dents, elle ne lui offrit qu'un ricanement, comme toujours.

he told me I belong in a churchyard. -aurora, churchyard

A ses pieds, s’échouait le reste de sa jeunesse usée, moussant contre ses orteils gelés par les baisers de la nuit.

La langue s'enroulant autour du cigare, la bouche s'arrondit, se posant, humide, délicatement sur le bout de cette flamme ondulante emprisonnée. Le bas de sa robe était relevée quelque-peu sur sa cuisse, laissant la chaleur des tissus s'évaporer. Les effluves d'opium, quant à eux, persistaient à s'attacher à ses vêtements, à ses cheveux, aux cartes qu'elle manipulait entre ses mains gantées. L'index glissant entre deux d'entre elles, jouant avec leur rebord, dessinant leur forme...Et lorsqu'elle expira la pesante fumée, c'est toutes les arcanes qui la pénétrèrent. Dans la pénombre de la pièce, seules ses iris attrapaient la feinte lueur dérapant des rideaux.
(Le Pendu)
Pointant vers elle tout son corps, érectile dans sa mort. Une légère exclamation quitta sa poitrine.

Vêtue de blanc, elle avait déjà tiré cette carte. Seize année et les larmes toujours présentes lors de ses saignements. Oh oui, on se souvint qu'elle était Potter ce jour-là de printemps, la broche accrochée remuant l'héritage familial à chacun de ses mouvements.
Lorsqu'il l'attrapa dans sa course, les yeux lubriques et les mots chatouillant son oreille.

"[...] I declare you now, husband and wife."
Elle ne faisait rien sinon imaginer si Eve avait été crée en première. Elle aurait été là, à sa place, à le dévisager satisfaite de voler l'objet de ses désirs, de voler la muse, l'enfant-homme à ses pervers artistes. Posséder ses premiers soupirs et les gouttes de carmin léchant ses cuisses.
Elle aurait applaudi sa malice et aurait connu la jouissance pure sans la souffrance de se faire percer
l'âme.

Les pupilles perdues sur l'étendu grisonnant qui se mouvait en plis devant elle. Elle regardait l'horizon, regardait l'océan avec cette envie d'en bouffer le sel. Adela aimait les odyssées et les tragédies, les achilles et les médées.

"Why do you want me?"
la baguette enfoncée sur la chair tendre de la naissance de son menton, elle tournait dos à la tapisserie verte. Il y était recensé des têtes coupées, des guillotinnés par miliers.
"They look like apples growing on a tree. It is ridiculous."
ses lèvres fines se retroussèrent sur ses canines, elle n'avait jamais remarqué à quel point elles étaient pointues.
"I do agree. And...it is also true, but here..."
son sourcil noir s'arqua, et son regard reparti sur la tapisserie derrière elle.
"Take a look."
hésitante, elle abaissa sa baguette, se retournant lentement vers les anciens visages. ils lui étaient étrangers, certains familiers qu'elle a pu croiser au détour d'une tasse de thé et de quelques mots échangés. l'index d'alaric se posa sur un d'entre eux, son poitrail s'accolant au dos d'Adela d'où lui ruisselait encore son voile marital.
"This is me. Do you recognize me?"
"You might desire for a new portrait, this one ages you."
répondit-elle en ricanant légèrement.
"Now this..."
à ces mots, une nouvelle face apparue près de la première.
"This is you. Alaric and Adela Black."
ses doigts glissèrent sur la paume de la jeune fille avec hésitation, jusqu'à s'en emparer complètement.

I hate you...Il avait ri. Tout simplement. Ca n’était pas un rire…c’était le cri d’une bête qui s’était coincée la patte dans un piège. Elle connaissait bien ce cri, cette chose qui se déchirait intérieurement. Adela avait compris bien trop tard qu’il l’avait aimé. Violemment, avec la démence des voleurs d’enfance. Il l’avait aimé, la tête posé contre sa poitrine à peine formée, écoutant ce battant-monstre. Il l’avait aimé, agrippant sa nuque perlée, respirant l’odeur de sa sueur, du parfum musqué volé à un de ses admirateurs.

Tout se distançait par la suite. Les flots, l’écume, les murmures.
Elle se souvenait seulement de ce jours de Yule. Face à la cheminée, remarquant le léger rictus de Tobby illuminé par le feu. De père haussant le ton et attrapant l'elfe par le col de son haillon. Du vide bousillant ses pensées et du clin d'oeil de Tobby en sa direction.
Remember, that there is something in this world that even the world itself cannot destroy...et tout ça lui semblait faux à présent quand devant elle, le corps d'un bambin livide jonchait le sol de Londres purgé.


ma peau n'est plus si jeune, elle connait les adieux. - Pomme, La lavande

Les oiseaux chantaient. C'était le soleil qui se renversait sur leur corps avachis. De la petite table de jardin blanche émanait l'odeur douce d'un thé préparé avec soin. L'été était venu, tapant à leurs portes, les dérobant aux sofas émeraudes et aux crimes hivernaux.
Il y avait du miel dans leur bouche, ces joues gorgées de plaisir lorsque l'astre doré châtoyait dans le ciel comme un gallion au fond d'une fontaine...une promesse d'espoir, une pièce de malice. Assis de l'autre côté, Alaric lisait sous une ombrelle, la brise jouant avec quelques mèches de ses cheveux. Un bouquin sur l'archéologie, sa passion intime qu'elle partageait timidement avec lui, lui ouvrant une porte exquise vers des voyages antiques. De le voir ainsi, concentré sur son ouvrage, Adela avait l'impression qu'il lui appartenait, pleinement. De manière candide, simplement, comme lorsqu'elle voyait ses enfants dessiner devant elle dans un silence apaisant. C'était un sentiment qui venait des entrailles, des viscères, ça remontait comme des bulles de champagnes et explosait tendrement...papillonait. Caresse interne, un rictus ornait ses lèvres charnues. Au bout du jardin pouvait-on déceler deux corps enfantins jouant avec des étincelles et des bouts de bois, hurlant comme des mésanges au soir. L'herbe contre les pans de sa robe était si verte, si flamboyante qu'il semblait que toutes les richesses du monde s'écoulaient contre ses pieds. La sueur imbibant le coton de ses vêtements, elle décida de retirer ses bottines, touchant du bout de ses orteils la mer de jade. C'était délicat et à chaque pression, elle semblait pouvoir s'engouffrer.  
Un petit doigt rondelet et un gazouillement firent signe vers ses pieds dénudés.
"Yes, madam is naughty, you are right." elle attrapa le bambin dans ses bras et le déposa sur ses genoux, faisant rebondir ses boucles d'or.
"Lady Black, I am so sorry, I thought I had him under surveillance but the kitchen is full and..."
Le fils de la servante moldue qu'elle avait vu naître était connu dans la maisonnée pour arpenter sans gêne les lieux, tel un petit maitre imposant ses lois. Le visage rond et rose, semblable à une fraise, fixait les tasses de porcelaine tentant d'en attraper une avec toutes ses forces rassemblées. Il avait dans un air frauduleux, des allures d'Antarès lui-même à cet âge innocent qui manquait à Adela.
"Oh Rose, do not worry about the little sir. He may do as he please, it is lovely to have him running around."
Adela avait cet instinct naturel. Ce quelque-chose qui la poussait à avaler dans ses bras tout être qu'elle pouvait materner. Ce besoin envahissant de tenir à quelqu'un, d'appartenir de manière ingénue, avec cette passion apaisée, à un être en devenir.
"In fact, he reminds me of my little ones when they were about his age. Don't you think so Alaric?"
Elle tourna ses yeux vers son mari, le sourire enchantant ses traits. Alaric s'ajusta nerveusement dans sa chaise avec un raclement de gorge ne relevant qu'à peine son regard. Et c'était si soudain, qu'elle en eu la nausée. Cette réalisation qui s'abattit sur elle...cette atmosphère pesante qui l'oppressait des deux côtés. Elle regarda rapidement le faciès de l'enfant, furtivement...et la honte l'accabla. Comment avait-elle pu être si aveugle ? Le redonnant à sa mère, elle se leva brusquement, le soleil écrasant son crâne.
"This is mine." arrachant le livre des mains de son mari, elle se dirigea vers la maison, la poitrine compressée, le souffle coupé et le ventre noué.

"Servants!"
les larmes remontaient...floutant sa vision. Le corset resserrait son emprise autour de sa taille, alors que ses ongles s'afferaient à tenter de détacher les lacets.
"Servants!"
son ton transgressait le calme ambiant et les mélodies des oisillons. la pulpe de ses doigts chauffaient, les lacets s'emmêlant à chacun de ses touchers. elle suffoquait. l'envie de vomir empoignant son battant.
jetant le bouquin de côté, c'est la seconde main qui tentait de pousser la cage ou de déboutonner sa chemise, elle-même ne savait plus.
le visage du gamin lui revenait, par flots...
elles accourèrent enfin, l'air inquiet, les pâles figures. et parmi elles, cette putain engrossée par son mari. son mari.
"Not you!"
elle la poussa, l'écartant de l'écume de tabliers l'emportant dans le manoir...l'océan blanc et noir, l'emmenant à l'horizon, loin de la pelouse verte.

Elle était devenue telle la pluie tardive d’un été épuisé. Violente, maladroite et suffocante sous sa poitrine marmoréenne. Lourdes, ses larmes se précipitaient brutalement. Elle ne pleurait pas souvent, la dame. Pas devant eux. Pas à la vue du ciel. De tous.
Adela, elle faisait frissonner le langage des tragédies. Parlait le grec ancien et déchiffrait les hiéroglyphes, se vivait dans les romans et apprenait à travers des pages et des dires.
Elle s'y était habituée. Tout le monde s'habitue à tout, c'est plus facile que de cicatriser. Ça ne demande ni force, ni courage. Seulement du temps. Et voilà que de ce dernier, elle en était riche. Chaque minute s’additionnant à sa morosité, creusant son visage, peignant une aurore veinée sous ses yeux abîmés. Il fallait bien emplir ces pièces de musique, aussi brutale et agonisante soit-elle. Il fallait remplir l'espace, faire taire les fantômes d'antan. Ceux qui hantaient encore la broche d'améthyste, les draps défaits, la poussière, sa bague de fiançailles.

Et puis vagues par vagues, lentement l'océan prenait des allures de baignoire.
Elle ne voyait plus que les contours de marbre. Floue, sa vision tanguait. Elle était un bateau jeté à la mer, avalé par la brume...poignardé par une tempête. Sa tempête.
C'était le poison qui battait dans ses veines. C'était l'eau froide qui collait sa robe de chambre à son corps affamé. C'était cette pierre au fond de sa poitrine qui la tirait vers le bas.
C'était cette anesthésie de fin de nuit, cette morosité qui la démangeait parfois. Parfois repensait-elle à sa mère, à ses leçons de piano silencieuses...presque chuchotées comme si elle cachait un vieux secret dans son crâne démonté. Maman...elle aurait voulu l'appeler ainsi, au moins une seule fois. Serrer sa taille, se fondre dans son ventre, recroquevillée ne sentir plus que son coeur à elle battre dans ses tympans.
Adela ne comprenait pas véritablement pourquoi la vie avait endurci ses membres. Pourquoi elle avait convulsé en donnant naissance. Pourquoi l'existence était si longue et lente à s'achever. Adela, elle ne comprenait pas ce désespoir qui chatouillait son nez et faisait remonter ses larmes. Cette impression de se fondre dans les murs et de raser le plafond, tel un pendu.
Parfois elle ne comprenait pas non plus où le temps s'était égaré. Entre les ridules de ses sourires, aux creux qui surgissaient sur son visage, le déformaient, la dégoutaient. Non plus où ses enfants s'étaient perdus...où ce chaos qu'elle avait engendré avait implosé...Ni pourquoi elle savait si bien ruiner les choses. On l'avait laissé quelque-part...quelque-part entre les couloirs de Poudlard, une mousseline tourbillonant autour d'elle et ses éclats de rire provoquant la morosité, la futilité de la société. Elle aurait arraché sa robe de mariage, aurait dansé sous la neige comme sa mère avait vagabondé dans le fond de l'hiver. Elle aurait attrapé les mains de son frère, aurait déposé des millions de baisers, les aurait serré à s'en faire transpercer les poumons. Adela...elle aurait.
Adela avait un surplus de vie. Un surplus d'os, un surplus d'âme dont elle ne savait que faire...tout s'épuisait, tout l'épuisait.
Doucement se laissait-elle tomber. De sa manière nonchalante et presque dérisoire, elle se laissait couler.
Et dans l'eau, elle était finalement dans une illusion de paix. Dans un cocon liquide, dans le ventre fécond du cadavre de sa mère...de son fantôme qui lui revenait les jours de grande mélancolie, lorsque ses cernes se cresaient plus loin dans les joues. Les oreilles s'engorgeant d'eau...les narines expulsant les dernières bulles d'air...elle quittait le poids de son être renversé par les roulements. Le cœur tambourinant par la crainte de se noyer. Non, de se vider de son âme, plutôt, la seule chose qui lui restait encore…la seule chose qu’elle emportait vraiment. Qu’elle leur volait avec ruse et triomphe. Ils pouvaient avoir ses os, ses membres bouffis par l’eau. Ils pouvaient avoir ses vêtements et ses baguettes. Ils pouvaient respirer ses lettres d'amour parfumées et trouver les amants qu'elle avait embrassé. Tout sauf elle.
Peut-être qu'elle y retournerait, si elle toquait fort aux portes...peut-être qu'on l'accepterait encore, sa tornade de verres cassés (disputes ménagères), de cendres de ses cigarettes et de cordons ombilicaux qu'on avait déchiqueté. Peut-être que cette fois-ci, elle avalerait le calme et laisserait le monde lui ruisseler des doigts. Peut-être que le manoir Potter n'était plus condamné et que l'été était encore possible.
Yes, I have loved and laughed. And lived until it hurt.
Venait ensuite, une nouvelle fois le froid de l'hiver.


Ca écrasait la cage thoracique et lui soutirait des larmes, des hurlements. L'air glissant, lames premières, le long de sa gorge, l'impression d'avoir été éjectée, rejetée, de la mer -mère-. Ces bras qui la prenaient, la secouaient, l'étouffaient, lui tordaient le corps et ces doigts qui s'enfonçaient dans sa bouche.
Le goût âpre de la mort.
Et les lueurs de la salle de bain aveuglant ses yeux. Ces hurlements, ces affèrements, ces précipitations...et pourquoi ? Dans tout ce vacarme qui gravitait autour d'elle, Adela se réveillait brusquement avec le sifflement de ses tympans.
Adela...wake up dear, wake up my love. Wake up... c'était étrange, elle n'avait jamais remarqué qu'il sonnait comme la douce violence de son père.
Go fetch some water! Go! Quickly you b*tches! les aboiements d'Alaric résonnaient dans toute la maisonnée.
Pourquoi les insulter de catins ? Pourquoi lorsqu'elle l'avait trompé avec des hommes sortant à peine de leur candeur ? Lorsque les babines des mâles s'humidifiaient à la vue d'une jeune fille de seize ans ? Lorsqu'il avait éjaculé dans une pauvre née-moldue ? Pourquoi lorsque leurs péchés venaient éclabousser la tapisserie familiale ? La tornade ne s'était pas épuisée, non, dans cette turbulence accoustique, son rire (mêlé de toux passagères) à elle hoquetait dans le cou d'Alaric. Un rire tapageur, dévastateur. Enfin, enfin elle entendait, de nouveau, le monde.

"There was something after all. It has always been there."
dit-elle finalement, ses yeux relevés vers les astres électriques.